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Audience publique du 9 mars 2021

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Texte intégral

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Audience publique du 9 mars 2021

Appel formé par M. ..., Luxembourg,

contre un jugement du tribunal administratif du 29 septembre 2020 (n° 43972a du rôle)

dans un litige l’opposant à

une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

--- Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45142C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2020 par Maître Faisal QURAISHI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., né le ... à ... (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant à L-..., dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 29 septembre 2020 (n° 43972a du rôle), par lequel ledit tribunal déclara le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 23 décembre 2019 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur ... dans le cadre d’une procédure accélérée, sur celle portant refus d’une protection internationale et sur celle portant ordre de quitter le territoire non justifié et en débouta le demandeur, donna acte au demandeur de ce qu’il déclare être bénéficiaire de l’assistance judiciaire et condamna le demandeur aux frais de l’instance ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT déposé au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2020 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré à l’audience publique du 17 décembre 2020.

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

COUR ADMINISTRATIVE

Numéro du rôle : 45142C Inscrit le 28 octobre 2020

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--- En date du 28 décembre 2018, Monsieur ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le

« ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, criminalité organisée / police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Toujours le 28 décembre 2018, il fut encore entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Les 15 mai et 6 novembre 2019, Monsieur ... fit finalement l’objet d’un entretien auprès du ministère, en vue de l’entendre sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 23 décembre 2019, notifiée à l’intéressé par un courrier recommandé envoyé le lendemain et réceptionné le 27 décembre 2019, le ministre résuma les déclarations de Monsieur ... comme suit :

« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire et le rapport d'entretien Dublin III du 28 décembre 2018, le rapport d'entretien des 15 mai et 6 novembre 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous êtes fiché en France pour « violences par conjoint ou ex-conjoint » en 2004, en 2009 pour « violences aggravées et violences volontaires par conjoint ou ex-conjoint » et en 2010 pour usage de fausse plaque d'immatriculation et défaut d'assurance en définissant votre situation comme « personne vulnérable sans domicile fixe ». Vous étiez en outre en possession d'un visa pour raisons familiales émis par les autorités françaises, valable du 2 juin 2016 au 31 août 2016, d'une carte de séjour émise par les autorités françaises, valable du 8 juin 2017 au 7 septembre 2017, vous êtes entré légalement sur le territoire français le 31 août 2016 et une interdiction d'entrée sur le territoire valable pendant deux ans vous a été notifiée en octobre 2017.

Vous ajoutez dans le cadre de votre entretien Dublin III avoir pour la dernière fois quitté le Maroc en mai 2017 à bord d'un avion en direction de ... et avoir quitté la France en direction du Luxembourg le 28 octobre 2018. Vous auriez quitté la France parce que vous n'y auriez plus eu d'hébergement et vous n'y auriez pas voulu introduire votre demande de protection internationale parce qu'on vous y aurait dénigré le droit d'être régularisé et d'être le père de vos enfants français.

Selon vos dires, vous seriez une première fois arrivé en France en 1999 et auriez bénéficié d'un titre de séjour jusqu'en 2010. Après votre divorce en 2010 de votre épouse de nationalité française et à cause de la « crise » en France, vous seriez retourné au Maroc où vous seriez resté jusqu'en 2016.

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En 2016, vous seriez retourné en France muni d'un visa et vous précisez que vous seriez par la suite encore à deux reprises retourné au Maroc.

En 2017, les autorités françaises auraient refusé de vous octroyer un nouveau titre de séjour. Vous précisez par ailleurs avoir travaillé comme chauffeur « UBER » en France jusqu'en septembre 2017 et avoir habité dans un logement à ... que vous auriez vous-même

« financé ». « Ensuite », vous n'auriez plus eu d'argent et vous seriez allé habiter chez des amis jusqu' au 27 décembre 2018, moment où vous avez décidé de venir au Luxembourg pour introduire une demande de protection internationale.

Il résulte ensuite de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez originaire de ..., où vous auriez vécu avec votre deuxième épouse et vos enfants entre 2010 et 2016 et travaillé en tant que patron d'un garage de location de voitures.

Après votre séjour en France de 2016, vous seriez retourné au Maroc en janvier 2017, parce que vous auriez dépassé le délai de renouvellement de votre carte d'identité et parce que vous n'auriez pas non plus pu vous faire remettre une carte « vie privée et familiale » alors que vous auriez deux enfants en France issus de votre premier mariage. Vous expliquez ce refus par le fait que vous auriez uniquement pu justifier des versements d'argent pour l'entretien de vos enfants pour les années 2010 à 2013.

En mai 2017, vous seriez retourné en France de façon illégale à bord d'un avion et par la « chance » alors que suite à votre arrivée, vous auriez pu passer les contrôles parce qu'il aurait été tard et que vous « leur » auriez montré l'acte de naissance de vos enfants et votre ancienne carte de séjour.

Vous expliquez être retourné en France « pour savoir si je peux renouveler ma demande de résident ». Comme vous auriez possédé des économies, vous auriez pu vous louer un logement pendant quelque temps. Or, par la suite, vous n'auriez plus eu d'argent et auriez alors déménagé chez des amis en France avant de partir vivre pendant quelques mois chez votre tante à ....

En décembre 2018, vous seriez venu au Luxembourg pour rendre visite à votre cousine et vous avez à cette occasion décidé d'introduire une demande de protection internationale.

Quant aux raisons qui vous auraient poussé en décembre 2018 à introduire une demande de protection internationale au Luxembourg, vous expliquez que vous auriez été condamné au Maroc en janvier ou février 2015 à trois mois de prison en raison de prétendues fausses allégations d'un « Syrien » qui aurait signalé que vous auriez tous les deux commis un vol de voiture. Il aurait par ailleurs expliqué qu'il se serait par le passé occupé des vols de voitures qu'il vous aurait alors ramenées pour que vous les démontiez et les équipiez de fausses plaques d'immatriculation. Suite à votre arrivée en prison, vous auriez été placé dans une cellule de dégrisement pendant trois jours et le troisième jour vous auriez été frappé et votre main aurait été cassée. Vous prétendez par ailleurs avoir eu « quatre avocats » qui vous auraient tous confirmé que votre dossier serait « vide ».

Après votre libération, toutes les voitures de votre commerce, votre « source de vie », auraient été cassées ou volées et vous n'auriez plus eu la capacité de subvenir aux besoins de vos enfants, ce qui aurait finalement été la cause de votre deuxième divorce.

Vous seriez d'avis qu'« on, respectivement le « système » aurait voulu vous punir parce que vous auriez participé à deux ou trois manifestations de la « mouvance du 24 février »,

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voire la « mouvance du 20 février », à ... en 2011 et que vous auriez « encouragé des gens à défendre leurs droits sur Facebook et sur YouTube ». De même, vous seriez d'avis que le

« système en place » aurait éventuellement pensé que vous soyez retourné au Maroc en 2010 pour « déclencher un printemps arabe chez eux ». Vous prétendez par ailleurs avoir été

« suivi » après votre retour au Maroc en 2010 et avoir été convoqué au commissariat pour parler de votre vie en Europe.

En plus, concernant votre travail, vous expliquez que des clients auraient régulièrement volé les voitures louées et que vous auriez en tout déposé plus de quarante plaintes au commissariat de ... mais qu'aucune n'aurait abouti à un résultat.

Ainsi, après cinq ans de plaintes infructueuses, respectivement après votre sortie de prison, vous auriez déposé plainte contre deux commissaires de ... que vous auriez jugés responsables de votre emprisonnement. Vous auriez remis une copie de votre plainte à une association de défense des Droits de l'Homme et vous auriez envoyé une lettre au Bureau du Roi pour l'informer de cette plainte et du fait que les gens n'auraient pas de couvertures sociales et qu'il n'y aurait pas de médecins dans les hôpitaux.

Il n'y aurait eu aucune suite quant à cette plainte, tandis que ladite association vous aurait répondu que vous devriez d'abord suivre les voies de recours du tribunal avant qu'elle ne puisse intervenir. Interrogé de quel procès ladite association parlerait, vous répondez qu'il s'agirait de l'appel contre votre emprisonnement.

En 2017, en revenant au Maroc, une personne se serait assise près de vous dans un café pour faire part de la remarque suivante: « si une personne est inculpée d'atteinte à la sécurité de l'Etat, elle finira en viande hachée ». Vous vous seriez alors rappelé « les messages vidéo sur WhatsApp », alors que vous auriez reçu une vidéo montrant une machine qui aurait broyé des animaux, « un autre message d'un Chinois avec un pied cassé (...). Une vidéo d'un enfant jeté dans une poubelle. Une autre de deux soldats qui coupaient la tête d'un autre soldat avec une scie électrique ».

Vous auriez interprété ces vidéos comme étant des tentatives d'intimidation et des menaces de mort de la part du « système en place » qui vous auraient fait « très peur » et fait prendre la décision de quitter de nouveau le Maroc. Vous confirmez avoir officiellement quitté le Maroc sous votre réelle identité et ne pas avoir rencontré le moindre problème avec les autorités.

Vous présentez un passeport marocain et les documents suivants pour étayer vos dires:

- Une copie en langue arabe de la réponse de la commission régionale des Droits de l'Homme de ....

- Une copie d'un document d'un Ministère concernant l'arrêt provisoire de votre société au Maroc.

- Un refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français du 14 août 2017.

- Votre demande adressée au Ministre de l'Intérieur de la France pour enquêter sur les prétendus agissements d'un policier français ainsi que votre demande de

« notification du fichier national de police ».

- La réponse de la police à votre demande d'accès aux fichiers de police datée au 11 juillet 2019.

- Un certificat de travail.

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- Deux copies concernant des impôts.

- Deux copies de paiements à la dénommée ....

- La copie d'une déclaration de vol du 18 septembre 2014 dans le district d'....

- Une lettre non datée que vous auriez envoyée au Ministre de l'Intérieur français concernant les « agissements » d'un policer français à votre encontre et les fausses accusations dont vous auriez été victime, des prétendues irrégularités lors de votre condamnation pour violences conjugales en 2009, l'erreur manifeste d'appréciation selon laquelle vous auriez roulé avec des fausses plaques d'immatriculation alors qu'il s'agirait là de l'invention de ce « fameux policier » qui s'amuserait à vous « pourrir la vie » et à « trouver une idée capable de m'envoyer en prison », vos soupçons selon lesquels vous seriez sous écoute étant donné que suite à vos multiples rencontres avec des femmes initialement intéressées de vous celles-ci ne donneraient pas suite « d'une façon très suspecte », votre « ordonnance » d'enquêter quant aux raisons du non- renouvellement de votre carte de résidence, d'éventuelles « influences injustes » du Ministre de l'Intérieur français envers les autorités marocaines qui expliqueraient « l'injustice » que vous auriez subie au Maroc et enfin un récit abracadabrant de quatre pages sur des prétendues injustices que vous auriez subies à cause de ce « fameux policier ». (…) ».

Le ministre informa ensuite Monsieur ... qu’il avait décidé de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a), de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre souligna dans un premier temps que la sincérité des dires de Monsieur ...

au sujet de son « prétendu » activisme politique ne serait aucunement établie, de même que les « prétendus » problèmes lui causés par le « système en place », respectivement par deux policiers bien précis de ..., relevant que Monsieur ... ne serait pas en mesure de fournir la moindre preuve à l'appui de son récit, alors qu’il serait pourtant rentré au Maroc à plusieurs reprises sans se procurer le moindre document en rapport avec son procès, sa condamnation, son garage de location de voitures et les prétendues quarante plaintes pour vol de voitures déposées. De même, Monsieur ... n’aurait pas non plus jugé utile de garder et de transmettre les vidéos menaçantes et intimidantes qui lui auraient été envoyées par téléphone, ses messages prétendument politiques qu’il aurait publiés sur les réseaux sociaux ou des preuves relatives à sa participation à une quelconque manifestation.

Dans ce contexte, le ministre souligna que Monsieur ... ne serait même pas en mesure de se rappeler du nom du mouvement dont il aurait fait partie, respectivement du mouvement qui aurait été responsable des manifestations auxquelles il aurait participé, hésitant plusieurs fois entre « mouvement du 20 février » et « mouvement du 24 février », alors que le

« mouvement du 20 février » devrait pourtant être bien connu par chaque citoyen marocain qui aurait été actif pendant le printemps arabe, voire par chaque citoyen marocain qui suivrait les évolutions politiques de son pays ou qui s'intéresserait à celles-ci.

Ainsi, le ministre releva que la dimension politique du récit de Monsieur ... paraîtrait clairement inventée.

En tout état de cause, il estima qu’une seule prétendue fausse condamnation à trois mois de prison pour une histoire de vol de voitures ou de fausses plaques d'immatriculation,

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n'équivaudrait pas, au vu de son manque de gravité, à une persécution telle que définie par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, dénommée ci-après la « Convention de Genève », d’autant plus que Monsieur ... ne ferait plus état d'un quelconque incident ou problème concret après sa libération de prison en 2015 jusqu'à son départ du Maroc en 2016, de même que pendant les deux fois où il serait volontairement rentré au Maroc. En effet, le seul fait qu’avant son dernier départ du Maroc en 2018, un homme mystérieux, assis à côté de lui dans un café, aurait prononcé une seule phrase qui lui aurait rappelé des craintes liées à des prétendues menaces ou intimidations qu’il aurait subies lors de séjours antérieurs au Maroc à travers des « vidéos montrant des animaux, des soldats, un Chinois ou un enfant », amena le ministre à conclure que les craintes exprimées par Monsieur ... en rapport avec son pays d'origine seraient totalement hypothétiques.

A cela s'ajouterait, selon le ministre, qu'il ne serait nullement démontré que Monsieur ... aurait effectivement été faussement accusé ou condamné au Maroc, au vu de son « passé en France », Monsieur ... ayant en plus confirmé avoir eu droit à quatre avocats et le soutien d’une association de défense des Droits de l'Homme qui lui aurait conseillé de suivre d'abord les voies de recours du tribunal quant à ses plaintes relatives à son emprisonnement, de sorte qu’il ne serait pas établi qu'il ne lui aurait pas été possible de se défendre contre cette prétendue condamnation injuste auprès des instances marocaines, le ministre relevant que le juge qui l’aurait condamné aurait manifestement agi indépendamment de la prétendue volonté de deux policiers de ..., de même qu’il ne serait pas crédible que la police marocaine, comme celle en France, n'arrêterait pas de s'en prendre à lui et de s'amuser à lui « pourrir la vie » sans raison apparente. Ce constat ne serait pas ébranlé par le seul fait que Monsieur ... aurait déposé une quarantaine de plaintes au Maroc qui seraient restées infructueuses, le ministre mettant encore en doute qu’il aurait possédé autant de véhicules en raison de sa situation de « sans domicile fixe » précédant son retour au Maroc en 2010. Il serait également incompréhensible pour quelle raison, Monsieur ... aurait installé des traceurs GPS dans toutes ses voitures, sans pourtant utiliser les données de ces derniers au moment du vol de toutes ces voitures, respectivement sans y avoir donné accès à la police.

Enfin, le ministre fit valoir qu'au vu de ses départs officiels du Maroc après sa condamnation de 2015 et de ses retours volontaires en 2016 et 2017, il pourrait être exclu que Monsieur ... risquerait d'être victime de persécutions au Maroc, alors qu’il pourrait être attendu d'une personne vraiment persécutée dans son pays d'origine qu’elle introduise une demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et ceci dans les plus brefs délais, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, alors qu’il serait non seulement retourné volontairement au Maroc à deux reprises, mais qu’il n’aurait à aucun moment, au cours de ces nombreuses années passées en France, songé à y introduire une demande de protection internationale. Le même constat s’imposerait pour la Belgique, où il se serait trouvé auprès de sa tante, avant de venir au Luxembourg.

Le ministre en conclut qu’il serait établi que la demande de protection internationale de Monsieur ... se fonderait sur des motifs économiques, ainsi que sa volonté de s’établir de nouveau en Europe, dans un pays qui pourrait lui garantir de bonnes prestations sociales ou matérielles, respectivement un cadre de vie élevé, d’autant plus qu’il serait établi que Monsieur ... aurait été sans travail au Maroc depuis qu’il y aurait fermé son garage en 2015, sa situation financière précaire ayant par ailleurs mené à son divorce en 2016. A cela s'ajouterait que Monsieur ... aurait, par le passé, été sans domicile fixe en France, pays qu’il aurait quitté en 2017 en raison du fait qu’il n'aurait plus eu d'hébergement et plus d'argent.

Or, il s'agirait là de motifs sans aucun lien avec l'un des critères définis dans la Convention de Genève, de sorte que le statut de réfugié ne pourrait pas lui être accordé.

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Finalement, le ministre releva la possibilité d’une fuite interne dans le chef de Monsieur ..., par exemple dans une des autres grandes villes du Maroc, telles …, …, …, …,

…, … ou …, centre touristique du pays où il aurait pu tenter de retrouver du travail et vivre sa vie de façon plus anonyme et plus éloignée des deux policiers de ....

Sur base de ces considérations, le ministre rejeta la demande de protection internationale de Monsieur ....

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 décembre 2019, Monsieur ... fit déposer un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 23 décembre 2019 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

En application de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président du tribunal administratif, président de la quatrième chambre du prédit tribunal, jugea, par jugement rendu en date du 31 janvier 2020, inscrit sous le numéro 43972 du rôle, que le recours de Monsieur ... n’était pas manifestement infondé, et renvoya l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Dans son jugement du 29 septembre 2020, la quatrième chambre du tribunal administratif, siégeant de manière collégiale, reçut le recours principal en réformation en la forme et au fond le déclara non justifié et en débouta le demandeur. Le tribunal donna acte à Monsieur ... de sa qualité de bénéficiaire de l’assistance judiciaire et le condamna aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2020, Monsieur ... a régulièrement relevé appel du jugement précité.

Il fait valoir que les premiers juges seraient restés en défaut d’apprécier à leur juste valeur les faits à l’origine de sa fuite vers le Luxembourg.

Premièrement, il rappelle qu’il aurait fait l’objet d’une détention arbitraire au Maroc au courant de l’année 2015, période durant laquelle il aurait été emprisonné pendant trois mois et sujet à des traitements inhumains et dégradants de la part des autorités marocaines. Il souligne que ces dernières l’auraient surveillé et suivi lui causant diverses difficultés administratives, professionnelles et personnelles. Il invoque à cet égard avoir déposé de nombreuses plaintes auprès des autorités marocaines, d’une part, afin de faire cesser les agissements de deux commissaires de police à ... et, d’autre part, en vue de dénoncer les vols et dégradations multiples des véhicules issus de son entreprise de location de véhicules. Il relève enfin qu’il aurait été intimidé à de nombreuses reprises par l’envoi de messages sur une application téléphonique et qu’une personne l’aurait personnellement menacé en 2017 dans un café. L’appelant soutient qu’une des raisons qui pourrait expliquer cet acharnement des autorités marocaines résiderait dans son engagement politique en faveur du mouvement politique dit du « 20 février 2011 », en ce qu’il aurait appelé à manifester sur dives réseaux sociaux en soutien de ce mouvement et y aurait également participé à titre personnel.

Deuxièmement, l’appelant indique faire également l’objet de menaces de la part des autorités françaises et qu’il serait privé de séjour en France. Il précise que certains éléments de l’administration française le harcèleraient et qu’ils tenteraient de le piéger comme en attesterait le courrier de plainte adressé au ministère de l’Intérieur français. Il ferait l’objet de

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ces agissements de la part des autorités françaises du fait de sa collaboration, en tant que chef de projet, à l’élaboration de la clé d’identification des soldats de l’OTAN avec des groupes de la défense en France. Malgré sa situation en France, il serait ainsi dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine, le Maroc, où il serait en danger de mort.

Par suite, l’appelant soutient que son récit satisferait amplement aux exigences légales et que les faits qu’il a rapportés seraient de nature à lui permettre d’obtenir un des statuts prévus par la loi du 18 décembre 2015. Il estime enfin que le refus de lui octroyer un de ces statuts entraînerait un risque imminent et sérieux de le voir refouler vers la « Guinée » en contrariété avec, notamment, l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « CEDH », les articles 1 et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et que dans de telles circonstances contraindre l’appelant à rentrer au « Sénégal » relèverait d’un traitement inhumain et dégradant.

Le délégué du gouvernement demande la confirmation intégrale du jugement entrepris au motif que l’appelant n’apporterait aucun élément nouveau et qu’il resterait en défaut de répondre précisément aux reproches de la partie étatique tenant au manque de crédibilité de son récit.

La partie étatique souhaite, toutefois, rendre attentive la Cour sur une

« problématique » rencontrée dans le dispositif du jugement de la quatrième chambre en ce qu’elle admettrait, en contrariété avec la décision du juge unique du 31 janvier 2020 (n° 43972 du rôle), que le ministre était en droit de recourir à une procédure accélérée dans l’analyse du dossier de l’appelant. Le délégué du gouvernement critique cette incohérence en ce qu’elle serait contraire à la loi du 18 décembre 2015 et à la jurisprudence y relative. En outre, la partie étatique estime que c’est à tort que le juge unique a considéré le recours de Monsieur ... comme n’étant pas manifestement infondé du seul fait que la question de la crédibilité du récit aurait exigé une analyse plus détaillée « au vu de la longueur assez conséquente de l’entretien » et de la « multitude des faits [y] invoqués ». Enfin, le délégué du gouvernement soulève que le juge unique a également siégé dans la composition collégiale à l’origine du jugement entrepris.

A titre liminaire, la Cour constate que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a soulevé une incohérence dans le dispositif du jugement du 29 septembre 2020 (n° 43972a du rôle).

Il est en effet de jurisprudence constante que l’autorité de chose jugée attachée au jugement rendu dans une première phase par le juge unique vise sa seule appréciation quant au caractère manifestement fondé du recours dont il est saisi (cf. Cour adm. 11 février 2020, n° 43796C du rôle).

Ainsi, lorsque le juge unique estime que ledit recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant une formation collégiale qui est uniquement appelée à statuer sur le fond du litige sans devoir apprécier, à nouveau, si c’était à bon droit que le ministre a statué dans le cadre d’une procédure accélérée, cet examen étant épuisé par le jugement rendu par le juge unique.

Il convient de noter que la décision du juge unique, revêtue de l’autorité de la chose jugée, s’impose également à la Cour administrative qui n’est aucunement appelée à contrôler l’opportunité du recours à la procédure accélérée par le ministre.

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Partant, en retenant dans le dispositif de son jugement que le recours à la procédure accélérée était non justifié, la composition collégiale a méconnu l’article 35, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 18 décembre 2015.

Quant à la question de la composition de la formation collégiale soulevée par la partie étatique, il ne résulte aucunement de la loi du 18 décembre 2015 que le juge unique de l’affaire ne pourrait pas valablement siéger dans la formation collégiale tenue de statuer sur le fond du recours, de sorte que sa participation à la formation collégiale doit être admise, ainsi que cela a déjà été retenu par la Cour (cf. Cour adm., 11 février 2020, n° 43796C du rôle), ce d’autant plus que l’examen du recours à la procédure accélérée se trouve épuisé.

Enfin, la Cour tient à souligner que la requête d’appel déposée au greffe de la Cour le 28 octobre 2020 par Maître Faisal QURAISHI contient de nombreuses erreurs manifestes en ce qui concerne le pays d’origine de l’appelant indiqué, à plusieurs reprises, erronément comme étant le Sénégal ou encore la Guinée. A défaut de lien existant entre la demande de protection internationale de l’appelant et ces deux pays, la Cour en arrive à la conclusion qu’il s’agit de manquements répétés de la part du litismandataire de Monsieur ... et qu’à la place des références au Sénégal et à la Guinée dans la requête d’appel susmentionnée, il convient de retenir que le Maroc est le pays d’origine de l’appelant et que sa demande de protection internationale s’apprécie exclusivement par rapport à cet Etat.

Quant au fond, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute encore que dans le cadre du recours en réformation dans lequel elle est amenée à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, la Cour administrative doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais elle se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit constituant

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en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Ceci dit, au vu des faits de la cause qui en substance sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiquement fondées.

En premier lieu, il convient de relever que l’engagement politique que revendique l’appelant n’a pas été démontré avec suffisance à l’appui de sa demande de protection internationale. Tel que relevé à juste titre par les premiers juges, la participation de Monsieur ... à des manifestations en lien avec le mouvement dit du « 20 février 2011 » ainsi que son implication dans la diffusion d’appels à manifester restent à ce stade à l’état de pures allégations à défaut d’éléments probants permettant à la Cour de reconnaître le caractère réel de cet engagement politique. En effet, les explications lacunaires et insuffisantes de l’appelant n’ont pas su convaincre la Cour de la réalité des persécutions alléguées du fait d’un motif politique.

Par la suite, il y a lieu de retenir que les évènements qu’il aurait subis au Maroc, qu’il s’agisse du vol de voitures issues de son entreprise de location, des difficultés rencontrées avec sa seconde épouse au Maroc ou encore de sa détention et des menaces qu’il aurait reçues de vive voix et par messages électroniques, sont étrangers à un motif politique.

En outre, les faits décrits ne sauraient également être assimilés à un autre motif de persécution énoncé par la Convention de Genève, respectivement par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité ou l’appartenance à un certain groupe social, mais s’analysent en substance en des motifs d’ordre économique qui ne rentrent pas dans le champ de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que les faits invoqués par l’appelant ne sont pas de nature à établir l’existence d’une crainte fondée de persécution dans son chef et c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

En outre, les déclarations de Monsieur ... n’ont pas permis de tenir pour établie l’existence de motifs sérieux et avérés de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour au Maroc. Les allégations formulées par l’appelant quant à la crainte d’être en danger de mort en cas de retour au Maroc n’ont pas su convaincre la Cour et se révèlent contredites par le fait que l’appelant s’est rendu au Maroc, à trois reprises, entre 2016 et 2017.

Il s’ensuit que les conditions pour admettre l’appelant au statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouvent pas non plus remplies en l’espèce.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre la décision de rejet de la demande en reconnaissance d’une protection internationale, considérée sous ses deux volets, laisse d’être fondé.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

(11)

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS

la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 28 octobre 2020 en la forme,

au fond, déclare l’appel non fondé et en déboute l’appelant,

partant, confirme le jugement entrepris du 29 septembre 2020, sauf en ce que c’est à tort que le tribunal s’est à nouveau prononcé dans ledit jugement sur le recours en réformation pour autant qu’introduit contre la décision du ministre de la Justice du 23 décembre 2019 de statuer sur le bien-fondé de la demande de Monsieur ... dans le cadre d’une procédure accélérée,

donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller,

Martine GILLARDIN, conseiller,

et lu à l’audience publique du 9 mars 2021 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 mars 2021

Le greffier de la Cour administrative

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