• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Du système (préscientifique ?) à la théorie (scientifique)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Du système (préscientifique ?) à la théorie (scientifique)"

Copied!
11
0
0

Texte intégral

(1)

DU SYSTEME (FRESCIENTIFIQUE 7) A LA THEORIE (SCIENTIFIQUE)

(2)

Si notre éducation vise à former l'esprit scientifique des él{"vest i l illiporte évidpmrnent rie comprendre comment ce même esprit scientifique est apparu dRn" l'histoire de l'humanité. Sur ce point l'épistémologue et l'historien des sciences peuvent aider le pédagogue. Hélas, c'est un sujet qui reste nlAl conuu et fortement controversé.

Et d'abord, parler d'une formation de l'esprit scientifi-que, c'est admettre une origine à celui-ci, et donc rejeter ce qlli précède dans une période "préscientifique". Les épis-témologues continuistes refusent cette rupture, et préfèrent penser que la science s'est formée progressivement depuis que l'homme a commencé de penser, sinon d'agir. En considérant

cependant que la science n'a cessé de s'étendre, on est contraint d'admettre q~lelle occupe successivement des domaines qui

n'étaient pas les siens antérieurement. On rencontre donc, même en optant pour la thèse d'un développement continu de la science, l'idée qu'il existe un domaine préscientifique.

Inversement, les conceptions discontinuistes peuvent diff'i-cilement placer la rupture au m~me endroit pour les diverses sciences. Chaque discipline possède son propre acte de naissan-ce. Le schéma général de l'histoire de la pensée scientifiquA ne ,,'éloigne none guère du précédent.

En tout cas, le présent travail se place plutôt dans une optique discontinuiste, tout en s'efforçant de n'être pas trop partisan. Le premier auteur que nous présenterons, et dont le nom est associé à l'idée de "formation de l'e"prit scientifiqlle" est évidemment Gaston Bachelard. Or on sait qu'il a lutté ponr introdnire le concept de rupture dems l'épi"témologie françai,,"o

(3)

Ce "impIe choix dit clairement les sympathie" de l'auteur. Bachelard distingue explicitement l'expérience commune, raite d'observations juxtapo"ées, de l'expérience "cientifi-que faite de vérifications convergentes obtenues à l'aide de

techniques différentes (1). Mais dans un autre ouvrage i l oppo-se "phénoménologie" et "phénoménotechnique", la seconde corre,,-pondant à l'esprit scientifique. "Le courant alternatif entre-tenu n'est pas un phénom~ne, c'est une technique d'organisation de ph~nom~rles't (2).

G. Canguilhem illustre cette distinction en opposant le concept de réflexe tel qu'il apparalt en 1800 à ce m~me concept en 1850. Le premier est inscrit dans les livres, le second l'est aussi dans le laboratoire et l'hôpital

(3).

Il précise l'oppo-sition en montrant que la phénoménologie vise seulement à comprendre, et déduire, tandis que la phénoménotechnique cher-che ~ faire, à produire.

Il n'empêche que nous trouvons déjà, chez Bachelard, deux critères permettant de reconnaltre l'esprit scientifique. G. Canguilhem préfère le second, moins ambigu, mais rien ne dit que les deux critères se recouvrent. La rupture n'est peut-~tre pas si facile à cerner.

Il n'est pas commode, non plus, de caractériser ce qui la précède. Selon L. Althusser, qui propose d'accentuer la rupture, qU'il nomme pour cela "coupure épistémologique", le préscien-tifique est idéologique. Et la fondation de la science consiste dans le "re,let théorique des anciennes notions de base et (ou) de leur dispositif, reconnus comme erronés"

(4).

Sans vouloir entrer dans les discussions sur l'idéologie, disons d'un mot que là Ol' Bachelard voyait l'esprit scientifique "se former cf)ntre la nature"

(5),

l'école althussérienne pense plutôt à

( 1 ) DachelRrd (G.), Paris, 1938, p. esprit se forme

La formation de l'esprit scientifique, 10-11. L'auteur semble admettre que cet en m~me temps dans toutes les sciences. (2) Id., Le rationalisme appliqué, Paris, 1949, p. 168.

(J) Canguilhem, La formation du concept de réflexe aux

X'tn~ et XVlllo siècles, Paris, 1955, p.

161-(4) Althu88er (L.), Eléments d'autocritique, Paris, 1974, p. 2'5.

(4)

tll' obstacle social, pt reproche au physicien philosophe

rl'Avvir naturalis~ l'idéologie

(6).

~1. SAnner a r~poTl(in, dans Raison Présente, 'lU' i l est "fAUX de dire 'lue le véritable contenu de la notion d'oh"ta-cIe épistémologique soit idéologique, parce que l'imaginaire

Il'''

pas d'abord un "ontenn idéologique, m~me s ' i l prend des expres,;ions idéologiques"

(7).

Le Petit Poucet raconte l'his-toire rl'Ull abannon avant de narrer un épisode de la lutte des

classes.

Mais Althusser qui étudie la naissance du matérialisme ,.istorique ne rencontre peut-~tre pas le m~me préscientifique qne le,; auteurs qui s'intéressent à l'électricité ou la neuro-physiologie. Les sciences se créent dans un champ qui varie de l'une à l'autre.

Et puisque IIOUS nous intéressons essentiellement aux sciences de la nature, consultons un auteur du siècle dernier qui, bien avant Bachelard, s'efforçait de distinguer "systèmes" et "théories" i l s'agit de Claude Bernard, dans ses

Principes ..• , publiés longtemps après sa mort (8).

Définissant la th~orie comme une idée qui relie les expé-riences (elle est explicative) et prévoit des faits nouveaux par déduction (elle est prédictive), i l la sépare du système parce qu'elle VERIFIE les faits nouveaux déduits, alors 'lue c€'lui-là néglige de le :faire. La théorie serait donc liée à l'usage de la méthode expérimentale. C'est pourquoi elle est provisoire, ouverte et relative, tandis que le système est fermé et absolu. Elle appelle "les faits contradictoires pour saVoir si elle résistera ou si elle succombera"

(9).

Mais, paradoxalement, elle est plus pérennante que le sys-t~m", car étant à l'écoute de la contradiction elle est perfec-tible. En sorte que les théories ne disparaissent pas, Comme [es syst~mes, elles évoluent. Au temps des syst~mes, i l y avait des révolutions, avec les théories, les révolutions n'existent

(6) Cf. Lerourt (D. ) ,Bachelard, le ,jour et la nuit, l'aris, 1974, p. 126.

(7) Sanller (M.), Le point de vue pérlagogiqne chez Bachelard, in Raison Présente, nO 38, Pari .. , 1976, p. 95.

(R)

nerllarrl (C.), Principes de médecine expérimentale, Paris, 19 117.

(5)

plus

(la).

Claude Bernard met en avant l'idde que la science expArimentale s'accroit progressivement par les efforts conju-gué", de tous, alors que les systèmes successifs restaient

ri,,,,

ouvrages individuels. Ainsi que le disait dAjà Leibni~ contre les cartésiens , en Gdomdtrie "il n'y a point d'Euclidistes ni d'Archimédistes" (11).

Le lecteur, à ce niveau de l'exposd, peut ~tre déçu de découvrir une telle multiplicité de critères plus ou moins contradictoires pour définir l'origine de l'esprit scientifi-que. Mais i l doit comprendre que l'épistémologie n'est peut-~tre elle-m~me qu'une discipline préscientifique, qui fait cohabiter des "systèmes" 1 Surtout, le pAdagogue doit savoir qu'il n'existe pas encore une histoire des sciences adaptée aux problèmes qui le préoccupent. Celle-ci reste à faire, avec son concours. Car si l'enseignant a besoin des lumières de l'historien la réciproque est également vraie 1 i l y a trop d'analogies entre la formation historique de l'esprit scienti-fique et l'apprentissage de cet esprit par l'dlève pour qu'dpis-térnologues et pédagogues ne puissent recevoir chacun de l'autre.

En proposant, dans les pages précédentes, l'esquisse d'une "histoire naturelle" de la rupture fondatrice des sciences, de C. Bernard à L. Althusser, je voulais montrer, à travers la multiplicité des solutions, toutes les possibilités qui s'offrent à l'enseignant. Car i l n'existe sans doute pas de critère uni-versel. Aussi, chacun peut-il adopter celui (ou ceux) des cri-tères qui rApondent le mieux à sa discipline, sa pédagogie •.• et son idéologie.

On pouvait prendre le sujet autrement, en traitant un exemple précis, afin de voir concrètement quels caractères opposeraient la science naissante à ce qui la précède. Mais

i l aurait fallu entrer dans des détails compréhensibles des senls lecteurs connaissant la spécialité choisie. Et puis, on aurait donné le sentiment qu'on découvrait ainsi le "bon" critère.

Cependant, pour illustrer ce qui précède, et permettre de

(10) lhlcl., p. 116. (1 1) D'Rpr~s Belaval

ParlA, 1960, p.

(Y.), Leibniz critique de Descartes, 12).

(6)

46

-pr'ci~er quelques points, nous prendrons quelques exemples, choisis dans des domaines aussi vari's que possible.

1° La succession des th'ories.

Claude Bernard oppose justement le développement réguliel' de la science à la succession des syst~mes contradictoires. Sans doute exag~re-t-il le caract~re "graduel" de la marche de la science. I l ne soupçonne évidemment pas que la m~canique céleste, qu'il tient pour une science quasi achevée, sera révo-lutionnée un quart de si~cle apr~s sa mort.

Mais i l n'a pas tort, malgré tout, dans la mesure où la Relativité doit INCLURE la mécanique newtonnienne. Les

résul-tats antérieurs ne sont pas réfutés, ils sont simplement rela-tivisés (sans jeu de mot) 1 leur champ d'application se res-treint. Mais à l'intérieur de ce champ, leur validité est confirmée, voire renforcée. Le savoir ancien est un cas parti-culier du savoir nouveau 1 les équations de Newton se déduisent de celles de Lorenz, en négligeant un terme, dans le cas des objets dont la vitesse est faible devant-celle de la lumi~re.

Les occultistes et autres parapsychologues ignorent

l'histoire de la science quand ils prétendent que les théories actuelles s'évanouiront devant leurs élucubrations. Quand on nous dit, par exemple, que des transmutations "à t'aible éner-gie" sont capables de produire du potassium à partir du calcium, et donc de remplacer les engrais potassiques par du calcaire, on oublie que, si tel était le cas, les carences n'auraient jamais pu être mises en évidence par les agronomes. Une théorie nouvelle ne peut rejeter des résultats dament établis par des observations antérieures.Elle peut modifier leur interprétation, pas les anéantir !

La radioactivité n'a pas contredit la science de Lavoisier, elle l'a confirmée et expliquée. On sait aUjourd'hui que si les chimi~tes du si~cle dernier ne pouvaient passer d'un corps pur à un autre, c'est que cette "transmutation" ét'lit impossi-ble avec les énergies dont dispose la chimie. Les expériences de radioactivité, qui réalisent ce passage, utilisent de~ éner-gies sans commune mesure avec les précédentes. Il n'est nulle-ment paradoxal de dire qu'il a fallu réaliser le passage d'nn élément chimique à l'autre pour démontrer que ce p"",,,'ge ne pouvait s" produire dans les expérience" chimique~.

(7)

Pr~cisons,pour conclure sur ce point, que le m'canisme d'in-clusion s'oppose à la thèse du rejet complet des r'sultats anté-rieurs d'une révolution à l'autre. Mais aussi à la conception, par trop continuiste, d'une simple accumulation des faits scien-ti.fiques (12). La mécanique relativiste n'est pas un simple affinement de la mécanique newtonnienne. Celle-ci se déduit de celle-là, pas l'inverse (lJ).

2' Du dernier système à la première th'orie

Comment reconnaltre qu'une science est en train de naltre ? Le premier symptôme de son accouchement serait le "rejet des erreurs de sa pr'histoire" (14). Mais les syst~mes qui l'ont précédée s'excluaient aussi. Ce n'est pas tant le rejet qui est symptomatique que le fait . , . qu'il soit le dernier: dor'navant les résultats s'int'greront en un ensemble organisé au lieu de se contredire (of. ante). Seulement on ne saura cela que plus tard.

Il se peut que notre question soit sans objet, et qu'on n'ait aucun moyen de distinguer une théorie naissante d'un système. Les contemporains de Lavoisier (sans doute), ceux de Mendel (certainement) ne savaient pas qu'ils assistaient à la naissance d'une discipline. Nous allons tenter, cependant, de donner quelques caractères distinguant th'orie et système.

Pour cela nous prendrons un exemple : la naissance de la géologie, plus exactement de la tectonique. C'est vers 1800 qu'on abandonne l'idée que les montagnes ont été formées par dépôt dans un oc'an universel dont le niveau s'abaissait pro-gressivement (système neptunien), et que naquit la "théorie des soul~vements"qui expliquait la formation des reliefs par des mouvements de bas en haut.

L'idée de soulèvement a déjà été émise (Moro, 1740, Needham 1769) sans succès. Brusquement, vers 1780 elle réapparalt chez plusieurs auteurs et s'impose progressivement. En fait, ce qui est nouveau et qui emporte la conviction, c'est moins l'idée

(12) Gohau (G.), Relation expérimentation-théorie, Actes des ,journées de Chamonix 1979, p. 2), OÙ je critiquais les thèses empiristes.

(1))

cr.

Expos' rie L'vy-Leblond

(J.M.),

dans le pr'sent volume. (14) Althusser, loc.cit., p.

)9.

(8)

48

-que la façon de la d'montrer.

Au milieu du XVlllo siècle, les partisans du soulèvement dps terres comme les tenant" de l'abaissement des eaux (Maillet, Lehmann) ont chacun leurs preuves. Aucune ne permet de réfuter le système adverse (car i l s'agit alors de deux systèmes). Après 1780, on cherche cles faits qui contredisent le système nept"nien. Quand von Buch dit 1 "le niveau de la mer ne peut s'abaisser, l"quilibre des eaux s'y oppose absolument" (15), i l offre un argument qui ne vaut pas plus que celui des neptuniens, pour lesquels i l est plus commode "de faire baisser le niveau, pour ainsi dire, mobile des mers" que "de hausser le niveau solide de la terre ferme 1" (~). Bon sens contre bon sens; système contre sytème.

Mais quand le même Buch observe les mêmes roches à des niveaux très différents sur de courtes distances, i l apporte un fait que les neptuniens ~ peuvent expliguer par un dép5t uniforme (17). De même, quand Bravais montre que les anciennes lignes de rivages de Scandinavie ne sont pas horizontales, i l est obligé de conclure au soulèvement (car l'abaissement des

eaux laisserait des traces parallèles au niveau marin actuel) (18). Dans les systèmes, chacun croyait pouvoir réfuter l'adver-saire en multipliant les preuves en sa faveur. Dorénavant, on cherche la preuve décisive qui ruine le système opposé. Comme disait Dolomieu "mille faits concordants ne servaient qu'à rendre vraisemblables certaines hypothèses" tandis "qu'un seul fait discordant ou contradictoire suffisait à les renverser" (19). Si la qualité des faits qu'on apporte a changé, si on observe mieux, c'est peut-être qu'on cherche autre chose; avant tout, c'est la méthodologie qui a changé.

Mais la nouvelle théorie se reconnait aussi à sa volonté de tout expliquer. Et notamment l'inclinaison des terrains.

(15) Buch (L.de), Voyage en Norvège et en Laponie, Paris, 1816, tome II, p. 278.

( 16) Aubuisson de Voisins, Traité de géognosie, Paris 1819, tome l , p. 415.

Buch, Lettre à M. Alex. de Humboldtl renfermant le tableau géologigue de la partie méridionale du TiraI, 1823.

Rapport sur.un mémoire de M. A. Bravais, Aca(i.sc., 18/12. Dolomieu, Rapport

...

,

Journal de" mines, an VI, p. 427.

(9)

.Ju~'llJ" là, ft côté des nep!:uniens précités, qui réduisaient

l'inc[inai~ondes couches à des accidents locaux, il y avait

deux école~ de "prétectoniciens". Les uns (Deluc, par "xemple)

pensaient que les couches s'étaient effondrées (apr~s dépôt

horizontal) dans des cavernes. Les autres (Lehmann, Ramond) e~timaient que les strates contournées provenaient d'un dép8t ",n eau agitée. Ramond parle, à propos de plissotements dan~ les Pyrénées d' "un lacis de veines ondées, pliées, contour-nées, dont la confusion NE SAURAIT SE DECRIRE" (20).

Qu'on opte pour les cavernes oU l'agitation océanique, Rn

effet, i l est inutile de décrire la forme des couches non

horizontales. Puisque (pense-t-on) c'est le hasard qui a créé

ces formes, puisque elles rel~vent de l'accidentel, elles ne sont pas objet de science.

La tectonique naissante manifeste, au contraire, son inté-rêt pour les formes des strates. Hutton, le premier, déduit de

la théorie du soul~vement qu'il doit y avoir discordance entre

les terrains soulevés et ceux qui se sont déposés

apr~s le mou-vement. Et il part à la recherche de ces "jonctions" (le terme anglais "unconformity" qui désigne ces défauts de concordance des couches sera créé un peu plus tard), qu'il découvre effec-tivement . , . tin peu partout. Preuve que les observations étaient sous les yeux de tous, et que le probl~me était d'abord de

s'intéresser à la disposition des couches,

On trouverait, dans d'autres disciplines, des exemples ana-lO~les. Quand Naudin, qu'on donne parfois comme un adversaire malchanceux de Mendel, croise des plantes voisines entre elles, i l observe 1 "si l'on unit des hybrides, au bout d'un certain

nombre de générations et souvent dhs la seconde, il se fait un népRrt "ntre les caractères spécifiques parmi les individus nés des mêmes parents et appartenant à la même génération, les

uns se rapprochent étroitement de l'esphce du père, les autres de l'esppce de la mère 1 les individus intermédiaires sont RAHES ET THES DIFFERENTS LES UNS DES AUTI~ES" (21).

(20) RamOlld, Voyage au mont-Perdu, 1801, p. 98. C'est moi qlli soulignl",

(21) D'<tprPR P"rrier (E.), La Philosophie zoologique avant Darwin, Parts, 1884, p. 280. Je souligne.

(10)

Nendel, lui, décide justement de s'intéresser aux intermé-diaires. Loin de les considérer comme de simples accidents dans le retour au type parental (maternel ou paternel) des hybrides, i l estime avoir affRire à des types fixes dans leurs caractères comme dans leur proportion. Et, chose à laquelle Naudin ne pou-vait songer 1 i l les compte

Il est inutile, Je pE'nse, de multiplier les exemples. La sciE'nce naissante rationalise un champ qui jusque là était le théatre de controverses et le domaine de l'opinion (plus ou moins informée). Si elle accroIt le volume des faits scienti-fiques c'est qu'elle annexe ce que les systèmes rejetaient hors de leur "science". Elle tire sa force du fait qu'elle mon-tre la régularité là où l'on ne voyait que de l'aléatoire. Mais elle court le risque constant de la réfutation, car elle est immédiatement beaucoup plus prédictive que les systèmes.

Pourtant, paradoxalement, elle fait plus de place à l'incon-nu. Mais pas à l'inconnaissable. Les systèmes laissaient bien des phénomènes hors de leur champ, mais ils pensaient que ces faits particuliers, accidentels ne méritaient pas d'être rete-nus. Pour le reste, rien ne leur échappait. Deluc (Sténon et Leibniz avant lui) explique l'origine de toutes les montagnes. A ceci près qU'il leur attribue une cause unique ••. qui n'expli-que ni leur disposition ni leur forme particulière.

La théorie, au contraire, ne laisse rien hors de son champ d'investigation, mais elle ne sait pas tout d'emblée. La théo-rie des soulèvements est en mesure d'analyser chaque chaIne de montagnes, mais elle a besoin, pour ce faire, que les géologues aillent observer, le marteau à la main. Elle est un programme de recherches, autant qu'une explication des faits déjà connus, ou une prédiction de faits nouveaux. Elle sait qu'elle compren-dra les faits nouveaux, mais elle ne les déduit pas a priori de

8es prémisses.

Ce qui, pour conclure, nous ramène à notre point de dép"rt. Nous donnions deux définitions bachelardiennes de l'esprit scien-tifique. A la réflexion, c'est une autre phrase qui caract~rise le mieux la démarche de la scieuce. "L'idée n'est pas de l'ordre de

lA réminiscence, elle ",,,t plutôt de l'ordre de IR préscif'llce. L'idée n'est pas un résumé, elle ""t plutôt un pro~r"'mme" (22). (22) Bachelard, loc.cit., 191~9, p. 122.

(11)

Rien que la d6finition ne s'applique pas à la th~orin mais ~ "l'idée" (7), "t qu'"lle diRtingue moins la science de ce qui la préc"de quP deux conceptions (empiriste et rationaliste) de

la science, il nous parait qu'elle exprime ce qui pr6cède. Les

systhmes sont clos, ils n'ont rien à APPRENDRE de l'observation.

~e n'est pas qu'ils ne pr~disent

pas, mais ils pr"disent des observations semblables à celles qu'ils ont faites. Deluc Avait la certitude qu'on trouverait des couches inclin"es dans les montagnes qui n'avaient pas encore ét~ explorées, mais il ne pouvait en dire plus.

La th"orie est ouverte 1 elle dit comment ~tudier, mais pas ce qu'on trouvera. Elle peut faire ctps conjectures sur l'âge des plissements qu'on trouvera dans telle montagne, mais si elle

s'est trompée, i l suffira de modifier le tableau des orogenèses,

pas les fondements de la discipline.

I l serait d~sirable de tirer des conclusions p"dagogiques de ce qui précède. J'en suis incapable et préfère laisser cha-cun s'y essayer. Cependant, si la science est d'abord un pro-gramme, on formera mieux l'esprit en l'exerçant à mettre à l'épreuve ce programme plutôt qu'à le faire discuter les faits,

car alors, on resterait dans les m"thodes sytématiques.

Autre-ment dit, c'est dans la pratique que l'esprit se forme à la discipline scientifique. Si l'enseignement favorise le dogmatis-me, c'est qu' "il est communication de résultats et non r"acti-vation des circonstances de la recherche qui les a obtenus" (23). Les m~thodes dites "actives", qui croient former l'esprit scien-tifique en faisant découvrir les idées th"oriques à partir de J'observation des faits, réinventent le mode de fonctionn"ment des systèmes. L'exercice de l'esprit scientifique suppose une plu" gramie part d'investigation personnelle de l'élève. Nais est-i 1 encore nécessaire de le montrer 7

(2))

CAum.ilhem (G.), Le concept d'idéologie scientifique, in

Références

Documents relatifs

Dans le cadre des dispositions de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 dite « loi aubry» et de ses décrets d'application, le présent accord a pour objectifs : - de contribuer à

sanguines et la survie montrent que l'administration de SSH/dextran a tendance à augmenter la pression artérielle systolique par rapport aux cristalloïdes isotoniques pour les blessés

Les complications neurologiques après BNP peuvent être liées à une série de facteurs se rapportant au bloc (un traumatisme de l'aiguille, une injection intraneurale, une

Dans un second temps si les capacités du DCA étaient dépassées ou s’il était nécessaire de court-circuiter le DCA, les victimes étaient dirigées sur une des salles de

2018 American Heart Association Focused Update on Advanced Cardiovascular Life Support Use of Antiarrhythmic Drugs During and Immediately After Cardiac Arrest: An Update to

Personnels, non professionnels de santé, exerçant au sein d'un établissement de santé, d'une structure médico-sociale ou auprès d'un professionnel de santé dans un cabinet

Différents facteurs liés au temps de travail ont en effet modifié la disponibilité de chacun d’entre eux:diffusion du temps partiel,réduction du temps de travail,attitude

Les Dendrobatidae sont des animaux des forêts tropicales humides, il faut donc que règne dans le terrarium une hygrométrie de l’ordre de 80%. Ce pourcentage peut être atteint