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Article pp.231-243 du Vol.5 n°2 (2007)

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Texte intégral

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pour une mise à distance

Isabelle Cherqui-Houot* — Emmanuel Triby** — Paul Nkeng**

* LISEC, Laboratoire des Sciences de l’Education et de la Communication /Université Henri Poincaré Nancy (EA 2310)

Isabelle.Cherqui@uhp-nancy.fr

** LISEC, Laboratoire des Sciences de l’Education et de la Communication Université Louis Pasteur, Strasbourg (EA 2310)

Emmanuel.Triby@lisec-ulp.u-strasbg.fr ; Paul.Nkeng@adm-ulp.u-strasbg.fr

RÉSUMÉ.En quoi et comment la généralisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) peut-elle affecter les pratiques liées à la validation des acquis de l’expérience (VAE) et notamment les pratiques d’accompagnement des candidats ? Cette contribution tente de poser les bases d’une mise à distance de ce processus de validation qui serait, selon les auteurs, rendue possible par un recours accru aux TIC, à condition de l’articuler à un retour réfléchi sur la nature même des activités des agents du processus de validation.

ABSTRACT.How can generalizing information and communication technologies (ICT) affect the practices linked to the accreditation of previous learning (APL), notably the practices supporting the candidates? This contribution will try to lay the foundations for processing this accreditation at distance which, according to the authors, would be made possible by an increasing recourse to ICT, provided that it is linked with a deliberate rethinking of the very nature of the activities of the accreditation process’s agents.

MOTS-CLÉS : distance, TIC, VAE, autopositionnement, autoformation.

KEYWORD :distance/Detachment, ICT, APL, self-positioning, self-training.

DOI:10.3166/DS.5.231-243 © Cned/Lavoisier

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1. Introduction

La généralisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) affecte tous les secteurs d’activités y compris celui de l’éducation. Les pratiques entourant la validation des acquis de l’expérience (VAE) apparaissent aujourd’hui plus largement concernées. La loi dite de modernisation sociale adoptée en France en 2002 ouvre le droit à toute personne disposant d’une expérience, notamment professionnelle, d’au moins trois ans à demander la validation de ses acquis et leur certification par un diplôme.

Depuis la promulgation de la loi, la demande croissante de reprise d’étude ou de certification a incité nombre d’établissements de l’enseignement supérieur à faire évoluer leurs dispositifs d’accueil et d’orientation des « adultes » afin d’être en mesure d’assurer la gestion de ces candidats à la certification d’un nouveau genre.

L’usage des TIC apparaît alors assez spontanément comme un moyen privilégié de renforcer l’efficience de ces dispositifs. Le rapport (Benhamou, 2005) fait état des divers outils expressément développés dans divers établissements pour la VAE. Ils viennent essentiellement en appui pour trois grandes fonctions : l’information externe (l’information du public), la communication interne (entre les acteurs intervenant dans la démarche des candidats, entre le candidat et son ou ses accompagnateurs), la gestion et le contrôle des flux d’information (en l’occurrence la circulation des dossiers déposés par les candidats). On retrouve ici les grandes fonctionnalités propres aux dispositifs de services à distance.

Le candidat à un diplôme par la VAE établit un dossier qui sera étudié par un jury. Il peut disposer, s’il le désire, d’un accompagnement. Bien que facultatif, cet accompagnement constitue la pierre angulaire de la démarche. Le jury rencontre le candidat lors d’un entretien et se prononce sur l’étendue de la validation accordée : validation totale ou partielle. Mais les outils mobilisés ici sont-ils pour autant de nature à constituer un dispositif d’accompagnement utile et efficace ? Cette contribution propose un point de vue prospectif sur cet aspect, élaboré à partir de l’observation des pratiques actuelles et des résultats d’une recherche menée conjointement dans cinq universités visant à identifier les activités respectives des différents protagonistes de la démarche (candidats, accompagnateurs, jurys …) afin d’être en mesure de les instrumenter ultérieurement.

2. Les TIC au service de la VAE : bref état des lieux

Outre les pages dédiées à l’information sur les dispositions juridiques et techniques liées à la VAE, qui sont généralement intégrées sur les sites institutionnels des établissements valideurs, on identifie d’ores et déjà divers outils complémentaires au service de la démarche VAE sur le web : des outils de positionnement à l’entrée dans la démarche, des outils d’aide au montage du dossier (le plus souvent sous forme de guides en ligne) et enfin les outils de gestion, bases

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de données accueillant les dossiers en ligne. Certains sites s’équipent actuellement d’environnements numériques de travail (ENT1) ouvrant ainsi la possibilité de constituer des « communautés VAE » autour du candidat.

Les outils d’autoévaluation (ou d’auto-positionnement)

Les outils de positionnement permettent au candidat d’estimer son éligibilité en effectuant une première comparaison de ses acquis avec les référentiels des diplômes qu’il vise à obtenir2. Ils apparaissent opportuns dans leur fonction indicative : les résultats aux tests d’autopositionnement proposés aux candidats, en amont de leur démarche notamment, sont de nature à leur fournir des indications propres à leur permettre de soutenir ou maintenir leur décision de s’engager ou non dans une démarche menant à l’obtention de tel ou tel diplôme et, plus nettement, celle de s’engager dans une démarche de VAE proprement dite.

Nous nous garderons toutefois de nous engager sur la voie du diagnostic automatique que semble suggérer le rapport Benhamou (cité plus haut) : « un diagnostic automatique (conditionné par une bonne définition des référentiels) pourrait donner la « proportion » de certification obtenue par compétences personnelles ou par l’exercice d’un métier. (…) ; l’outil pourrait être utilisé aussi bien en situation d’auto-positionnement que dans le processus de validation (guide pour le jury) ». Le processus de VAE s’exerce effectivement à partir de preuves déclaratives fournies par un candidat ; c’est lui qui, in fine, déclare ses acquis dans un dossier ainsi que lors de l’entretien avec le jury. Pourtant, l’entretien ne se réduit pas à cet exercice de déclaration, mais repose sur un travail rigoureux et suivi d’élaboration et de formalisation de ces mêmes acquis dont aucune procédure automatisée ne saurait rendre compte, pas plus qu’elle ne saurait le valider.

Les guides en ligne

On trouve aujourd’hui un certain nombre de guides en ligne, tant à destination des candidats que de leurs accompagnateurs. Élaborés et diffusés dès la mise en place des dispositifs de VAE dans les établissements, ils ont souvent servi de vecteurs de diffusion de pratiques communes autour de l’accompagnement notamment (Cherqui-Houot, Febve-Buisson, 2003 ; Cherqui-Houot, Pagnani, 2006).

1. Un environnement numérique de travail ou « bureau virtuel » est constitué d’un ensemble homogène de services numériques : travail collaboratif, vie scolaire et étudiante, mise à disposition et gestion de ressources numériques, etc. (http://www2.educnet.education.fr) 2. Il ne s’agit le plus souvent ni plus ni moins que de questionnaires ou de tests en ligne à réponses automatisées.

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Les outils de gestion

Les outils informatisés de gestion des dossiers et des candidatures résultent de la création de bases de données consultables à distance notamment ; ils rendent d’évidents services aux organismes qui les ont mis en place. Ils permettent notamment d’assurer de manière plus efficace le suivi des dossiers de candidature, celui des candidats, de planifier les démarches individuelles. Ils permettent aux différents accompagnateurs de disposer d’un espace de dépôt de documents commun pour accompagner les candidats. Ils contribuent ainsi au partage de l’expérience entre les différents partenaires de la démarche.

Les environnements numériques de travail

Les environnements numériques de travail (ENT) sont encore relativement peu utilisés pour la VAE. Mis au service des candidats et des différents intervenants dans le processus de VAE, ils paraissent de nature à supporter les différentes interactions nécessaires à l’élaboration de la démarche de VAE, depuis le positionnement initial jusqu’au dépôt du dossier : mise à disposition de ressources utiles et de moyens de communication entre les candidats, et entre les candidats et les accompagnateurs, partage de documents, etc.… .

3. Les distances propres à la VAE

Lorsqu’il s’agit de réfléchir à l’instrumentation des dispositifs de VAE, les problématiques rencontrées paraissent très proches de celles rencontrées en matière de formations ouvertes et à distance (FOAD) (Bisset, 2004) : différencier information et formation, élaborer des ressources utiles, accompagner et évaluer les processus d’apprentissage… Au-delà de la possibilité qu’offrent les TIC de s’affranchir des distances géographiques pouvant séparer le candidat du lieu de certification, et des commodités qu’elles offrent en matière d’automatisation des tâches de gestion ou de mobilisation de moyens de communication, bien des raisons nous apparaissent inviter à une véritable mise à distance (Bernard, 1999) des dispositifs de VAE. Cette mise à distance est entendue dans le triple sens de rendre à distance les services qui leur sont corollaires, s’en distancier - s’en éloigner, prendre du recul pour mieux les concevoir et les maîtriser - ainsi que prendre en compte les processus de distanciation - mettre une distance entre soi et son expérience, entre son expérience et celle des autres - exigés de la part des acteurs engagés dans ces mêmes dispositifs.

Ainsi, dans les dispositifs de VAE, la distance est plurielle ; elle leur est surtout consubstantielle. Par la mise à distance des pratiques liées à la validation, il s’agit moins de réduire les distances, que de leur donner corps et, par ce biais, de construire les moyens pour les acteurs de les dépasser et de les assumer. L’issue

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favorable d’une démarche VAE dépend en particulier des distances que ses différents partenaires sont susceptibles d’organiser et de faire fonctionner, quels que soient les dispositifs techniques (même les plus rustiques) qui sont mis en place. Ces distances interviennent dans la VAE au moins à quatre niveaux : cognitif, spatio- temporel, relationnel et institutionnel.

Les distances cognitives

La démarche de VAE demande au candidat de prendre son expérience comme un objet d’analyse ; c’est un exercice pour lequel la confrontation à autrui est indispensable. Par les diverses médiations humaines et techniques qu’il introduit dans la démarche, l’accompagnement fournit le cadre à partir duquel peut se réaliser ce travail. Prendre en compte les distances cognitives dans l’accompagnement VAE, c’est mobiliser des outils qui favorisent la distanciation avec le réel, qui accompagnent « le retour réflexif » des praticiens (Clot et Prot, 2003).

Il est ici question de la distance que les parties prenantes sont capables d’instaurer vis-à-vis des différents savoirs en jeu, ainsi que des différents enjeux de cette distance si l’on comprend la VAE comme une démarche de formation.

Les distances liées au temps et à l’espace

Prendre en compte les distances liées au temps et à l’espace, c’est organiser le suivi et l’accompagnement du candidat en situation présentielle comme à distance.

Car la pratique de la VAE met en scène la pluralité des lieux et des temps d’acquisition comme des lieux et des temps de formalisation et de validation des savoirs. Les dispositifs VAE vont alors constituer ces espaces/temps médians privilégiés, ces « intercalaires sociaux » (Audran, 2006), où, via des moyens de communication divers, se tissent et se retissent les liens entre ces espaces différenciés.

Il est ici question des conditions matérielles de la distance, outillée ou pas, instrumentée ou pas. Celles-ci s’inscrivent dans l’espace social et économique des individus et du marché de la validation.

Les distances relationnelles

Elles se jouent sur trois scènes interdépendantes liant diversement candidats, accompagnateurs et jurys, dans laquelle se font et se défont les relations au gré des représentations, des attentes et des anticipations, des relations marquées par l’alternance de la proximité et de l’éloignement « respectueux »… Prendre en compte les distances liées aux relations, c’est développer des instruments de travail

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coopératif, et c’est aussi poser les bases d’une relation distanciée entre accompagnateurs et accompagnés qui évite l’écueil de la fascination fusionnelle comme celui de la froideur technique.

Il est ici question des modalités d’échange tout au long de la démarche du candidat, des bases aux échanges coopératifs ainsi que des diverses formes d’animation de ces échanges.

Les distances institutionnelles

La démarche de validation est un processus singulier, ancré dans une démarche où prime la rencontre avec autrui qui permet le regard externe à soi et à son expérience ; mais ceci doit s’opérer dans un cadre suffisamment institué pour qu’un véritable travail puisse se structurer et s’accomplir (Mayen, 2002). Les accompagnateurs, comme les membres des jurys, sont aussi dans cette relation, des tiers institutionnels : ils fixent le cadre de la démarche et se portent garants de sa validité.

Il est ici question de la visibilité et de l’affichage des statuts et des rôles tenus par les différents protagonistes de la démarche VAE.

4. Les dispositifs de VAE comme dispositifs d’auto-positionnement accompagné Une recherche menée avec le concours du Fonds Social Européen a permis de mieux comprendre les attentes et les représentations des principaux acteurs de la VAE. Ceci ouvre la voie à une conception plus sûre des conditions de la mise à distance de cette démarche, favorisant notamment l’auto-positionnement des candidats.

4.1. Perspectives théoriques

Nous formulons l’hypothèse qu’une dynamique de la réussite en VAE passe essentiellement par le développement d’une capacité d’auto-positionnement. Nous définissons les concepts de positionnement et d’auto-positionnement de manière large : tout ce qui conduit l’acteur à « se positionner » (situer sa position par rapport à celle des autres) et à « prendre position » (expliciter et affirmer ses choix) dans la démarche, du premier accueil jusqu’au jury ;

– le candidat : orienter ses efforts de construction en s’appuyant sur des indicateurs, référer ses connaissances et compétences aux attendus d’un dispositif universitaire ;

– l’accompagnateur : fournir des indications et interagir en référence à son souci de faire aboutir la démarche ;

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– le membre de commission ou de jury : émettre un jugement en référence à ses conceptions de son rôle social et à la dynamique de la situation.

Nous considérons que les « référentiels de positionnement » sont constitués de ces référents multiples, implicites ou explicites, mobilisables et/ou effectivement mobilisés en situation (Boutinet, 2005).

Par l’utilisation de ces concepts, il s’agit de proposer une conception dynamique de la démarche VAE. Intégrant l’idée d’une dynamique autonome du sujet, relayée et étayée par un accompagnement et une instrumentation pédagogique, dans le but de mettre au jour des apprentissages réalisés, en d’autres temps et d’autres lieux, dans et par une organisation professionnelle et sociale, cette conception de l’auto- positionnement est à rapprocher des concepts d’autodirection dans les espaces de formation et d’autoformation élaboré par Philippe Carré (2005).

Cette proximité apparente des dispositifs d’autoformation « classique » et des dispositifs « d’autopositionnement accompagné » constitués pour la VAE (Bezille, Courtois, 2006) ne doit cependant pas évacuer leur différence essentielle résidant dans leurs finalités originelles respectives : pour les premiers, permettre in situ la réalisation d’apprentissages en vue d’un objectif de formation précis ; pour les seconds, permettre la remémoration et la réélaboration d’apprentissages antérieurs en vue d’une certification. Cette dernière proposition n’exclut d’ailleurs pas la réalisation d’apprentissages in situ, mais ces derniers résultent alors de comportements cognitifs méta : précisément, prendre de la distance, mesurer des distances entre …

Une recherche en cours (cf. encadré), déjà fortement éclairée par des travaux antérieurs (Cherqui-Houot, 2001, 2006 ; Cherqui-Houot et al., 2006), permet de formuler quelques réponses aux interrogations prospectives que nous avons proposées. Il ne s’agit pas encore d’expérimentations de la distance mais de conclusions tirées d’observations et d’entretiens auprès des différents acteurs de la démarche de validation susceptibles d’alimenter cette réflexion prospective sur la distance.

Cette concordance s’appuie sur deux arguments principaux :

– compte tenu du fonctionnement pratique des relations entre les candidats d’un côté, les accompagnateurs et les jurys de l’autre, l’activité de validation est en grande partie déjà réalisée à distance ;

– du fait même qu’elle s’apparente à une démarche d’autoformation guidée, la démarche VAE peut s’analyser comme un processus auquel les dispositifs sociotechniques de la distance peuvent amener des changements substantiels : rôle central des traces écrites, leur formulation et leur mise en discussion ; poids plus décisif de l’étayage méthodologique et de l’entretien de l’interaction par rapport au soutien moral du côté de l’accompagnement…

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Objet et méthodologie d’un projet de recherche

Développement de méthodologies et d’outils pour l’évaluation de l’expérience Cette recherche comporte à la fois une visée d’investigation théorique dans les pratiques et leurs présupposés, et un objectif opérationnel : permettre un « auto- positionnement » des candidats à la VAE.

Deux temps : une phase d’investigation (2005-06), et une phase d’opérationnalisation (2006-07)

Trois sources d’investigation :

– des entretiens semi-directifs auprès des 3 principaux protagonistes de la VAE : les candidats (15), les accompagnateurs (10), les membres des jurys (15).

Ces matériaux sont complétés par l’enregistrement de 6 séances de jurys ;

– un travail théorique visant à constituer la VAE comme objet de recherche pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales ;

– des observations régulières liées à l’activité professionnelle des promoteurs du projet.

Ce projet regroupe cinq établissements universitaires et, en leur sein, les personnes en charge de l’activité VAE, dans des fonctions qui peuvent s’avérer très différentes ; seul point commun à l’équipe de recherche : leur statut de chercheur et de praticien de la VAE, à divers titres. Le projet bénéficie d’un financement du Fond Social Européen.

4.2. Premières observations

Pour une présentation à la fois compréhensible et synthétique, ces résultats peuvent être présentés en deux temps : les difficultés liées à la recherche de la

« bonne distance » ; les modalités de dépassement de ces difficultés. Nous avons résumé ces deux aspects dans un tableau synoptique (cf. tableau 1).

4.2.1. La difficulté à trouver la « bonne distance » est source de trois maux L’usure

Celle-ci ressort des entretiens avec les trois parties prenantes de la démarche VAE.

– l’usure des candidats : malgré l’évidente satisfaction des candidats réussissant la validation de leur expérience, il convient de relever ce qu’on peut appeler le coût du travail sur soi. Ce coût est d’autant plus élevé pour les candidats qui finissent par s’enliser dans la procédure sans pouvoir aboutir. Il dépend également du sens que les candidats sont susceptibles de donner à leur démarche autant qu’aux possibilités d’aménagement de leur existence dans le cours de la procédure (activités

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professionnelles, charges familiales..). Il est essentiellement déterminé par l’effort que le candidat doit faire pour analyser son expérience, chercher les « preuves » de ses savoirs mobilisés, traduire une activité en termes de connaissances…

– l’usure des accompagnateurs et son côté assez irrémédiable résultant d’un défaut de reconnaissance, d’un sentiment de n’être pas tout à fait dans son domaine de compétences habituel, d’une mise en question de certaines représentations du métier et de certaines pratiques professionnelles du fait même de l’exercice de la VAE. Par rapport à cette usure, la distance peut-elle y faire quelque chose ? À quelles conditions ?

L’improductivité et l’inaboutissement

La longueur de la procédure, le risque de ne jamais aboutir sont autant de modes d’expression d’une difficulté à faire aboutir la démarche, de façon productive :

– l’improductivité du candidat : qui n’arrive pas à aller au-delà des différents moments de sélection et à assumer le poids de la durée de la procédure.

Improductivité également lorsqu’il n’arrive pas à trouver le registre dans lequel écrire son expérience, le registre (largement implicite) dans lequel semblent se situer les jurys, sans que cela évite certains écarts – parfois majeurs – vis-à-vis des prétendus savoirs donnés en référence.

– l’improductivité de l’accompagnateur : qui a le sentiment de ne pas avoir une maîtrise suffisante de l’activité développée par le candidat pour dire son expérience.

Ce sentiment se double du malaise consécutif à la mise au jour de certaines incapacités, notamment celles de pouvoir comprendre ce que deviennent les savoirs lorsqu’ils sont impliqués dans l’expérience.

– l’improductivité des membres du jury qui n’arrivent pas vraiment à maîtriser l’économie du processus de décision de validation.

Le défaut de lien et d’interaction entre les acteurs

Ce défaut est perçu et ressenti par les différentes parties de façon assez contrastée et n’est pas réductible à un simple isolement (vécu matériellement de même que ressenti subjectivement) ; il est surtout dans la difficulté à se donner des références partagées que l’on pourrait alors mobiliser dans l’activité.

4.2.2. Dans quelle mesure et dans quel sens, la mise à distance peut-elle permettre de dépasser cette triple difficulté ?

Au terme de notre recherche, quatre grandes perspectives peuvent d’ores et déjà être tracées.

Quand la mise à distance des dispositifs VAE invite à la création de « groupe candidats-apprenants ». Celui-ci peut fonctionner comme compensation ou dérivatif dans la relation « usante » d’accompagnement. Le groupe apprenant est également l’occasion d’une collaboration entre pairs comme médiation entre le candidat et son

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activité. La confrontation de son expérience à celle d’autrui autorise les relativisations, développe le sentiment d’appartenance à une communauté aux mêmes objectifs, évacue le sentiment d’isolement. Cela suppose de réintroduire du collectif dans une démarche essentiellement individuelle, un droit individuel.

Quand la mise à distance matérialise et instrumente le rôle des tiers intervenants tout au long de la démarche de VAE. La question des distances relationnelles commence avec celle de la nature de celle ou de celui qui joue le rôle du tiers dans les relations qui vont se nouer entre le candidat et son ou ses accompagnateurs, de la nature aussi du tiers dans la relation accompagnateur/candidat : il paraît, à l’heure actuelle, plutôt difficile de réduire la fonction tierce à l’accompagnateur alors qu’il est question, par exemple, de contourner l’obstacle de l’écrit par l’enregistrement des paroles du candidat, racontant son expérience. La nature du tiers dans bien des cas semble décisive pour le fonctionnement d’une relation à distance.

Le tiers pour l’accompagnateur nous paraît plutôt se situer du côté du jury, l’accompagnateur assurant une mise en cohérence d’un passé (l’expérience) en fonction de la représentation qu’il se fait des attentes et des conceptions des membres du jury. Le tiers pour le jury nous paraît davantage se situer du côté de l’institution qui à la fois assigne une place au jury dans son fonctionnement (la définition de la certification) et accorde le pouvoir de dire la vérité de la valeur de l’expérience à l’aune des savoirs académiques.

Quand la mise à distance aménage et dynamise les interactions entre candidats, accompagnateurs et jurys. En fait, beaucoup de choses semblent se jouer dans l’interaction, sa dynamique et sa densité. Cette interaction suppose d’abord de sortir d’une relation binaire qui voit le lien se créer d’abord entre le candidat et l’accompagnateur, le jury semblant absent, comme le lieu d’un futur inaccessible.

L’interaction doit jouer également entre le candidat et le jury, l’accompagnateur s’effaçant comme parole au sein du jury, mais restant garant de l’activité d’apprentissage du candidat au-delà de l’estimation de la conformité aux attendus affichés du diplôme.

Quand la mise à distance permet la mise en actes d’une double horizontalité. La mise à distance permet d’envisager le fonctionnement d’une sorte de double horizontalité, celle fonctionnant entre les pairs et celle fonctionnant avec les accompagnateurs : en offrant la possibilité d’introduire une dimension collaborative à une démarche essentiellement individuelle, d’une part, en obligeant les accompagnateurs à chercher auprès de leurs pairs la possibilité d’une « traduction » plus sûre, d’autre part. Pas plus que les candidats, les accompagnateurs ne peuvent

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rester durablement seuls dans leurs tâches. Cette double horizontalité se substitue à la « simple verticalité »3 de la relation d’apprentissage non distancié.

Candidats Accompagnateurs Jurys Interaction

Distances cognitives

La narration dans son registre habituel l’outil de construction de son expérience

La

personnalisation de l’expérience/la production des savoirs de référence

La fascination de l’expérience et du milieu de travail/la recherche inlassable d’une traduction plausible

Le jeu des places respectives/

l’activité d’élucidation des savoirs contextualisés

Distances spatio- temporelles

L’isolement/

l’instrument de l’action collective d’apprentissage

Le suivi interrompu/le cheminement conjoint

L’institution de formation (université)/le milieu de travail/

...

Sortir de la simple verticalité/le fonctionnement du réseau : la double horizontalité

Distances relationnelles

Le tiers perturbant et déstabilisateur (et le transfert sur l’accompagnateur ) /Le tiers et la constitution du réseau

La compassion et la compréhension /la construction d’une fonction tutorale, de personne- ressource qui autorise le travail sur soi

La connivence autant que la séparation/la possibilité de mettre en jeu la matière même de la validation

La circulation des rôles et des représentations de soi et de l’autre dans le processus : /membres du jury /accompagnateur, /candidat

Distances institutionnelles

Le rapport à l’institution certificative/les clés de la traduction

L’implication dans l’institution certificative / la connaissance des attentes et des représentations

La dualité de fonction certificative / le travail sur son ethos professionnel

Le positionnement institutionnel vis- à-vis de la VAE/

l’engagement politique et symbolique de l’institution et son expression auprès des acteurs

Tableau 1. Approche synoptique des tensions en présence dans la démarche VAE

3. Verticalité car il y a inégalité foncière entre l’accompagné et l’accompagnateur sur un axe vertical qui fige les positions respectives ; simple verticalité car l’apprenant n’est pas censé se référer à un groupe de pairs.

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5. Conclusion – Discussion

Les premiers résultats de notre recherche confirment combien les capacités d’autopositionnement du candidat tout comme les possibilités du dispositif à le positionner sont étroitement dépendantes des conditions d’exercice du processus de validation. Les pratiques de VAE reposent sur des interactions multiples entre un candidat (ou un groupe de candidats) et un (ou plusieurs) accompagnateur(s), ainsi qu’avec les membres du jury. Elles prennent également appui (en particulier à l’université) sur la production et la circulation d’écrits ; les étapes de formalisation et de traduction de l’expérience par l’écrit sont cruciales dans la démarche de VAE.

Mobilisation de ressources susceptibles de favoriser le travail réflexif, démultiplication des formes de communication écrites et orales entre le candidat et son ou ses accompagnateurs, ouverture de collaborations entre pairs dans la démarche, sont des moyens propres à renforcer et enrichir les pratiques liées à la VAE. Les technologies de l’information et de la communication, en ce sens, apparaissent riches de promesses. Il reste cependant qu’en empruntant des moyens et/ou des technologies de communication différents, les pratiques d’accompagnement comme de validation ne changent pas pour autant de nature. La mise à distance, telle que définie plus haut, prenant en amont la mesure des distances en jeu, et posant les conditions de leur instrumentation, constitue, de notre point de vue, une perspective propre à dynamiser et pérenniser les dispositifs mis en place en 2002.

Ces pistes de travail pour une mise à distance de l’accompagnement ne doivent pas masquer les questions qui demeurent et surtout les incertitudes et les opacités que la mise à distance elle-même pourrait renforcer :

– le risque de l’automatisation de la démarche quand le tiers n’est qu’institué (au lieu d’être fluide et changeant), les instruments trop prégnants sur les pratiques. Les outils ne sont plus alors eux-mêmes questionnés et finissent par dénaturer la réflexivité nécessaire à la démarche.

– la tendance à la rationalisation de la démarche dans le but d’en augmenter l’efficience et surtout d’aller vers une uniformisation des pratiques assimilée à une garantie d’équité et/ou d’égalité d’accéder à la VAE. Or, la démarche VAE s’articule nécessairement à la singularité des candidats et l’équité des dispositifs repose peut-être justement sur leur capacité à proposer des moyens variés et ajustables aux problématiques individuelles.

– la résistance légitime à l’objectivation absolue dans une activité qui se construit principalement sur et par la relation à quelque chose qui relève de l’intime.

Même professionnelle et individualisée, l’expérience personnelle, distancée par la démarche, est le résultat d’une appropriation toujours singulière du collectif de travail.

La VAE pose une question particulière à la mise à distance matérielle dans la mesure où elle comporte une mise à distance réflexive de l’expérience. Cependant, elle rejoint la problématique de la FOAD dans les difficultés de coordination et

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d’implication durable des différentes parties prenantes. Sans doute plus que pour la formation, les résistances et les freins paraissent liés à une difficulté d’asseoir la légitimité de cette démarche, individuellement et socialement.

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Références

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