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Oncologie : Article pp.281-282 du Vol.4 n°4 (2010)

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Psycho-Oncol. (2010) 4:281-282 DOI 10.1007/s11839-010-0292-4

EXTRAIT DE COMMUNICATION / EXTRACT FROM COMMUNICATION dossier

Le rôle potentiel de la dépression dans l’initiation, la promo- tion et la progression du cancer, c’est-à-dire dans l’étiologie et le pronostic de la maladie cancéreuse, est une question ancienne dans l’histoire de la médecine. Hippocrate et Gallien attribuaient ainsi dépression et cancer à un excès de bile noire. Cette question a fait l’objet d’un grand nombre de travaux épidémiologiques de plus en plus contrôlés au cours des trois dernières décennies. Ces travaux ont eux- mêmes fait l’objet de méta-analyses récentes qui concluent globalement à une association entre dépression, notam- ment chronique, et développement d’un cancer [2,11,14].

Cette association concerne aussi bien l’incidence du cancer chez des sujets a priori sains que la mortalité en cas de can- cer déclaré. Dans les deux cas, l’association est statistique- ment significative mais la significativité clinique, mesurée par la taille de l’effet, est faible. À noter que le terme de dépression ne doit pas être entendu ici comme désignant nécessairement une dépression cliniquement significative, au sens du trouble dépressif majeur des classifications inter- nationales, mais plutôt une symptomatologie dépressive éventuellement infraclinique mais néanmoins mesurable.

Sur le plan purement statistique, la dépression peut donc être considérée comme un « facteur de risque », c’est-à-dire un facteur associé à une augmentation de la probabilité (du risque) de développer un cancer ou de mourir de ce cancer.

Sur le plan sémantique toutefois, la notion de facteur de risque est souvent confondue avec celle de facteur causal.

En l’absence d’étude expérimentale, une association ne doit pas être interprétée comme témoignant nécessairement d’une relation causale, un tiers facteur pouvant être à l’origine du facteur de risque et de la maladie. On parlera alors de facteur

« confondant ». Cela explique pourquoi les interventions psychothérapeutiques efficaces pour traiter la dépression des patients atteints de cancer peuvent être dans le même temps inefficaces pour augmenter la survie des patients [1].

En épidémiologie, la prise en compte d’un facteur confon- dant par « ajustement » statistique entraîne une diminution, voire une disparition, de l’association entre le facteur de ris- que supposé et la maladie. Cependant, cette diminution de la force de l’association après ajustement peut également témoigner d’un facteur « médiateur », c’est-à-dire intermé- diaire entre le facteur de risque et la maladie [10]. Dans ce cas, il est possible que le facteur de risque soit un facteur causal, quand bien même il existerait des chaînons inter- médiaires dans cette relation causale. Cette distinction entre facteurs confondants et médiateurs est importante en santé publique. En cas de facteur confondant rendant compte de l’association entre un facteur de risque et une pathologie ou son pronostic, rien ne sert d’agir sur le facteur de risque sup- posé. En revanche, en cas de facteur médiateur induit par un facteur de risque et expliquant le lien entre le facteur de risque et la maladie ou son pronostic, il peut être utile d’agir sur le facteur de risque lui-même, même si ce médiateur est plus proche chronologiquement de la maladie que l’on cher- che à prévenir.

Les mécanismes expliquant l’association entre dépression et incidence ou pronostic du cancer impliquent probable- ment certains facteurs confondants, c’est-à-dire augmentant à la fois le risque de dépression et de cancer (ou péjorant

C. Lemogne (*)

Service de psychologie clinique et de psychiatrie de liaison, hôpital européen Georges-Pompidou,

Assistance publique–Hôpitaux de Paris, Paris, France CNRS USR 3246, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France Université Paris-Descartes, Paris, France

e-mail : cedric.lemogne@egp.aphp.fr

iii – dépression et cancers : facteur de risque ou perte de chance ?

depression and cancer: risk factor or loss of chance?

C. Lemogne

© Springer-Verlag France 2010

Mardi 9 novembre 2010/14 h — SESSIONS pléNIèRES

Fragilités psychiques et cancer, état actuel des connaissances

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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282 Psycho-Oncol. (2010) 4:281-282

son pronostic) sans lien direct entre les deux, ainsi que des médiateurs comportementaux et biologiques, c’est-à-dire des corrélats de la dépression ayant une influence péjorative secondaire sur le risque ou le pronostic du cancer. En ce qui concerne les facteurs confondants, il est par exemple possi- ble que dépression et cancer partagent certains facteurs de risque génétiques ou environnementaux ou que la sévérité du cancer ou des traitements explique les liens entre dépres- sion et pronostic [9].

En ce qui concerne les médiateurs biologiques, la dépres- sion chez les patients atteints de cancer est associée à une augmentation des cytokines pro-inflammatoires (IL-6, IL-12, TNFα), une dysrégulation de l’axe hypothalamo- hypophysosurrénalien (HHS) et une sécrétion accrue de catécholamines et de métalloprotéases matricielles [9].

Ces modifications immunologiques et neuroendocrines sont susceptibles de favoriser l’initiation et la promotion du cancer, via une situation de « permissivité immunitaire » vis-à-vis de virus oncogènes ou des cellules cancéreuses elles-mêmes, voire sa progression en inhibant les cellules NK, en stimulant la néoangiogenèse et en facilitant la migra- tion des cellules cancéreuses. Il faut toutefois noter que les relations entre cytokines pro-inflammatoires et dépression sont réciproques, les premières ayant une action sur cer- taines régions cérébrales impliquées dans la régulation du comportement et des émotions, telles que le cortex médian préfrontal et l’amygdale cérébrale [8]. Il est donc possible que l’association entre dépression et incidence du cancer soit partiellement expliquée par l’impact psychologique de cytokines pro-inflammatoires sécrétées par (ou en réaction à) un cancer occulte [9].

En ce qui concerne les médiateurs comportementaux, la dépression pourrait être associée à des comportements de santé néfastes tels qu’une sédentarité excessive, une ali- mentation « à risque » ou la consommation d’alcool ou de tabac, susceptibles d’augmenter secondairement le risque de cancer [11]. Cependant, ces facteurs sont généralement pris en compte dans les études épidémiologiques inclu- ses dans les méta-analyses [2]. Sur le plan pronostique, la dépression pourrait être associée à un retard au diagnostic préjudiciable pour l’évolution du cancer [3,6,12,13], à une observance de moins bonne qualité [4], voire à une « perte de chance » si celle-ci est anticipée par le corps médical.

Concernant la possibilité d’une perte de chance associée à la dépression, seules des données préliminaires ou indirec- tes sont actuellement disponibles, suggérant par exemple que la dépression est associée à une sous-estimation de la probabilité d’une maladie somatique devant une sympto- matologie identique [7]. Est-elle également associée à une prise en charge suboptimale ? La méthodologie pour répon- dre à cette question cruciale existe [5]. Son application aux liens entre dépression et cancer permettrait de proposer de

nouvelles stratégies pour réduire le mauvais pronostic associé à la dépression.

En pratique, même si la dépression est associée avec l’incidence du cancer ou son pronostic [2,11,14], l’absence de démonstration d’une relation causale ainsi que la petite taille de l’effet devraient nous autoriser à rassurer les patients et leur famille sur son impact sur l’évolution du cancer, dès lors que la dépression est reconnue et prise en charge.

Par ailleurs, bien que les patients déprimés présentent, d’une manière générale, une prévalence élevée de plaintes soma- tiques non systématisées, la dépression, notamment chro- nique, semble être plutôt associée à une augmentation du risque de cancer. Il faut donc veiller à ce qu’une dépression comorbide d’un cancer occulte n’entraîne pas une perte de chance par retard au diagnostic et apporter un soin tout par- ticulier au dépistage du cancer chez les patients déprimés présentant un signe d’appel.

références

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psychosocial factors contribute to cancer incidence and survival?

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3. Desai MM, Bruce ML, Kasl SV (1999) The effects of major depression and phobia on stage at diagnosis of breast cancer. Int J Psychiatry Med 29:29–45

4. DiMatteo MR, Lepper HS, Croghan TW (2000) Depression is a risk factor for non-compliance with medical treatment. Meta-anal- ysis of the effects of anxiety and depression on patient adherence.

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5. Druss BG, Bradford WD, Rosenheck RA, et al (2001) Quality of medical care and excess mortality in older patients with mental disorders. Arch Gen Psychiatry 58:565–72

6. Goff BA, Mandel L, Muntz HG, Melancon CH (2000) Ovarian carcinoma diagnosis. Cancer 89:2068–75

7. Graber MA, Bergus G, Dawson JD, et al (2000) Effect of a patient’s psychiatric history on physicians’ estimation of prob- ability of disease. J Gen Intern Med 15:204–6

8. Harrison NA, Brydon L, Walker C, et al (2009) Inflammation causes mood changes through alterations in subgenual cingulate activity and mesolimbic connectivity. Biol Psychiatry 66:407–14 9. Lemogne C, Consoli SM (2010) Dépression et cancer : le mythe à

l’épreuve de l’épidémiologie. Psycho-oncologie 4:22–7

10. MacKinnon DP, Krull JL, Lockwood CM (2000) Equivalence of the mediation, confounding and suppression effect. Prev Sci 1:173–81 11. Oerlemans MEJ, van den Akker M, Schuurman AG, et al (2007).

A meta-analysis on depression and subsequent cancer risk. Clin Pract Epidemol Ment Health 3:29

12. O’Rourke RW, Diggs BS, Spight DH, et al (2008) Psychiatric illness delays diagnosis of esophageal cancer. Dis Esophagus 21:416–21 13. Robertson R, Campbell NC, Smith S, et al (2004) Factors

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14. Satin JR, Linden W, Phillips MJ (2009) Depression as a predictor of disease progression and mortality in cancer patients: a meta- analysis. Cancer 115:5349–61

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