• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | La vie des images médicales du cerveau : de la production à la pédagogie

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | La vie des images médicales du cerveau : de la production à la pédagogie"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

LA VIE DES IMAGES MÉDICALES DU CERVEAU :

DE LA PRODUCTION À LA PÉDAGOGIE

Véronique MAFFÉO

Princeps Éditions, Issy-les-Moulineaux

MOTSCLÉS : IMAGE MÉDICALE CERVEAU MANUELS SCOLAIRES TRANSPOSITION DIDACTIQUE

RÉSUMÉ : De nombreuses images médicales illustrent l’anatomie et le fonctionnement du cerveau dans les manuels de biologie de l’enseignement secondaire. Si les spécialistes savent lire et interpréter ces images, les élèves ont besoin d’un accompagnement les rendant lisibles, voire compréhensibles. Les modifications de signes et de contexte que des images subissent depuis leur production jusqu’à leur présentation scolaire, ainsi que leurs conséquences, sont ici présentées.

ABSTRACT : Medical images illustrate cerebral anatomy and functionning in biology scholar textbooks. If professionals are able to read and understand these documents, pupils need informations for that. This article presents signs and context modifications that images undergo since their production to school and also the consequences of these transformations.

(2)

1. INTRODUCTION

Dans le cadre d’une recherche menée sur l’utilisation des images médicales du cerveau dans l’enseignement secondaire, l’un des axes était de recenser les transformations subies par ces images et d’en analyser les processus.

Le choix s’était porté sur ce type d’images car, d’une part, celles-ci étaient en quantité croissante dans les manuels scolaires et, d’autre part, elles correspondent à un changement de cadre d’observation. En effet, elles sont la représentation d’observations non-invasives de l’intérieur du corps vivant. Par ailleurs, l’organe le plus illustré dans les manuels scolaires par ce type de documents était le cerveau.

Ici, nous nous intéresserons à des images présentes dans un manuel scolaire de troisième correspondant au programme de 1985 (étude des comportements humains), car les résultats obtenus sont « caricaturaux ». Les recommandations de cette époque précisaient que l’activité cérébrale (limitée à la sensation-perception tactile) pouvait être visualisée sur des images médicales. Cette suggestion n’est, par ailleurs, plus en vigueur dans le nouveau programme de 1998 (étude de l’activité nerveuse) qui propose une étude des localisations à travers les cas de lésions cérébrales.

2. L’IMAGE MÉDICALE DU CERVEAU

Pour analyser les transformations subies, une image médicale, qui est une interprétation d’un phénomène mesuré, a été considérée par pragmatisme comme constituée :

- d’un support comprenant des signes qui sont conditionnés par leur production :

iconiques, d’ordres figuratif (représentation de l’anatomie ou d’un état physiologique du cerveau), graphique (représentation d’une acquisition de données), référentiel (représentation d’une médecine de technologie moderne) ;

plastiques (pixels, couleurs, géométrie, lisibilité, morphologie) ;

- d’un contexte (milieu professionnel ou enseignement) qui donne le sens à l’image.

Ont été également définis trois éléments - lecteur, production (qui détermine le rapport à la réalité) et finalité (objectif de cette production) - qui se sont révélés indispensables pour que l’image ait un sens « complet » (image-signification) ; si l’un de ces trois éléments est absent, le sens de l’image est alors « incomplet » (image-document). Par exemple, dans un contexte de recherches ou de diagnostics, les spécialistes sont face à une image-signification, ils connaissent le référent étudié, la simplification (par filtration et structuration du réel) et l’objectivation opérées, ainsi que la finalité de cette production. En revanche, dans le milieu scolaire, l’élève est face à une image-document car il ne maîtrise pas l’ensemble de ces données, dont le rapport à la réalité. Comment les manuels scolaires pallient-ils ce problème ?

(3)

3. MÉTAMORPHOSES DE L’IMAGE MÉDICALE

Les images médicales du cerveau humain dans les manuels scolaires ont été analysées en tant qu’image-document et en relevant les transformations opérées au niveau des signes lors de leur transfert depuis le milieu de production jusqu’au milieu scolaire. L’analyse du contexte dans lequel ces images sont présentées, et qui leur donne du sens, permet de constater les signes qui sont renforcés grâce à l’accompagnement d’autres documents iconographiques ou textuels relatifs au même contenu.

Sont présentés ici, d’une part, deux documents sur lesquels une analyse didactique a été effectuée et des avis de spécialistes recueillis et, d’autre part, l’étude de la transposition didactique d’une séquence d’images médicales.

3.1 L’exemple de l’illustration des conséquences des toxicomanies sur l’anatomie du cerveau La figure 1 est extraite du manuel de troisième Hachette (1989) et présente trois coupes frontales obtenues par imagerie par résonance magnétique, en niveaux de gris pour les individus sain et alcoolique, colorisée pour celui drogué.

Figure 1 : Images d’IRM, page 138, manuel de troisième Hachette

Figure 2 : Images d’idéographie, page 121, manuel de troisième Hachette

(4)

Les contours des structures anatomiques sont difficiles à discerner pour les images relatives aux pathologies. Ceci est inhérent à la qualité différente des images : d’une part, l’effet flou pour le sujet alcoolique ne provient pas de l’aspect de son cerveau mais de la technique et, d’autre part, la colorisation en rouge et jaune (un cerveau en fusion ? masque les structures normalement différenciées par différents niveaux de gris. En découle une comparaison peu aisée entre les images, à l’avantage du sujet sain, avec un cerveau moins flou (puisque sans alcool), et moins en fusion (puisque sans drogue). Sur ce dernier point, nous devons souligner l’association pernicieuse entre dogue et SIDA, l’image illustrant en fait une conséquence de cette maladie, alors que le HIV n’est pas liée à une toxicomanie.

Un dessin d’interprétation (renforcement des signes figuratifs) est présent sur la même page, ainsi qu’une liste des noms de quelques structures de l’encéphale reportés sur les images à l’aide de numéros. Un autre dessin montre la localisation supposée du niveau de coupe, or celui-ci n’est pas le même entre les trois images, ce qui rend là encore difficile la comparaison entre les images, à l’avantage, bien sûr, du sujet normal !

Bref, l’idée d’illustrer les conséquences de toxicomanies sur l’anatomie du cerveau était originale, mais à vouloir trop en faire en exagérant les données, la crédibilité de ce document en souffre… Quant à la technique, elle est définie de manière obscure dans un lexique à la fin du manuel (renforcement des signes référentiels), d’où une absence de rapport à la réalité.

Du côté des spécialistes, ils sont unanimes sur la mauvaise qualité des images de sujets malades et le problème des niveaux de coupe différents, ces deux éléments augmentant l’aspect pathologique, en sus de l’aspect tendancieux… Quant à la dernière image, ils l’ont jugée comme hors de tout contexte scientifique.

3.2 L’exemple de l’illustration de la localisation des aires cérébrales sensitives

La figure 2 est issue du même manuel et présente trois profils gauches obtenus par idéographie (imagerie relevant de la médecine nucléaire). Les idéogrammes concernent un sujet supposé sain au repos, puis ouvrant les yeux et suivant un objet (activation des aires visuelle et motrice), puis écoutant parler une personne (aire auditive activée).

Les contours des formes sont difficiles à discerner. La signification des couleurs par rapport au débit sanguin est donnée (renforcement des signes graphiques).

Ce document comporte également un exercice de qualification des aires en activité observées (sensitives et motrice), puis de comparaison, non-évidente, avec un schéma présentant la localisation des aires uniquement sensitives (renforcement des signes figuratifs).

La technique est expliquée (renforcement des signes référentiels), avec toutefois des lacunes conséquentes. En effet, telle qu’employée, l’idéographie ne permet pas de visualiser l’activité de l’aire visuelle primaire (aire occipitale) ; l’élève, lui, peut penser que cette zone n’entre pas en jeu lors d’une activité visuelle. Par ailleurs, une opération de soustraction a été réalisée entre les clichés

(5)

d’activité et celui de repos afin d’obtenir deux idéogrammes où n’apparaissent que les débits différents par rapport au repos, donc les aires propres aux activités citées ; l’élève peut alors penser que la partie frontale est au repos lors des activités sensitives et motrice.

Les spécialistes ont globalement jugé que, par rapport au document précédent, le principe d’utilisation de ces images était intéressant et moins problématique.

3.3 La vie des idéogrammes

Une étude plus poussée, en termes de transposition didactique, a été menée sur les modifications subies par ces trois idéogrammes, depuis leur production jusqu’à leur présentation dans le manuel Hachette. Les résultats obtenus sont succinctement présentés ci-après.

À l’origine, une équipe de chercheurs suédois avait mené une étude dans les années 1970 sur l’existence au repos d’une hyperfrontalité du débit sanguin cérébral sous-tendant l’existence d’un « superviseur » au niveau du fonctionnement cérébral. Les sujets de cette étude étaient des patients, en phase inactive de leurs troubles psychiatriques, observés au « repos » (silence et yeux fermés ! et lors d’activités « simples ». Dans la publication résultante, la méthodologie était expliquée en détail (dont le fait que l’aire occipitale ne pouvait être étudiée que partiellement), les considérations d’ordres technique et biologique discutées, les résultats bruts reproduits sur des dessins de profils. La même équipe a, par la suite, rédigé un article de vulgarisation pour la revue Pour la Science. Depuis la publication précédente, un plus grand nombre de patients avaient été observé et la technique s’était améliorée avec l’obtention directe d’idéogrammes illustrant cet article. La production de ces images était expliquée (dont l’opération de soustraction entre les clichés d’activité et celui de repos caractérisé par l’hyperfrontalité du débit sanguin) et la signification des couleurs donnée. Toutefois, certaines considérations biologiques et techniques disparaissaient. Trois des idéogrammes présents dans cet article ont été réutilisés dans le manuel Hachette. De nombreuses données ont alors été supprimées : type de sujets, opération de soustraction, aire occipitale étudiée partiellement, théorie du superviseur… En revanche, un schéma interprétatif apparaissait… Les images ont subi une désyncrétisation, une dépersonnalisation, ce qui conduit à une décontextualisation restreignant leur sens et les faisant passer du statut d’image-signification à celui d’image-document. Ces phénomènes sont liés au processus de transposition didactique et ces modifications semblent être l’œuvre des concepteurs du manuel.

4. CONCLUSION

La vie des images médicales du cerveau est marquée par une série de transformations, sur l’autel du look et de la méconnaissance de l’image, qui les coupent de la problématique à l’origine de leur production. Elles ne sont plus qu’une représentation moderne de connaissances établies, auparavant

(6)

illustrées le plus souvent par de simples dessins, comme l’a également montré un autre axe de notre recherche.

Au-delà des modifications opérées au niveau des signifiants et signifiés de ces images, leur sous-utilisation est manifeste : souvent une simple illustration (une image-document montrant, à la rigueur, que la science utilise des images à l’aspect modernes) ou une recontextualisation élaborée (au moins l’une des trois catégories de signes iconiques est expliquée et/ou renforcée par le contexte de présentation), malheureusement souvent avec des problèmes (légendes inadéquates).

BIBLIOGRAPHIE

HÉLION R., HÉLION C., LAIZE D., MIQUEL G., MOREAU F., MOREAU T., MOSER D., MSIHID B., FAUQUET M., Biologie Troisième, Paris : Hachette Collèges, 1989.

INGVAR D., SCHWARTZ M.S., Blood flow patterns induced in the dominant hemisphere by speech and reading, Brain, 1974, 97, 273-288.

LASSEN N., INGVAR D., SKINHOJ E., Les fonctions cérébrales et la circulation sanguine, Pour

la Science, 1978, 14, 26-37.

MAFFÉO V., Statut et rôle des images médicales du cerveau humain dans l’enseignement

Figure

Figure 1 : Images d’IRM, page 138, manuel de troisième Hachette

Références

Documents relatifs

Et la fondation de la science consiste dans le "re,let théorique des anciennes notions de base et (ou) de leur dispositif, reconnus comme erronés" (4). Sans vouloir entrer

Dans cette présentation, nous voudrions mettre l'accent sur l'application qui nous semble la plus inédite dans le domaine de l'enseignement de la chimie, à savoir la représentation

Ces deux programmes de recherche, didactique et psychologique, ne peuvent pas s'ignorer, et même se rencontrent et se confondent fréquemment. Ainsi, il nlest pas étonnant qu'un

Nous avons demandé aux conférenciers dans le cours temps imparti à leur exposé, d'évoquer leurs recherches passées et celles dans lesquelles ils sont engagés actuellement, de

RESUME : Deux aides didactiques sont présentées, dont le but est de soutenir les étudiants dans leur étude de la mécanique classique.. La première a la forme d'un ouvrage

Le principe qui me semble le plus important dans le contexte de la didactique est celui qui explique que dans toute communication le langage ne transporte pas les

D'autre part, la compréhension rapide des notions abstraites ou de processus compliqués et leur mémorisation peut être facilitée parles images de synthèse utilisées pour

Puis, nous présentons la transposition didactique qui a présidé à l'élaboration d'un jeu de rôle sur la production de saumons transgéniques géants, les Sumotoris.. SUMMARY :