UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE
(PARIS 6)
FACULTE DE MEDECINE PIERRE ET MARIE CURIE
ANNEE 2008 THESE N° 2008PA06G035
DOCTORAT EN MEDECINE
DISCIPLINE : MEDECINE GENERALE
PAR
Mélanie HOROKS
Née le 29/12/1978 à Paris
PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 24 DECEMBRE 2008
MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES : VECU DES FEMMES MUTILEES
ET PRISE EN CHARGE MEDICALE
DIRECTRICE DE THESE : Docteur Emmanuelle PIET PRESIDENT DU JURY : Professeur Jean CABANE MEMBRES DU JURY : Professeur Jacques MILLIEZ
Professeur Pierre-Marie GIRARD
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier le Dr Emmanuelle Piet, pour m’avoir dirigée dans ce travail. Je suis heureuse de l’avoir rencontrée : à ses côtés j’ai retrouvé le “goût” de mon métier.
Merci au Pr Cabane d’avoir accepté de présider mon jury, et aux Prs Milliez et Girard d’avoir bien voulu en faire partie également.
Merci à toutes les femmes mutilées qui ont accepté de participer à ce travail, j’ai beaucoup appris grâce à elles.
Merci à tous les médecins de planification familiale qui ont collaboré à la réalisation de ce travail.
Merci à ceux qui m’ont aidée dans les différentes étapes de cette thèse : Christelle Cirbeau, Lucile Rivera, Julie, Antoine, Constance, Marine, Sharmily, Stan, Marion, Caroline, et mon cher Maxence.
Et un immense merci à mes parents bien sûr, pour tout.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ...7
I. LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES...9
1. G
ENERALITES...9
1.1.
Terminologie...9
1.2. Définition ...9
1.3.
Typologie...9
1.4. Origines de la pratique...10
1.5. Fonctions attribuées aux mutilations...11
1.6. Prévalence et distribution ...12
1.7. Déroulement de l’excision...14
1.8. Complications des MSF ...15
1.9. Luttes contre la pratique des MSF dans le monde ...17
2. M
OYENS EMPLOYES POUR LUTTER CONTRE LES MSF EN FRANCE... 19
2.1. Dispositions législatives...19
2.2. Actions de prévention ...21
2.3. Résultats des actions de prévention et de répression ...22
2.4. Prise en charge des séquelles des MSF et reconstruction chirurgicale...24
II. NOTRE ETUDE... 26
1. J
USTIFICATIONS ET OBJECTIFS... 26
2. M
ATERIEL ET METHODES... 27
2.1. L’étude principale : les femmes mutilées...27
2.2. L’enquête secondaire : les médecins...28
III. RESULTATS...30
A. ENQUETE
PRINCIPALE :
LES
FEMMES
MUTILEES... 30
1. C
ARACTERISTIQUES DES FEMMES... 30
1.1. Nombre de participantes ...30
1.2. Age des participantes ...30
1.3. Origine géographique...31
1.4. Durée de séjour en France...32
1.5. Catégorie socioprofessionnelle ...32
1.6. Niveau d’études ...33
1.7. Situation familiale...33
2. H
ISTOIRE DE L’
EXCISION... 34
2.1. Age au moment de l’excision ...34
2.2. Lieu de l’excision ...35
2.3. Souvenir de l’excision...35
2.4. Préparation à l’excision...36
2.5. Complications immédiates ...36
2.6. Découverte de l’excision ...37
2.7. Pourquoi cette pratique ? ...38
3. C
OMPLICATIONS OBSTETRICALES ET TROUBLES GENITO‐
URINAIRES... 39
3.1. Complications obstétricales...39
3.2. Troubles génitourinaires...39
4.
VIE SEXUELLE... 39
4.1. Age lors du premier rapport sexuel...39
4.2. Circonstances et déroulement du premier rapport...40
4.3. Vie sexuelle en général...41
5.
PRISE EN CHARGE DES MSF... 44
5.1. Douleurs en dehors des rapports...44
5.2. Difficultés sexuelles...44
6. P
OSITIONNEMENT FACE A LA PRATIQUE DES MSF... 48
6.1. Pour ellesmêmes...48
6.2. Pour leurs filles...49
B. ENQUETE
SECONDAIRE :
LES
MEDECINS... 50
1. D
IFFICULTES POUR ABORDER LES MSF AVEC LES FEMMES... 50
2.
RETICENCES DE LA PART DES FEMMES... 50
3.
APPORTS ET UTILITE DU QUESTIONNAIRE... 50
IV. DISCUSSION ... 52
1. C
RITIQUES DE NOTRE ETUDE... 52
1.1. Mode de sélection des participantes ...52
1.2. Représentativité des participantes...52
1.3. Taux de participation...52
1.4. La barrière de la langue...52
1.5. Données manquantes ...53
1.6. Le type d’étude...53
2. C
E QUE L’
ON APPREND SUR LA PRATIQUE DES MSF... 54
2.1. Perte du caractère rituel...54
2.2. Le fait d’être née en France et le niveau d’étude ne protègent pas contre les MSF.54 2.3. Des conséquences immédiates difficiles à évaluer ...54
3. C
E QUE L’
ON APPREND SUR LES FEMMES MUTILEES... 55
3.1. Pas de réticence à en parler, pour peu qu’on les y invite ...55
3.2. Des femmes qui manquent d’information...55
3.3. Des femmes le plus souvent opposées à la pratique des MSF...57
3.4. Des femmes exposées aux violences conjugales ...57
4. D
ES PLAINTES MULTIPLES... 57
4.1. Des conséquences obstétricales difficiles à évaluer...57
4.2. Des troubles génitourinaires fréquents...58
4.3. De nombreuses difficultés sur le plan sexuel ...58
5. C
E QUE NOUS APPREND L’
ENQUETE‐
MEDECINS... 59
5.1. Pas de difficulté à aborder le sujet...59
5.2. Une utilité certaine des entretiens systématiques ...59
6. Q
UELLE PRISE EN CHARGE POUR CES FEMMES?... 60
6.1. Il faut en parler ...60
6.2. Ce que l’on peut proposer ...60
CONCLUSION...62
BIBLIOGRAPHIE ...64
INTRODUCTION
La pratique des mutilations sexuelles féminines (MSF) remonte à plus de 2000 ans. On compte aujourd’hui dans le monde entre 100 et 140 millions de femmes, jeunes filles et fillettes qui en ont été victimes, et chaque année, trois millions de filles sont susceptibles de subir le même sort (1).
Les mutilations sexuelles féminines n’ont aucun avantage pour la santé. Au contraire, on sait qu’elles sont préjudiciables à bien des égards aux filles et aux femmes. En premier lieu et avant tout, elles sont douloureuses et traumatisantes. L’ablation de tissus génitaux normaux et sains entrave le fonctionnement naturel de l’organisme et a diverses conséquences immédiates ou plus durables sur la santé. Les communautés qui pratiquent les mutilations sexuelles féminines invoquent un ensemble de raisons sociales et religieuses pour justifier la poursuite de la pratique. Du point de vue des droits de l’homme, cette pratique est le reflet d’une inégalité entre les sexes profondément enracinée, et constitue une forme extrême de discrimination à l’encontre des femmes.
La pratique des mutilations sexuelles féminines est surtout présente dans les régions occidentales, orientales et nord orientales de l’Afrique, dans certains pays d’Asie et du Moyen-Orient, et parmi certaines communautés immigrantes d’Amérique du Nord et d’Europe. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 5% des victimes des mutilations vivent dans des pays du Nord (1). Pour lutter contre ces pratiques, les états européens concernés, et notamment la France, ont à la fois apporté une réponse juridique et mis en place des campagnes d’information et de prévention. Si ces actions ont permis de faire reculer la pratique de l’excision, de nombreuses femmes excisées endurent aujourd’hui les conséquences physiques et psychologiques consécutives à leur mutilation. En France, on estime qu’environ 53000 femmes vivent avec cette blessure (2).
Les professionnels de santé ont une place privilégiée pour venir en aide à ces femmes.
C’est particulièrement vrai pour les médecins généralistes, les gynécologues et obstétriciens ainsi que les pédiatres, et ce d’autant plus lorsqu’ils exercent dans des régions fortement concernées en raison de la présence d’une grande concentration de femmes originaires de pays où l’on pratique les mutilations, comme c’est le cas de l’Ile de France. Or, deux études réalisées, l’une en 2006 auprès de médecins exerçant dans les maternités de Seine-Saint- Denis, et l’autre en 2007 auprès de médecins généralistes exerçant dans quatre arrondissements du Nord-Est parisien, ont montré l’insuffisance de connaissances qu’ont les médecins sur le sujet des mutilations sexuelles féminines (3,4). Ils savent mal les diagnostiquer, évaluer leurs conséquences médicales, psychologiques et sexuelles, et orienter les femmes désireuses d’une prise en charge spécifique.
L’Académie nationale de médecine a émis des recommandations en juin 2004, visant à
l’éradication des mutilations sexuelles féminines (annexe 1). Elles portaient notamment sur
l’amélioration des connaissances sur l’ampleur et les caractéristiques des MSF constatées en
France. Pour cela, l’Académie a proposé l’inscription des conséquences des MSF au
programme des études médicales, de la formation médicale continue, et plus généralement, de
l’enseignement de tout le personnel de santé. De plus, l’Académie recommandait le
renforcement et l’amélioration des pratiques médicales en matière de MSF. Elle indiquait que
tout médecin devait penser à la possibilité d’une MSF lors d’une consultation pour troubles
urinaires ou gynécologiques lorsque la patiente était originaire d’un pays à risque, et que lors
de toute consultation avec une patiente mutilée, le médecin devait fournir à la patiente des
informations sur les mutilations sexuelles, leurs conséquences médicales et les possibilités de
réparation chirurgicale.
Il aura fallu attendre une circulaire interministérielle du 8 mars 2007 pour que le thème des mutilations sexuelles féminines soit inscrit dans le programme de formation initiale des médecins au cours du deuxième cycle, et du troisième cycle pour les internes des spécialités les plus concernées, c'est-à-dire médecine générale, gynécologie obstétrique et médicale, pédiatrie et santé publique (annexe 2).
On peut espérer que de meilleures connaissances sur la pratique et les conséquences des MSF amèneront les médecins à prendre conscience de l’étendue du problème, et à mieux prendre en charge les patientes concernées.
Afin d’évaluer ce besoin de prise en charge, nous avons réalisé une enquête sur le vécu
des patientes mutilées. Nous avons voulu savoir si les femmes mutilées s’exprimaient
facilement sur ce sujet, quelles étaient leurs connaissances sur les MSF, leurs plaintes
éventuellement en rapport avec leur mutilation, et leur positionnement vis-à-vis de la pratique.
I. LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES
1. G ENERALITES
1.1. Terminologie
« Mutilations génitales féminines » est un terme adopté à la conférence régionale du Comité Inter-Africain en novembre 1990, pour dénommer les pratiques rituelles et traditionnelles qui consistent à enlever de façon partielle ou totale certaines parties des organes génitaux externes féminins et à mutiler ces derniers de façon permanente.
En juin 2004, l'Académie nationale de médecine a choisi d'adopter le terme de
« mutilations sexuelles féminines », afin de bien marquer le retentissement de ces mutilations sur la sexualité féminine (5).
Le terme « excision », désignant au sens strict les clitoridectomies, est le terme le plus couramment employé dans la langue française pour parler des mutilations au sens large.
En aucun cas le terme de « circoncision féminine » ne peut être substitué à celui d'excision, car ce terme assimile l'excision à la section du prépuce qui recouvre le gland de la verge, ce qui constitue certes une blessure, mais pas un retranchement de l'organe avec perte de la fonction.
1.2. Définition
L'OMS définit les mutilations sexuelles féminines de la manière suivante : « toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre mutilation des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons culturelles ou autres et non à des fins thérapeutiques » (1).
1.3. Typologie
Les mutilations sexuelles féminines revêtent plusieurs formes : il peut s'agir de la section partielle ou totale du clitoris, associée ou non à celle des petites lèvres, on parle alors d'excision. Les grandes lèvres peuvent également être sectionnées et leurs moignons cousus ensemble, on parle alors d'infibulation.
L’OMS a établi en 1995 une classification des mutilations sexuelles féminines en quatre types, en fonction de l'extension des mutilations (1). Cette classification a été modifiée en 2007, et des subdivisions ont été ajoutées afin de cerner plus précisément la variété des mutilations. La classification modifiée complète de 2007 ainsi que la classification de 1995 sont présentées en annexe 3.
−
Type I : Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce (clitoridectomie).
L'acte étant pratiqué le plus souvent sur un bébé ou une fillette impubère et surtout dans
des conditions précaires, la petitesse des organes génitaux fait que le gland du clitoris est
presque toujours sectionné, rendant quasiment inexistant ce qui pourrait correspondre à la
circoncision féminine (ablation du seul prépuce du clitoris).
−
Type II : Ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (excision).
C'est la forme la plus répandue dans le monde, elle représente 80% des MSF.
−
Type III : Rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris (infibulation).
Il s'agit de l'infibulation, encore appelée « circoncision pharaonique ». C'est la forme la plus extrême des mutilations sexuelles féminines. Le plus souvent, après la section du clitoris et des petites lèvres, les grandes lèvres sont réséquées ou mises à vif, puis cousues entre elles (parfois avec des épines d'acacia), ou accolées en liant solidement les membres inférieurs juxtaposés pendant trois à quatre semaines, jusqu'à cicatrisation de la plaie. Ceci entraîne une fermeture quasi-totale de la fente vulvaire. Seul un petit pertuis à l'extrémité postérieure de la vulve, obtenu par l'insertion d'un bout de bois dans la plaie, est préservé pour permettre l'écoulement des urines et du sang menstruel. Les rapports sexuels sont impossibles. Avant le premier rapport sexuel, la cicatrice doit être ré-ouverte. Dans les cas les plus heureux, l'incision est faite en milieu hospitalier : c'est la « désinfibulation ». Dans les moins heureux, c'est le mari qui déchire progressivement sa femme à l’ongle ou au couteau, et un rapport complet n'est possible qu'après des semaines ou des mois de tentatives extrêmement douloureuses. Après un accouchement, le mari demandera parfois que la femme soit
« recousue à ses dimensions ».
L'infibulation représente 15% des mutilations sexuelles féminines.
−
Type IV : Non classées : toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques, telles que la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation.
1.4. Origines de la pratique
L’origine exacte de la pratique des mutilations sexuelles est inconnue, mais selon certains, elles dateraient de l'ancienne Egypte au Ve siècle avant Jésus Christ. La première mention écrite de l’excision date de cette époque, dans un texte de l’historien Hérodote intitulé l’Enquête. Il y évoque le fait qu’Egyptiens, Ethiopiens, Colchidiens et Phéniciens effectuaient des infibulations (6).
L’origine géographique des mutilations serait la région du haut Nil, à partir de laquelle ces pratiques se seraient ensuite étendues en Afrique, en Asie et au Moyen Orient.
Il faut noter qu’en Europe, et particulièrement en France et en Angleterre, la clitoridectomie, les cautérisations génitales et l’infibulation étaient pratiquées au XIXe siècle et au XXe siècle jusque dans les années 1920 par certains médecins comme les Français Thésée Pouillet (1849-1923) ou Paul Broca (1824-1880), pour lutter contre l’hystérie, la masturbation, et divers troubles psychiques. Aux Etats-Unis, la pratique de l’excision du prépuce clitoridien comme traitement de la frigidité et des problèmes psychologiques qui en résultent est proposée depuis les années 1940. En 1959, un médecin américain nommé Rathmann a inventé une pince spéciale pour circoncire les femmes (7,8).
Les mutilations sont pratiquées par des populations de toutes religions : animistes,
catholiques, juifs et musulmans, et ne sont préconisées par aucun texte religieux.
1.5. Fonctions attribuées aux mutilations
Selon la psychanalyste Françoise Couchard, « derrière la multiplicité des raisons ou des rationalisations pour justifier les mutilations sexuelles, prévaut le fantasme que la femme est un être dangereux pour l’homme et pour l’ordre masculin. Elle est dangereuse par la force de ses pulsions qui risquent d’entraîner l’homme à sa perte, et par son absence de contrôle.
Ainsi, Platon indique dans le Timée comment les anciens grecs se représentent la femme : elle est un être double, car dans son intérieur siège l’utérus perçu comme un être vivant, autonome et mû par le désir de faire des enfants ; il faut lui donner sa pitance par les relations sexuelles, sinon (…) il se révoltera et dominera la femme, la rendant folle comme les Bacchantes » (6).
Quoi qu’il en soit, l’objectif de la mutilation du sexe de la femme est toujours le contrôle de sa sexualité, une tentative d'asservissement par une action directe de destruction de sa sexualité.
Mais les justifications invoquées en pratique sont variées : (9)
− l'identité culturelle : la coutume et les traditions sont les raisons les plus souvent avancées pour justifier les MSF. Ces mutilations contribuent à définir l'appartenance au groupe. Cela est encore plus évident lorsque les MSF font partie de rites d'initiation et de passage à l'âge adulte.
− l'identité sexuelle : les MSF peuvent être jugées nécessaires pour qu'une jeune fille accède au statut de femme à part entière. Au Mali, l'ablation des parties « masculines » du corps de la femme, à savoir le clitoris et les petites lèvres, contribuerait à rendre sa personnalité plus féminine, de même que la circoncision des hommes viserait à leur retirer leur part de féminité pour les rendre pleinement hommes.
− le contrôle de la sexualité féminine et des fonctions reproductrices : dans de nombreuses sociétés, on justifie les MSF par la nécessité de diminuer le désir sexuel de la femme, afin de réduire le risque de relations extra-conjugales. Dans le cas de l'infibulation, la femme est
« cousue » pour n'être « ouverte » que par son mari, qui est ainsi assuré de la virginité de sa femme au moment du mariage.
− les croyances relatives à la santé, l'hygiène et aux effets esthétiques : les termes populaires pour désigner les mutilations sont synonymes de purification (tahara en Egypte, tahur au Soudan) ou d'ablution (sili-ji chez les Bambaras du Mali). Dans certaines sociétés pratiquant les MSF, les femmes non mutilées sont considérées comme impures et n'ont pas le droit de s'occuper de la nourriture ni de l'eau. On affirme aussi dans certaines sociétés que si les organes génitaux ne sont pas excisés, ils vont se développer et pendre entre les jambes.
D'autres groupes considèrent le clitoris comme un organe dangereux : il risquerait de rendre l’homme impuissant s’il entrait en contact avec son pénis lors des rapports sexuels, ou de faire mourir l’enfant s’il entrait en contact avec sa tête lors de l’accouchement. On dit parfois aussi que les MSF accroissent la fécondité.
− l'alibi religieux : bien que les MSF soient antérieures à l'Islam et que la majorité des
musulmans ne les pratiquent pas, elles ont acquis une dimension religieuse au point que la
religion est souvent invoquée à titre de justification dans des pays où des musulmans
observent cette coutume. En réalité, les MSF sont pratiquées par des musulmans, des
chrétiens (catholiques, protestants, coptes), des animistes, des juifs et des non-croyants dans toutes sortes de communautés, et aucun texte religieux ne les préconisent.
1.6. Prévalence et distribution (1)
L'OMS estime à 100 à 140 millions le nombre de filles et de femmes mutilées dans le monde, et chaque année, trois millions de filles sont susceptibles de subir le même sort.
La plupart des mutilations sont pratiquées dans 28 pays d'Afrique. Il faut noter qu'au sein d'un même pays, toutes les ethnies ne pratiquent pas les mutilations, et qu'au sein d'une même ethnie, il peut y avoir des variations de pratiques.
Figure 1 : Proportion de femmes de 15 à 49 ans ayant subi des MSF en Afrique
On trouvera ci-après la liste des pays dans lesquels des mutilations sexuelles féminines
ont été constatées en tant que pratique traditionnelle. L’estimation de la prévalence découle
des données issues des Enquêtes Nationales sur la Démographie et la Santé réalisées par le
Programme Demographic and Health Surveys (DHS), ou des enquêtes publiées par l’UNICEF
(1°).
Pays Année
Prévalence estimée des MSF chez les filles et les femmes âgées de 15 à 49
ans (%)
Bénin 2001 16.8
Burkina Faso 2005 72.5
Cameroun 2004 1.4
Côte d’Ivoire 2005 41.7
Djibouti 2006 93.1
Egypte 2005 95.8
Erythrée 2002 88.7
Ethiopie 2005 74.3
Gambie 2005 78.3
Ghana 2005 3.8
Guinée 2005 95.6
Guinée-Bissau 2005 44.5
Kenya 2003 32.2
Libéria* 45
Mali 2001 91.6
Mauritanie 2001 71.3
Niger 2006 2.2
Nigeria 2003 19
Ouganda 2006 0.6
République centrafricaine 2005 25.7
République Unie de Tanzanie 2004 14.6
Sénégal 2005 28.2
Sierra Leone 2005 94
Somalie 2005 97.9
Soudan, nord ** 2000 90
Tchad 2004 44.9
Togo 2005 5.8
Yémen 1997 22.6
Tableau 1 : Prévalence des MSF dans les pays africains où elles sont pratiquées
* Les estimations découlent de diverses études menées au niveau local et au niveau sous-national
** Environ 80% de la population totale faisait l’objet de l’étude.
Dans d’autres pays, des études ont permis de faire état de mutilations sexuelles féminines, mais aucune estimation n’a été faite au niveau national. Ces pays sont l’Inde, l’Indonésie, l’Irak, l’Israël, la Malaisie et les Emirats arabes unis. Il existe aussi des données ponctuelles concernant des mutilations sexuelles féminines dans plusieurs autres pays, notamment la Colombie, Oman, le Pérou, la République démocratique du Congo et le Sri Lanka. Les pays dans lesquels les mutilations sexuelles féminines sont pratiquées uniquement par des populations migrantes ne figurent pas dans les listes ci-dessus.
L'immigration a répandu ces coutumes à travers le monde dans les pays d'accueil : Europe, Australie, Amérique du Nord.
En France, en 2004, selon une estimation réalisée par l’Institut National d’Etudes
Démographiques (INED), le nombre de femmes adultes mutilées était compris entre 42.000 et
61 .000 (2). Ces femmes sont en très grande majorité issues des pays du sud du Sahara, et plus particulièrement de quatre pays : le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire et la Mauritanie. Mais on rencontre aussi des femmes mutilées issues du Bénin, de Centrafrique, d’Egypte, d’Ethiopie, de Gambie, de Guinée, du Kenya, du Libéria, du Nigeria, de Sierra Leone, de Somalie, du Soudan, de Tanzanie, ou encore du Tchad. Les départements les plus concernés sont les huit départements d'Ile de France, ainsi que ceux des Bouches-du-Rhône, de l'Eure, du Nord, de l'Oise, du Rhône et de la Seine-Maritime. Selon une estimation du GAMS (Groupe de femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles) au premier janvier 2002, en Ile de France, 19.000 jeunes filles étaient excisées ou menacées de l’être (10).
1.7. Déroulement de l’excision (11)
−
Quand?
L'âge auquel sont pratiquées les mutilations sexuelles féminines est variable en fonction des ethnies et des facteurs extérieurs. Elles peuvent être pratiquées sur des nourrissons dans les premières semaines de vie, sur des petites filles, des adolescentes voire des adultes jeunes, juste avant le mariage. Traditionnellement les mutilations étaient plutôt pratiquées sur des filles prépubères ou adolescentes, dans le cadre d'un rituel initiatique d'apprentissage des moeurs sexuelles et du rôle de la femme dans la société. La tendance en Afrique est à un abaissement de l'âge de ces pratiques vers la première année de vie (pas de souvenir, moins de résistance pendant la mutilation).
Pour les personnes résidant en France originaires de pays où l'on pratique les mutilations, celles-ci sont le plus souvent réalisées à l'occasion des vacances scolaires lors d'un retour au pays, et donc à des âges variables. Actuellement, il semblerait que les mutilations soient pratiquées de plus en plus tard, probablement pour échapper à la surveillance réalisée par les services de Protection Maternelle et Infantile jusqu’à l’âge de 6 ans.
−
Par qui?
Les exciseuses sont le plus souvent des femmes de la caste des forgerons, elles n'ont d'autre savoir que celui transmis par leur mère. Leur action est lucrative : elles sont rémunérées par les parents avec de l'argent, de la nourriture ou des biens matériels. Elles bénéficient du respect et de la reconnaissance de leur communauté.
−