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Oncologie : Article pp.72-83 du Vol.4 n°2 (2010)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Intérêt et nature de la prise en charge dite psychologique

du patient et son entourage dans le suivi hospitalier des tumeurs du système nerveux. À propos de l ’ expérience d ’ une équipe dédiée

Interest and nature of the psychological care for patients and close relations in a medical dedicated neuro-oncology unit

R. Lanfroy · E. Busch · K. Colmar · A. Bremond · E. Garat · A. Nicole · A.S. Lanoix · P. Beauchesne · L. Taillandier

Reçu le 22 février 2010 ; accepté le 2 avril 2010

© Springer-Verlag France 2010

Résumé La neuro-oncologie repose principalement sur le suivi des tumeurs du système nerveux (majoritairement malignes). D’importants progrès ont été récemment consta- tés. Demeurent, malgré tout, des situations difficiles caracté- risées par la majoration progressive de déficits fonctionnels à l’origine d’une dépendance et de l’engagement du pronostic vital. L’impact psychologique est majeur pour le patient, son entourage et les soignants. Nous décrivons l’adaptation de l’équipe à cette situation et la prise en charge pragmatique proposée aux différentes phases de la maladie.

Mots clésTumeurs cérébrales · Gliomes · Métastases cérébrales · Psychologie · Patients · Entourage

Abstract The main interest of Neuro-Oncology is central nervous system tumors (mostly malignant). Significant

improvements have recently been observed, however, difficult situations with gradual increase of potentially life-threatening functional deficits causing dependence still remain. The psychological impact is significant for the patient, his entourage and the caregivers. We describe the teams’ adaptation to this situation and the pragmatic care offered at the different phases of the disease.

Keywords Brain tumor · Glioma · Brain metastasis · Psychology · Patient · Proxy

Généralités et situation de la neuro-oncologie La neuro-oncologie est une spécialité dite d’organe. Elle repose sur la prise en charge [1] diagnostique et théra- peutique des tumeurs primitives ou secondaires du système nerveux et de ses enveloppes [2], des complications neurologiques des malades suivis pour un cancer et [3] des pathologies neuro-oncogénétiques (neurofibromatose de type 1, maladie de Von Hippel Lindau…) prédisposant à la survenue de tumeurs du système nerveux.

Son quotidien est surtout centré sur les tumeurs primitives et principalement sur les gliomes dont la grande majorité sont malins.

Ces dernières années ont vu émerger nombre de progrès :

amélioration des techniques d’imagerie permettant le plus souvent, notamment lors des examens initiaux, une orien- tation diagnostique mais aussi une meilleure appréhension de l’agressivité potentielle de la tumeur et de son retentis- sement fonctionnel ;

développements techniques et conceptuels en neuro- chirurgie (stimulations corticales et sous corticales pero- pératoires et chirurgie éveillée) à même d’améliorer la qualité du geste en minimisant le risque de complications ;

qualité croissante de la prise en charge neuroanesthésique ;

R. Lanfroy

Unité mobile de soins palliatifs, CHU, hôpital Saint-Julien, 1, rue Foller, CO 60034, F-54035 Nancy cedex, France E. Busch

LORSEP, 19, rue de la République, F-54510 Tomblaine, France

K. Colmar · E. Garat · A. Nicole · A.S. Lanoix · P. Beauchesne · L. Taillandier (*)

Unité de neuro-oncologie, service de neurologie, CHU, hôpital central,

29, avenue du Maréchal de-Lattre-de-Tassigny, F-54035 Nancy cedex, France

e-mail : l.taillandier@chu-nancy.fr A. Bremond

Centre de rééducation fonctionnelle, avenue du Docteur Marce-Armanet, BP 10121, F-83418 Hyères cedex, France DOI 10.1007/s11839-010-0257-3

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progrès en matière de radiothérapie autorisant un

« ciblage » de plus en plus précis de la tumeur et une

« épargne » des structures adjacentes notamment fonctionnelles avec comme corollaire une augmentation constante du rapport bénéfice/risque ;

avènement de traitements médicaux efficaces et relative- ment bien tolérés à la phase initiale des gliomes malins (témozolomide concomitant à la radiothérapie pour les glioblastomes au diagnostic) ou au moment de leur récidive (bevacizumab) mais aussi pour les gliomes diffus de grade II OMS/A Daumas Duport ;

développement des traitements symptomatiques, notam- ment antiépileptiques, beaucoup mieux tolérés qu’antérieurement.

La prise en charge des patients s’est ainsi progressive- ment modifiée [17].

Nous pouvons dorénavant, et dans un nombre non négli- geable de cas, envisager une véritable « lune de miel » de plusieurs mois ou années [3] où patients et entourage peuvent envisager vivre « normalement » sous couvert de traitements et re-traitements dont la tolérance est sans commune mesure avec ce à quoi nous avons été confrontés lors de la précédente décennie.

Il n’en demeure pas moins des situations difficiles soit d’emblée, soit après une phase initiale de contrôle de la maladie. Ces situations sont caractérisées par la majoration progressive de déficits fonctionnels physiques et cognitifs, à l’origine d’une dépendance crescendo et de l’engagement du pronostic vital [10].

Compte tenu de ces profils, la prise en charge thérapeu- tique de ce type de tumeur ne peut s’inscrire radicalement dans les cadres habituels « curatifs » ou « palliatifs » mais essentiellement dans un registre qualifié de « soins continus » qui implique un engagement constant de chacun des acteurs auprès du patient et de son entourage, et ce, à chaque instant de la maladie.

Cette prise en charge apparaît ainsi spécifique. Au quoti- dien, elle doit faire face à bon nombre de difficultés et relève nécessairement d’une formation–spécialisation puis d’une implication « réelle » et solidaire de tous les « acteurs » de la « filière » : seule possibilité permettant une prise en charge adaptée pour le patient et son entourage, et pour les acteurs, une envie d’être, de faire et de progresser.

Il nous a été demandé de préciser l’intérêt et la nature du suivi psychologique du patient et son entourage dans la prise en charge hospitalière des tumeurs du système nerveux au sein d’une unité dédiée de neuro-oncologie.

Nous présenterons notre point de vue essentiellement pragmatique (avec une conception très large «du psycho- logique») et en séparant la phase diagnostique du reste de l’évolution. Nous illustrerons notre propos en intégrant les exposés complémentaires de chacun.

Phase diagnostique

Dispositif d’annonce

et le rôle fondamental de l’infirmière

Le dispositif d’annonce diagnostique correspond à la mesure 40 du Plan cancer 2003–2007 et répond à la demande for- mulée par les patients lors des premiers états généraux des malades organisés par la Ligue nationale contre le cancer.

Ce dispositif a été expérimenté dans 58 établissements de santé (dont le CHU de Nancy) pendant deux ans, puis péren- nisé en 2006 (http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/cancer/

index2.htm).

Au sein de l’unité de neuro-oncologie, plusieurs infirmiè- res sont investies dans cette démarche depuis 2004. Nous avons fixé des prérequis pour intégrer ce dispositif, à savoir une expérience professionnelle au sein du service de soins (afin de connaître les différentes pathologies et leurs problématiques), le suivi de plusieurs formations dont une proposée par le CHU de Nancy («L’annonce dans tous ses états») et le volontariat. Les infirmières qui participent à ce dispositif continuent leur activité au sein du service selon le déroulement du planning mensuel.

Plusieurs journées par semaine, l’une d’entre elles est complètement détachée du service de soins pour se consa- crer à l’annonce. Ce temps dédié lui permet de se rendre pleinement disponible pour accompagner et soutenir patients et entourage lors de cette étape difficile. Au sein de l’unité de neuro-oncologie (secteur dédié du service de neurologie), un bureau (comportant une ligne téléphonique) est mis à dispo- sition de façon permanente. Il existe, de ce fait, un endroit où il est possible de s’entretenir après la consultation ou à distance de celle-ci physiquement ou par téléphone.

Il est à noter que la disponibilité de l’infirmière dépasse le cadre somme toute rigide de « la consultation d’annonce » et s’étend aux diverses consultations précédant ou suivant cette visite, ainsi qu’aux différentes étapes d’hospitalisation entourant le diagnostic, dans le cadre d’une collaboration étroite avec les collègues de l’unité et les différents acteurs de soins. Le travail infirmier commence donc en amont de ladite « consultation d’annonce » qui demeure néanmoins une étape essentielle.

La veille de cette dernière, (toujours programmée), par principe, l’infirmière s’assure d’une bonne appréhension du contexte grâce au dossier ainsi que de la validation des résul- tats anatomopathologiques.

Le jour du rendez-vous, l’infirmière assiste systéma- tiquement à la visite et accueille le patient et son entourage dans les locaux de consultation. Le plus souvent, le patient et elle se connaissent, en raison de son implication concomi- tante au sein de l’unité lors du bilan diagnostique ou du temps chirurgical, que celui-ci soit biopsique (patient restant

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à cette étape hospitalisé au sein de l’unité de neuro- oncologie) ou qu’il repose sur une exérèse (le patient reve- nant, si son état le permet, aux environs du troisième jour postopératoire pour une reprise du contact et la planification de l’annonce avant sa sortie de l’hôpital).

Les premiers échanges se font de façon interactive. Méde- cin, infirmière, patient et personne de confiance s’expriment à tour de rôle. Le premier sujet le plus souvent abordé concerne la période passée à domicile et la manière dont l’attente des résultats a été vécue. Ces échanges permettent le plus souvent de percevoir le degré d’anxiété et l’état d’esprit des personnes présentes. Ils permettent aussi d’appréhender partiellement ce qui a été intégré par le patient et son entourage lors du bilan diagnostique. En effet, au moment des premières hospitalisations qui correspondent à la découverte de la maladie, le patient (ainsi que son entou- rage) est progressivement et objectivement informé des différents résultats (visualisation et description des images, commentaires sur les différents examens complémentaires systémiques, explications du geste chirurgical…). Les patients ont ainsi systématiquement été informés non seule- ment de la présence d’une tumeur mais aussi de la probabi- lité de sa malignité lorsque tel est le cas (et avant donc l’obtention des résultats définitifs). Ces informations médi- cales sont très importantes, car elles permettent aux patients de se préparer progressivement à recevoir une « très mauvaise nouvelle ».

Puis, arrive le moment difficile du « résultat », levant définitivement le doute quant à la présence d’une possible maladie « anodine ». Après une reprise succincte de l’histoire de la maladie permettant de réintégrer les résultats dans leur contexte, le moment du diagnostic cru arrive :

« oui, il s’agit bien d’une tumeur, oui cette tumeur est bien une tumeur primitive du cerveau, oui, comme nous pouvions le redouter sur les images initiales et comme nous en avions parlé, cette tumeur correspond à une tumeur maligne, à un cancer du cerveau ».

Pendant cette période, l’infirmière observe les réactions du patient et de son entourage.

Après ces paroles, un temps est laissé disponible pour des questions ou, plus souvent encore, pour l’expression d’émotions parfois intenses…

Les explications relatives aux traitements, à ses modalités pratiques et à sa tolérance (données techniques relatives à la radiothérapie et à la chimiothérapie, informations sur les effets secondaires à court, moyen ou long termes, program- mations des contrôles biologiques, radiologiques ou cliniques) viennent ensuite, si tant est que le patient soit capable de les entendre.

Le rôle infirmier à ce moment est essentiel avec, le plus souvent, une reformulation des différentes explications et une écoute attentive. Une plaquette contenant les principales informations utiles pour le patient et l’ensemble des

coordonnées de l’unité est remise à ce dernier. Il est essentiel de lui confirmer que l’équipe restera toujours disponible et pourra reprendre toutes les explications concernant la mala- die et les traitements. C’est ainsi que l’infirmière propose systématiquement au moins un contact soit téléphonique, soit physique dans les jours qui suivent.

Enfin, le patient et son entourage seront accompagnés par l’infirmière à la sortie de la consultation. C’est très souvent à ce moment, non anodin, qu’émergent des questions ou des demandes de précisions apparemment « mineures et de dernière minute » mais en fait essentielles et bien souvent d’ordre existentiel [16].

Une fiche de renseignements concernant le contenu de la consultation sera complétée par la suite. De même, un cour- rier sera adressé au médecin traitant dans le but d’initier puis de faciliter les liens ville–hôpital, essentiels mais si souvent trop compliqués !

Le rôle de l’infirmière auprès des patients hospitalisés au moment de l’annonce (ce qui est le cas lorsqu’une déficience ou une complication postopératoire ne permettent pas le retour à domicile) est le même que celui décrit précédem- ment. Le travail se fait alors en collaboration étroite avec les acteurs du service de soins. Dans ce cas, l’équipe a au préalable sollicité de façon systématique le patient en lui demandant de contacter une personne de son choix qui vien- dra assister à l’annonce des résultats.

L’entretien infirmier n’a pas alors forcément lieu juste après l’annonce de la maladie. Le patient restant hospitalisé, il reverra en effet et systématiquement les différents mem- bres de l’équipe. Les transmissions sont néanmoins faites oralement ainsi que par écrit dans le dossier du patient.

Projet de recherche lié à l’annonce

Ce projet est né des nombreux « questionnements » des acteurs impliqués dans l’annonce du diagnostic de tumeur cérébrale maligne.

Les difficultés rencontrées dans notre quotidien et régulièrement discutées au sein de l’équipe nous ont ainsi progressivement amenés à souhaiter analyser plus avant nos pratiques.

Après de nombreux débats informels entre soignants inté- ressés, des réunions de travail formelles ont été mises en place au sein de l’unité et, dans cette continuité, est né un projet, travail interdisciplinaire impliquant médecins, psychologues, cadres de santé et infirmières.

Nous souhaitons ainsi analyser de manière qualitative la pratique actuelle concernant l’annonce du diagnostic de glio- mes malins et plus particulièrement, la perception de cette annonce, tant sur le plan cognitif (appréhension des données relatives à la tumeur, à son traitement et à l’évolution atten- due) qu’émotionnel–psychologique (« ressenti » autour de toutes les étapes constitutives de l’annonce), auprès du

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patient mais aussi de son entourage, afin, secondairement, d’adapter au mieux le « processus » au sein de notre unité de neuro-oncologie et éventuellement le suivi ultérieur du patient.

Deux médecins et quatre infirmières participent actuelle- ment, au sein de notre unité, au dispositif d’annonce. Un psychologue clinicien est disponible (il intervient régulière- ment au sein du service pour les patients hospitalisés et se trouve ainsi pleinement intégré au fonctionnement de l’équipe).

Chaque année, en moyenne, 70 nouveaux patients atteints de gliome malin sont pris en charge.

Nous souhaitons, dans le cadre du travail formel et sur une population représentative de 20 patients, procéder comme habituellement pour l’étape s’étalant du diagnostic de tumeur à celui de nature.

Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, la prise en charge débute classiquement après la découverte d’une lésion cérébrale par une consultation et/ou hospitalisation en milieu spécialisé neuro-oncologique où les hypothèses sont formulées au patient et où le bilan préchirurgical est organisé.

C’est lors de cette étape que notre recherche est présentée au patient. Nous lui expliquons le plus simplement possible que nous annonçons depuis de nombreuses années des diag- nostics de tumeurs du système nerveux sans jamais avoir formellement pris le temps de revenir sur ce moment impor- tant avec les patients et leur entourage. Dans ce cadre, nous avons donc organisé un « circuit » formel débutant par la consultation proprement dite qui sera (si le patient donne son accord) enregistrée et suivie d’une consultation postan- nonce, pour lui-même et son entourage (désigné commeper- sonne de confiance), alternativement avec un psychologue et une infirmière, consultations qui seront, elles aussi, enregis- trées à l’aide d’un discret magnétophone numérique.

Une note d’information est alors remise au patient et à la personne de confiance (reprenant l’ensemble des points ci-dessus détaillés), ainsi qu’une fiche de consentement libre et éclairé, à faire signer.

Une durée de huit à dix jours est nécessaire, après le temps chirurgical proprement dit, pour obtenir les résultats anatomopathologiques.

C’est ensuite que le patient et la personne de confiance sont reçus en consultation d’annonce par le médecin neuro- oncologue référent et une infirmière—dite d’annonce— afin de prendre connaissance du diagnostic, en l’occurrence celui de gliome malin et de la stratégie thérapeutique proposée.

Afin de respecter un temps d’« intégration psychique » des informations reçues lors de la consultation d’annonce, nous avons choisi d’organiser, si bien évidemment le patient et son entourage ont donné leur consentement, la seconde

consultation, dite de postannonce, environ huit jours plus tard.

Lors de cette seconde consultation, l’infirmière évalue séparément la perception des informations concernant la maladie (nature de la tumeur—traitements proposés—ris- ques évolutifs) auprès du patient et de la personne de confiance et reformule au besoin ces dernières. Le patient et la personne de confiance sont, de même, interrogés sur la qualité perçue de l’entretien et sur les éléments qui devraient être, selon eux, conservés ou modifiés. Les infor- mations sont recueillies à travers un entretien semi directif, afin d’aborder à la fois les différents thèmes de manière sys- tématique tout en laissant une ouverture dans le discours.

Le psychologue clinicien, lors d’un entretien non directif mené également de manière séparée avec le patient puis la personne de confiance, évalue la perception dudit entretien, mais sous un angle davantage « psychodynamique » et inter- roge de même le patient et la personne de confiance sur les aspects devant être conservés ou modifiés. Lors de cet entre- tien, les sujets restent libres d’aborder sans condition tous les thèmes qu’ils souhaitent.

L’ensemble des entretiens enregistrés (infirmière + psycho- logue) est retranscrit et analysé grâce à un logiciel dédié.

Les résultats permettront, nous l’espérons, de nous poser d’autres questions et de poursuivre nos réflexions au sein de l’équipe. Nous tenterons de même d’adapter notre démarche (non encore formellement évaluée depuis la mise enœuvre dans le service du dispositif d’annonce) et de mettre en place, si cela est nécessaire, d’autres projets de recherche.

Avant même la fin du travail, nous avons déjà la certitude que cette seconde consultation infirmière est utile, compte tenu d’une part de la spontanéité avec laquelle patient et entourage ont accepté de participer à ce travail et d’autre part du contenu de l’analyse des premiers entretiens déjà réalisés.

Pour les patients et leurs proches, ce temps d’écoute per- sonnalisé est un « plus » dans la prise en charge diagnostique des gliomes. Chacun a pu et peut s’exprimer librement, faire part de son angoisse, de ses doutes, de sa colère ou de son appréhension. Ce temps de reformulation est aussi mis à pro- fit pour recevoir un complément d’informations sur le dérou- lement des futurs traitements ou sur la maladie.

Mener une telle recherche est une grande richesse en rai- son notamment des échanges suscités au sein de l’équipe.

À la suite de chaque entretien, nous nous exprimons sur ce que nous avons perçu et ressenti, avec les soignants : aides- soignantes, psychologue, médecins, infirmières. Prendre ce temps d’analyse permet aussi d’acquérir de la maturité, de se remettre en question et d’apprendre en permanence au contact de l’autre. Il nous permet aussi de mieux appré- hender nos lacunes en matière de prise en charge psychoso- ciale au sens large [4].

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Point de vue des psychologues Vision générale

Lorsqu’une maladie survient chez un individu qui était jus- qu’alors « sain», cette effraction constitue simultanément pour l’individu qui en est atteint et pour son entourage, un véritable cataclysme en venant créer une brisure nette dans un espace-temps parfois prédéfini mais surtout le plus sou- vent idéalisé. Néanmoins, ce qui vient réellement placer cet individu dans un statut forcé d’être malade—voire parfois malheureusement d’objet de soin—au-delà des symptômes perçus, ressentis, éprouvés mais potentiellement déniés, est bien cet acte de langage formulé par un professionnel de santé venant asséner une vérité cruelle, redoutée et le plus souvent inattendue [13].

Car dès lors, malgré un possible déni défensif mis en œuvre par un psychisme ébranlé par une telle annonce, l’individu malade ne peut plus reculer tant cette masse d’information va faire vaciller un équilibre et faire irruption dans un groupe social, touchant finalement bien plus de monde que l’individu seul porteur de la maladie.

L’annonce faite officiellement vient légitimer un nouveau statut, celui d’être malade, à un individu et par là même signer son entrée dans un parcours inconnu et effrayant.

Cette annonce aussi terrible à entendre—et à formuler— soit-elle, reste nécessaire et prend une place fondamentale dans le parcours de soin du patient. Il est ainsi démontré que les premières minutes de la consultation vont être déter- minantes dans la manière dont l’individu va gérer la situation et se comporter vis-à-vis notamment des traitements par la suite.

Il convient de préciser que, dans ce contexte particulier, la maladie dévoilée, annoncée, revêt un caractère létal et va alors amener le patient à adopter une configuration parti- culière, inouïe, puisque dès lors, le temps lui sera compté, l’annonce faite le ramenant à son statut d’être mortel.

Cette dimension mortifère a en effet un impact considé- rable sur la façon de vivre — ou survivre — avec cette atteinte cérébrale, dans un processus de projection court- circuité par le rappel à l’ordre d’une mort annoncée, aucune autre issue ne pouvant être envisagée dans le réel.

Cette capacité exigée d’incorporation d’un savoir extrêmement confus, en l’occurrence le discours médical, se complexifie, et parfois même est rendue impossible, par l’intensité variable et variée des troubles cognitifs associés à la pathologie cérébrale, la topographie lésionnelle étant liée à de multiples dysfonctionnements intellectuels, comporte- mentaux et affectifs.

L’entourage se retrouve alors souvent dans une place de

« substitut malade » en devant à la fois assumer une infor- mation dramatique et assurer un lien entre le soignant, le patient et cette information qui ne lui appartient pas vraiment

mais qu’il devra pourtant faire sienne puisqu’elle le concerne directement au plus profond de lui-même à un niveau symbolique et affectif [5–8].

Annoncer une maladie grave reste et restera toujours un acte de langage difficile à réaliser, potentiellement trauma- tique, ce en dépit de la manière dont il va être mené.

Un des apports majeurs du dispositif d’annonce aura été de définir un cadre à cet acte, sans chercher à le «protocoli- ser», mais en signifiant clairement et simplement la néces- sité que cette annonce soit assurée par un médecin dans des conditions réfléchies.

Par ailleurs, l’infirmier(e) a, dans ce dispositif, un rôle majeur, et ce rôle devrait même être amplifié avec l’applica- tion progressive du nouveau Plan cancer.

Se pose alors la question de la place du psychologue dans ce temps de l’annonce. Doit-il être présent dans ces consul- tations ? Doit-il s’impliquer activement ou rester « simple » observateur de ce qui se dit verbalement ou non verbalement entre les protagonistes de l’échange dans ce temps si parti- culier ? Doit-il, au contraire, être « exclu » totalement de ce processus langagier ou alors doit-il être cité, présenté comme étant membre d’une équipe «transprofessionnelle», suscep- tible d’être rencontré sur le parcours de la maladie ?

Nous pourrions penser que ce professionnel de la parole, de l’écoute et de l’observation a toute sa place dans ce temps précis, mais il nous apparaît pourtant que sa présence soit peu souhaitable.

Ce patient—cette famille—qui vient recevoir une infor- mation bouleversante, outre le coup terrible reçu, veut et demande en premier lieu une écoute et une disponibilité par rapport à des interrogations très objectives autour de cette maladie accueillie malgré lui et surtout non encore

« élaborable » au niveau vécu puisqu’à peine projeté et fantasmé.

Le risque serait alors justement de fixer le psychologue dans ce temps traumatique de l’annonce, entravant alors la possibilité pour lui d’aborder le patient plus tard, lorsque celui-ci aura pu cheminer, s’approprier davantage la maladie et réussir ainsi à faire un travail d’élaboration psychique de ce vécu.

En revanche, si la présence du psychologue lors de cette consultation d’annonce ne semble pas judicieuse, son inter- vention auprès du médecin et/ou de l’infirmier(e) dans un temps proche peut permettre à ces derniers d’exprimer leur ressenti, leurs difficultés, voire leur appréhension, notam- ment lorsque l’impression d’être persécuteur devient trop intense.

Enfin, si le psychologue n’a pas nécessairement sa place, il peut néanmoins être cité en tant que membre d’une équipe, disponible si besoin pour le patient et ses proches par la suite.

Enfin, dans un souci de collégialité et en respectant le sacro-saint « secret partagé », les échanges bilatéraux entre

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le soignant—médecin et/ infirmier(e)—et le psychologue ne peuvent qu’enrichir la prise en soin du patient et de son entourage, à travers le partage continu d’éléments permettant son amélioration, éléments obtenus au cours de la consulta- tion réalisée par le médecin et l’infirmier(e) et « analysée » par le psychologue, en fonction des aspects « transféro- contre-transférentiels » développés tout au long de l’entretien.

Aspects émotionnels

Si, dans la consultation d’annonce, les émotions des patients sont anticipées et prises en compte, qu’en est-il des émotions des soignants ?

Quand, dans une situation sociale, qui implique émotion- nellement d’autres personnes que soi, nous avons un ressenti affectif, ces émotions sont qualifiées de « morales ». Être affecté par les sentiments d’autrui peut reposer sur des pro- cessus psychologiques différents regroupés sous le terme d’empathie. On parle notamment « d’empathie de détresse » dans les situations de souffrance. L’empathie est une fonc- tion psychique à double processus. Un processus affectif, primaire, inné et un processus cognitif, secondaire qui se développe en fonction de la maturation de la personne.

Dans la consultation d’annonce, les émotions morales res- senties par le soignant sont celles que la détresse du patient va faire surgir. Un certain niveau d’anxiété lié à la situation (on parle d’anxiété « état » pour la différencier de l’anxiété

« trait » liée à la personnalité) va préparer le soignant à agir pour « aider » le patient (par sentiment de compassion, respect…). L’orientation que prend ensuite cette aide, plus ou moins bonne, plus ou moins adaptée, peut dépendre aussi des émotions propres au soignant. Celles-ci ne sont plus « centrées » sur le patient mais bien plus sur le soignant lui-même (son histoire, la réactivation de traumatismes personnels à l’audition des paroles du patient…).

Ces émotions là, projetées éventuellement sur le patient, ne sont pas celles qui nous intéressent et nous aident dans la prise en charge du patient. Néanmoins, si ces émotions ont un niveau d’intensité trop élevé ou une composante anxiogène telle, qu’elles empêchent le soignant d’avoir des comportements adaptés à ces situations difficiles, un travail d’accompagnement et d’élaboration de ces émotions semble justifié.

Ainsi, si l’empathie affective permet de ressentir les émo- tions d’autrui, l’empathie cognitive dégage le soignant d’un trop-plein d’émotion en imaginant, en pensant ou en ressen- tant ce que ressent le patient sans pour autant le penser ou le ressentir lui-même.

Un retour auprès de l’équipe sur les émotions ressenties par nous-mêmes dans le cadre d’une annonce nous semble essentiel et va finalement nous permettre de prendre en compte l’ensemble des émotions d’un patient. Parce qu’il

se fait en équipe, ce « travail » permet de les dénombrer sans en oublier, d’en évaluer l’intensité et au final de les décrypter.

En prenant en compte les émotions ressenties par les soi- gnants dans la situation traumatique de l’annonce, ce sont en réalité les émotions du patient que nous comprenons et la prise en charge émotionnelle de ce dernier que nous initions.

Point de vue du médecin

Le Plan cancer a eu le mérite de mettre en exergue un moment capital de la maladie cancéreuse : celui de

« l’annonce ».

Nous savons tous dans quelles conditions difficiles, pour le patient et son entourage (pour des raisons diverses) ainsi que pour le soignant, cette annonce s’est faite et se fait encore de nos jours.

La concevoir comme le seul moment unique ou essentiel dans la prise en charge n’a évidemment aucun sens.

Cette annonce s’inscrit (ou devrait en effet toujours s’inscrire) dans une linéarité temporelle passant des premiers symptômes (céphalées, déficit neurologique, crise épilep- tique…) à la première consultation médicale puis aux pre- miers examens complémentaires (scanographie X ou IRM), à la première consultation ou hospitalisation spécialisée, au bilan général si nécessaire, au temps neurochirurgical puis enfin à l’annonce proprement dite des résultats anatomo- pathologiques, de la stratégie thérapeutique et de la difficile question du pronostic.

Elle doit demeurer sous-tendue par une profonde honnê- teté de la relation triangulaire patient–entourage–soignants reposant sur un discours de vérité inscrit dans la temporalité ci-dessus décrite et exprimé avec tact dans une constante interactivité cognitive et émotionnelle ne pouvant être appré- hendée que par l’expérience et la formation entrevue non pas dans ses aspects formels (on ne peut apprendre à « annoncer » comme on apprend les règles de maniements des stéroïdes ou des antiépileptiques) mais plus avant dans le cadre d’interactions transdisciplinaires constantes et d’une ouver- ture d’esprit essentielle aux sciences dites humaines.

C’est ainsi qu’après une période d’attente le plus souvent vécue comme «longue et terrible», pendant laquelle, sous couvert des informations progressivement obtenues, patient et entourage vont « cheminer », cet acte va transformer symptômes et images en une véritable maladie.

Pour le médecin, le moment est difficile. La « neutralité bienveillante » doit faire place à une véritable empathie augurant un long accompagnement. Cet acte volontiers ima- giné comme impossible devient nécessaire. Les mots trouvés doivent être justes tant ils vont conditionner la suite.

Nous souhaiterions par ailleurs insister à nouveau sur la spécificité neuro-oncologique de cette linéarité. Il ne s’agit pas, notamment en ce qui concerne les gliomes malins,

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d’une annonce « ordinaire » d’une maladie grave dont le patient peut éventuellement guérir mais d’une maladie gra- vissime dont le pronostic vital est constamment engagé.

Cette spécificité rend encore plus nécessaire la cohésion de tous dans une démarche humaine qui relèverait sans doute de moyens spécifiques non clairement attribués de manière homogène à ce jour.

Ce continuum, encadré par des acteurs de soins (nous nous permettons d’insister) spécialisés dans la thématique, tous à même de faire face aux multiples questions qui ne manquent pas de se poser (médicales, socioprofessionnelles et existentielles) et devant ainsi nécessairement se concerter, est pour nous le seul garant d’une prise en charge pertinente et efficace.

Notre unité ne possède pas (malgré nos demandes succes- sives) de temps dédié de psychologue et cette carence ne remet pas en cause, à notre avis, le fondement de notre engagement. Une collaboration, avant tout informelle, s’est construite avec le psychologue de l’équipe mobile de soins palliatifs de notre établissement (cf précédent chapitre), psychologue dont l’intégration s’est faite avec naturel et simplicité. Son implication ne concerne, dans les faits, qu’un nombre limité de patients ou de membres de l’entourage à leur demande, ou après notre suggestion (souvent récusée).

Nos échanges quotidiens même s’ils sont souvent limités temporellement et informels sont réciproquement importants pour ne pas dire essentiels à la prise de recul sur un quotidien souvent lourd. Il serait pour tous inconcevable d’imaginer un fonctionnement désincarné, dissocié du quotidien, sans estime réciproque, voire « désaffectisé ». Il en est de la notion même d’équipe.

La libération d’un temps infirmier et psychologique au moment de la période de l’annonce ne doit néanmoins, à nos yeux, en aucun cas servir d’alibi à un quelconque désen- gagement humain des différents acteurs de santé.

Elle est un plus dans la prise en charge mais pas une fin en soi ou un aboutissement quand on connaît le nombre d’au- tres événements essentiels dans cette maladie (récidives suc- cessives, dépendance, aménagement du domicile ou institutionnalisation…).

Nous militons sinon et depuis toujours (malheureusement sans succès à ce jour) pour le développement de postes spécifiques d’infirmier(e)s spécialisé(e)s, expérimentés dans de trop rares services français. Cette fonction relative- ment nouvelle, inspirée des modèles desnurses-practitioners d’Amérique du nord (États-Unis et Canada) et desspecialized clinical nursesdu Royaume-Uni ou d’autres pays européens, permettrait sans aucun doute une amélioration de la continuité des soins, une meilleure prise en charge familiale et sociale de par sa place au centre du dispositif interdisciplinaire. En plus d’être un interlocuteur privilégié pour le patient et sa famille, l’infirmière assurerait une fonction de coordination entre les différents acteurs hospitalier et extrahospitalier ne pouvant

que concourir à une amélioration de la qualité des soins et par-delà, nous l’espérons, de la qualité de vie des patients et de leur entourage.

Continuité des soins

ou la notion de soins continus

Évolution de la maladie et « prise en soins »

Ces dernières années, les progrès ont été nombreux en neuro-oncologie : amélioration de l’imagerie, développe- ment des techniques en chirurgie, en radiothérapie (mise en place de nouvelles chimiothérapies, développement des traitements symptomatiques [17]).

La prise en charge des patients s’en est trouvée petit à petit modifiée [14,19].

Il n’est pas rare, à l’heure actuelle, d’envisager si ce n’est une guérison du moins une survie de plusieurs mois, voire des années [6], période pendant laquelle patients et entour- ages peuvent vivre sous couvert de traitements dont la tolérance s’est accrue.

Cette période des soins implique, en sus des impératifs oncologiques, la nécessaire prise en charge des symptômes liés à la maladie et aux traitements au même plan que celle de la maladie tumorale dans un état d’esprit où la « qualité de vie » ne peut aucunement être dissociée de la survie [2, 18].

Dans le cas d’un traitement par chirurgie, les patients sont pris en charge pendant le temps opératoire soit trois à quatre jours, au sein du secteur voisin de neurochirurgie. Ils revien- nent rapidement dans l’unité où l’annonce du diagnostic sera programmée, voire réalisée (cf ci-dessus) et où le traitement sera instauré.

Si le patient doit bénéficier d’un traitement par radiothé- rapie (ce qui est le cas pour la quasi-totalité des gliomes malins) dont la durée est habituellement de six semaines, il est orienté vers le centre le plus proche de son domicile (sauf impératif technique spécifique) afin d’éviter une rupture avec son milieu familial et social.

L’hôpital de jour permet d’accueillir des patients valides pour lesquels la durée des soins n’excède pas la journée. En règle générale, il s’agit de traitements par chimiothérapie.

Les patients sont suivis la plupart du temps par une même équipe au sein de l’unité de neuro-oncologie intégrée au sein du service de neurologie et dédiée à la thématique. Le patient y a souvent été accueilli lors de sa première hospitalisation (premiers symptômes).

Cette unité de lieu est essentielle. Elle évite un parcours morcelé et permet de construire entre patient, entourage et équipe une relation dite de confiance.

Les séjours dans l’unité lors de bilans d’évaluation sont justifiés par la survenue d’événements intercurrents (aggra- vation du statut neurologique, crise épileptique) ou par la

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mise en place d’une nouvelle chimiothérapie. Une attention constante doit être prodiguée aux paramètres oncologiques devant s’articuler à un traitement médicamenteux sympto- matique optimisé (antiépileptiques, corticoïdes et thérapeu- tiques associées, antalgiques, psychotropes, autres…). Les informations doivent accompagner chaque prescription et être prodiguées au patient et à son entourage. Tout cela ne peut être réalisé, rappelons-le, sans une véritable spécialisa- tion de tous.

Les liens tissés au début du « parcours » du patient sont alors essentiels. Chaque patient est, faut-il le rappeler, un cas particulier et « individuellement » appréhendé par l’équipe.

La prise en charge se fait ainsi de façon plus adaptée (voire rapide) en raison de la connaissance par tous de la situation.

L’objectif clé de l’unité repose ainsi sur la prise en charge globale du patient, du diagnostic jusqu’à la fin de vie [9].

Le souhait de prise en charge continue nécessite la capa- cité de pouvoir suivre les malades en dehors de l’hôpital et de les orienter au mieux lors des différentes étapes de la maladie.

L’organisation pratique du retour à domicile est initiée si possible dès le début de la prise en charge du patient. Il y a malheureusement souvent une contradiction entre l’état du malade et ses besoins [12]. En effet, malgré la nécessité d’un retour à domicile, l’hôpital reste souvent le seul lieu où les soins sont adaptés. Le travail avec les réseaux de soins est de plus en plus fréquent. Il persiste aussi une contradiction entre l’état du malade et l’aide sociale possible (délais de réponse des dossiers, manque de structure). Se rajoutent à toutes ces difficultés, la peur, l’appréhension des familles qui se sentent parfois isolées à domicile. Il est essentiel, pour avoir un retour à domicile adapté, qu’il y ait l’adhésion de tous à ce projet de soins (patient, entourage, médecin traitant, équipe spécialisée).

L’infirmière spécialisée en neuro-oncologie intervient également à ce niveau. En plus d’être un interlocuteur privi- légié du patient et de l’entourage lors de l’annonce, elle peut assurer un rôle de coordination entre les différents acteurs hospitaliers et extrahospitaliers.

Compte tenu de la spécificité, la prise en charge ne peut s’inscrire dans un cadre exclusivement curatif ou palliatif mais essentiellement dans un registre de soins continus.

L’entourage, le proche a un rôle déterminant en neuro- oncologie. Il est désigné « volontaire d’office » comme personne « aidante ». Il est obligatoirement impliqué, qu’il le veuille ou non, de gré ou de force [9,15,16]. En effet, malgré les progrès réalisés ces dernières années, la lourdeur symptomatique des maladies tumorales cérébrales est incon- testable. Après une période initiale de contrôle de la maladie, en quelques semaines, voire quelques jours, le patient va passer de sujet autonome à «objet» de soins en raison des déficits physiques. La dépendance va progressivement se majorer et le pronostic vital être engagé.

À tout cela s’ajoute une altération de l’image corporelle qui se greffe à toutes ces difficultés. Ce corps, compagnon de tous les jours, devient objet de souffrance pour le patient et son entourage. Comment préserver l’estime de soi-même quand vous n’êtes plus « vous-même» et que les rôles au sein de la famille sont inversés pour ne pas dire bouleversés ? La maladie a comme anesthésié, absorbé la personnalité.

L’adulte responsable de ses actes, indépendant et autonome, devient dépendant d’autrui. Préserver la « liberté » du patient, toujours chercher son «consentement éclairé» aux stratégies retenues deviennent alors des enjeux bien difficiles mais essentiels !

Certes, l’entourage est présent et reste un soutien incontes- table, mais justement, quelles responsabilités doivent assumer ces familles avec le risque culpabilisant de faire, lorsque le patient ne peut clairement s’exprimer, le mauvais choix (entre un traitement et un autre, entre la poursuite de la chimiothérapie et une prise en charge purement symptoma- tique…) [5,7].

Les traitements, comme nous l’avons vu, qu’ils soient oncologiques ou symptomatiques (toxicités musculaires, osseuses, métaboliques, neurologiques, digestives, oculaires de la corticothérapie, effets secondaires des nombreux traitements antiépileptiques, anxiolytiques, antidépresseurs ou antalgiques…) relèvent d’une prise en charge nécessaire- ment transdisciplinaire et spécialisée, à même de permettre une analyse pertinente de la situation et la mise en œuvre rapide de mesures adaptées à chaque patient et situation.

Cette transdisciplinarité est basée sur une interaction posi- tive entre les acteurs. Il ne s’agit pas là d’une accumulation de pouvoirs, d’une bataille de corporations ou d’une simple collaboration, mais de réels échanges, un réel partage des connaissances source d’enrichissement et non d’appauvris- sement. La transdisciplinarité n’est pas une valeur en soi, mais une démarche volontaire dont la finalité est avant tout centrée sur le patient et son entourage [9,12].

Au cours de nos carrières, nous sommes souvent confrontés à la mort : mort « douce » du vieillard dans un service de médecine, oserions-nous dire « naturelle », mort « échec », dans un service de réanimation où tout a été mis enœuvre… Travailler dans une unité de neuro-oncologie nous fait vivre, appréhender la mort, la maladie d’une façon différente.

Cela implique une remise en cause de nos pratiques professionnelles, une mise à plat de nos propres valeurs.

Les tumeurs cérébrales malignes primitives représentent un des cancers les plus redoutables de par leur pronostic sombre et du fait de l’envahissement des structures cérébrales entraî- nant rapidement la survenue de déficits à l’origine d’une dépendance précoce.

Compte tenu de ces deux éléments, la prise en charge de ce type de tumeur s’inscrit, le plus souvent, dans un registre non curatif.

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L’objectif principal est donc l’amélioration de la durée et de la qualité de la vie.

Elle implique évidemment un accompagnement dès l’annonce du diagnostic jusqu’à la phase terminale, mais que faire quand dès le départ, dès l’annonce, aucun espoir de guérison n’est possible ?

Annoncer un diagnostic grave nous met mal à l’aise. Cet acte impossible est pourtant nécessaire. Les mots doivent être

« justes ». Nous ne pouvons leurrer les patients et devons accepter et respecter le déni éventuel. Il nous faut arriver à dire sans mentir, dire sans blesser, dire parfois sans dire.

Nous ne pouvons tricher, mentir pour faire le « bien ».

Le temps est compté, nous nous appuyons sur des relations authentiques avec le patient. Nos émotions sont en exergue.

Nous devons changer notre façon de soigner, notre regard sur l’entourage qui est partenaire de soins.

De nombreuses réflexions de soignants nous inviteraient à dire que l’accompagnement se vit d’abord avant de s’ex- pliquer, qu’il n’y a pas de recettes. Accompagner pourrait se définir comme une aide (est-elle « psychologique » ou plus simplement humaine ?) apportée aux malades et à leurs proches. C’est peut-être tout simplement leur apporter notre considération à travers l’échange relationnel et la permanence d’une relation authentique.

Pour le soignant, travailler dans une unité dédiée, c’est accepter de vivre des émotions, de prendre le risque que l’autre nous bouleverse, d’être le témoin des joies et des pei- nes, de mettre à la disposition du patient toutes nos ressour- ces de communication (verbale ou non) pour accéder à une véritable relation. Cela suppose une écoute active et une réelle disponibilité physique et psychique. C’est aussi se battre pour préserver au patient une vie la plus normale possible, le plus longtemps possible, faire face à la lourdeur de certains traitements, à la transformation physique, aux difficultés de communication. C’est aussi être confronté aux rechutes, à la perte progressive d’autonomie et accepter l’incertitude, la souffrance, les remises en cause, les ques- tionnements, les paradoxes, l’«agir éthique».

C’est entendre ce désir de vivre qui supplante la peur, l’angoisse de souffrir et de mourir.

La neuro-oncologie est une spécialité d’une grande richesse. La relation au temps est essentielle. La relation avec le patient et son entourage ne peut être que sincère et authentique. Mais il ne faut pas se leurrer, elle sous-entend une volonté d’équipe, un engagement de tous, car les diffi- cultés persistent et les limites, les freins font partie de notre quotidien. Ces liens d’équipe sont forts, mais cet équilibre est fragile et la lassitude peut se manifester.

Il faut y être attentif. Rien n’est acquis. Une réelle recon- naissance de cette spécialité permettrait peut-être d’aboutir à un « cadrage », à une organisation qui serait plus adaptée aux besoins des patients tout au long de la maladie et à l’épanouissement de chacun.

Place du psychologue Vision générale

Cette phase « des traitements » intervient généralement à un moment où le patient manifeste un regain d’espoir, soutenu et encouragé par un entourage qui ainsi, peut se décharger a minima de son rôle d’aidant en plaçant sur ces traitements une opportunité de voir se concrétiser un certain nombre d’attentes, la première étant une amélioration thymique nette encouragée par le lancement vers une phase de combat pour lutter, sinon contre la maladie, au moins contre ses effets délétères.

Le psychologue peut être sollicité dès l’entrée dans cette phase, pour « soutenir » cette lutte, la cadrer et la canaliser, afin que le patient puisse notamment s’autoriser à exprimer ses doutes quant à une réelle victoire sans pour autant faire souffrir un entourage revigoré par un tel élan de vie dans une phase pourtant bien difficile.

Lorsque le médecin présente «l’attirail» ou plus com- munément la stratégie thérapeutique envisagée, l’appareil psychique du patient va se mettre enœuvre, produisant sou- vent des fantasmes ou des productions imaginaires qui conduisent le patient dans une sorte d’attente anxieuse par rapport aux effets attendus, désirés et ceux indésirables, même si le paradoxe peut être présent dans cette phase, effets indésirables et espérés pouvant se confondre, laissant le sujet croire qu’un trouble iatrogène important peut être la preuve d’une future efficacité.

Chaque traitement proposé a une résonance différente chez le patient, en fonction de l’histoire de vie de ce dernier et, de ce fait, aucune information autre que des éléments purement objectifs ne pourra être fournie d’emblée au patient. Ces représentations, individuelles et collectives, ne pourront être dépassées et dépouillées de leur caractère anxiogène qu’à travers un entretien mené par le psychologue et au cours duquel le patient pourra faire part de ses doutes, de ses peurs sans pour autant risquer de décevoir un soignant qui se bat à ses côtés, et sans attrister davantage un entourage fragilisé qui trouve à travers cette lutte un moyen de gérer le sentiment d’impuissance grandissant, particulièrement en ce qui concerne le fait de ne pas pouvoir sauver ce proche malade.

C’est pourquoi le psychologue a parfois un rôle à jouer auprès de cet entourage engagé et qui tente tant bien que mal de résister à la tentation d’un souhait de mort non avoué et non verbalisé, mais néanmoins extrêmement culpabilisant, tout en cheminant au plus près du rythme du patient, adap- tant autant que faire se peut son pas à celui vacillant du proche.

Avec l’aggravation de la maladie, les effets secondaires des traitements, l’autre malade devient petit à petit étranger.

Fréquemment, les proches se retrouvent face à un individu

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qu’ils ont connu, aimé et qui tout en restant le même a changé physiquement et psychologiquement, tant la maladie l’a touché au plus profond de son être. Un sentiment d’étran- geté apparaît alors, avec la sensation d’avoir déjà quelque part perdu celui que nous aimions. Un travail de deuil s’engage, les pertes se succédant à un rythme effréné et irréversible.

En neuro-oncologie, il est préférable et surtout plus juste de parler de soins continus.

Dans un avenir incertain, le patient considéré en soins palliatifs au sens large va traverser diverses phases pendant une durée plus ou moins longue et ainsi voir se succéder des pertes, des espoirs, des améliorations tout en conservant un pronostic sombre.

Doute, colère, révolte, désespoir ne sont pas l’apanage du patient et les proches éprouvent également ces sentiments tout au long du parcours miné de la maladie. Parfois, aucun répit ne se fait sentir chez les proches. Le patient passe du domicile à l’hôpital, recevant des soins lourds inter- calés avec des périodes de « pause » pendant lesquelles un semblant de vie reprend. Soudainement ou plus ou moins niée et refoulée, survient une altération de l’état de santé qui ne permet plus un maintien à domicile dans des condi- tions acceptables tant pour le patient que pour ses proches.

Naît alors la culpabilité de ne plus pouvoir garder son proche malade près de soi, dans un environnement réconfortant mais pourtant devenu insécurisant, engendrant une perte brutale de ses repères essentiels et l’amenant plus ou moins fantasmatiquement vers une mort certaine.

L’ensemble des différents états affectifs, qu’ils soient défensifs, adaptés et opérants, font que l’entourage est sou- mis à une pression psychologique majorée par le fait que, dès le départ, il se retrouve sollicité, parfois même malgré lui, pour assumer une fonction quasi soignante pour laquelle il n’a reçu aucune formation et dont il ne se sent pas forcé- ment prêt à assurer la charge. L’homéostasie est ainsi pertur- bée et il est évident que, même si la situation vécue est commune et partagée, chaque protagoniste va la vivre, la supporter et la traverser à la fois individuellement, en fonc- tion de son état psychologique dans l’ici et maintenant, et également collectivement selon la manière dont l’autre

—malade ou proche—va la gérer. Cette intrication amène parfois le psychologue à intervenir auprès du groupe (familial ou amical) pour que chacun puisse verbaliser face à l’autre et en toute liberté, ce qu’il ressent (angoisses, incer- titude, incompréhension…) et recréer si possible un lien qui s’est brisé avec l’apparition de la maladie.

Aspects émotionnels

Il est important, nous l’avons dit, de « repérer » les émotions ressenties lors de l’annonce d’abord mais aussi celles ressen- ties lors de l’évolution de la maladie et de ses traitements,

source, pour le patient et son entourage, de doutes, de ques- tionnements et d’angoisse.

Pour les soignants, il s’agira, là encore, d’évoquer essen- tiellement les émotions ressenties en lien avec l’état du patient. Les projections affectives personnelles trop intenses, trop difficiles à vivre, à supporter (au demeurant rares) pourront relever d’un « travail » spécifique et devront être différenciées de celles morales issues de l’empathie.

Tout comme au moment de l’annonce, la discussion en équipe et le « passage au crible » de notre ressenti nous permettrontin finede mieux appréhender le vécu du patient à travers ses doutes et sa présentation parfois ambivalente.

Chaque « émotion soignante » ne sera ainsi que le miroir des émotions du patient et pourra permettre l’appréhension d’une dimension de la qualité de vie de ce dernier, de ses espoirs ou désespoirs.

Cette « simple » intégration sous-tendra finalement et implicitement une grande part de la prise en charge émotion- nelle–psychologique du patient d’abord et de l’équipe ensuite et permettra de lutter contre le sentiment d’abandon parfois ressenti d’un côté ou de l’autre.

Et l’équipe dans tout cela

La phase des traitements représente pour les soignants une étape essentielle susceptible d’influer sur leur capacité à être de « bons » soignants ou tout du moins des «soignants suf- fisamment bons». En fait, cette étape est constituée de multi- ples phases pendant lesquelles chacun va pouvoir intervenir.

Dès l’entrée du patient dans le service, les soignants vont avoir l’opportunité, en fonction des contraintes inhérentes au fonctionnement institutionnel, de faire connaissance avec ce patient dont ils n’ont souvent jusqu’alors qu’entendu le nom sans même avoir le temps de se faire de lui une représentation.

Ce premier contact, après le temps de l’annonce, sera pour l’équipe un temps de mise en confiance du patient dans un monde « hostile » où ce dernier va côtoyer d’autres patients atteints pour la plupart de la même pathologie que lui—tumeur cérébrale—mais pourtant tous si différents.

La première réaction sera une crainte confuse entre le senti- ment de partager une même situation sans en vivre les mêmes effets et surtout pas à la même intensité. Les patients se comparent, se dévisagent, créent des liens, sympathisent.

Ils tentent en vain de s’approprier ces lieux et de s’y faire une place, parce que dès lors, ils savent tous, plus ou moins avec la même conscience, que le risque est de finir leur vie ici.

L’arrivée dans le service les place d’emblée dans la réalité de la maladie. Les patients peuvent toujours fermer la porte de leur chambre, s’isoler, ils ne pourront jamais tout à fait s’extraire, pour citer l’un d’entre eux, de «l’horreur person- nifiée» par certains patients agités, qui crient, d’autres qui déambulent sans but ou encore ceux qui sont alités, inexpres- sifs, «presque morts». La crainte d’un destin «tracé» sans

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possibilité de maîtrise engendre des sentiments variés tels que la honte ou la révolte. Souvent, ces patients redoutent par-dessus tout la chute vers une «folie douce», perdant ainsi leur statut d’être pensant et communicant. La crainte de la dépendance physique est aussi prégnante et souvent associée à des affects dépressifs [1].

Alors, s’installe une étrange similitude paradoxale d’être comme ces autres dans une certitude authentique d’être unique et différent, plus fort et ainsi plus méritant et relevant sans doute d’un surplus d’intérêt de la part de l’équipe soi- gnante. Ce patient veut ainsi donner l’apparence d’être «le bon malade» et cet idéal fantasmé va venir faire collusion avec un «idéal de soignant» désiré par une équipe attentive au «bien-être» du patient. Cette collusion va se transformer en confrontation, car très vite les idéaux tombent et la réalité vient amener une désillusion mutuelle. Chacun, à sa place, devra alors accepter que l’autre n’est pas ce qu’il aimerait qu’il soit [11]. Cet effort d’adaptation se fait très rapidement et chacun va ainsi prendre ses marques, ses repères, c’est- à-dire faire connaissance avec l’autre dans sa singularité au sein d’un même espace-temps.

Nous savons, et les patients également, que les traite- ments engendrent très souvent des effets secondaires diffici- les à supporter. S’ils sont d’ailleurs redoutés par le patient lui-même, ils le sont également pour les soignants qui par- fois, peuvent soudainement se sentir devenir «mauvais », persécuteurs, voire presque pervers parfois.

En revanche, lorsque ces traitements font la preuve de leur efficacité, les soignants se sentent alors « utiles », valo- risés narcissiquement par la gratification et la reconnaissance apportées par le patient et ses proches.

Ces variations de place, de rôle sont toujours perturbants pour un soignant dont la mission reste d’apporter un maxi- mum de confort à la personne, quel que soit son état de santé, cela même lorsque le seuil de sauver est dépassé. Cela néces- site une remise en question perpétuelle du bien-fondé du soin, ainsi qu’un questionnement continu sur son action auprès du patient.

En outre, la présence de troubles cognitifs très tôt chez les patients fait que le soin prend un sens tout particulier, avec une position à tenir qui demande un équilibre entre une attitude quasi maternante, ramenant le patient dans une position infan- tile, et une attention toute particulière à l’autonomie laissée à la personne dans ses choix et dans ses actes. Il s’agit avant tout de toujours, absolument toujours, respecter la dignité du patient en adoptant une position chaleureuse et humaine.

Le toucher dans ces situations a une place importante. Les déficits multiples que les patients subissent nécessitent que le personnel soignant soit attentif au confort sans pour autant attendre de la part du patient une demande, un besoin ou un désir clairement exprimés. Il va falloir faire preuve d’ingé- niosité dans la manière de communiquer avec le patient, uti- liser des techniques non verbales, se saisir du sens des

mimiques, des gestes en conservant autant que faire se peut une neutralité dans l’interprétation. Comment dialoguer avec ce patient qui semble ne plus avoir réellement conscience de ce qui lui arrive, voire de ce qu’il est ? Comment évaluer, au plus juste, la douleur et la souffrance d’un patient qui hurle sans arrêt, seul mode de communication restant à son usage ? Ces troubles sont à l’origine d’un grand désarroi chez les proches qui projettent souvent leur révolte, en lien avec leur impuissance, sur les soignants. Recevoir cette violence alors même qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour aider le patient représente pour le soignant un facteur très difficile à supporter s’il n’est pas—ou plus—en mesure de prendre la distance nécessaire à l’analyse de cette agressivité.

Cette prise en soins de ces patients atteints de tumeurs cérébrales exige de la part des soignants une capacité d’adaptation et un recul suffisant pour pouvoir exercer sans trop souffrir. La confrontation à cette déchéance physique et psychologique peut provoquer chez le soignant une appré- hension quant à son propre devenir, en tant qu’être humain, d’où la difficulté alors de donner du sens au prendre soin. Par ailleurs, la réalité là aussi, notamment à travers les odeurs, les soins de confort à prodiguer à des corps déjà fragilisés, meurtris et portant les stigmates de la maladie peut ajouter à cette souffrance un sentiment affreux d’accompagner la mort plutôt que de soutenir le vivant dans cette étape.

La succession des décès et le sentiment d’être témoin inactif et impuissant face aux effets dévastateurs de la mala- die ont pour conséquence d’engendrer une frustration chez le soignant qui a l’impression de reproduire à l’infini une situa- tion dramatique. Cela l’amène à se questionner sur son rôle, l’intérêt réel de ses actes auprès des malades puisque, quoiqu’il fasse, le patient va progressivement se dégrader.

Le travail d’équipe prend tout son sens ici tant pour l’éva- luation bien spécifique des problèmes que pour leur prise en charge. Chaque professionnel est confronté à sa place, avec ses compétences et ses limites, à ces tableaux vivants de la vie quotidienne d’une unité de neuro-oncologie. La formation, assurée souvent pas les « anciens », la recherche clinique dédiée [4], les échanges entre professionnels, le dialogue franc et sincère constituent des dimensions qui permettent une réflexion collective sur la démarche de soin à adopter.

La réflexion est continue, dynamique et chaque décision est réévaluée en fonction de sa pertinence, de ses effets et de son impact sur la qualité de vie du patient. Le questionnement éthique est permanent, partagé et chaque acteur—patient et proches y compris—prend part à la démarche décisionnelle.

Conclusion

Nous avons tenté dans ce texte de rapporter la vie d’une unité de neuro-oncologie à différentes étapes non sous un angle exclusivement psychologique (telle était la question

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posée) mais sous celui du quotidien en insistant sur les concepts de soins réellement transdisciplinaires et continus et sur l’importance de la vie d’équipe parce que nous pen- sons que seuls ces concepts et cette unité peuvent participer à une prise en charge globale physique et psychologique au sens le plus large de son acception.

Nous avons parlé de la lourdeur de la maladie et des dra- mes vécus par les malades d’abord et par leur entourage ensuite. Nous avons dit tout l’intérêt qu’il y avait à considé- rer les temps des annonces et combien le rôle de chacun était important. Nous avons insisté sur le fait que la survie ne pouvait être dissociée de la qualité de vie. Nous avons dit combien parler des émotions était important.

«Si je range l’impossible salut au magasin des acces- soires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui» (« Les Mots »–Jean Paul Sartre).

Oui, nous avons rangé « l’impossible salut » au magasin des accessoires mais, oui aussi, nous savons que l’essentiel est ce qu’il reste.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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