ATELIER: fORMATION A LA MEDIATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
SYNTHESE
J.P. DALBERA
:v.ission Culture Scientifique Technique Industrielle du ,\linistère de la Culture O. LAS VERGNAS Ci té des Sciences et de L'Industr ie G.GOY Observatoire de Genève I.D.E.S. f. TONUCCI Université de Rome M.FAY C.N.D.P. Montrouge B.BLACHE Palais de la Découverte
RESUME Depuis quelques années , le développement de la culture scientifique , technique et industrielle fait l'objet d'un intérêt croissant de la part des pouvoirs publlCS , des or~anismes de recherche , des milieux associatifs ... Cette evolution a engendré une nouvelle activité : la Médiation Scientifique et Technique (M.S.T.) dont on analyse les objectifs et ies besoins de formation .
1. VERS DE NOUVEAUX PROFESSIONNELS DE L'ACTION CULTURELLE {il
La maîtrise et la compréhension des progrès scientifiques et techno-logiques par le plus grand nombre, sont aujourd'hui des conditions incontournables du développement économique, du progrès de la démo-cratie et de l'indépendance culturelle de notre pays.
Plus que jamais l'éducation, la formation, la recherche, la culture constituent des réponses pour faire face aux mutations du monde mo-derne et préparer l'avenir.
Les nouvelles technologies en modifiant profondément les objets, les façons de créer, de produire, d'apprendre, de communiquer ••• exigent des qualifications professionnelles de plus en plus élevées et plus largement une augmentation du niveau général de culture scientifique et technologique des Français.
La capacité d'innovation dans l'entreprise et le développement écono-mique impliquent non seulement la circulation puis l'appropriation de l'information technique par les salariés mais également la reconnais-sance et la valorisation d'une "culture industrielletf qu'une vision réductrice a trop longtemps opposée aux formes dites "nobles" de la culture.
Cette conception dualiste parait aujourd'hui bien dépassée dans la mesure où l'interpénétration des domaines d'activités s'est profondé-ment traduite dans les faits, même si chacun d'entre nous n'en a pas toujours pris clairement conscience.
nouvelle culture, une nouvelle forme de culture, qui viendrait sim-plement s'ajouter aux arts plastiques, au cinéma, à la littérature. "Mettre en culture" la science et la technique, ce n'est pas les transformer en beaux-arts et leur donner un prestige supplémentaire, dont elles n'ont nul besoin; c'est, au contraire, acquérir la mai-trise de leur développement pour les "mettre en question".
Une politique culturelle dans le domaine des sciences, des techni-ques et de l'industrie ne se réduit pas à un problème de vulgarisa-tion scientifique ou de meilleure diffusion de réalisatio~connues.
La nécessité est ainsi impérieuse de trouver de nouvelles formes d'action culturelle, de créer de nouvelles structures, qui permettent à chacun de prendre conscience de ses propres compétences, de les dé-velopper et de s'intéresser à ces terrains concrets du politique que sont l'entreprise, l'environnement, l'éducation, la recherche.
Dans une société qui a fondamentalement changé en quelques dizaines d'années, la culture est devenue un facteur essentiel de cohésion so-ciale et de progrès économique, à travers spécialement lea industries de la communication.
Cette nouvelle géographie du terrain culturel confronte ses agents à une autre approche de leur profession en terme de métier, de contenu, d'activités, de tâches. Un renversement total s'est produit depuis la période fondatrice de l'animation culturelle. Aujourd'hui, on a be-soin de "médiateurs" et non pas "d'intermédiaires" car il s'agit de rechercher des articulations entre d'une part, les exigences spéci-fiques de l'activité artistique, scientifique ou industrielle et d'autre part, des logiques socialement différenciées.
de nouveaux professionnels, au profil différent de celui qui carac-térise les animateurs actuels depuis plus de vingt ans.
Ces dernières années, des intervenants culturels issus des milieux de la recherche scientifique, de l'enseignement,de la muséologie, de l'éducation populaire, de l'entreprise ••• , ont expérimenté des voies nouvelles de médiation. Mais il s'agissait d'expériences éparses et parfois d'une qualité qui pâtissait du manque de moyens.
Sur la base d'une prise en compte critique de ces expériences, la décennie àvenir devrait être consacrée à la formation de ces nou-veaux intervenants.
Il appartient à des colloques comme "les 7èmes journéea internatio-nales sur l'education scientifique", de réfléchir et de jeter les bases de formations professionnelles adaptées auX nouveaux besoins.
Depuis 1982, au plan législatif, diverses mesures capitales ont créé des conditions beaucoup plus favorables à l'accomplissement de ce travail de médiation, c'est-à-dire au décloisonnement de la aociété et à l'abolition des frontières qui la parcourent.
Pour ne citer que les plus importantes dans le domaine qui nous con-cerne la Loi d'Orientation et de Programmation de la Recherche et celle de l'Enseignement Supérieur font toutes deux de la diffusion de la culture scientifique et technique une mission professionnelle à part entière des chercheurs, des techniciens et des enseignants universitaires. Les Lois Auroux ont élargi les possibilités d'inter-vention des salariés dans le domaine du changement technique et de l'innovation industrielle et renforcé les beaoins d'expertise.
Le IXème Plan dans le cadre d'un de ses programmes d'exécution prio-ritaire, prescrit comme moyen de développer la culture scientifique, technique et industrielle, la constitution d'un réseau de centres culturels régionaux, véritables partenaires de la Cité des Sciences et de l'Industrie de La Villette.
Ce réseau qui s'appuie autant sur des équipements nouveaux (Centres de Culture Scientifique et Technique, Maison des Sciences et ques, Centres de la Mer) que sur des lieux existants (Musées Techni-ques, Ecomusées, Maisons des Industries et des métiers ••• ) ou sur des institutions culturelles (Maisons de la Culture, Centres d'Ac-tion Culturelle, Centres de Rencontres .•. ) doit être animé par des personnels capables de répondre aux attentes en ce domaine des dif-férents partenaires sociaux et économiques.
Ainsi, ii est prévu que bon nombre d'entre eux seront des universi-taires, des ingénieurs, des techniciens, des enseignants, ••• déta-chés de leur corps ou entreprise d'origine. Des professionnels de la communication et de l'action culturelle viendront compléter les équipes.
Si les programmes de formation destinés aux scientifiques semblent plutôt être axés sur les sciences humaines et les techniques moder-nes de communication, ceux concernant les professionnels de l'action culturelle devraient viser à leur donner une connaissance générale des grsnds enjeux scientifiques, tech~ologiqueset économiques d'au-jourà1hui.
Plusieurs programmes de formation à ltaction culturelle cu à la mu-séologie intègrent aujourd'hui la culture scientifique et technique, c'est le cas notamment
- de la formation à la Directjo~de Projets cult~relsdu CFNA (Cen-tre de Formation Nationale d'Avignon)
- de la Formation à l'action culturelle de l'ATAC (Association Technique pour l'Action Culturelle)
- des stages de muséologie du MNES (Muséologie Nouvelle et Expé-rimentation Sociale)
...
,D'autres s'y consacrent exclusivement:
- les formations mises en place par le Centre de Formation de la Cité des Sciences et de l'Industrie du Parc de La Vill:tte - la licence en information et communication scientifique et
tech-nique du département audiovisuel de l'Université de Paris VII - les stages du CCST de Grenoble (Centre de Culture Scientifique et
Technique) ou de l'ANSTJ (Association Nationale Sciences Techni-ques Jeunesse)
- des unités de formation "activités scientifiques"du DEFA
De nouvelles formations débuteront vraisemblablement à la rentrée 85/86 :
- Ilune formation d'animateurs scientifiquestl dans le cadre du D.U.T.
carrières sociales de l'IUT de Tours
- une formation de médiateur scientifique et technique (niveau DUST) à llUniversité de Brest
- une maîtrise de sciences et techniques : "communication et patri-moine scientifique, technique et industrielil à l'Université de
Mulhouse
La multiplication depuis trois ans, de ces initiatives de formation comme des projets culturels locaux et régionaux, traduit la vitalité et le dynamisme du mouvement pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle qui existe aujourd'hui dans le pays et que les pouvoirs publics dont le Ministère de la Culture soutiennent activement.
2. SYNTHESE DES DEBATS
2.1 ~:~_~~j::~~~~_~:_~~_~~~~~~~~~_~:~=~~~~~9~:_:~_!::~~~9~: La définition des objectifs et des fonctions de la médiation scientifique et technique (M.S.T.) s'est trouvée au centre des discussions de l'atelier, tant elle semblait différer selon les contextes et environnements institutionnels.
Terminologie contemporaine de l'explosion des moyens et modes de communication, la MST est apparue à certains intervenants comme simplement une version modernisée de la vulgarisation scientifique. D'autres ont affirmé ses liens avec la muséo-logie scientifique ou technique, le journalisme écrit Ou au-diovisuel, l'animation culturelle ou encore l'enseignement.
Il est vrai que la MST, dans la multitude des formes qu'elle peut prendre, ne se différencie pas toujours de la vulgarisa-tion, de l'information scientifique et technique ou de cer-taines pédagogies actives, néanmoins sa spécificité première est de s'efforcer d'établir sur une base culturelle, de nou-veaux rapports aux savoirs et savoir-faire. Si l'acte de mé-diation, dans sa définition initiale a pour objet la conci-liation ou la réconciconci-liation d'entités distinctes entre les-quelles est apparu un conflit, la MST trouve pleinement sa justification dans la coupure historique qui s'est produite entre les cultures artistiques et littéraires et les cultures scientifiques et techniques. Bien plus qu'un simple intermé-diaire, la MST ne vise pas directement à transmettre des connaissances mais plutôt à développer un point de vue cri-tique vis-à-vis des sciences et des technologies, observées dans une perspective sociale, économique et politique. Un de ses objectifs fondamentaux est de rendre possible le débat démocratique, dans une société technologisée où les grands choix sont devenus trop souvent l'affaire exclusive des experts.
A la différence de l'enseignement scientifique et technique, la MST permet un accès public et libre aux connaissances, en créant d'une certaine façon une"Situation de rechange"à l'école traditionnelle.
A la différence de la vulgarisation, la MST ne vise pas seu-lement la diffusion àe savoirs ou cl1informations même "tra-dui tes" pour le grand public. Elle cherche surtout à répon-dre à une "demande sociale", à la mettre en forme si .:'est nécessaire et à produire une information scientifique et technique adaptée aux attentes des partenaires sociaux.
A la différence d'une muséologie scientifique ou technique qui viserait: - soit à reconstituer ou mettre en scène les connaissances scientifiques dans un but exclusivement péda-gogique ,
- soit à conserver et présenter des objets techniques témoins du passé, la MST a pour vocation de créer des produits culturels inédits, susceptibles de rendre compte des relations complexes qui existent entre sciences, technologies, société,économie.
A la différence de l'animation socioculturelle qui s'inscrit corrnne seul intermédiaire et s'efforce de ''mettre en relation!! des spécialistes avec des publics, la MST, en tant qu'expres-sion directe de Rrofesqu'expres-sionne1s des sciences, des techniques ou des industries, ne peut être coupée de la logique et des lieux de la production.
Ainsi la MST étroitement liée au développement économique et culturel d'une collectivité, ne peut être définie avec pré-cision qu'en fonction des contextes et de la nature des par-tenaires et acteurs impliqués.
Transdisciplinaire par nature car oeuvrant à l'abolition des frontières culturelles, la MST impose à ses acteurs d'être en perpétuelle recherche sur la manière de communiquer et par conséquent d'intégrer l'évaluation à leurs méthodes de tra-vail.
Distincte de l'animation, de l'enseignement, de la muséolo-gie, de la vulgsrisation, la MST n'en intègre pas moins ces activités à une problématique culturelle d'ensemble; aussi la formation des médiateurs scientifiques et techniques doit-elle être adaptée à ces objectifs.
Plusieurs intervenants ont estimé qu'en raison de ses orien-tations, la pratique de la MST nécessite une formation mais que par essence, elle ne peut se constituer en métier. Acti-vité temporaire dans une carrière ou effectuée à temps par-tiel, la MST ne relève pas de formations initiales mais continues , car tout médiateur sa doit de posséder une ex-périence professionnelle conséquente dans le domaine scien-tifique, technologique ou industriel.
L'étendue des secteurs concernés par la MST et la variété des techniques de communication à maitriser nécessitent la constitution d'équipes pluridisciplinaires dans lesquelles selon les cas, travailleront des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens, des enseignants, des professionnels de l'action culturelle et de la communication, des administra-teurs, des animaadministra-teurs, des artistes. Il s'agit là d'une condition incontournable pour rendre crédibles et opéra-tionnels les centres régionaux de culture scientifique, technique et industrielle, prévus dans le IXe Plan.
Les contenus des formations à la MST seront donc à moduler selon les niveaux de compétence initiale des différents membres de l'équipe. Les scientifiques de formation auront particulièrement intérêt - à se perfectionner en gestion,
- à étudier les techniques de communication (mise en scène, présentation d'objets, réali-sation d'émissions radiophoniques, conception et réalisa-tion d'exposiréalisa-tions, vidéo, journalisme, ••• ),
- à réfléchir aux méthodes j'é-valuation des produits,
- à s'initier à l'animation de groupe, •••
Actuellement, les cursus universitaires (de Bac + 2 à Bac +5) qui préparent à la MST, ne répondent que très inégalement aux orientations précédentes et risquent de n'assurer que de faibles débouchés aux étudiants en raison de l'étroitesse du marché du travail. Paradoxalement, on constate pour l'instant une absence de formations continues de haut niveau en MST alors qu'il s'agit des véritables besoins à satis-faire. Plusieurs associations envisagent de rattraper ce re-tard (Muséologie Nouvelle et Expérimentation Sociale, Peuple et Culture, Expo. Média, Association Technique pour l'Action Culturelle, Centre de Formation Nationale d'Avignon, ••• ) mais les premiers stages ne débuteront qu'à la fin de l'an-née 1985. Le Centre de Formation de la Cité des Sciences et de l'Industrie du Parc de la Villette, qui depuis Janvier 85, prépare également à la pratique de la MST, semble actuel-lement occuper une place privilégiée en raison des débouchés offerts par l'ouverture prochaine des espaces de la Cité. A plus long terme, le fait d'appartenir à la Cité devrait lui faire jouer un rôle moteur dans le dispositif national de formation à la MST, dont la mise en place devrait être mieux coordonnée qu'elle ne l'est actuellement.
