• Aucun résultat trouvé

Audience publique du 11 mars 1999 ============================ en matière d impôt sur le revenu

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Audience publique du 11 mars 1999 ============================ en matière d impôt sur le revenu"

Copied!
14
0
0

Texte intégral

(1)

N°s 10549 et 10550 du rôle Inscrits le 5 février 1998

Audience publique du 11 mars 1999

============================

Recours formés par Monsieur ... ZURSTRASSEN

et par son épouse, Madame X., contre deux bulletins émis par le bureau d’imposition Luxembourg 4,

en matière d’impôt sur le revenu

--- ---

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10549 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 1998 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de Monsieur ...

ZURSTRASSEN, administrateur-délégué, demeurant à L-..., et, pour autant que de besoin, de son épouse, Madame X., sans état particulier, demeurant à B-..., tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année fiscale 1995, émis en date du 29 mai 1997 par le bureau d’imposition Luxembourg 4;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 juin 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé aux noms des demandeurs en date du 15 septembre 1998;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10550 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 1998 par Maître Jean-Paul NOESEN, préqualifié, aux noms de Monsieur ... ZURSTRASSEN et, pour autant que de besoin, de son épouse, Madame X., tous les deux préqualifiés, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année fiscale 1996, émis en date du 29 mai 1997 par le bureau d’imposition Luxembourg 4;

Vu le mémoire ampliatif, intitulé mémoire en réplique, déposé aux noms des demandeurs en date du 15 septembre 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

(2)

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Paul NOESEN ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

--- ---- ---

Dans ses déclarations respectives pour l’impôt sur le revenu des années 1995 et 1996, Monsieur ... ZURSTRASSEN a indiqué qu’il avait son domicile à L-... et que son épouse, Madame X., avait son domicile ou son séjour habituel à B-...Il y a encore été fait mention qu’au 1er janvier des années 1995 et 1996 l’un des deux enfants des époux ZURSTRASSEN- X. faisait partie du ménage de ces derniers.

Le bureau d’imposition Luxembourg 4 de l’administration des Contributions directes émit le 29 mai 1997 deux bulletins de l’impôt sur le revenu, le premier portant sur l’année 1995 et le deuxième sur l’année 1996, adressés à Monsieur ... ZURSTRASSEN, le rangeant chaque fois dans la classe d’impôt 1.

Contre les deux bulletins précités relatifs respectivement aux années 1995 et 1996, Monsieur ZURSTRASSEN introduisit, par le biais de son mandataire, le 28 juillet 1997 deux réclamations séparées devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci- après dénommé « le directeur ».

Par acte notarié du 1er avril 1998, Monsieur ZURSTRASSEN et son épouse, Madame X. ont acquis dans l’immeuble en copropriété situé à Luxembourg, ..., un appartement comprenant notamment 3 chambres à coucher, 2 garages ainsi qu’une cave au sous-sol dudit immeuble.

Il ressort d’un certificat délivré en date du 4 septembre 1998 par le bureau central de taxation de l’administration des Contributions directes de ... (Belgique) que Madame X. « n’a perçu aucun revenu pour les années 1995 et 1996 et est donc non imposable ».

En l’absence de décisions directoriales à la suite des susdites réclamations du 28 juillet 1997, Monsieur ZURSTRASSEN, et, pour autant que de besoin, son épouse, Madame X., ont déposé, le 5 février 1998, deux requêtes séparées, tendant à la réformation sinon à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu précités relatifs respectivement à l’année 1995 et à l’année 1996.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs sollicitent d’abord la jonction des affaires inscrites sous les numéros du rôle 10549 et 10550 dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice au motif que même si les deux recours sont dirigés contre deux bulletins de l’impôt sur le revenu séparés, ayant trait à deux années fiscales différentes, le problème juridique serait rigoureusement identique dans les deux affaires et il serait donc indiqué que ces deux recours soient toisés par une seule et même décision juridictionnelle.

Les deux requêtes, tout en portant sur deux bulletins d’impôt sur le revenu concernant respectivement les années 1995 et 1996, soulèvent des problèmes juridiques identiques, et il y a partant lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre les recours introduits sous les numéros 10549 et 10550 du rôle, pour y statuer par un seul et même jugement.

(3)

Quant à la recevabilité

Au voeu des dispositions combinées des articles 8 (3) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et des paragraphes 228 et 235 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée

« AO », un recours de pleine juridiction est prévu contre les décisions du directeur en matière de détermination de l’impôt sur le revenu, de sorte que le tribunal administratif est compétent pour connaître des recours principaux en réformation introduits au nom de Monsieur ZURSTRASSEN et, pour autant que de besoin, par Madame X.. Les recours subsidiaires en annulation sont en conséquence irrecevables.

Le représentant étatique conclut en premier lieu à l’irrecevabilité des recours dans la mesure où ils ont été formés par Madame X. au motif qu’elle n’aurait pas réclamé contre les bulletins d’impôt afférents, auxquels elle n’aurait d’ailleurs pas été partie.

Il échet de relever, d’une part, que les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1995 et 1996 ont été adressés exclusivement à Monsieur ZURSTRASSEN et, d’autre part, que les réclamations introduites en date du 28 juillet 1997 auprès du directeur ont été faites exclusivement au nom de Monsieur ZURSTRASSEN.

D’après le paragraphe 238 AO, a seule qualité pour réclamer la personne à laquelle le bulletin ou la décision a été notifié ou encore à laquelle le bulletin ou la décision sont destinés d’après leur contenu ou contre laquelle le bulletin ou la décision sont dirigés (v. paragraphe 91 (1) AO).

En l’espèce, il ne ressort des bulletins critiqués ni qu’ils étaient destinés d’après leur contenu à Madame X. ni qu’ils étaient dirigés contre elle. Partant, Madame X. n’avait pas qualité pour agir à l’encontre des bulletins déférés et c’est donc à bon droit que les réclamations du 28 juillet 1997 ont été faites exclusivement au nom de Monsieur ZURSTRASSEN. Il en résulte que les recours en réformation, formés pour « autant que de besoin au nom de Madame X. » sont à déclarer irrecevables, étant donné que Madame X. n’a pas, en l’espèce, la qualité de contribuable et qu’elle ne possède donc pas, en vertu de l’article 238 AO, qualité pour agir contre les bulletins critiqués.

Dans ses mémoires en réplique, le mandataire des demandeurs estime encore que le jugement à intervenir devrait pour le moins être déclaré commun à Madame X. au motif qu’elle devrait être partie à la décision à intervenir.

Comme les recours introduits par Madame X. sont à déclarer irrecevables, la demande tendant à obtenir une déclaration de jugement commun est à écarter, pour les mêmes motifs que ceux analysés ci-dessus.

Les recours en réformation formés au nom de Monsieur ZURSTRASSEN, introduits par ailleurs dans les formes et délai de la loi, sont recevables.

Quant au fond

Le demandeur soutient que ce serait à tort que le bureau d’imposition l’a rangé dans la classe d’impôt 1 alors qu’il devrait bénéficier de la classe d’impôt 2. Il fait valoir qu’il

(4)

gagnerait la quasi-intégralité de ses revenus au Grand-Duché de Luxembourg et que son épouse, Madame X., n’aurait pas de revenus propres et ne paierait pas d’impôts en Belgique.

Le centre des intérêts vitaux du ménage se trouverait partant au Luxembourg, d’autant plus que le couple ne ferait l’objet d’aucune procédure de divorce ou de séparation de corps et que de telles procédures ne seraient pas envisagées. Les époux ne seraient donc pas séparés au sens de l’article 3 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR ». Il n’en resterait pas moins que le demandeur habiterait à son domicile situé à Luxembourg, ...et qu’il rejoindrait assez régulièrement pendant le week-end son épouse qui résiderait la majorité du temps à ... (Belgique), où le ménage aurait pris en location un immeuble. Il arriverait cependant aussi que l’épouse fasse le voyage inverse.

Le demandeur estime qu’il devrait être imposé collectivement avec son épouse, à défaut de séparation de fait résultant d’une dispense légale ou d’une décision judiciaire.

Il estime encore que le fait par le bureau d’imposition de ne pas retenir une imposition collective aurait un caractère discriminatoire dans la mesure où son couple serait traité différemment de celui au sein duquel les deux époux résideraient à des adresses différentes sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, et que cette discrimination résulterait du seul fait que son épouse résiderait à l’étranger.

Le délégué du gouvernement estime que l’impôt sur le revenu ne frappe pas les ménages mais qu’en vertu des articles 1er et 2 LIR, il frapperait les personnes. Une femme mariée serait donc contribuable au Luxembourg, indépendamment de son mari, à partir du moment où elle aurait elle-même un domicile au Grand-Duché de Luxembourg au sens du paragraphe 13 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, communément appelée

« Steueranpassungsgesetz », ci-après dénommée « StAnpG » ou qu’elle y aurait son séjour habituel au sens du paragraphe 14 StAnpG.

D’après le représentant étatique, il ne serait pas établi ni même allégué qu’en l’espèce l’épouse de Monsieur ZURSTRASSEN remplisse dans sa personne les conditions pour être contribuable résident. Dans ces conditions, Monsieur ZURSTRASSEN, qui serait incontestablement un contribuable résidant au Luxembourg, ne saurait être imposable collectivement avec son épouse.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur rétorque que la modification de l’article 157bis (3) LIR par la loi du 6 décembre 1990 portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects aurait pour conséquence que l’imposition collective ne serait plus réservée exclusivement aux contribuables résidents, tout en admettant que le législateur aurait omis à cette occasion de mettre l’article 2 LIR en conformité avec les nouvelles dispositions de l’article 157bis (3) précité. Il estime en conséquence que depuis la réforme législative de 1990, l’imposition collective pourrait également bénéficier à des contribuables non résidents et la condition de la résidence prévue par l’article 2 LIR ne serait plus applicable.

Il soutient encore que son épouse, Madame X., serait inscrite en Belgique uniquement pour des raisons administratives n’ayant aucun lien avec une quelconque question d’ordre fiscal et que seule la notion de centre des intérêts vitaux prévue par l’article 4 de la Convention entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune, telle qu’approuvée par la loi luxembourgeoise du 14 août 1971, dénommée ci-après « la Convention belgo-

(5)

luxembourgeoise », devrait prévaloir sur les critères de résidence tels que prévus par les paragraphes 13 et 14 StAnpG. Sur base de cette notion, le centre des intérêts vitaux des époux ZURSTRASSEN-X. se trouverait au Luxembourg et elle devrait prévaloir, en tant que norme de droit international résultant d’une convention bilatérale entre le Luxembourg et la Belgique, sur les dispositions de droit purement interne au Luxembourg.

En effet, l’administration luxembourgeoise ne contesterait pas qu’il serait un contribuable résidant au Luxembourg et il serait en outre non contesté qu’il y gagnerait la quasi-totalité de ses revenus. S’y ajouterait que son épouse ne serait non seulement copropriétaire depuis 1998 de l’appartement situé à Luxembourg, ..., mais qu’en outre elle s’y rendrait régulièrement, environ un jour par semaine, afin de l’y rejoindre et qu’elle l’assisterait non seulement lors de ses nombreuses obligations officielles ou mondaines au Luxembourg mais qu’elle s’occuperait également du ménage au Luxembourg. Dans ce contexte, il offre de prouver par témoins les faits suivants: « Madame X. rejoint régulièrement, en moyenne une fois par semaine, son mari au foyer sis à Luxembourg, ..., pour y assumer le rôle d’épouse, de femme au foyer, et de maîtresse de maison, s’occupant par exemple de l’approvisionnement du ménage et des courses, de la garde-robe, de travaux ménagers, de la réception d’amis;

l’appartement en question est d’ailleurs un bien immobilier à caractère résidentiel, meublé avec goût par les époux ZURSTRASSEN eux-mêmes, parfaitement apte à accueillir une famille dans des conditions décentes, et est bien plus qu’un simple studio meublé, ou une espèce de kot d’étudiants, dans lequel l’épouse se contenterait de passer les nuits des jours ouvrables tel un chauffeur routier dormant par nécessité dans la cabine de son camion, en ayant hâte de rentrer à son véritable domicile le week-end, et correspond parfaitement à ce qu’on appelle un foyer au sens usuel du mot. Tel a été le cas pour les années 1995, 1996 et subséquentes ».

La scolarisation de leur fille, lycéenne, suivant des cours scolaires à Verviers constituerait la motivation unique ayant amené Madame X. à s’inscrire dans les registres de la population en Belgique, étant donné qu’il aurait été impossible, vu son état d’avancement dans ses études au moment de la nomination définitive de son père au Luxembourg, de l’intégrer dans l’enseignement luxembourgeois.

Le demandeur fait valoir qu’au cas où son épouse ne serait pas considérée comme contribuable résidant au Luxembourg, l’article 2 LIR les discriminerait par rapport aux contribuables résidents bénéficiant de l’imposition collective et leur accordant ainsi un barème plus favorable et même par rapport à deux personnes considérées comme contribuables non résidents d’après les dispositions légales luxembourgeoises en vigueur, gagnant plus de 50% de leurs revenus professionnels au Luxembourg et dont chacun y exerce un emploi.

Il soutient que pareille discrimination serait contraire à l’article 48 du Traité de l’Union Européenne alors qu’elle constituerait une entrave à la libre circulation des travailleurs, étant donné que l’accès à un barème fiscal réduit serait indubitablement soumis à des conditions plus restrictives pour les résidents d’autres pays de l’Union Européenne que pour les résidents luxembourgeois. Par ailleurs, les discriminations soulevées seraient contraires à l’article 11 (2) de la Constitution luxembourgeoise, bénéficiant non seulement aux ressortissants luxembourgeois mais à toute autre personne visée par une loi luxembourgeoise, étant donné qu’une égalité ne serait plus assurée entre les différentes catégories de ménages installés soit exclusivement au Luxembourg soit en partie au Luxembourg et à l’étranger.

(6)

Le demandeur prie le tribunal de poser, à titre subsidiaire, la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice des Communautés Européennes: « L’article 48 du Traité de Rome garantissant la libre circulation des travailleurs, ou une autre norme de droit communautaire ne fait-elle pas obstacle à ce qu’une disposition de droit national luxembourgeois, rendant accessible à un couple de deux résidents luxembourgeois, l’accès à un barème fiscal plus favorable par application de l’imposition cumulée des deux conjoints, mais à un barème réduit, sous la seule condition que les époux ne doivent pas être séparés de fait en raison d’une décision judiciaire ou d’une dispense légale du devoir de cohabitation:

l’existence du devoir de cohabitation suffit, la preuve d’une cohabitation effective 365 jours sur 365 n’étant pas exigée ni exigible.

Tandis qu’un couple de deux non-résidents n’a accès à ce barème qu’à condition d’établir en sus que

- Les époux doivent ne pas être séparés de fait de manière concrète, et en apporter la preuve, la simple existence du devoir de cohabitation étant insuffisante

- Ils doivent promériter ensemble plus de 50% de leurs revenus professionnels au Luxembourg, et avoir chacun un emploi au Grand-Duché de Luxembourg

- Ils doivent apporter la preuve d’une cohabitation effective 365 jours sur 365, pour eux, l’existence du devoir de cohabitation ne suffit pas pour bénéficier de l’imposition collective

Et qu’un couple dont l’un des conjoints a un domicile à Luxembourg pour des raisons professionnelles, tandis que son conjoint est resté domicilié à l’étranger est a priori exclu de ce barème, mais que l’inexistence ou l’existence de la séparation de fait est en somme souverainement et arbitrairement appréciée par l’administration, qui se base tantôt sur l’existence d’un foyer sur deux du ménage à Luxembourg en dépit de l’existence d’un domicile légal à l’étranger pour procéder à imposition collective, tantôt sur l’existence d’un domicile légal à l’étranger en dépit d’un foyer sur deux du ménage à Luxembourg pour refuser l’imposition collective, et que le fait que le couple soit parfaitement uni au point sentimental est un critère qui joue tantôt pour, tantôt contre le contribuable: dans un cas, le fait de « retrouver sa famille » à un endroit est un élément justifiant l’imposition collective, dans un autre, elle est apparemment une raison pour la refuser ».

Le demandeur prie le tribunal de poser à titre subsidiaire la question préjudicielle suivante à la Cour Constitutionnelle: « L’article 11(2) de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, ou une autre norme de droit constitutionnel ne fait-elle pas obstacle à ce qu’une disposition légale, rendant accessible à un couple de deux résidents luxembourgeois, l’accès à un barème fiscal plus favorable par application de l’imposition cumulée des deux conjoints, mais à un barème réduit, sous la seule condition que les époux ne doivent pas être séparés de fait en raison d’une décision judiciaire ou d’une dispense légale du devoir de cohabitation:

l’existence du devoir de cohabitation suffit, la preuve d’une cohabitation effective 365 jours sur 365 n’étant pas exigée ni exigible.

Tandis qu’un couple de deux non-résidents n’a accès à ce barème qu’à condition d’établir en sus que

- Les époux doivent ne pas être séparés de fait de manière concrète et en apporter la preuve, la simple existence du devoir de cohabitation étant insuffisante

(7)

- Ils doivent promériter ensemble plus de 50% de leurs revenus professionnels au Luxembourg, et avoir chacun un emploi au Grand-Duché de Luxembourg

- Ils doivent apporter la preuve d’une cohabitation effective 365 jours sur 365, pour eux, l’existence du devoir de cohabitation ne suffit pas pour bénéficier de l’imposition collective.

Et qu’un couple dont l’un des conjoints a un domicile à Luxembourg pour des raisons professionnelles, tandis que son conjoint est resté à l’étranger est a priori exclu de ce barème, mais que l’inexistence ou l’existence de la séparation de fait est en somme souverainement et arbitrairement appréciée par l’administration, qui se base tantôt sur l’existence d’un foyer sur deux du ménage à Luxembourg en dépit de l’existence d’un domicile légal à l’étranger pour procéder à imposition collective, tantôt sur l’existence d’un domicile légal à l’étranger en dépit d’un foyer sur deux du ménage à Luxembourg pour refuser l’imposition collective, et que le fait que le couple soit parfaitement uni au point sentimental est un critère qui joue tantôt pour, tantôt contre le contribuable: dans un cas, le fait de « retrouver sa famille » à un endroit est un élément justifiant l’imposition collective, dans un autre, elle est apparemment une raison pour la refuser ».

Comme le demandeur sollicite de la part du bureau d’imposition une imposition collective avec son épouse au Luxembourg, le tribunal est tout d’abord amené à analyser si les époux ZURSTRASSEN-X. remplissent les conditions fixées par la législation luxembourgeoise en vue d’être imposés collectivement au Luxembourg.

En vertu de l’article 119 paragraphe 3 LIR, « la classe II comprend a) les personnes imposées collectivement en vertu de l’article 3,

b) les personnes veuves dont le mariage a été dissous par décès au cours de trois années précédent l’année d’imposition,

c) les personnes divorcées, séparées de corps ou séparées de fait en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire au cours des trois années précédent l’année d’imposition, si avant cette époque et pendant cinq ans elles n’ont pas bénéficié de la présente disposition ou d’une disposition similaire antérieure ».

Il est constant en l’espèce que les époux ZURSTRASSEN-X. ne remplissent pas les conditions prévues par les alinéas b) et c) du paragraphe 3 de l’article précité et par conséquent, il y a lieu de vérifier s’ils remplissent les conditions déterminées par l’alinéa a) du paragraphe 3 précité, étant entendu qu’à partir du moment où ils ne sont pas visés par l’alinéa a) précité, ils devront être rangés soit dans la classe d’imposition I a, tel que définie au paragraphe 2 dudit article 119 soit à la classe I tel que déterminée au paragraphe 1 du même article.

L’article 3 LIR, auquel il est fait référence à l’alinéa a) du paragraphe 3 précité détermine que « sont imposés collectivement

a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire;

b) les contribuables résidents qui se marient en cours de l’année d’imposition;

c) les époux qui deviennent contribuables résidents en cours de l’année d’imposition et qui ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une autorité judiciaire ».

(8)

En l’espèce, il est encore constant que les époux ZURSTRASSEN-X. ne remplissent pas les conditions déterminées par les alinéas b) et c) de l’article 3 précité et il échet partant de vérifier s’ils sont susceptibles de remplir les conditions telles que déterminées par l’alinéa a) du même article 3. Etant donné qu’il n’est pas contesté que les époux ZURSTRASSEN-X. ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une décision d’une autorité judiciaire, il appartient au tribunal de vérifier si les deux époux ont été, au début des années d’imposition 1995 et 1996 respectivement, contribuables résidents au Luxembourg.

L’article 2 LIR détermine, dans son paragraphe (1) les conditions à remplir par une personne physique afin de déterminer si elle a été contribuable résident au Luxembourg au titre d’une année d’imposition considérée. Au voeu de cet article « sont considérées comme contribuables résidents ou comme contribuables non-résidents, (les personnes physiques) suivant qu’elles ont ou qu’elles n’ont pas leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché ».

Les notions de domicile fiscal (« Wohnsitz ») et de séjour habituel (« gewöhnlicher Aufenthalt ») sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 StAnpG. Le paragraphe 13 précité définit le domicile fiscal comme étant la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable visé la conservera et en fera usage.

(« Einen Wohnsitz im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er eine Wohnung innehat unter Umständen, die darauf schliessen lassen, dass er die Wohnung beibehalten und benutzen wird »). Cette notion suppose ainsi la possession matérielle d’une habitation, ainsi que « des circonstances de fait (dont) résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays » (doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad. art. 3).

En l’espèce, s’il est vrai que Madame X. n’a été, au 1er janvier des années 1995 et 1996, ni propriétaire ni locataire d’un logement situé au Grand-Duché de Luxembourg, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle pouvait utiliser le logement de son mari à Luxembourg lors de séjours au pays et elle possédait donc d’une manière indirecte une habitation au Luxembourg.

Le fait qu’au 1er avril 1998 elle a acheté, ensemble avec son mari, un appartement situé à Luxembourg-Ville, est indifférent en l’espèce, alors que cette acquisition est postérieure aux années litigieuses.

En outre, il ressort des affirmations mêmes du demandeur que son épouse est inscrite au registre de la population de la commune de ... et qu’elle habite d’une manière permanente une maison située dans cette localité en Belgique. Par ailleurs, il ressort encore de ces mêmes déclarations du demandeur que son épouse n’est venue qu’occasionnellement au Luxembourg au cours des années d’imposition 1995 et 1996, et que c’est seulement à ces occasions qu’elle a partagé avec son mari le logement de ce dernier situé à Luxembourg-Ville. Enfin, en dépit de la circonstance que Madame X. pouvait utiliser le domicile de son mari lors de ses séjours occasionnels au Luxembourg, il n’est ni établi ni allégué qu’elle ait eu l’intention, au cours des années litigieuses, de résider au Luxembourg et de conserver, d’occuper et de faire usage d’une habitation au Luxembourg.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que Madame X. ne satisfait pas aux conditions posées par le paragraphe 13 précité en vue d’établir qu’elle possède un domicile fiscal au Luxembourg, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier qu’elle possède, directement ou indirectement, au Luxembourg un logement qu’elle souhaite maintenir et utiliser, mais qu’au contraire, il n’est pas contesté qu’elle a habité d’une manière permanente

(9)

à ... (Belgique) au cours des années d’imposition litigieuses et qu’elle n’a pas eu l’intention d’avoir un tel logement au Luxembourg.

Il échet encore de vérifier s’il peut être estimé que Madame X. pouvait être considérée comme ayant son séjour habituel au Luxembourg.

La notion de séjour habituel au sens du paragraphe 14 alinéa 1er StAnpG vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager. Le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour effectif au pays excède six mois consécutifs. (« Den gewöhnlichen Aufenthalt im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er sich unter Umständen aufhält, die erkennen lassen, dass er an diesem Ort oder in diesem Land nicht nur vorübergehend verweilt.

Unbeschränkte Steuerpflicht tritt jedoch stets dann ein, wenn der Aufenthalt im Inland länger als sechs Monate dauert. In diesem Fall erstreckt sich die Steuerpflicht auch auf die ersten sechs Monate »).

Il résulte des considérations qui précèdent, faites au sujet de l’applicabilité éventuelle du paragraphe 13 StAnpG, que Madame X. n’a séjourné au Luxembourg que de manière passagère et qu’en tout état de cause son séjour au Luxembourg n’a jamais duré plus de six mois. Partant, il ne saurait être retenu qu’elle avait son séjour habituel au Luxembourg.

Madame X. n’était donc pas un contribuable résident au Luxembourg au cours des années 1995 et 1996. Par contre, il n’est pas contesté que le demandeur était aux dates précitées un contribuable résident au Luxembourg. Comme seulement l’un des deux époux a eu son domicile fiscal ou sa résidence habituelle au Luxembourg au 1er janvier des années litigieuses, les époux ZURSTRASSEN-X. ne sauraient être imposés collectivement au Luxembourg, d’après l’article 3 LIR.

Comme l’impôt sur le revenu ne frappe pas les ménages, mais qu’en vertu des articles 1er et 2 LIR seules les personnes physiques individuellement prises peuvent être qualifiées de contribuables, le demandeur ne peut partant pas être rangé sous la classe II d’après le paragraphe 3 de l’article 119 LIR. Il ne pourrait donc être rangé que soit dans la classe I a) soit dans la classe I telle que visées par les paragraphes 2 et 1er dudit article 119.

L’offre de preuve présentée par le demandeur en vue d’établir que Madame X. le rejoignait régulièrement, et en moyenne une fois par semaine, au Luxembourg et qu’elle occupait à cette occasion son logement situé à Luxembourg, ..., n’est ni pertinente ni concluante alors que même à supposer que les faits offerts en preuve par le demandeur puissent être établis par les trois témoins, ils ne suffiraient pas à établir que Madame X. avait soit son séjour habituel soit son domicile fiscal au Luxembourg conformément aux paragraphes 14 et 13 StAnpG. En effet, de tels séjours hebdomadaires dans le logement familial au Luxembourg ne sauraient qu’établir qu’elle y a séjourné de manière passagère (« vorübergehend ») et qu’il ne saurait résulter de ces faits qu’elle entendait maintenir un logement au Luxembourg et l’utiliser de manière permanente. L’offre de preuve devra partant être rejetée.

Se pose encore la question de savoir si la Convention belgo-luxembourgeoise est susceptible de trouver application en l’espèce.

(10)

Il échet de préciser d’emblée qu’une convention préventive de la double imposition tend à opérer la délimitation réciproque des souverainetés fiscales respectives des Etats signataires seulement en ce qu’elle répartit entre eux le droit d’imposition des différentes catégories de revenus, et des différents éléments de fortune, sans en règle générale empiéter sur le régime d’imposition qu’un Etat signataire entend appliquer à une catégorie de revenus pour laquelle le droit d’imposition lui est reconnu. Il s’ensuit que la détermination du domicile fiscal dans une convention n’a pour fonction que de fixer un critère pour faire rentrer les différentes catégories de revenus sous la souveraineté fiscale de l’un ou de l’autre Etat signataire, mais n’est point destinée, sauf renvoi exprès opéré par le droit interne, à influer sur le régime interne d’imposition des Etats signataires (cf. OCDE, Modèle de Convention de Double Imposition sur le Revenu et la Fortune, Paris 1963, commentaire de l’article 4: « Les conventions de double imposition ne se préoccupent pas en général des législations internes des Etats contractants ayant pour objet de définir les conditions dans lesquelles une personne est reconnue, au point de vue fiscal, comme « résident » d’un Etat et est par conséquent assujettie intégralement à l’impôt dans cet Etat. Ces conventions ne précisent pas les critères auxquels doivent répondre les dispositions des législations internes sur le « domicile » pour que les Etats contractants reconnaissent à l’un d’entre eux le droit d’assujettissement intégral. A cet égard, les Etats arrêtent leur position en se fondant uniquement sur leur législation interne »).

Comme en l’espèce, la contestation ne porte non pas sur un problème de droit d’imposition de différentes catégories de revenus, mais qu’elle porte exclusivement sur un problème de régime d’imposition, dans la mesure où il y a lieu de déterminer si une personne est à imposer collectivement avec son conjoint, afin d’être en mesure de déterminer la classe d’imposition, et que cette compétence relève du droit interne de chacun des deux Etats signataires, la Convention belgo-luxembourgeoise est inapplicable au présent litige.

Il échet encore d’analyser si les paragraphes 1er et 4 de l’article 24 de la Convention belgo-luxembourgeoise, portant sur la non-discrimination, qui disposent respectivement que

« les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation » et qu’ «une personne physique, résidente de la Belgique, qui, conformément aux articles 7 et 14 à 19, est imposable au Luxembourg du chef de plus de 50 p.c. de ses revenus professionnels, est, sur sa demande, imposée au Luxembourg, en ce qui concerne ses revenus y imposables conformément aux articles 6, 7 et 13 à 19 de la Convention, au taux moyen d’impôt qui, compte tenu de sa situation et de ses charges de famille et du total de ses revenus généralement quelconques, lui serait applicable si elle était un résident du Luxembourg », sont susceptibles de trouver application en l’espèce. Or, la contestation soumise au tribunal ne tombe sous aucune des deux hypothèses visées par ces deux dispositions de l’article 24 précité et elles sont donc à écarter.

Le demandeur soutient encore qu’il ferait l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport à d’autres résidents du Grand-Duché de Luxembourg voire d’un pays limitrophe, qui pourraient bénéficier, sur base des dispositions légales applicables, d’une imposition collective avec leur époux, alors même que l’un d’eux voire les deux résideraient à l’étranger.

Ainsi, il cite l’article 157bis (3) LIR, dans sa version telle que figurant dans la loi précitée du 6 décembre 1990 qui dispose que « les contribuables non-résidents, mariés et ne vivant pas en fait séparés, sont, sur demande, imposés dans la classe d’impôt II à condition

(11)

qu’ils soient imposables au Grand-Duché du chef de plus de 50% des revenus professionnels de leur ménage. Si les deux époux réalisent des revenus professionnels imposables au Grand- Duché, la demande entraîne leur imposition collective ». Il estime qu’il y aurait une discrimination inacceptable entre la situation visée par l’article 157bis (3), visant deux non- résidents du Luxembourg et gagnant plus de 50% de leurs revenus professionnels au Luxembourg et à sa situation familiale, dans laquelle seul l’époux gagnant la quasi-totalité de ses revenus au Luxembourg y résiderait effectivement.

Il soutient dans ce contexte que la réglementation luxembourgeoise, et plus particulièrement l’article 3 LIR serait incompatible avec l’article 48 du Traité de l’Union Européenne, en ce qu’il prévoirait une situation fiscale plus défavorable pour ceux des couples mariés dont l’un est résident fiscal au Luxembourg et l’autre résident fiscal dans un pays limitrophe, à savoir, en l’espèce la Belgique par rapport à ceux des couples mariés qui possèdent soit un domicile fiscal unique au Luxembourg soit deux domiciles ou résidences séparées au Luxembourg. Il estime que pareille situation serait contraire à l’article 48 du Traité de l’Union Européenne, étant donné qu’elle constituerait une entrave à la libre circulation des travailleurs, dans la mesure où les deux conjoints résidant au Luxembourg bénéficieraient d’une situation fiscale plus favorable par rapport à ceux qui résideraient dans deux pays différents.

Dans son mémoire en réponse dans l’affaire portant le numéro 10550 du rôle, le délégué du gouvernement estime qu’il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes, au motif d’une part que la référence à l’article 157bis LIR ne serait pas pertinente et d’autre part que « l’affection pour un résident luxembourgeois ne serait manifestement pas un lien suffisant en droit international pour fonder un droit d’imposition du Grand-Duché ».

D’après l’article 48 paragraphe 1er du Traité de l’Union Européenne, « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté ... ».

Le paragraphe 3 dudit article 48 dispose en outre que la libre circulation des travailleurs

« comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

« ... c) de séjourner dans un des Etats membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux; ... ».

D’après l’article 1er, paragraphe 1er du règlement CEE n° 1612-68 du Conseil des CE relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, pris notamment en application de l’article 49 du Traité de l’Union Européenne, « tout ressortissant d’un Etat membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi de travailleurs nationaux de cet Etat ».

D’une manière générale, l’article 48 pose des règles d’égalité de traitement qui prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toute forme dissimulée de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. L’article 48 en question appréhende toute discrimination

(12)

en fonction de la résidence qui nuirait à l’exercice de la liberté et de se déplacer, garantie par ces dispositions.

En l’espèce, il ressort des pièces et éléments du dossier que Monsieur ZURSTRASSEN et son épouse sont tous deux de nationalité belge, que le demandeur a accompli la majeure partie de ses études en Belgique et, qu’avant d’être engagé par son employeur actuel au Luxembourg, il a travaillé pour compte d’un employeur en Belgique. Il a donc dû quitter son domicile belge afin de s’installer au Luxembourg lors de son recrutement par son employeur actuel. Les autres membres de son ménage, à savoir son épouse et ses deux enfants ont maintenu leur domicile en Belgique, notamment en raison de la scolarité des enfants. En conséquence, le demandeur a été le seul membre de son ménage à transférer son domicile au Luxembourg. Etant donné que la législation luxembourgeoise, du fait de ces deux domiciles situés dans deux Etats membres différents de l’Union Européenne, le considère, d’un point de vue fiscal, comme célibataire ayant son domicile fiscal au Luxembourg, il est soumis à une classe d’impôt moins favorable que celle dont il pourrait bénéficier si l’administration fiscale luxembourgeoise tenait compte de l’intégralité de son ménage et notamment de son épouse, dont il n’est séparé ni de fait ni par une décision de justice.

Il n’est certes pas contesté qu’un ressortissant luxembourgeois risquerait de subir le même traitement fiscal que celui imposé au demandeur à partir du moment où le conjoint du ressortissant luxembourgeois résiderait dans un autre Etat membre de l’Union Européenne. Ce traitement discriminatoire entre les couples mariés dont les deux conjoints ont leurs domiciles fiscaux au Luxembourg et ceux dont les deux conjoints ont leurs domiciles fiscaux dans deux Etats membres différents s’applique donc indistinctement à tous les ressortissants des Etats membres, quelle que soit leur nationalité et même s’ils possèdent la nationalité d’un des deux Etats membres dans lequel se situe leur domicile fiscal. Il n’en reste pas moins que cette disposition législative est de nature à avoir un effet restrictif sur la liberté de circulation des travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne.

La situation fiscale ainsi tracée du demandeur est susceptible de ce fait de rentrer dans le champ d’application du droit communautaire, étant donné qu’en sa qualité de ressortissant communautaire, il a fait usage de la liberté de circulation des travailleurs consacrée par l’article 48 du Traité de l’Union Européenne, de sorte qu’il y a lieu de s’interroger si cette situation, se dégageant de l’application du droit interne, constitue une entrave contraire à cette liberté fondamentale consacrée par le droit communautaire, dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur se voit opposer un traitement fiscal moins favorable au cas où il entend exercer la liberté de circulation des travailleurs prévue par l’article 48 du Traité de l’Union Européenne.

En effet, du fait du classement dans une classe d’impôt moins favorable que celle qui est appliquée aux couples mariés dont les deux conjoints ont leur domicile fiscal au Luxembourg, le demandeur devrait soit décider de fixer le domicile de tous les membres de son ménage au Luxembourg, afin de bénéficier de la classe d’impôt II, ce que ni la loi luxembourgeoise ni une quelconque disposition de droit communautaire ne saurait lui imposer, soit renoncer au poste hautement qualifié qui lui avait été offert à l’époque par son employeur luxembourgeois et qu’il occupe toujours à l’heure actuelle.

Le tribunal estime partant qu’il se pose une question de compatibilité entre d’une part l’article 3 LIR et d’autre part l’article 48 du Traité de l’Union Européenne et l’article 1er paragraphe 1er du règlement CEE précité n° 1612-68 du 15 octobre 1968.

(13)

Au vu de la difficulté d’interprétation des dispositions précitées, et en l’absence d’une jurisprudence communautaire ayant tranché un problème juridique de même nature, l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 14 février 1995 (Finanzamt Köln-Altstadt c/ Roland Schumacker, C-279/93) ayant eu à trancher des problèmes juridiques différents, et comme l’interprétation des dispositions de droit communautaire contenues à la fois dans le Traité de l’Union Européenne et dans le règlement CEE précité rentrent dans la compétence de la Cour de justice des communautés européennes, le tribunal administratif est amené à surseoir à statuer et à soumettre à ladite juridiction à titre préjudiciel, la question ci-dessous formulée, par application de l’article 177 du Traité de l’Union Européenne, sans qu’il y ait lieu, à ce stade de l’instruction du dossier, de prendre position par rapport à l’autre moyen soulevé par le demandeur au sujet de la compatibilité de la législation fiscale avec l’article 11 (2) de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg:

« L’article 48 du Traité de l’Union Européenne et l’article 1er paragraphe 1er du règlement CEE précité n° 1612-68 du 15 octobre 1968 s’opposent-ils à une réglementation nationale qui soumet le bénéfice de l’imposition collective de deux époux et de la classe d’impôt II correspondante, accordant sous certaines conditions aux conjoints une charge fiscale plus favorable que celle qui leur incomberait en cas d’imposition individuelle, à la condition que les deux époux non séparés ni de fait ni sur base d’une décision de justice doivent avoir leurs domiciles fiscaux respectifs dans un même Etat membre, et qui exclut ainsi du bénéfice de ce régime d’imposition l’époux qui s’établit dans un Etat membre, en laissant le reste de sa famille dans un autre Etat membre ».

Par ces motifs,

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

joint les affaires introduites sous les numéros 10549 et 10550 du rôle;

se déclare compétent pour connaître des recours en réformation;

déclare les recours en réformation irrecevables dans la mesure où ils ont été introduits au nom de Madame X.;

reçoit les recours en réformation en la forme dans la mesure où ils ont été introduits par Monsieur ZURSTRASSEN;

rejette les demandes tendant à obtenir une déclaration de jugement commun à l’égard de Madame X.;

rejette les offres de preuve comme étant non pertinentes et non concluantes;

au fond et avant tout autre progrès en cause, demande à la Cour de justice des communautés européennes de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante: « L’article 48 du Traité de l’Union Européenne et l’article 1er paragraphe 1er du règlement CEE précité n°

1612-68 du 15 octobre 1968 s’opposent-ils à une réglementation nationale qui soumet le bénéfice de l’imposition collective de deux époux et de la classe d’impôt II correspondante, accordant sous certaines conditions aux conjoints une charge fiscale plus favorable que celle qui leur incomberait en cas d’imposition individuelle, à la condition que les deux époux non

(14)

séparés ni de fait ni sur base d’une décision de justice doivent avoir leurs domiciles fiscaux respectifs dans un même Etat membre, et qui exclut ainsi du bénéfice de ce régime d’imposition l’époux qui s’établit dans un Etat membre, en laissant le reste de sa famille dans un autre Etat membre »;

déclare les recours en annulation irrecevables;

réserve les frais;

fixe les deux affaires au rôle général.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge

Mme Lamesch, juge

et lu à l’audience publique du 11 mars 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler

Références

Documents relatifs

• To display your calendar, people and/or tasks, click on the “To-Do Bar” and select the options you wish to appear. • Filter e-mail by date, importance, attachments and more

Votre conseiller en France et votre facilitateur Brexit à Londres vous accompagnent quelles que soient les problématiques Brexit rencontrées.. DES EXPERTS SECTORIELS DÉDIÉS À

Grâce à votre visite, l’Aquarium La Rochelle finance de nombreux projets de recherche ainsi que son Centre d’Etudes et de Soins pour les Tortues Marines (C.E.S.T.M.). Pour en

Concernant la justification, au fond, de la mesure de placement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution

Comme la notion d’avantage doit être entendue comme « toute fourniture ou prestation de service appréciable en argent » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu,

Grâce à votre visite, l’Aquarium La Rochelle finance de nombreux projets de recherche ainsi que son Centre d’Etudes et de Soins pour les Tortues Marines (C.E.S.T.M.). Pour en

Qu’une première décision du directeur de l’administration de l’Emploi agissant pour compte du fonds pour l’Emploi du 31 octobre 1997 fut remplacée par une

C’est la formule de base : vous aidez un jeune en mettant à sa disposition une chambre dans votre logement.. Selon vos envies, vous partagez des moments avec lui