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Audience publique du 2 février 2021

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Texte intégral

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1 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

COUR ADMINISTRATIVE

Numéro 45226C du rôle Inscrit le 16 novembre 2020

___________________________________________________________________________

Audience publique du 2 février 2021

Appel formé par Madame ..., …,

contre un jugement du tribunal administratif du 12 octobre 2020 (n° 43901 du rôle) en matière de protection internationale

Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 45226C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ..., née le … à ...

(Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-… …, …, …, dirigée contre le jugement rendu le 12 octobre 2020 (n° 43901 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du … 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 21 janvier 2021.

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Le 11 septembre 2018, Madame ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le

« ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

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2 Les déclarations de Madame ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée- police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date du 29 avril 2019, elle fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du ... 2019, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée envoyée le 13 novembre 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », l’informa que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 11 septembre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 11 septembre 2018 ainsi que le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 29 avril 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu avec votre mari …, votre beau-père et vos deux enfants dans un village dénommé « ... » au Cameroun jusqu’au décès de votre époux en mars 2018.

Vous expliquez avoir quitté le Cameroun alors que vous ne vous seriez plus sentie en sécurité dans votre pays d’origine en raison de menaces proférées à votre encontre par votre beau-père, un « … » de votre village. Dans ce contexte, vous précisez que vous auriez été mariée de force à l’âge de ... ans avec un homme .... Une année plus tard, vous auriez essayé de vous échapper de votre situation familiale désastreuse, mais votre beau-père aurait tiré sur vous. Après un séjour à l’hôpital de trois mois, vous seriez retournée à la maison et auriez depuis fait le ménage, vous vous seriez occupée de votre époux ... et de vos enfants, toujours sous la supervision de votre beau-père. Votre amie ... aurait voulu vous soutenir en vous prêtant de l’argent afin que vous puissiez ouvrir un petit commerce et devenir plus indépendante, mais votre beau-père vous aurait privée de cet argent.

Après le décès et l’enterrement de votre époux, vous seriez partie à ... le 12 mars 2018, où un visa pour la Turquie vous aurait été délivré, avant de quitter le Cameroun à cause de votre beau-père qui « serait venu me retrouver aussitôt » à l’aide de « ses pouvoirs surnaturels » (p.10/14 du rapport d’entretien).

Votre amie ... aurait gardé vos enfants depuis votre départ de votre pays d’origine.

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3 En ce qui concerne votre fuite, vous déclarez que vous auriez quitté votre pays d’origine le 22 mars 2018 et que vous seriez partie en avion à destination de la Turquie, où vous seriez restée pendant environ trois semaines avant de poursuivre votre chemin vers la Grèce. Fin août 2018, vous auriez traversé la Méditerranée à bord d’un bateau à destination de l’Italie avant de venir au Luxembourg le 10 septembre 2018.

Vous ne présentez aucun document d’identité.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale

Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Quant au refus du statut de réfugié

Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

En l’espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amenée à quitter votre pays d’origine n’ont pas été motivées par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.

Madame, vous indiquez avoir quitté le Cameroun alors que votre beau-père vous aurait menacée et maltraitée. Force est de constater que ces faits ne sont pas liés aux critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, qui prévoient une protection à toute personne persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, sa nationalité, sa religion, son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Quand bien même ces faits seraient liés à l’un des critères énumérés par la Convention de Genève et qu’ils seraient suffisamment graves pour constituer un acte de persécution, notons que s’agissant d’actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, cela n’est pas

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4 le cas en l’espèce. En effet, vous n’avez aucunement porté plainte contre votre beau-père, de sorte qu’on ne saurait reprocher une quelconque défaillance aux forces de l’ordre qui n’ont jamais été mises en mesure d’effectuer leur mission.

A cela s’ajoute Madame que vous êtes majeure et qu’après le décès de votre époux, vous auriez pu vous installer indépendamment de votre belle-famille au Cameroun.

Notons à titre d’information que vous auriez pu trouver de l’aide puisque « the MINPROFF [Rem. : Ministère de la Promotion de la femme et de la famille] has set up five

"call centres" located in ..., ... and Bertoua. On its Internet site, ACAFEJ [Rem.: Association camerounaise des femmes juristes] describes the ... centre as follows: The Call Centre is open to all female victims of violence. A toll-free number is available to the public. If women are victims of any type of violence, they can call the number 234 425 668, explain their problem and receive assistance from MINPROFF and its partners [...] The MINPROFF representative stated that certain non-governmental organizations, including ALVF, ACAFEJ and Horizons Femmes, provided services for victims ».

De plus, l’association ACAFEJ fournit des services d’aide juridique, les « cliniques juridiques. L’Association dispose de Centres d’aide, et de Consultations juridiques dans lesquels les membres dispensent gratuitement les conseils juridiques au public [...] Dans le cadre de l’opération baptisée « cliniques mobiles », les membres effectuent également des descentes sur le terrain (prisons, écoles, mouvements associatifs...) tant en zones urbaine que rurale dans le cadre du projet « cliniques mobiles ». Les domaines abordés au cours de ces diverses descentes touchent aussi les droits civils et politiques (éducation et sensibilisation à la citoyenneté), le droit de la famille (mariage, filiation, successions), le droit de propriété, le droit du travail, le droit des affaires (création des activités génératrices de revenus notamment) ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutée, que vous auriez pu craindre d’être persécutée respectivement que vous risquez d’être persécutée en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire

Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis- à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

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5 L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément crédible de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

3. Quant à la fuite interne

En vertu de l’article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, il n’y a aucune raison de craindre d’être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu’il est raisonnable d’estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d’une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d’origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l’UNHCR, l’alternative de la fuite interne s’applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu’en termes de sécurité.

En l’espèce, il ressort à suffisance de vos dires, que vous n’auriez à aucun moment essayé de vous réinstaller dans une autre région de votre pays d’origine pour éviter une nouvelle altercation avec votre beau-père, au motif qu’ « II aurait pu me retrouver partout à tout moment [...] II a des pouvoirs surnaturels » (p.9/14 du rapport d’entretien). Or, ce motif purement hypothétique ne constitue pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d’origine.

Ainsi, vous auriez pu vous installer à ..., ville portuaire, la capitale économique du Cameroun, le principal centre d’affaires et la plus grande ville avec ... et où vous auriez déjà séjourné pendant environ dix jours avant de quitter votre pays d’origine.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2019, Madame ...

fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision du ministre du ...

2019 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

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6 Par jugement du 12 octobre 2020, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, tout en la condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020, Madame ... a régulièrement fait entreprendre le jugement du 12 octobre 2020.

A l’appui de son recours, l’appelante reproche aux premiers juges de lui avoir opposé le fait de ne pas avoir au moins tenté de solliciter une quelconque forme d'aide auprès des autorités étatiques camerounaises.

En effet, il aurait été vain pour elle de déposer plainte contre son beau-père, au motif que le système judiciaire camerounais ne protègerait pas les femmes victimes de violences domestiques, d’une part, et que les autorités camerounaises seraient dans l’incapacité de lui apporter une protection effective et suffisante contre les actes de son beau-père, d’autre part.

L’appelante fourni un ensemble de pièces tendant à documenter la non-volonté ou l’incapacité des autorités policières et judiciaires de sanctionner les cas de violence conjugale et de protéger les victimes.

Or, elle aurait été « victime de violences particulièrement terribles de la part de son beau- père » et qu’elle en garderait les séquelles visibles, notamment « des impacts de plomb correspondant au coup de fusil qui devait gravement la blesser et dont s'était rendu responsable son beau-père au moment où elle essayait de fuir son calvaire ».

Sur ce, elle estime remplir les conditions pour se voir reconnaître une protection internationale et elle demande à voir réformer le jugement entrepris en ce sens.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Concernant le statut de réfugié, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage par ailleurs de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

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7 Quant à l’octroi de la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Ceci dit, la Cour constate que l’auteur affiché des persécutions que l’appelante déclare avoir subies, à savoir le père de son époux décédé, est une personne privée qui reste sans aucun lien apparent avec les autorités camerounaises. C’est partant à bon droit que les premiers juges ont retenu que ledit beau-père ne saurait être qualifié d’auteur de persécution ou d’atteintes graves que si les autorités camerounaises ne sont pas capables, respectivement disposées à protéger l’intéressée.

Or, il n’appert pas des éléments de la cause que les autorités en charge de la sécurité et de l’ordre publics au Cameroun ne veulent ou ne peuvent pas fournir à l’appelante une protection effective contre les agissements dont elle fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou que l’appelante a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.

En effet, l’essentiel est, en définitive, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit et c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de l’atteinte grave infligée.

Il est par ailleurs de jurisprudence constante que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de

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8 l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée -ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves- cette exigence n’impose toutefois pas pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

Or, en l’espèce, étant précisé que l’appelante est actuellement âgée de ... ans, que son mari, auquel elle aurait été mariée de force à l’âge de ... ans, est décédé et qu’il n’existe aucune obligation apparente pourquoi elle aurait été contrainte de vivre avec son beau-père ou serait contrainte de retourner vivre avec lui ou ne serait-ce d’avoir un quelconque contact avec lui, il ne ressort ni des déclarations de l’appelante, ni des pièces produites en cause que les autorités camerounaises compétentes refuseraient une protection quelconque contre les prétendues exactions de son beau-père, l’intéressée n’ayant même pas tenté de dénoncer les faits et de porter plainte auprès de la police ou de rechercher une aide quelconque auprès des autorités camerounaises.

Cette attitude la disqualifie à véhiculer utilement un reproche d’absence de protection des autorités camerounaises en place et il convient de constater que dans les circonstances de l’espèce, l’appelante n’établit pas que les autorités camerounaises seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas lui accorder une protection appropriée. Cette conclusion n’est pas énervée par les affirmations vagues relativement au fait que le système judiciaire et policier camerounais ne protégerait pas suffisamment les femmes victimes de violences domestiques, leur mise en balance n’étant pas suffisante pour établir qu’il aurait été vain pour elle de s’adresser aux forces de l’ordre de son pays d’origine pour agir contre les méfaits de son beau- père.

Sur base de ces considérations, c’est à bon droit que le ministre d’abord, les premiers juges par la suite ont rejeté la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet pour manquer de fondement.

La légalité de l’ordre de quitter le territoire, conséquence automatique du refus de protection internationale, n’ayant pas été autrement discutée en instance d’appel, la Cour est partant amenée à rejeter l’appel et à confirmer le jugement dont appel.

Par ces motifs,

la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel du 16 novembre 2020 en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante;

partant, confirme le jugement entrepris du 12 octobre 2020;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

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9 Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller,

et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …

… CAMPILL

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