MPSI B 29 juin 2019
Énoncé
Ce problème porte sur un critère d'irréductibilité pour les polynômes à coecients ra- tionnels.
Partie 1 : Contenu d'un polynôme à coecients entiers
On note Z [X ] l'ensemble des polynômes de Q [X] à coecients entiers. Étant donné un polynôme P = a
0+ ... + a
nX
n∈ Z [X ] non nul, on pose :
c(P ) = pgcd(a
0, ..., a
n).
On dit que c(P ) est le contenu de P .
1. a. Montrer que pour tout P ∈ Z [X] non nul et tout k ∈ N
∗, c(kP ) = kc(P ) . b. Montrer que pour tout P ∈ Z [X] non nul :
1
c(P ) P ∈ Z [X]
Dans la suite de cette partie, A et B désignent deux polynômes de Z [X] de degrés respectifs n et m :
A =
n
X
k=0
a
kX
kB =
m
X
k=0
b
kX
knotons AB =
n+m
X
k=0
c
kX
k2. Pour tout k ∈ J 0, n + m K, rappeler l'expression de c
ken fonction des a
i, b
j.
3. On suppose dans cette question que c(A) = c(B) = 1 et que c(AB) admet un diviseur premier p .
a. Justier que l'on puisse dénir des entiers k
0dans J 0, n K et l
0dans J 0, m K par les égalités :
k
0= min {k ∈ J 0, n K tq p 6 | a
k} l
0= min {l ∈ J 0, m K tq p 6 | b
l} b. En exprimant c
k0+l0, montrer que p divise a
k0b
l0.
c. Montrer que c(AB) = 1 . 4. Montrer que c(AB) = c(A)c(B) .
5. Soit P ∈ Z [X ] qui n'est pas irréductible dans Q [X] , c'est à dire qu'il existe deux polynômes Q, R ∈ Q [X] de degrés supérieurs ou égaux à 1 tels que P = QR .
a. Montrer qu'il existe deux entiers naturels q, r tels que qQ ∈ Z [X] et rR ∈ Z [X] . b. Montrer que qr divise c(qrQR) .
c. En déduire qu'il existe deux polynômes S et T dans Z [X ] de degré supérieur ou égal à 1 et tels que P = ST .
Partie 2 : Critère d'Eisenstein
Soit n ∈ N
∗et p un entier premier. On considère un polynôme A de degré n : A =
n
X
k=0
a
kX
k∈ Z [X ]
et on suppose que les conditions suivantes sont vériées :
p divise a
0, ..., a
n−1. p ne divise pas a
n. p
2ne divise pas a
0. 1. Supposons qu'il existe deux polynômes B, C ∈ Z [X ] tels que :
deg(B) = r ≥ 1, B =
r
X
k=0
b
kX
k, deg(B ) = s ≥ 1, C =
s
X
k=0
c
kX
ket A = BC.
a. Montrer que p divise un et un seul des deux entiers b
0et c
0. On supposera par la suite que p divise b
0et ne divise pas c
0. b. Montrer que pour tout k ∈ J 0, r K, p divise b
k.
c. En déduire que p divise a
n. Qu'en conclure ? 2. Montrer que A est irréductible dans Q [X] .
Partie 3 : Exemples
1. Montrer que pour tout n ≥ 2 , X
n− 2 est irréductible dans Q [X ] . 2. Soit p un entier premier. Posons Φ
p= 1 + X + ... + X
p−1.
a. Montrer que (X − 1)Φ
p= X
p− 1 . b. Posons Ψ
p= Φ c
p(X + 1) . Montrer que :
Ψ
p=
p−1
X
k=0
p k + 1
X
k.
c. En déduire que Ψ
pest irréductible dans Q [X ] . d. Montrer que Φ
pest irréductible dans Q [X ] .
Cette création est mise à disposition selon le Contrat
Paternité-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/
1
Rémy Nicolai AeisensMPSI B 29 juin 2019
Corrigé
Partie 1 : Contenu d'un polynôme à coecients entiers
1. a. Soit P = P
ni=0
a
iX
i∈ Z [X ] non nul et k ∈ N
∗. Par linéarité (ou homogénéité) : pgcd(ka
0, ..., ka
n) = k pgcd(a
0, ..., a
n).
De kp = P
ni=0
ka
iX
i, on tire
c(kP ) = pgcd(ka
0, ..., ka
n) = k pgcd(a
0, ..., a
n) = kc(P).
b. Soit P = P
nk=0
a
kX
k∈ Z [X ] non nul, de degré n et de coecients a
0, ..., a
n. Pour tout k ∈ J 0, n K, c(P ) divise a
kdonc il existe a
0k∈ Z tel que a
k= c(P )a
0k. Ainsi :
1 c(P ) P =
n
X
k=0
a
0kX
k∈ Z [X ].
2. Soit k ∈ J 0, n + m K. Par dénition du produit polynomial :
c
k= X
(i,j)∈J0,nK×J0,mK i+j=k
a
ib
j.
3. a. Comme c(A) = c(B) = 1 , les coecients de A n'ont aucun diviseur commun donc p ne divise pas tous les a
iet il en est de même pour les coecients de B . Les ensembles d'indices i pour lesquels p ne divise pas a
iou b
isont des parties de N non vides. Elles admettent des plus petits éléments. Les entiers k
0(associé à A ) et l
0(associé à B ) sont donc bien dénis.
b. D'après la question 2., on a : c
k0+l0= X
(i,j)∈J0,nK×J0,mK i+j=k0+l0
a
ib
j= a
k0b
l0+ X
(i,j)∈J0,nK×J0,mK i+j=k0+l0 (i,j)6=(k0,l0)
a
ib
jExaminons les couples (i, j) de la dernière somme.
Montrons d'abord que i 6= k
0et j 6= l
0. En eet
i = k
0i + j = k
0+ l
0)
⇒ j = l
0⇒ (i, j) = (k
0, l
0).
De même pour j = l
0. Montrons ensuite que i < k
0ou j < l
0. En eet i ≥ k
0i 6= k
0i + j = k
0+ l
0
⇒ i < k
0i + j = k
0+ l
0)
⇒ j > l
0.
De même j ≥ l
0entraîne i < k
0.
Ainsi, p divise a
iou b
j, donc dans tous les cas, p divise a
ib
j. La somme :
X
(i,j)∈J0,nK×J0,mK\{(k0,l0)}
i+j=k0+l0
a
ib
j= c
k0+l0− a
k0b
l0est donc divisible par p . De c
k0+l0divisible par p , on déduit que a
k0b
l0l'est aussi.
c. Comme p divise a
k0b
l0avec p premier, le lemme de Gauss assure que p divise a
k0ou b
l0, ce qui contredit la dénition de k
0et de l
0. C'est donc absurde.
Ainsi, c(AB) ne possède pas de diviseurs premiers, donc c(AB) = 1 .
4. Notons p = c(A) , q = c(B) . Pour tout k ∈ J 0, n K et tout l ∈ J 0, m K, il existe a
0ket b
0lentiers tels que pa
0k= a
ket qb
0l= b
l.
Par linéarité, pgcd(a
00, ..., a
0n) = pgcd(b
00, ..., b
0m) = 1 . Ainsi : A
1=
n
X
k=0
a
0kX
ket B
1=
m
X
l=0
b
0lX
lvérient c(A
1) = c(B
1) = 1.
Donc c(A
1B
1) = 1 d'après 3.c.. Comme AB = pqA
1B
1, la question 1.a. entraîne : c(AB) = pq c(A
1B
1) = pq = c(A)c(B).
5. a. Notons u = deg(Q) . Comme Q ∈ Q [X] , il existe (p
0, ..., p
u) ∈ Z
u+1et (q
0, ..., q
u+1) ∈ ( N
∗)
n+1tels que :
Q =
u
X
k=0
p
kq
kX
k.
Posons alors q = ppcm(q
0, ..., q
u) . Pour tout k ∈ J 0, u K, q
kdivise q donc : q p
kq
k∈ Z .
Ainsi, qQ ∈ Z [X] . De même, on trouve un entier naturel r tel que rR ∈ Z [X] .
Cette création est mise à disposition selon le Contrat
Paternité-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/
2
Rémy Nicolai AeisensMPSI B 29 juin 2019
b. D'après les hypothèses sur P ∈ Z [X ] et Q , R dans Q [X] ,
P = QR ⇒ qrQR = qrP ⇒ c(qrQR) = c(qrP ) = qrc(P) ⇒ qr divise c(qrQR) c. Dénissons plusieurs polynômes de Z [X ] (question a. et dénition du contenu) :
S
1= qQ, T
1= rR, S
2= 1
c(S
1) S
1, T = 1 c(T
1) T
1Alors : c(S
1)c(T
1) = c(S
1T
1) = c(qr QR) = qr c(P ) . On en déduit P = 1
qr (qQ)(rR) = 1
qr S
1T
1= c(S
1)c(T
1)
qr S
2T = c(P ) S
2| {z }
=S∈Z[X]
T
On a donc bien : P = ST avec P et Q à coecients entiers et de degrés non nuls.
Partie 2 : Critère d'Eisenstein
1. a. On a a
0= b
0c
0. Comme p divise a
0et p est premier, d'après le lemme d'Euclide, p divise b
0ou p divise c
0.
Comme p
2ne divise pas a
0, alors p ne peut diviser simultanément b
0et c
0. Donc p divise exactement l'un des deux entiers b
0et c
0.
b. Montrons le résultat par récurrence nie sur k . Pour tout k ∈ J 0, r K, notons P
kla proposition :
P
k: ∀l ∈ J 0, k K , p divise b
l• P
0. C'est ce que nous avons supposé dans la question précédente.
• P
k⇒ P
k+1. Soit k ∈ J 0, r − 1 K tel que P
ksoit vériée. Comme s ≥ 1 , alors r < n donc k + 1 < n . Ainsi, p divise a
k+1. On a :
a
k+1= X
0≤i≤r 0≤j≤s i+j=k+1
b
ic
j= b
k+1c
0+ X
0≤i≤r, i6=k+1 0≤j≤s i+j=k+1
b
ic
j.
Soit (i, j) ∈ J 1, r K × J 0, s K tel que i + j = k + 1 et i 6= k + 1 . Alors i ≤ k . D'après P
k, p divise b
i. Ainsi, p divise la somme :
X
0≤i≤r, i6=k+1 0≤j≤s i+j=k+1
b
ic
j.
Comme p divise a
k+1, alors p divise b
k+1c
0. D'après le lemme d'Euclide, p divise b
k+1ou c
0. Comme p ne divise pas c
0, alors p divise b
k+1.
Donc P
k+1est vériée.
Conclusion : ∀k ∈ J 0, r K, p|b
k.
c. Ainsi, p divise b
r. Or, a
n= b
rc
s, donc p divise a
n. Ceci est absurde, puisque d'après l'hypothèse (ii) , p ne divie pas a
n.
On en déduit que'il n'existe pas de polynômes B, C ∈ Z [X] de degrés supérieurs ou égaux à 1 tels que A = BC .
2. D'après la question 5.c., P est irréductible dans Q [X] .
Partie 3 : Exemples
1. Posons a
0= −2 , a
1= ... = a
n−1= 0 et a
n= 1 . Posons également p = 2 . On a bien : p divise a
0, · · · , a
n−1, p ne divise pas a
n, p
2= 4 ne divise pas a
0= −2 . D'après le critère d'Eisenstein (question 7.), X
n− 2 est irréductible dans Q [X ] . 2. a. D'après les règles de calcul dans un anneau :
(X − 1)Φ
p= (X − 1)
p−1
X
k=0
X
k=
p−1
X
k=0
X
k1
p−1−k= X
p− 1
p= X
p− 1.
b. On substitue X + 1 à X dans la relation précédente puis on simplie par X XΨ
p= (X + 1)
p− 1 =
p
X
k=0
p k
X
k− 1 =
p
X
k=1
p k
X
p=
p−1
X
k=0
p k + 1
X
k+1⇒ Ψ
p=
p−1
X
k=0
p k + 1
X
k.
c. Pour tout k ∈ J 0, p − 1 K, posons a
k= p
k + 1
.
Pour tout k ∈ J 1, p − 1 K, p divise
kp(voir démonstration du petit théorème de Fermat), donc pour tout k ∈ J 0, p − 2 K, p divise a
k. De plus,
a
p−1= 1 ⇒ p ne divise pas a
p−1, a
0= p ⇒ p
2ne divise pas a
0. D'après le critère d'Eisenstein (question 7.), Ψ
pest irréductible dans Q [X ] .
Cette création est mise à disposition selon le Contrat
Paternité-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/
3
Rémy Nicolai AeisensMPSI B 29 juin 2019
d. Montrons par l'absurde que Φ
pest irréductible dans Q [X ] .
S'il existe A, B ∈ Q [X ] avec deg(A), deg(B ) ≥ 1 tels que Φ
p= AB . Alors en substituant X + 1 à X :
Ψ
p= A(X b + 1) B(X b + 1)
ne serait pas irréductible, en contradiction avec le résultat de la question précé- dente. Le polynôme Φ
pest bien irréductible dans Q [X ] .
Cette création est mise à disposition selon le Contrat
Paternité-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/