L'IMAGINAIRE, LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE ET LE RÉEL
Maria Eduarda SANTOS Maria HelenaSALEM A Universidade de Lisboa
MOTSCLÉS: OBSTACLE ÉPISTÉMOLOGIQUE IMAGINAIRE
-CONCEPT SCIENTIFIQUE - COMPRÉHENSION TEXTUELLE.
RÉSUMÉ:Àl'école, quand les conceptionsdesenfants deviennent des conceptions alternatives aux concepts scientifiques, ilest absolument nécessaire d'entamer des guatégies afin de les outrepasser. Nous proposons une méthodologie imerdisciplînaire, en Sciences Naturelleselen
Langue MaremeUe. ayant comme base
lathéorie bachelardienne des obstacles épistémologiques.
SUMMARY : Teaching strategies must he canied out when young children conceptions become
aJternatives to scientiflc concepts.
Across-curriculum methodology
(insubject areas of Science and
Mothertongue) is presented based on Bachelard theory.
1. INTRODUCTION
Le texte "Le voyage du Soleil" (annexe) fait part d'un genre de textes assez fréquent dans les livres scolaires de l'enseignementprimaire.Ces textes se caractérisentpaIun langage métaphorique qui attirela sensibiljté et l'imaginaire de l'enfant. Ils utilisent les analogies. lesmétaphores et l'apparente transparence du langage du sens commun pour transmettre des concepts soi-disant scientifiques. Avec ces caractérisques."Levoyage du Soleil" aétéutilisé par les enseignants d'une classe de 4ème des alentours de Lisbonne avec un double objectif. D'une part,ila servi de matériel écritsur lequel les élèves ont pratiquélalecture etlacompréhension. D'autre part, le texte a servi de motivation et d'infonnation àpartirde laquelle les enseignants ont pu enseigner des concepts scientifiques. C'estàpropos de cette stratégie suivie dans l'exploration du texte que nous avons decidédedévelopper nos stratégies de fonnation. Panni ces stratégies, nous vous présentons:
- enSciences, des stratégies de déstructuration à lafmde développer une culture scientifique et technique;
- en LangueMaternelle.des stratégiesdestructuration à lafmde développer l'appréhensionde la structure linguistique d'Wl tex:te.
z.
À LA DÉCOUVERTE DES SCIENCES NATURELLES2.1 La conception· d'enseignement des enseignants : sa déstruduration
Les enseignants ontutilisé"Levoyage du Soleil" comme motivationd'undéveloppement d'une culture scientifique de la façon suivante :
- ils ont mené leurs élèves à procéder à une révision de ce qu'ils avaient appris à propos des astres
parce
que le texte parlait du Soleil etdela Terre ;- ils ont demandé à leurs élèves des exemples d'accidents geographiques à lafinqu'ils puissent construire le conceptderelief parce que le texte se rapportait aux montagnes. vallées, fleuves. etc.
- ils ont parlé avec les élèves sur les parties d'une plante et sur les fonctions de la racine parce que le texte se rapportait aux plantes, racines. chlorophylle.
ilest surprenant que les enseignants aient ignoré les conceptions scientifiques incorrectes suggérées par les images du texte.ilsont été alors informés que ces images ont tendance à renforcer ou à induire des idées intuitives plus ou moins inconscientes. plus ou moins immédiates que la recherche en Didactique des Sciences actuelle diagnostique chez des enfants de cetâge.comme des conceptions alternatives qui à l'école peuvent constituer comme des obstacles épisEémologiques à la constrUction de concepts scientîfiques. Les enseignants ont allégué. alors. que dans le cas présent, cela ne constituait aucun problème qui puisse exiger des stratégies méthodologiques spécifiques car même si ces conceptions avaient existé au début chez leurs élèves, elles avaient été délogées par des pratiques d'enseignement. Ainsi. les enseignants étaient sûrs que leurs élèves savaient déjà les concepts scientifiques auxquels nous avons fait réference. Avec cette logique cohérente, les enseignants estimaient alors inutile Wle stratégie pour forcer les élèves à expliciter et critiquerlanaEure
des
attributscomparés et
desrelations établies pendant les raisonnements analogiques implicites dans
le texte. La réflexion sur les limites des analogies, la distinction entre ce qui est comparable
etce qui
n'est pascomparable paraissait
une stratégieinutile.
Déstructurer ces conceptions d'enseignement exigeait, d'abord. l'application
destratégiesqui
puissent causer l'insatisfaction chez les enseignants vers celles-ci. Ayant pour base des cadres
conceptUels
déjàvérifiés
etdesrésultats d'expériences
déjàvalidés.
ona procédé :
- à
l'application
d'uninstrument
dediagnostique aux élèves de l'expérience avec l'objectif de
savoir leurs opinions sur
lessavoirs en question;
• à
l'application d'un questionnaire oral, pendant les classes,
àla fm d'identifier quelles étaient
les justifications des élèves sur leurs opinions (donneés pendant le test
dediagnostique) ;
- à
la stimulation des élèves pour interpreter et comparer les divers arguments donnés par
plusieurs élèves
àpropos des mêmes réponses.
Les résultats obtenus sont
lessuivants
(155élèves ont répondu au questionnaire écrit):
- 70% (60% du groupeexpérimental, ge, et
71%du groupe de contrôle, gc) affnmaient que le
Soleil
se
mouvait autollIde la Terre;
- 50% (55%
du ge et
45%du gc) disaient que le Soleil est
unêtre vivant;
- 34% (35%
du
geet
33%du gc) disaient que le Soleil est indispensable
àla vie des plantes
parcequ'il leur fournit
lacouleur verte
- 49% (44%
du ge et
53%du gc) disaient que "les aliments des plantes venes parvenaient
uniquement
deséléments qu'eUes extraient du
terrain" ;- 54% (46% du ge
et
62%du gc) pensaient que les éléments que les plantes vertes extraient de
l'extérieur
pourfabriquer leurs aliments entrent uniquement
àtravers les racines.
Voici quelques
raisons données par les élèves
àleurs réponses :
· "Je sais que le Soleil tourne parce que tous les jours je le vois appanu"tre d'un côté de la Terre
et disparaitre de J'autre côté" ;
· "Je ne sais pas si c'est la Terre ou si c'est le Soleil qui tourne ou bien si ce sont les deux parce
que mon professeur dit que c'est la Terre, mais moi je vois le Soleil qui tourne" ;
- "Les plantes ne sont pas des êtres vivants mais le Soleil est un être vivant parce qu'il nalt.
iltourne, il chauffe et
ilbrille" ;
- "Je
saisque la chlorophylle, c'est comme une teinture avec laquelle le Soleil peint les plantes
parce que
j'ailu dans une histoire où le Soleil écrivait un message
àsa Maman" ;
- "La chlorophylle c'est la couleur verte des plantes que le Soleil leur donne parce qu'elles sont
vertes uniquement
à.cause du Soleil" ;
- "Je dis que les plantes vertes extraient leurs aliments du
terrainparce que l'arbre mange
àtravers les racines de
lamême façon que nous mangeons par la bouche" ;
- "TI Ya des aliments qui entrent
àtravers les feuilles parce qu'Us sont sucés par la chlorophylle
qui
estdans les feuilles."
Ces résultats ont permis aux enseignants la prise de conscience des points critiques de leurs
méthodologies et on a pu entamer (a déstructuration de leurs conceptions d'enseignement
2.2 Le cadre théorique qui explicite et éclaircit les résultats et les procédés suivis Selon Piaget(1934-1976), chez les jeunes enfants, les représentations du Monde sont marquées par le mélange de deux Univers: le moi et le Monde extérieur. cene indistinction est l'origine de beaucoupdereprésentations égocentriques, anttopomorphiques. animistes, etc. Ces représentations peuvent devenir des obstacles épistémologiquesàla consuuction (reconsttuction) de la connaissance scientifique. En effet, l'apprentissagedesSciences ne commence pas àl'école. L'imagination de l'enfant développe des stratégies mentales afin d'obtenir des infonnations sur le "commem" et "pourquoi" de certains phénomènes, très tôt et avant l'enseignement fonnel dela Science. De ces raisonnements spontanés parviennentdeschaînes d'erreurs et de vérités, les uns aussinécessaires que les autresà lapensée scientifique.Àl'école. quand leserreursdeviennent des conceptions alternatives aux concepts scientifiques, il est absolument nécessaire d'entamer des stratégies de prisedeconscience et d'éclaircissement afin que l'élève explicite et clarifie (envers la classe, le professeur et surtout envers ses certitudes. Ces constatations nous posent quelques questions: si l'imaginaire et le sens-commun chez lesenfantssont des sources d'erreurs, que faire"1Les empêcher? Les éviter?
Notre intervention ne prétend pas suggérer que l'école doive éviter les textes imaginaires. En effet, les images, analogies et métaphores que ces textes transmettent. enchantent et enrichissent le discours litteraire ; elles sont une voie pour apprendreà penser. Cependant, bien qu'elles nous enchantent, elles nous trompent. L'enseignant doit, donc, savoir utiliser Ces textes.
n
doit savoir expliciter les limites du langage métaphorique quandilprétend éclaircir les aspects de la culture scientifique et technique.La vitalitéetla richesse de
ces
domaines différents du savoir dépendent de l'apprentissage dece
quilesdifférencie. Lentement, l'élève doit savoir distinguer le domaine du savoir oùilest et quand ilse
détourne d'un domainevers
l'autre.TIest irnponant qu'il sache queladimension de l'imaginaire lui pennet de rêverdes
voyages du Soleil,mais
que la voiede
la connaissance scientifique lui permet de dire queleSoleil nemu"tpasnivoyage autour de la Terre.3. ANALYSE STRUCTURELLE D'UN TEXTE
3.1 Stratégies de compréhension de la lecture
Àl'école primaire portugaise.
un
texte comme celui presentésert
souventdeux
objectifs: une occasion d'entraînement à la lecture et Ala compréhension et l'enseignement de concepts scientifiques.En
cequi concerne le premier objectif, les enseignants ont suivi la stratégie suivante:-lecture silencieuse par les élèves, suivie
de
lecture orale pendant laquelle l'enseignant corrigeait et faisait lalecture oralemodèle ;- questions de l'enseignantàlafmde vétifier et d'améliorerlacompréhension des idéesdu texte.
Aucune question ou exposition n'a été faite afm que les élèves puissent acquérir le concept de récit et sastructure d'organisation.Eneffet, au pointdevuede la didactique de la langue materneUe, un récit ne sert pas uniquement aux débat: et interprétation de ses idées. maisà :
- l'appréhension de la séquence narrativedesincidents, l'identification de la situation, de l'intrigueetdu dénouement ;
- la connaissanceparles élèves de plusieurs organisations de récits sur des situations imaginaires et réelles;
. l'identification des traces du texte, du type de vocabulaire, de l'organisation, du style et des ressources stylistiques
qui
identifient le domaine de l'infonnation transmise par le texle.C'est avec ces objectifs que l'on a
proposé
aux enseignants etplus
tard, on a exécuté avec les élèves, quelques-unes des stratégies suivantes. Ainsi l'enseignant peut aider les élèves;- àprevoir le contenu du texte aprèslalecture uniquement du titre d'un texte; - àjustifier leurs prévisionsàpropos du titre de ce même texte;
- àse rappeler d'autres titres de textes qui éventueUement pourraient leur aideràjustifier leurs prévisions;
- à
se
proposerune
finalité de lecture- àconfmner ou refuser leurs prévisions pendant la lecture selon l'identification du typede vocabulaire etdel'organîsation du texte. Par exemple, les élèves peuvent justifier que"Levoyage du Soleil" est un récit imaginaire parce que le personnage principalde ce texte est le Soleil qui agit comme un être vivant (utilisation de verbes relatifsà laperception - écouter, regarder, voir·,à la conduite humaine - demander,répondre,penser),
En ce qui concerne l'apprentissage de l'organisation d'un récit, l'enseignant peut aider les élèvesàreconnaître que"LevoyageauSoleil" est un récit parce qu'il présente une situation (dansce cas, c'estlatristesse du Soleil qui ne connaît
pas
la Terre). Cette situation dégage une décision et l'intrigue (le voyage du Soleil) qui aboutitàun dénouement (la décision de peindre toute la Terre).3.2 Conclusion
Les deux perspectives présentées prennent en considération deux Iypes de connaissances ni augmentant la valeurdel'une au détriment de l'autre, ni les mélangeant. En effet, notre perspective interdisciplinaire ne se réduit pas. comme traditionnellement on le fait,àun effon pour rencontrer dans un thème commun des points de convergence, Envisager l'interdisciplinarité en ce qui est différent peut être très riche. La conscience de différentes formes de penser selon les divers domaines du savoir nous paraît cruciale.Laforce du discours didactique parvientdela détennination de ces spécificités. Selon Bachelard (1975) "la rationalité d'un domaine ne peut pas être mise en coincidence avec la rationalité d'un autre domaine".Onpense et on communique avec des moyens spécifiques selon les divers domaines, ce qui n'implique pas le rejet d'autres façonsde penser et de communiquer générales et transversales. C'est la prise de conscience de cette inrerdisciplinarité, de la diversité de contextes, de finalités et de méthodologies qui conduit l'enseignant àaider l'élève àprendre
conscience de ces mêmes différences.
n
faut éduquer la raison sans tuer l'imagination. Bachelard "l'homme qui rêve et qui pense, l'homme du poème et du théorème" est le m31àe de l'an de l'achèvement de cette séparationsans
laisser de maintenir vivante la double voie dialectique d'accès delapenséescientifique etde l'imaginaire.BIBLIOGRAPHIE
BACHELARD (G.), 1975. -U Ralionalism< appliqué,Paris: PUE PIAGET(J.), 1934. -La
causaliidadFlSica en el nillO,
Madrid:Espasa -
Calpe.SALEMA(H.), 1989. -Aprender a pensar: a metacogniçiüJ na composiçtÜJ escrita,Lisboa:Ed.
Projeeto
DIANOIA - .l'CULSANTOS (M.E.), 1991. -MUtÙJnça coru:eptuaJ na saJa de auIa. Um desafio pedagôgico.Ed.Livros Horizonte.
ANNEXE: Le voyage du soleil (traduction)
En
ce
temps, le soleilhabitaittrès loin.n
ne savait rien dece
quise
passaitsur
la terre. Un jour, très tôt le matin, il partit, laissant un petit billet avec ce message:Chère
Marnam,
Je ne peux plus vivre
sans conmuÔ"e
laTerre. Je reviendrai bientôt. Beaucoupdebises,Soleil
"Maintenant jevais voirsi la Terre est jolie".
D
pensa Du sommet de la montagne,lesoleil vit les fleuves, les vallées, les bois, les forêts, mais tout celaétaitmarron, sans couleur ni éclat comme si le soutIe d'un incédie était passésur la
Terre. Les arbres et les plantes semblaient couvenes de poussière. il s'approcha d'un grand arbre noir et il demanda; Pourquoi n'es tu pas vert? L'arbre ouvra sa bouche énorme, près des racines et répondit qu'il en savait rien, il n'avait jamaisentendu parler de ven.Le
Soleil continua son voyage et plus loin il demanda àune
fleur pourquoi elle n'étaitpas
rouge.La
fleur ne Sut pas répondre et le Soleil entra dans un champs de maIs et demanda: Pourquoi n'êtes-vous pas verts avec les épis jaunes? Les piedsdemais baissèrent leurs tiges, honteux de n'être pas verts.Le
Soleil parla de nouveau: Ne soyez pas tristes. je vais vous enseigner ce que vous devez faire. Prenez un petit peu de ma lumière à travers vos feuilles, faites usage de la chlorophylle que vous avez et vous deviendrez tout de suite verts. Les pieds de mars firent ce que le Soleil demanda etilsdevinrent verts.Le
Soleil reconnut qu'ils étaient jolis etil
en était content.ildécida, alors, d'enseigner aux: arbres. Il alla à chacun des arbres disant ce qu'ils devaient faireet bientôt toute la forêt devint verte! Le Soleil était de plus en plus enthousiasmé.
Il prépara avec sa propre lumière une portion de teintures et commença à peindre les fleurs de jaune, bleu, mauve, blanc...