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Audience publique du 10 février 1999 =============================

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N° 10758 du rôle Inscrit le 16 juin 1998

Audience publique du 10 février 1999

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Recours formé par l’Union Grand-Duc Adolphe, Luxembourg contre un arrêté grand-ducal portant refus d’approbation en matière d’associations et fondations sans but lucratif

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juin 1998 par Maître Mathis HENGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Fédération nationale de musique du Grand-Duché de Luxembourg “ Union Grand-Duc Adolphe ”, association sans but lucratif établie et ayant son siège social à L-2722 Luxembourg, 2, rue Sosthène Weis, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 29 mai 1998 contresigné par le ministre de la Justice refusant l’approbation des statuts de la fondation dénommée “ Ordre européen du mérite musical ”;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 1998;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 1998 par Maître Mathis HENGEL pour l’Union Grand-Duc Adolphe;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté grand-ducal critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude GEIBEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 janvier 1999.

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Suivant déclaration authentique reçue en date du 19 octobre 1995 pardevant Maître Paul DECKER, notaire de résidence à Luxembourg-Eich, la Fédération nationale de musique du Grand-Duché de Luxembourg “ Union Grand-Duc Adolphe ”, association sans but lucratif, établie et ayant son siège social à L-2722 Luxembourg, 2, rue Sosthène Weis, ci-après appelée

“ UGDA ”, a constitué une fondation au patrimoine initial de 100.000 francs, dénommée

“ Ordre européen du mérite musical ” et arrêté les statuts de celui-ci. Une expédition de cet

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acte fut soumise au ministre de la Justice par courrier du 24 octobre 1995 aux fins d’approbation grand-ducale. Suite aux observations dudit ministre transmises à Maître Paul DECKER par lettre du 4 avril 1996, celui-ci lui fit parvenir un nouveau projet d’acte concernant la constitution de la fondation par courrier du 4 juillet 1996. Le ministre de la Justice fit part de ses observations relatives à ce nouveau projet à Maître DECKER par lettre du 14 août 1996, tout en l’informant que le projet en question “ est maintenant transmis à Monsieur le ministre des Finances pour avis ”. Par transmis du 13 novembre 1996, le ministre des Finances soumit pour examen et avis supplémentaire l’avis du directeur de l’administration des Contributions directes par lui recueilli au sujet de ce projet et datant du 4 novembre 1996 au ministre de la Justice. Entretemps, suivant acte reçu en date du 10 octobre 1996 pardevant Maître Paul DECKER, l’UGDA procéda à la constitution d’une fondation dénommée “ Ordre européen du mérite musical ”dont le patrimoine initial s’élève à 600.000 francs. Le ministre de la Justice contacta Maître DECKER par lettre du 30 janvier 1997 pour lui demander les informations supplémentaires que le ministre des Finances souhaitait recevoir afin de pouvoir utilement aviser le dossier en question. Maître DECKER répondit en date du 7 mai 1997. Le ministre de la Justice fit parvenir les données supplémentaires ainsi reçues par courrier du 22 août 1997 au ministre des Finances qui, par transmis du 12 novembre 1997, se rallia à l’avis par lui sollicité du directeur de l’administration des Contributions directes du 30 octobre 1997.

Par arrêté grand-ducal du 29 mai 1998, l’approbation des statuts de la fondation tels qu’arrêtés par acte notarié du 10 octobre 1996 fut refusée au motif que l’objet de la fondation à constituer ne rentre pas dans les prévisions de l’article 27 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif, appelée ci-après “ la loi du 21 avril 1928 ”.

A l’encontre de cette décision, l’UGDA a fait déposer en date du 16 juin 1998 un recours tendant principalement à sa réformation et subsidiairement à son annulation.

L’article 30 de la loi du 21 avril 1928 prévoyant dans le chef notamment du fondateur un recours de pleine juridiction à l’encontre d’une décision intervenue sur la demande en approbation de l’acte constitutif ou des statuts, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par l’UGDA en sa qualité de fondatrice de l’Ordre européen du mérite musical.

Quant à la recevabilité

Le représentant étatique conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours déposé par l’UGDA, au motif qu’il n’est pas spécifié dans la requête si elle agit par son conseil d’administration ou par son bureau exécutif tel que prévu à l’article 32 de ses statuts. Le recours serait encore irrecevable en raison de l’omission par l’association requérante de se conformer à l’article 3 alinéa 2 de la loi du 21 avril 1928, alors qu’elle n’aurait précisé ni l’adresse de son siège social, ni les professions et domiciles de ses administrateurs, ni par ailleurs déposé aucun bilan au greffe du tribunal.

La partie demanderesse se prévaut de son côté de l’article 18 de ses statuts pour soutenir que le conseil d’administration, dénommé “ comité central ”, disposerait des compétences prévues à l’article 13 de la loi du 21 avril 1928, dont plus particulièrement celle de représenter l’association dans les actes judiciaires. L’UGDA ne pourrait dès lors agir en justice qu’à travers son conseil d’administration, alors que le bureau exécutif mentionné aux

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articles 31 et 32 des statuts ne serait investi que de compétences restreintes et limitativement prévues parmi lesquelles ne figure pas celle de représenter l’association en justice. Elle soutient en outre que ni la loi sur les associations et les fondations sans but lucratif, ni aucune autre disposition impérative n’imposeraient qu’une requête introductive d’instance mentionne expressis verbis que le recours est introduit par l’intermédiaire du conseil d’administration, tout en signalant par ailleurs que l’identité exacte de la demanderesse ressortirait à suffisance de droit de la requête.

Quant aux autres reproches formulés par le représentant étatique, la partie demanderesse rétorque que l’article 26 alinéa 1er de la loi du 21 avril 1928 ne subordonnerait la personnalité juridique de l’association qu’à l’accomplissement des publications et formalités prescrites par les articles 2, 3 alinéa 1er et 9 de la même loi, alors que les formalités de l’article 3 alinéa 2 ne seraient requises en vertu du même article que sous peine d’inopposabilité aux tiers au cas où l’omission des publications et formalités leur aurait causé préjudice. Elle estime par ailleurs satisfaire aux exigences de l’article 2 (1) de la loi du 21 avril 1928 en ce que l’article 5 de ses statuts stipule que le siège de la Fédération se trouve à Luxembourg-Ville et elle signale avoir déposé en date du 5 février 1998 la liste de ses administrateurs contenant les domiciles de ces derniers auprès du registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, même si en tout état de cause le dépôt de la liste des administrateurs ainsi que le dépôt du bilan annuel ne figureraient pas parmi les formalités visées à l’article 26 alinéa 1er de la loi du 21 avril 1928. Etant donné que l’Etat du Grand-Duché ne ferait état d’aucun préjudice permettant de conclure à l’irrecevabilité du présent recours, l’ensemble des moyens d’irrecevabilité soulevés par le délégué du Gouvernement tomberaient à faux.

Dans son mémoire en duplique le délégué du Gouvernement fait encore valoir comme moyen d’irrecevabilité complémentaire que l’article 18 des statuts de l’UGDA ne prévoirait pas, parmi les compétences limitativement énumérées du comité central, celle de représenter l’association en justice sans mandat exprès conféré par l’assemblée générale. Il signale en outre que les mêmes statuts omettraient d’indiquer la manière dont les résolutions de l’assemblée générale sont portées à la connaissance des tiers, estimant ainsi que la référence à la publication dans l’organe officiel de la Fédération qui, selon l’article 46 des statuts est la “ Revue musicale ”, ne serait à son avis pas un mode de publicité accessible aux tiers.

Il découle des pièces versées au dossier que suivant les statuts de l’UGDA, la demanderesse est constituée sous forme d’association sans but lucratif, telle que régie par la loi du 21 avril 1928. L’article 26 de cette loi, tel que modifié par la loi du 4 mars 1994, dispose dans son alinéa 1er qu’ “ en cas d’omission des publications et formalités prescrites par les articles 2, 3 alinéa 1er et 9, l’association ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers,.. ”. Il importe dès lors d’analyser dans un premier temps la pertinence des moyens d’irrecevabilité ayant trait aux publications et formalités visées à l’alinéa 1er de l’article 26 précité, conditionnant l’existence de la personnalité juridique dans le chef de la demanderesse et fondant sa capacité d’ester en justice.

Le représentant étatique conclut dans son mémoire en duplique au-non respect dans le chef de la demanderesse de la formalité prescrite à l’article 2 (6) de la loi du 21 avril 1928, en faisant valoir que les statuts de l’UGDA ne contiendraient pas d’indication sur les conditions dans lesquelles les résolutions de l’assemblée générale seront portées à la connaissance des associés et des tiers.

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Il est constant en cause que les résolutions de l’assemblée générale de l’UGDA sont publiées dans une revue intitulée “ Revue Musicale ” et que l’article 46 des statuts de l’UGDA se réfère à cet instrument dans les termes suivants: “ La Revue Musicale est l’organe officiel de la Fédération ”.

Dans la mesure où il n’est pas contesté que cette revue, dont un exemplaire fut versé aux mains du tribunal à l’audience publique du 18 janvier 1999, peut être retirée à titre gratuit par toute personne qui en fait la demande dans les bureaux ouverts au public de l’UGDA sis 2, rue Sosthène Weis, à L-2722 Luxembourg, elle est à considérer comme un mode de publicité accessible aux tiers.

Il s’ensuit qu’en désignant cette revue comme organe officiel de la fédération, les statuts de l’UGDA sont conformes en ce point aux exigences de l’article 2 (6) de la loi du 21 avril 1928. Ce moyen d’irrecevabilté est partant à écarter comme n’étant pas fondé.

Le délégué du Gouvernement invoque encore comme moyen d’irrecevabilité la violation dans le chef de la demanderesse des dispositions de l’article 3 alinéa 2 de la loi du 21 avril 1928 posant l’exigence d’indiquer les noms, prénoms, professions et domiciles des administrateurs désignés en conformité des statuts, ainsi que l’adresse du siège social, le tout au moment du dépôt des statuts auprès du préposé au registre de commerce et des sociétés.

L’article 26 de la loi du 21 avril 1928 dispose dans son deuxième alinéa que

“ l’omission des publications et formalités prescrites par les articles 3 alinéa 2, 10 et 11 aura pour effet de rendre inopposables aux tiers les faits qu’elle devaient constater, si l’omission leur a causé préjudice ”. Or, force étant de constater que la partie défenderesse ne fait état d’aucun préjudice résultant de l’omission alléguée des formalités en cause, cette omission, fût- elle même dûment établie, n’est pas de nature à rendre le recours sous examen irrecevable.

Quant à la compétence du comité central de l’UGDA pour assurer la représentation de l’association en justice, il y a lieu de relever que l’article 18 des statuts prévoit sub b) que le comité central “ peut prendre toute mesure s’imposant dans l’intérêt du bien-être de la fédération ”. Face à la généralité de la compétence ainsi consacrée, il y a lieu d’admettre que la décision d’agir en justice rentre dans les prévisions dudit article 18 sub b). Aucune autre disposition statutaire ne posant par ailleurs l’exigence d’un mandat exprès conféré par l’assemblée générale pour habiliter le comité central à assurer la représentation en justice de l’association, le moyen afférent soulevé par le représentant étatique est à écarter à son tour comme n’étant pas fondé.

Aucune autre violation des dispositions des articles 2, 3 alinéa 1er et 9 n’étant ni alléguée ni établie en l’espèce, il y a lieu de retenir que l’UGDA satisfait aux conditions posées par l’article 26 alinéa 1er de la loi du 21 avril 1928 et peut partant, au regard de cette disposition, se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers.

Le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Quant au fond :

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L’arrêté grand-ducal déféré du 29 mai 1998 porte refus d’approbation des statuts de la fondation “ Ordre européen du mérite musical ”, ci-après appelée “ la fondation ”, tels qu’arrêtés par acte notarié précité du 10 octobre 1996, au motif que “ l’objet de la fondation à constituer ne rentre pas dans les prévisions de l’article 27 de la loi du 21 avril 1928 précitée, alors qu’en particulier le décernement de distinctions avec participation aux frais des récipiendaires, ne peut pas être considéré comme une réalisation d’une oeuvre à caractère philotropique, social, artistique ou pédagogique ”.

La partie demanderesse fait valoir que ce refus d’approbation serait injustifié, alors qu’il ne serait question à aucun endroit des statuts, et surtout pas dans le cadre de l’objet social, d’un décernement de distinctions avec participation aux frais des récipiendaires et que l’objet de la fondation, défini à l’article 2 des statuts intitulé “ Objet et durée ” en ce sens que “ la fondation a pour objet de promouvoir la vie musicale, le mérite et le mécénat en général et l’engagement musical des jeunes en particulier au service du mouvement associatif de la Musique en Europe. Les fonds serviront au décernement de distinctions de différents grades ; ils ne pourront servir qu’à la réalisation de l’objet social, à l’exclusion de toute poursuite d’un gain matériel ”, rentrerait dans les prévisions de l’article 27 de la loi du 21 avril 1928.

Elle conclut partant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté grand-ducal déféré.

Le délégué du Gouvernement signale de son côté que même si l’article 2 alinéa 2 des statuts ne précise pas que les médailles doivent être payées par les récipiendaires, il ressortirait des pièces sollicitées par le ministre de la Justice au cours de l’instruction du dossier que la fondation vise “ à promouvoir la musique en Europe par l’attribution d’une distinction musicale ... ” et que pour “ chaque distinction (insigne ou médaille) décernée les requérants versent à la fondation un dédommagement qui sert exclusivement, après déduction des frais réels encourus, à la promotion de la vie musicale en Europe ”. Tout en admettant qu’une fondation peut décerner des médailles à des personnes qui se sont distinguées par des mérites dans le domaine musical, il estime qu’une fondation ne saurait pour autant faire de ces attributions de distinctions un commerce, en demandant pour chaque médaille un prix, qui, déduction faite des frais réels, servira à la promotion de la vie musicale.

Le représentant étatique fait encore valoir qu’une fondation doit pouvoir réaliser son objet essentiellement à l’aide des revenus des capitaux affectés à sa création, en l’espèce un patrimoine initial de 600.000.- francs, et ne peut pas demander des contributions pour réaliser son but. Or, le patrimoine initial en cause serait insuffisant pour réaliser le projet ambitieux que la fondation s’est proposé de réaliser, de sorte que ce serait grâce au décernement des médailles avec participation aux frais que la fondation compterait réaliser son objet. Ce serait partant à juste titre que le refus d’approbation se base sur le fait que l’objet de la fondation ne peut pas être réalisé par le biais des revenus de son patrimoine tel que cela est exigé par l’article 27 alinéa 2 de la loi du 21 avril 1928, mais seulement par le biais d’un appel de fonds adressé aux amateurs de médailles.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse signale que le patrimoine initial de 600.000.- francs aurait fait l’objet d’un accord de principe entre le ministère de la Justice et l’UGDA avant la création de la fondation. Quant aux prix des médailles, elle signale que celui- ci ne serait jamais payé par les personnes auxquelles la distinction serait attribuée, mais par la société requérant cette attribution. L’attribution de médailles ne serait par ailleurs pas une fin en soi, mais viserait à distinguer celles des personnes et ceux des organismes européens ayant de vrais mérites dans le domaine de la musique, étant entendu que l’espoir d’être gratifié d’une

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telle distinction serait de nature à motiver et à fidéliser les individus vraiment actifs dans ce domaine.

Quant au financement de la fondation, la partie demanderesse signale que l’article 27 de la loi du 21 avril 1928 préciserait que sont seuls considérés comme des fondations, les établissements qui, essentiellement à l’aide des revenus des capitaux affectés à leur création ou recueillis depuis et à l’exclusion de la poursuite d’un gain matériel, tendent à la réalisation d’une oeuvre à caractère philotropique, social, religieux, scientifique, artistique, pédagogique, sportif ou touristique. Elle en déduit qu’une fondation pourrait se financer, à côté de sa dotation patrimoniale initiale, par des donations.

Elle fait encore remarquer que le refus d’approbation découlerait d’une confusion entre le contenu de l’acte de fondation, qui fait seul l’objet de l’arrêté grand-ducal d’approbation, et les activités de la fondation, étant entendu que seule la validité et la légalité du contenu intrinsèque des statuts pourrait faire l’objet de la procédure d’approbation et non les activités futures, voire celles présumées de la fondation.

Dans son mémoire en duplique le délégué du Gouvernement se réfère à une pièce versée au dossier intitulée “ Europäischer Musikverdienstorden ” qui est un document à entête de l’Ordre européen du mérite musical et dans lequel il serait question de demandes (Anträge) à adresser à la fondation, ainsi que du montant “ der Entschädigungen die der Stiftung gewährt werden ”, pour insister sur la considération que les médailles seraient distribuées moyennant paiement d’un prix.

L’arrêté grand-ducal déféré est intervenu sur base des articles 27 et 30 de la loi du 21 avril 1928. La compétence d’approbation y consacrée est générale et se concrétise partant dans le chef de l’autorité investie du pouvoir d’approbation par la vérification de la conformité des statuts de la fondation en cause par rapport aux dispositions de la loi du 21 avril 1928.

En l’espèce, l’objet de la fondation est défini à l’article 2 de ses statuts, qui stipule dans son premier alinéa que: “ la fondation a pour objet de promouvoir la vie musicale, le mérite et le mécénat en général et l’engagement des jeunes en particulier au service du mouvement associatif de la musique en Europe”. Le même article 2 apporte dans son deuxième alinéa des précisions quant à l’activité projetée en vue de réaliser l’objet social préalablement défini en stipulant que : “ les fonds serviront au décernement de distinctions de différents grades; ils ne pourront servir qu’à la réalisation de l’objet social, à l’exclusion de toute poursuite d’un gain matériel ”.

La détermination de l’objet d’une fondation est cruciale au niveau de la rédaction des statuts, étant donné que ce sont les indications y relatives qui doivent permettre de conclure à un établissement d’intérêt public au sens de l’article 27 de la loi du 21 avril 1928. En exigeant la mention de l’objet de la fondation, la loi a entendu consacrer la nécessité d’indiquer au-delà du but, voire du mobile faisant agir, plutôt la nature de l’activité sociale par une description très nette et large de l’activité statutaire de l’organisme créé (cf. Les associations sans but lucratif et les établissements d’utilité publique au Grand-Duché de Luxembourg par Nicolas Majerus, 1930, p.53)

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Aussi, dans la mesure où l’article 27 de la dite loi, en disposant dans son deuxième alinéa que “ sont seules considérées comme fondations, les établissements qui, essentiellement

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à l’aide des revenus des capitaux affectés à leur création ou recueillis depuis et à l’exclusion de la poursuite d’un gain matériel, tendent à la réalisation d’une œuvre d’un caractère philanthropique, social, religieux. scientifique, artistique, pédagogique, sportif ou touristique ”, accorde une importance primordiale au capital initial d’une fondation, l’autorité investie du pouvoir d’approuver les statuts d’une fondation se doit de voir tirer au clair la manière dont la fondation entend financer son activité telle que prévue par les statuts.

L’approbation gouvernementale doit partant s’étendre au-delà du but de la fondation, à une appréciation de la conformité de l’activité envisagée pour réaliser ce but par rapport au cadre d’action prétracé par la loi, ainsi que de la capacité patrimoniale de la fondation pour financer l’activité projetée.

En l’espèce, il se dégage de la rédaction de l’article 2 des statuts globalement considéré que la fondation, tout en disposant d’un objet très large en vertu des indications figurant à l’alinéa premier dudit article, se trouve néanmoins limitée dans ses activités en ce que le deuxième alinéa du même article ne prévoit qu’une seule possibilité d’affection des fonds, en l’occurrence le décernement de distinctions de différents grades.

Dans la mesure où ni en cours d’instruction administrative du dossier, ni en cours d’instance, l’objet de la fondation n’a été autrement étayé, notamment par rapport à l’envergure et à la nature des activités réelles envisagées pour atteindre le but de la fondation, force est de retenir à ce stade et notamment au regard des indications figurant dans les statuts, que cette activité se limite au décernement de distinctions de différents grades, étant entendu que suivant les indications résultant tant des pièces versées au dossier que des explications orales fournies par le mandataire de la partie demanderesse à l’audience publique du 18 janvier 1999, ces distinctions prennent la forme de médailles ou insignes et seront décernées non pas directement aux personnes méritantes, mais aux différentes fédérations musicales qui en feront la demande.

Cette activité est critiquée à un double égard quant à sa conformité avec les dispositions de l’article 27 de la loi du 21 avril 1928 .

D’abord, le représentant étatique relève que le décernement de médailles à des fédérations musicales moyennant dédommagement ne rentrerait ni dans le cadre d’action prétracé pour la fondation à l’article 2, alinéa 1er de ses statuts, ni dans celui posé par la loi du 21 avril 1928.

Il signale ensuite qu’il se dégagerait d’une pièce versée au dossier et intitulée

“ Règlement pour l’attribution d’une distinction musicale européenne ” que “ pour chaque insigne, le requérant verse à la Fondation un dédommagement… ”, le montant de celui-ci variant en fonction du type d’insigne en cause entre 400 et 5000 flux, pour critiquer cette manière de procéder en ce que l’activité de la fondation, à savoir le décernement de médailles, s’en trouve financée largement par le prix à payer pour chacune des médailles attribuées sur demande et non comme le veut l’article 27 de la loi du 21 avril 1928, essentiellement au moyen des revenus des capitaux affectés à la création de la fondation.

Il découle de la pièce ainsi visée que ce sont les fédérations musicales régionales, nationales et internationales de tous les pays d’Europe qui peuvent déposer une demande de remise de distinction, attestée par un diplôme, pour récompenser “ – des citoyens européens

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ayant bien mérité des échanges musicaux dans les régions de l’Europe ; -des personnes qui ont œuvré pour la formation musicale des sociétaires d’une société musicale ; -des sociétaires, jeunes ou adultes, membres d’une société musicale, qui ont contribué à l’essor musical de l’association par leur participation régulière à des cours de musique. ”

S’il est bien vrai que le décernement de distinctions peut avoir pour effet de motiver les personnes distinguées de cette manière pour rester actives dans le domaine musical et contribuer ainsi à la promotion de la vie musicale, il reste néanmoins que cet objectif est atteint seulement indirectement à travers les critères concrets retenus pour attribuer les distinctions en question.

Face à la généralité des critères indiqués pour qualifier les personnes susceptribles d’être récompensées par une médaille décernée par la fondation, il ne saurait en l’espèce être retenu que la fondation contribue elle-même de façon directe à promouvoir la vie musicale, alors qu’elle ne fait que fournir, sur demande, le support matériel, en l’occurrence les médailles, permettant aux fédérations requérantes d’œuvrer concrètement dans le domaine en question suivant les règles qu’elles détermineront.

Il se dégage encore des pièces versées au dossier qu’en cas de décernement d’une médaille, un dédommagement, ainsi qualifié, est dû à la fondation et que celui-ci a une contrepartie bien précise, en l’occurrence la médaille sollicitée et pour le moins les frais connexes exposés, lequels en déterminent par ailleurs le montant, étant entendu qu’il est précisé au préambule du document prévisé présentant la fondation et plus particulièrement le mécanisme de décernement de médailles que « pour chaque distinction (insigne ou médaille) décernée, les requérants versent à la Fondation un dédommagement qui sert exclusivement, après déduction des frais réels encourus, à la promotion de la vie musicale en Europe »

L’activité de la fondation ainsi conçue est de nature à procurer à la fondation un gain matériel. La considération que les ressources provenant de cette activité sont affectées à la promotion de la musique en Europe, en l’absence de toute indication concrète y relative, ramène l’activité statutaire de la fondation au seul décernement de distinctions, envisagé pour réaliser cette promotion non autrement spécifiée. Ainsi dégagée, la nature des opérations que se propose d’effectuer la fondation au regard de ses statuts, est principalement commerciale, à essence mercantile, et ne rentre partant pas dans les prévisions de l’article 27 de la loi du 21 avril 1928 faisant de l’absence de la recherche d’un gain matériel, pour le moins à titre principal, une des conditions requises pour qu’on puisse parler d’une fondation.

Le patrimoine dont est doté la fondation s’élevant par ailleurs à 600.000 francs seulement, l’activité envisagée ne pourrait en tout état de cause pas être raisonnablement financée exclusivement au moyen des revenus de ce capital, sous peine de rester insignifiante par rapport au large potentiel de destinataires de distinctions, ainsi qu’à l’échelon choisi, en l’occurrence toute l’Europe.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que l’arrêté grand-ducal déféré a retenu que l’objet de la fondation ne rentre pas dans les prévisions de l’article 27 de la loi du 21 avril 1928. Le recours en réformation laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs :

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le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ; reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié ; partant en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ; laisse les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 1999 par : M. Delaporte, premier vice-président

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge

en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte

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