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Oncologie : Article pp.1-2 du Vol.1 n°1 (2007)

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E´DITORIAL

Cancers et images du corps : la fonction spe´culaire de l’annonce ?

M. Derzelle

« Je me souviens : un costume de flanelle grise, une chemise rose, une cravate bordeaux, une me`che de cheveux dans laquelle il passait la main re´gulie`rement et un grand sourire. Je me suis dit que c¸a ne pouvait qu’aller bien avec un homme donte´manait tant de chaleur. »

(Une patiente en re´mission) Et si l’annonce d’un cancer e´tait bien plus complexe, bien plus riche aussi qu’il n’y paraıˆt – cela a` l’encontre des pre´juge´s a` la mode qui empeˆchent tout questionnement ? Les propos cite´s ci-dessus en te´moignent. L’aspect relationnel ne saurait eˆtre ne´glige´ au profit du seul aspect informatif. Au-dela` de la relation e´videmment dissyme´- trique entre le malade et le me´decin, un autre aspect, plus subtil, intervient du coˆte´ de la repre´sentation imaginaire du patient. Le corps du me´decin en bonne sante´ entre, pour le malade, dans une relation de type spe´culaire. Alors que celui-ci va peut-eˆtre eˆtre engage´ dans une trajectoire ou` les me´tamorphoses du corps et de l’identite´ corporelle vont l’exposer aux risques de la de´personnalisation, l’image du me´decin va pouvoir servir de paradigme de la bonne sante´. Quand « tout fout le camp », ce point de repe`re seul offre une stabilite´. Du reste, au-dela` de sa dimension individuelle, il repre´sente aussi la stabilite´

rassurante de l’institution.

Ce de´ploiement de l’annonce sur les deux registres conscient et inconscient, qui invite a` ce que l’information exhaustive et parfois e´crasante laisse le maximum de place a` la possibilite´ de l’interpre´tation du patient, dit l’impor- tance de la re´flexion a` mener sur le dispositif de consultation d’annonce. Le dispositif d’annonce, ne´ d’une

approche essentiellement « traumatologique » au sens conscient du terme, ne doit donc pas se cantonner a` des ame´nagements de cadre, de dispositifs de divulgation du savoir et d’accompagnement. Le cas e´che´ant, il y aurait fort a` craindre que les techniques de communication et le simple « humanisme » ne soient une condition ne´cessaire mais non suffisante pour accueillir la plainte du patient, voire pour formuler l’annonce me´dicale. D’autre part, re´duire la question de l’annonce au pur jeu de me´canismes de de´fense susceptibles d’en contenir les effets tant du coˆte´

du me´decin que du patient e´quivaudrait a` une mise a` mort du sujet humain, somme´ de n’eˆtre plus un individu unique et singulier capable d’e´laboration et de subjectivation. Le dispositif d’annonce ne doit eˆtre ni une entreprise de normalisation, ni une entreprise d’e´radication des e´mo- tions, ni une limitation sur le tout premier temps. Au-dela`

des contraintes le´gales auxquelles doit se conformer un me´decin « forme´ aux techniques de communication », et au- dela` d’une mode´lisation de l’annonce comme d’un e´ve´nement a` « organiser » et a` « encadrer » par des de´marches d’accompagnement diverses (infirmie`res, assistantes sociales, psychologues, associations de malades), c’est de l’acte fondateur d’une relation soignante humaine qu’il s’agit avant tout. Ce concept prend sens uniquement dans le cadre institutionnel l’appelant de ses vœux, cependant il n’est ni me´dical, ni juridique, ni psychologique. En revanche, le terme

« annonce » est utilise´ dans le contexte religieux de l’engen- drement par le « Verbe » justement, de la Vierge Marie... Ce mythe traduit parfaitement les enjeux de pouvoir de celui qui

« sait » et qui agit a` l’insu du sujet qui repre´sente la purete´, la naı¨vete´ et l’obe´issance absolues, pur esprit, dont le corps est

« ope´re´ » malgre´ lui. L’annonce doit donc eˆtre repre´ci- se´e : elle est le premier acte de prise en charge d’un homme ou d’une femme a` l’histoire unique, de´bordant d’angoisse et d’e´motion, par un praticien pourvu d’une certaine autorite´

symbolique statutaire. Celui-ci a la caracte´ristique d’eˆtre forme´ a` une approche essentiellement quantitative. L’e´ve´- nement qui survient pre´sentement n’engage pas toute sa vie.

Dans cette rencontre, qui scelle la « prise en soins » du patient, mais reste toujours co-cre´ation singulie`re de deux vulne´rabi-

Martine Derzelle ()

Psychanalyste, Institut Jean-Godinot, Centre re´gional de lutte contre le cancer, BP 171, 51056 Reims Cedex

Te´l. : 03 26 50 43 72 Fax : 03 26 50 43 79

E-mail (prof.) : martine.derzelle@reims.fnclcc.fr E-mail (pers.) : martine.derzelle@wanadoo.fr Psycho-Oncologie (2007) Nume´ro 1: 1–2

©Springer 2007

DOI 10.1007/s11839-007-0013-5

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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lite´s, c’est avec la mort, avec sa mort unique et singulie`re que le malade a a` faire et pas seulement avec la maladie. Que le me´decin donne cre´dit ou non a` cette re´alite´, l’annonce, par la

« mise au courant » du conscient, fait basculer le patient d’un statut de personne en bonne sante´ a` celui de personne atteinte d’un cancer, avec la violence des repre´sentations attache´es a` ce terme. L’annonce d’un cancer, alors que le me´decin est de´ja`

souvent dans le « faire » avec un de´calage susceptible d’augmenter la peur, est donc loin de n’eˆtre qu’un pur premier me´canisme d’adaptation a` la maladie qui, dans une vise´e strictement institutionnelle, favoriserait l’assurance d’une collaboration the´rapeutique. Elle est plutoˆt pour le patient de´voilement et anticipation de la solitude absolue qui est le re´gime universel de la mort humaine. Elle est en meˆme temps confrontation a` la question de la « de´maıˆtrise » de toute technique, tant me´dicale que psychologique.

De ce point de vue, parce qu’il n’existe pas une

« bonne » fac¸on d’annoncer un cancer et que se pre´valoir de re`gles techniques dans la relation me´decin-malade revient a` de´savouer l’engagement intersubjectif qui en constitue la dynamique essentielle, il faut affirmer fermement l’impossibilite´ de tout « coaching » de l’annonce. En revanche, des axes de re´flexion et de questionnement se de´gagent, que l’on pourrait conside´rer comme les points centraux de l’annonce :

1. Il y a obligation de dire (pour le praticien) mais pas d’e´couter ni d’entendre (pour le malade) ;

2. La parole engendre des effets non e´valuables ;

3. L’annonce n’est pas un temps ze´ro, mais elle s’inscrit sur une feuille jamais vierge ou`, par un processus actif dans une temporalite´ inde´finie, elle se fera parfois une place ;

4. Ce ne sont pas les me´canismes de de´fense qu’il faut respecter mais les personnes avec leurs me´canismes de de´fense ;

5. L’annonce ne peut se suffire d’eˆtre celle du consommateur de sante´ ou de soins ;

6. On ne peut ignorer les enjeux psychiques de l’annonce, violence faite au me´decin comme au malade ;

7. Il n’y a pas de superposition du temps objectif des soins et des soignants et du temps psychique du malade.

Alors ? De l’annonce d’un diagnostic jusqu’a` la prescrip- tion d’un traitement en passant par la formulation d’un pronostic, patient et me´decin sont en situation d’e´change.

Comment croire qu’il ne peut advenir de cette rencontre que ce que l’on attend : inte´gration du diagnostic, observance de la the´rapeutique, acquiescement aux perspectives d’avenir ? En re´alite´, ces diffe´rentes e´tapes du soin me´dical sont parcourues a` deux, dans un e´change parle´ et corporel permanent ; comme tel, cet e´change produit des effets, par nature impre´visibles. Comme si la seule ve´ritable annonce e´tait que la parole et le langage sont des objets incertains...

Comme si ce que les psychanalystes appellent « transfert » et

« contre-transfert » e´taient les ve´ritables enjeux et supports de l’annonce...

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