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La neutralité : regards croisés sur l'enseignement primaire public

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Master

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La neutralité : regards croisés sur l'enseignement primaire public

QUENZER, Murielle

Abstract

Ce mémoire analyse le concept de neutralité dans le système scolaire. Il est en effet intéressant de constater que celle-ci ne figure pas en tant que telle dans la Loi sur l'instruction publique du canton de Genève. Cette recherche tente donc de mettre en perspective, d'une part, des auteurs qui ont fait de la neutralité un objet d'étude et de l'autre, des enseignants, dont la réflexion sur la neutralité est mise en évidence par leurs pratiques professionnelles. La première partie du cadre théorique expose des penseurs tels que Jules Ferry, Ferdinand Buisson, Jean Jaurès, à la lumière d'une question: à quoi la neutralité sert-elle ? La seconde partie présente d'autres conceptions de la neutralité (Max Weber, Roland Le Clézio) qui contredisent, vérifient ou amplifient les visions de la neutralité introduites jusque-là, Il s'en suit une investigation auprès des enseignants, réalisée au travers d'un questionnaire et d'un entretien, afin d'étudier sous quelles formes la neutralité existe dans l'enseignement primaire public, de quelles manières elle s'exerce et comment les enseignants la traduisent [...]

QUENZER, Murielle. La neutralité : regards croisés sur l'enseignement primaire public. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:3812

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Université de Genève 

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education  Section des Sciences de l’Education (LMRI) 

     

La neutralité :

Regards croisés sur l’enseignement primaire public

 

 

Mémoire de licence  Présenté par 

Murielle Quenzer 

   

 

Commission d’évaluation :  Janette Friedrich (directrice)  Caroline Dayer 

Nadine Fink 

Août 2009 

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Je désire adresser mes remerciements à Mesdames J. Friedrich et C. Dayer, qui m’ont  accompagnée durant cette aventure et qui ont rendu ce mémoire possible.  

           

Je souhaite saluer la confiance que mes collègues enseignants m’ont accordée et je les  remercie d’avoir bien voulu prendre part à mon travail.  

           

Un immense merci à mes amis, pour leur présence, leur écoute et leurs encouragements  si précieux !   

         

(4)

TABLE DES MATIERES   

1. INTRODUCTION ... 5 

1.1. ANCRAGE DE LA RECHERCHE ... 5 

1.2. DEFINITIONS  DE LA NEUTRALITE ... 6 

1.3. NEUTRALITE ET TEXTES DE LOIS ... 7 

1.4. REFERENCES HISTORIQUES ... 8 

1.5. OBJECTIFS DU TRAVAIL ... 10 

2. CADRAGE THEORIQUE ... 12 

2.1. CONCEPTIONS DE LA NEUTRALITE A LA FIN DU XIXEME SIECLE ... 12 

2.1.1 Jules Ferry (1832‐1893) ... 12 

2.1.2. Ferdinand Buisson (1841‐1932) ... 14 

2.1.3. Les opposants ... 17 

2.1.4. Jean Jaurès (1859‐1914) ... 18 

2.1.5. Gustave Lanson (1857‐1934) ... 19 

2.2. CONCLUSION ... 21 

2.3. LES CONCEPTIONS DE LA NEUTRALITE AU XXEME SIECLE ... 23 

2.3.1. Vassilios Kondylis (XXème siècle) ... 23 

2.3.2. Roland Le Clézio (1949‐) ... 25 

2.3.3. Max Weber (1864‐1920) ... 28 

2.4. CONCLUSION ... 32 

3. PROBLEMATIQUE ET METHODES DE LA RECHERCHE ... 33 

3.1. QUESTIONS DE RECHERCHE ET HYPOTHESES ... 34 

3.2. DISPOSITIFS DE RECUEIL DES DONNEES ... 35 

3.2.1. Le questionnaire ... 35 

3.2.2. L’entretien ... 36 

3.3. DEMARCHE DANALYSE DES DONNEES ... 37 

3.3.1. Le processus de transcription ... 38 

3.3.2. Le processus d’analyse du questionnaire et de l’entretien ... 38 

3.3.3. Quelques considérations supplémentaires ... 39   

       

(5)

4. PRESENTATION DES RESULTATS ET ANALYSE ... 40 

4.1. LES DEFINITIONS LIEES A LA NEUTRALITE ... 40 

4.1.1. Les éléments issus des questionnaires ... 40 

4.1.2. Les éléments issus des entretiens ... 43 

4.2. CONCLUSION ... 55 

4.3. LES STRATEGIES LIEES A LA NEUTRALITE ... 57 

4.4. CONCLUSION ... 59 

4.5. LES THÉMATIQUES LIÉES À LA NEUTRALITÉ ... 60 

4.5.1. La réflexion ... 60 

4.5.2. Les perspectives ... 62 

4.5.3. L’enseignant ... 63 

4.5.4. Les élèves ... 64 

4.5.5. La relation ... 65 

4.5.6. Le ressenti ... 65 

4.5.7. Les valeurs ... 66 

4.5.8. Les sujets abordés ... 66 

4.5.9. Le vocabulaire ... 67 

5. RETOUR AUX QUESTIONS DE RECHERCHE ... 68 

5.1. COMMENT LA NEUTRALITÉ EXISTE ET SEXERCE ? ... 68 

5.1.1. L’évolution de la neutralité ... 68 

5.1.2. Les situations liées à la neutralité ... 69 

5.1.3. L’obligation de la neutralité ... 69 

5.1.4. Mots‐clés et perspectives ... 70 

5.1.5. Les stratégies et la négation ... 70 

5.2. QUESTCE QUI FAVORISE OU EMPÊCHE LA RÉALISATION DE LA NEUTRALITÉ ? ... 70 

6. SYNTHESE ... 72 

7. RETOUR AUX HYPOTHESES, LIMITES ET PERSPECTIVES ... 74 

8. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 76 

9. ANNEXES ... 82 

9.1. ARTICLE DE LA TRIBUNE DE GENÈVE, 22 AVRIL 2003 ... 82 

9.2. PRINCIPES PRÉSENTÉS PAR LANSON ( 1912) ... 83 

9.3. QUESTIONNAIRE ... 84 

9.4. EXTRAITS DE LENTRETIEN DE NORBERT ... 88 

9.5. EXTRAITS DE LENTRETIEN DE SOLANGE ... 91   

(6)

1. INTRODUCTION 

 

1.1. Ancrage de la recherche 

 

Les  interrogations fondamentales  de ce travail  se sont construites par rapport aux  propos de collègues discutant des pratiques culturelles de quelques élèves. Chacun  donnait son avis, sans avoir à se préoccuper du politiquement correct, les murs de la  salle des maîtres n’ayant point d’oreilles. Suite à cet échange, une réflexion s’est peu à  peu engagée et nous avons cherché à distinguer de quelles manières les enseignants  géraient leurs opinions et leurs convictions en classe. En effet, comment choisir entre ce  que l’on estime pouvoir dire et ce qui doit être tu ? Ce questionnement, discuté ici dans  le cadre de l’école primaire, pourrait également être envisagé à d’autres niveaux du  système scolaire et ce jusqu’à l’université.  

Les enseignants peuvent penser leur posture en se référant par exemple à leurs propres  convictions, à certaines directives  officielles, voire à un  code de déontologie. Voici  quelques situations auxquelles ces professionnels peuvent être confrontés dans leur  quotidien. A) Ils révèlent leurs visions du monde à travers les propos qu’ils tiennent en  classe. B) Ils sont sollicités par les élèves qui désirent connaitre leurs opinons sur certains  sujets. C) Ils doivent transmettre les valeurs requises par l’institution étatique.  

Face à ces réalités, il était particulièrement intéressant pour nous d’étudier les façons de  faire et les moyens qui peuvent être envisagés par les enseignants, afin de les guider  dans leurs choix. Nous partageons, en effet, l’opinion de Savater (2003/2005), pour  qui « lorsque vient le moment d’agir, nous avons un large éventail de choix, mais de  façon générale nous ne pouvons pas opter pour choisir ou ne pas choisir, entre agir ou  ne pas agir » (p. 33). Faut‐il prendre position à l’école? Est‐il nécessaire d’annoncer et  d’expliciter ses points de vue? Est‐il impératif d’exclure ce qui n’est pas du domaine de la  transmission du savoir? Les possibilités sont nombreuses et les décisions inévitables.  

Le concept1 retenu dans ce travail pour approfondir ces premières considérations est  celui de neutralité, et ce pour plusieurs raisons. Mentionnée dès les débuts de l’école  obligatoire en France2, la neutralité est, en effet, incontournable dans les paroles et les  écrits de personnalités en charge de l’éducation telles que Jules Ferry ou Ferdinand  Buisson. Controversée, elle demeure néanmoins présente dans les débats politiques et  sociétaux  où  se  discute  les  finalités  du  système  scolaire  et  les  obligations  des        

1 Nous nous référerons dans ce travail à la définition suivante du concept : « Représentation mentale abstraite et générale » 

(Dictionnaire Hachette, 2006). 

2 Loi du 28 mars 1882. (Source : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/mars1882.pdf) 

(7)

fonctionnaires. Analysée encore au 21ème siècle (Le Clézio, 2006), la neutralité reste  actuelle dans le domaine de l’éducation3.  

   

1.2. Définitions  de la neutralité  

 

La neutralité apparaît selon Le grand Robert de la langue française (2001) vers le XVème  siècle. Elle signifie : « Caractère, état d’une personne qui reste neutre » (p. 1896)4. Il est  intéressant  de  constater  que  l’adjectif  neutre  est  nécessaire  pour  déterminer  la  neutralité. Celui‐ci existe dès la moitié du XIVème siècle et désigne celui « qui s’abstient  de prendre parti, de s’engager d’un côté ou de l’autre, soit par objectivité soit par  crainte ou manque d’intérêt » (p. 1897). L’origine de ces deux termes est « l’adverbe de  négation latin non » (Le petit Robert de la langue française, 2009), qui les associe dans  une même « famille étymologique » (2009). Cette base se retrouve dans des mots tels  que « non », « ni », « nul » et « neutre » (2009); ce dernier prenant le sens de « ni l’un ni  l’autre »  (2009).  Ces  renseignements  expliquent  d’une  part  que  la  neutralité  se  caractérise par un entre‐deux difficile à clarifier et de l’autre qu’elle soit communément  associée à la négation. Les synonymes que nous avons pu relever pour la neutralité sont 

« abstention », « impartialité », « objectivité », « non‐engagement » et « laisser‐faire »  (2009). En ce qui concerne le terme de neutre, c’est à « impartial », « indifférent » ou 

« prudent » (Le grand Robert de langue française, 2001, p. 1897) que l’on peut se  référer. Quant aux contraires, ils correspondent à « intervention » et « belligérance » (p. 

1897) pour la neutralité et à « ennemi », « belligérant » et « hostile » (p. 1898) pour  neutre. 

Afin de poursuivre cette première approche de la neutralité, nous avons consulté des  dictionnaires plus spécifiques à l’éducation. Dans la plupart de ces ouvrages, que ce soit  le Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation (2007), le Dictionnaire des termes de  l’éducation (2004), ou le Dictionnaire de pédagogie (2006), il n’est pas fait mention de la  neutralité mais plutôt de la laïcité5. Ces termes sont en effet parfois étroitement liés et  assimilés l’un à l’autre, alors que les réalités qu’ils représentent se rapportent à des  domaines et des objectifs distincts6. Dans le Dictionnaire encyclopédique de l’éducation        

3 Nous nous référons ici aux débats sur le port du voile en France (Renaut & Touraine, 2005, Un débat sur la laïcité) et sur la 

manifestation contre la guerre en Irak organisée dans une école du quartier des Eaux‐Vives, à Genève. (Voir annexe 9.1.)  

4 D’autres ouvrages proposent des significations similaires à celle que nous avons choisie ici.   

5 La laïcité : « Principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux,  l’Eglise aucun pouvoir politique » (Le petit Robert de la langue française, 2009, [CD‐ROM]). 

6 Nous ne ferons ainsi pas mention du terme de laïcité dans ce travail, afin d’éviter confusions et malentendus.   

(8)

et de la formation (1998), la neutralité est évoquée succinctement, uniquement sous  l’angle de ses effets dans le système français. Ceux‐ci se situent au niveau du personnel : 

« Tout agent du service doit dans l’exercice de ses fonctions respecter une impartialité  absolue. Il  ne  peut  faire  acte  de  propagande  politique  ou  religieuse  »  (Durand‐

Prinborgne, 1998, p. 716) et à celui des étudiants : « Les élèves doivent respecter le  principe de neutralité dans l’usage des libertés que la loi leur reconnait » (p. 716). C’est  finalement dans le Dictionnaire de la langue pédagogique (1971) que nous avons trouvé  une définition détaillée et pertinente pour le domaine scolaire qui nous intéresse dans  ce travail: « Attitude consistant dans le refus de prendre parti dans toutes les questions  (religieuses, politiques, philosophiques, morales…) sur lesquelles  les membres de la  collectivité dont on éduque les enfants sont divisés » (p. 332).  

   

1.3. Neutralité et textes de lois      

En ce qui concerne le canton de Genève, le terme de neutralité n’existe ni dans La loi sur  l’instruction publique (1940), ni dans d’autres textes législatifs. Ce qui est stipulé, par  contre, dans Charte et cahier des charges de l’enseignant primaire (Direction Générale  de l’Enseignement Primaire [DGEP], 1996), c’est que le professionnel « s'abstient de  prosélytisme ou d'endoctrinement à l'égard des élèves et de leurs parents ». Si, à la  lecture de cette recommandation, nous pouvons imaginer vers quoi l’institution scolaire  évite de se diriger, il est néanmoins surprenant que la neutralité ne soit pas citée  directement. Intéressons‐nous donc d’un peu plus près à certains des mots utilisés. 

S’abstenir  signifie : « Se  garder  de  faire  quelque  chose,  ne  pas  agir,  se  priver  volontairement de quelque chose » (Dictionnaire Hachette, 2006,  p. 6). Le prosélytisme,  quant à lui montre « le zèle déployé pour faire des prosélytes, de nouveaux adeptes » (p. 

1314).  Endoctriner veut dire : « Faire la leçon à quelqu’un pour qu’il adhère à une  doctrine, une idéologie » (p. 537). Nous retrouvons ici différents éléments présentés  dans le chapitre  précédent et nous pouvons donc  dire que la neutralité existe de  manière indirecte dans les documents officiels du canton. 

Comme l’instruction publique, selon la Constitution fédérale de la Confédération suisse 

« est du ressort des cantons » (Instruction publique, 1999), il est pertinent de se référer  de manière succincte à d’autres textes de lois concernant l’école, issus de quelques  régions  francophones  suisses.  Le  terme  de  neutralité  apparaît  dans  la  Loi  sur  l’organisation  scolaire  (1984)  du  canton  de  Neuchâtel,  dans  laquelle  l’enseignant 

« observe la neutralité de l'enseignement aux points de vue politique et religieux en  s'abstenant de toute attitude partisane » (Tâches éducatives, 1984). Pour le canton du  Jura, les directives font état d’un devoir concernant le rôle de l’enseignant : « II respecte  l’opinion des élèves et s’abstient à leur égard de toute propagande et de tout acte 

(9)

discriminatoire » (Devoirs de l’enseignant, 1990). Pour Fribourg, c’est en lien avec sa  fonction que l’enseignant « s’abstient, à l’égard de ses élèves, de toute propagande  idéologique et de tout acte discriminatoire » (Maîtres, 1985). Dans le canton de Vaud, au  niveau de l’école, « toute forme de propagande y est notamment interdite » (Respect  des convictions, 1984). Nous observons ici des similarités avec Genève, la neutralité  n’étant que peu citée.  

Au niveau international, nous avons constaté que pour le Québec, il est demandé à  l’enseignant  « d'agir  d'une manière  juste  et  impartiale  dans  ses  relations  avec  ses  élèves »  (Obligations  de  l’enseignant,  1988).  En  France,  il  est  mentionné  que  : 

« L'enseignement public est neutre : la neutralité philosophique et politique s'impose  aux enseignants  et aux élèves » (Ministère d’Education  Nationale, s.d.). Quant  à la  Belgique,  la  neutralité  est  directement citée  dans  la  constitution  de  1994  :  « La  communauté  organise  un  enseignement  qui  est  neutre.  La  neutralité  implique  notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des  parents et des élèves » (Des Belges et de leurs droits, 1994).  

Ces quelques exemples, sans prétendre à l’exhaustivité, nous indiquent que la neutralité  n’apparaît que peu dans les textes législatifs et lorsque c’est le cas elle est rarement  explicitée, comme si sa signification allait de soi. Le fait de mentionner la neutralité  indique cependant que celle‐ci continue à être présente dans les réflexions sur les  systèmes scolaires. 

   

1.4. Références historiques  

 

Afin de mieux comprendre le contexte et l’évolution de la neutralité, il est nécessaire de  s’arrêter  brièvement  sur  certains  événements  de  l’histoire  française,  que  nous  aborderons ici principalement à travers l’ouvrage de Lelièvre et Nique (1994) : Bâtisseurs  d’école. Histoire biographique de l’enseignement en France.  

Pour ces auteurs : « C’est surtout par les idées nouvelles qu’il a fait naître que le XVIIIe  siècle,  avant  et  pendant  la  Révolution,  a  marqué  l’évolution  de  l’enseignement  »  (Lelièvre  &  Nique,  1994,  p.  164).  C’est,  en  effet,  dans  ce  contexte  que  se  sont  déterminées les visions « de service public, d’éducation commune et d’égalité, de foi en  la raison, de laïcité, de liberté, de gratuité, d’obligation » (p. 164) qui seront à l’ordre du  jour au siècle suivant. C’est également suite à la révolution qu’une volonté et une  disposition  à  instruire  le  peuple  se  développent  chez  certains  hommes  politiques  français : « Et comme leur entreprise vise à instaurer un ordre social nouveau, ils furent  conduits à demander à l’école de régénérer la société [...]. C’est une éducation de la  nation (une éducation nationale) qu’on veut réaliser » (pp. 149‐150). 

(10)

Le second élément à retenir concerne les perpétuelles luttes politiques7 qui parcourent  le  XIXème  siècle.  Elles  se  cristallisent  autour  l’école,  qui  représente  un  outil  incontournable pour la permanence du gouvernement en place : « On y voit les forces  sociales du moment, les courants idéologiques en présence, les groupes de pression de  tous ordres, se disputer le droit d’assujettir les enfants et d’organiser les institutions qui  le leur permettent » (Meirieu, 1994, p. 69). Les divergences séparant les décideurs du  système éducatif se retrouvent dans plusieurs domaines, impliquant des changements à  répétition au sein de l’école. Lelièvre et Nique (1994) mentionnent des oppositions au  niveau de certains contenus : « […] De retirer des programmes l’éducation religieuse et  de leur ajouter une éducation civique » (p. 219) et des conflits d’intérêt entre l’Etat et  l’Eglise : « Les guerres scolaires auxquelles on assiste s’expliquent par le souci de mettre  l’école au service de l’ordre social tel que le définissent les partis qui s’opposent » (p. 

206).  

Présente déjà au XIXème siècle, « l’idée de contestation vis‐à‐vis d’une religion dominante  dans des domaines essentiels appartenant à l’ensemble de la société : l’état civil, la  santé et l’éducation des enfants » (Roche, 1998, p. 104) s’accentue au XXème siècle, se  concentrant autour de la neutralité et se transformant en « bataille » (Lelièvre & Nique,  1994, p. 283). Ne voulant renoncer à son influence dans l’éducation des enfants, l’Eglise  déclare aux pères de famille : « Vous surveillerez l’école publique, employant d’abord  tous les moyens légaux pour la maintenir dans l’observation de ce que, à défaut d’une  expression meilleure, nous appellerons neutralité » (Lelièvre & Nique, 1994, p. 283). 

Pour Lanson (1912), une surveillance accrue de l’instituteur se met en place, aboutissant  même  à  une  « guerre  à  mort  qu’on  lui  fait,  pour  l’intimider,  et  le  contraindre  à  capituler » (p. 149).  

Au détour du XXème siècle, le mouvement qui prend de l’ampleur sur l’échiquier politique  est le parti socialiste, qui lui aussi présente une vision spécifique de la société. Ses  défenseurs tiennent à l’indépendance de l’école, autant de l’Eglise que de l’Etat. Ce  qu’ils  souhaitent, selon  Lelièvre et  Nique  (1994),  c’est  « la  formation  d’un  citoyen  républicain […]. Mais ce qui est nouveau, c’est qu’il s’agit de former les futurs citoyens  de la future “République sociale”» (p. 286). Selon plusieurs auteurs (Lelièvre & Nique,  1994 ; Loeffel, s.d.) c’est à cette époque qu’un changement de terminologie quant à la  neutralité  s’opère. Il est  le fruit d’une volonté d’annihiler les idéologies socialistes,  religieuses, ou contraire à celles de l’Etat, en proposant une modification, qui fait passer 

« de la neutralité “religieuse” à la neutralité “scolaire” (Lelièvre & Nique, 1994, p. 287). 

Pour  Loeffel  (s.d.) : « […]  Le  principe  de  neutralité  connaît  un  sort  ambigu […],  la  nécessité de neutraliser les enjeux politiques la fait évoluer vers ce qu’on appellera  dorénavant la “neutralité scolaire”» (chap. 2). Les auteurs ne spécifient cependant pas  les répercussions concrètes de ce remaniement.  

      

7 La tendance politique conservatrice, en France, est favorable à l’instruction religieuse et s’oppose ainsi aux libéraux qui en 

souhaitent l’abolition. (Lelièvre & Nique, 1994) 

(11)

Le dernier point concerne le maître et son rôle. Durant le XIXème siècle, son identité se  modifie  peu  à peu,  indiquant par ces  changements les  visions et les volontés  des  décideurs de l’époque. On attend ainsi des maîtres une implication dans les valeurs de la  République, sous l’angle d’une mission à accomplir, englobant la personnalité entière de  l’élève : 

  […] L’enseignant ne doit pas être simplement un « maître d’école » (l’ancien    « magister », un « sous‐officier instructeur »), ni même un « instituteur »  (celui    qui contribue à « instituer » la République), mais un « éducateur » (celui qui peut    et doit prendre la place de l’homme d’Eglise, des congréganistes). (Lelièvre, 1999,    p. 37)  

Lorsque la neutralité est instaurée à l’école publique par Ferry, il est intéressant de  mentionner l’importance du lien que celui‐ci (et donc avec lui une partie des hommes  politiques) veut conserver avec la morale, certes détachée des croyances, mais restant  un élément fondamental du travail de l’enseignant : « On n’a pas songé à vous décharger  de  l’enseignement  moral ;  c’eût  été  vous  enlever  ce  qui  fait  la  dignité  de  votre  profession » (Ferry, 1883, p. 236).  

L’aspect politisé de l’école, dans laquelle la neutralité se construit, a des conséquences  sur les visions et les  pensées des auteurs  que nous allons présenter.  Il était ainsi  nécessaire de s’arrêter sur ces éléments, afin de pouvoir s’en détacher maintenant et  approfondir notre réflexion. 

   

1.5. Objectifs du travail 

 

Notre  intention,  dans  ce  mémoire,  est  d’entreprendre  une  réflexion  sur  la  problématique liée à la neutralité, dans le cadre de l’école primaire publique. Notre  démarche s’appuie sur deux axes : d’une part les ressources théoriques et de l’autre le  terrain,  dans  lequel  se  concrétise  la  pratique  des  enseignants.  A  travers  cette  complémentarité, nous envisageons de donner au terme de neutralité une signification  adaptée au domaine scolaire qui nous intéresse plus particulièrement. Dans la première  partie de notre cadre théorique8, nous aborderons ainsi des auteurs du XIXème siècle, qui  guideront nos réflexions à travers un questionnement sur l’utilité de la neutralité. La  seconde partie9, issue d’une période historique plus récente (XXème siècle), permettra de  discuter et de confronter les conceptions actuelles et passées. Après avoir exposé les        

8 Voir point 2.1 

9 Voir point 2.3. 

(12)

différentes  questions de recherches  et hypothèses10,  nous  tenterons de définir les  formes par lesquelles la neutralité existe dans l’enseignement primaire public, au travers  du  pôle  concernant  le terrain.  La  démarche  méthodologique  définie,11  nous  présenterons  les  résultats  des  questionnaires  et  des  entretiens  menés  auprès  d’enseignants en activité12. Nous le ferons à l’aide de deux sortes d’analyses, mettant  par‐là en valeur le cœur de la neutralité ainsi que les thématiques incontournables à  celle‐ci.    

         

           

   

     

      

10 Voir point 3.1. 

11 Voir 3.2. et 3.3.  

12 Voir point 4. 

(13)

2. CADRAGE THEORIQUE  

 

Le cadre théorique de ce travail se décline en deux parties, distinctes de par les penseurs  présentés13 et la réflexion adoptée. Dans la première partie, nous présenterons les  conceptions  proposées  par  différents  intellectuels  et  hommes  politiques,  dont  les  discours se situent à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Nous le ferons à la  lumière d’une interrogation construite au fil des lectures : A quoi la neutralité sert‐elle ?  Par ce questionnement nous tenterons d’appréhender les fonctions et la pertinence de  ce terme. Ce fil rouge nous indiquera, également, les termes qui se rattachent à la  neutralité, nous permettant ainsi de poursuivre l’analyse en étudiant les points de vue  d’auteurs contemporains tels que Le Clézio (2006), Weber (1919) et Kondylis (1994). 

Nous les discuterons dans le but, cette fois, de mettre en avant les contradictions, les  controverses et les analogies rencontrées. Les propos de ces derniers auteurs sont issus  de la deuxième moitié du XXème siècle, même en ce qui concerne Weber, car il sera fait  référence à la traduction et aux thèses de Kalinowski (2005).  

   

2.1. Conceptions de la neutralité à la fin du XIXème siècle 

 

2.1.1 Jules Ferry (1832‐1893) 

Le premier personnage que nous avons retenu, de par son engagement et sa réflexion  quant à la neutralité, est Jules Ferry. C’est en tant que Ministre français de l’Instruction  Publique14  et président  du  Conseil  Constitutionnel15  qu’il  développe  ses  visions  de  l’école. Il est également, de par ses fonctions, le promoteur de plusieurs lois concernant  l’institution scolaire.  

Pour Jules Ferry (1883), même si la neutralité existe de manière plurielle, il n’y a que la  neutralité confessionnelle qui soit nécessaire d’introduire à l’école : « Nous avons promis  la neutralité religieuse, nous n’avons pas promis la neutralité philosophique, pas plus  que la neutralité politique » (Ferry, 1883, cité par Lelièvre & Nique, 1994, p. 280). Pour        

13 Des auteurs tels que Ferry et Buisson ont une charge au sein du gouvernement français, alors que d’autres font partie du 

système scolaire à différents niveaux (Jaurès, Lanson, Weber, Le Clézio). Dans ce cadre, certaines prises de postions et paroles  reflètent les rôles et obligations de chacun de ces penseurs.  

14 Il occupera ce poste de 1879 à 1880, puis en 1882. (Source : http://chr.amet.chez‐alice.fr/julferry.htm) 

15 En 1881. (Source : http://chr.amet.chez‐alice.fr/julferry.htm) 

(14)

cet homme politique, il est en effet primordial de transmettre à travers l’institution les  idéaux de la République, ainsi que les valeurs morales et philosophiques évidentes et  indispensables à cette époque : 

  Il a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants    à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui    ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul. 

  (Ferry, 1883, p. 236)  

Pour Ferry (1881), la neutralité dite confessionnelle est la seule qui doit exister à l’école,  car elle permet de délimiter clairement, au niveau des enseignements scolaires, ce qui  est du domaine de l’Etat et ce dont l’Eglise doit s’occuper : « La puissance séculière d’un  côté, à sa place, aux choses qu’elle est propre à faire et à enseigner, […] les choses  saintes, l’enseignement mystique et le dogme aux ministres du culte qui sont seuls  compétents pour donner cet enseignement » (Ferry, 1881, cité par Hervé, 1912, p. 117).  

Retirer à la religion sa place dans l’enseignement primaire permettrait, pour Ferry, de  restituer à la foi ses caractéristiques privées et individuelles. Selon cette proposition du  ministre, la neutralité, nullement combative ou dénigrante, apaiserait les conflits de  convictions et servirait au respect de tous dans l’institution scolaire. C’est ce que nous  retrouvons chez Hervé (1912), pour qui la neutralité voulue par Ferry : « C’est d’une part  le silence et l’indifférence en matière religieuse : c’est d’autre part le respect de toutes  les croyances religieuses assuré et garanti par cette indifférence et ce silence même » (p. 

127). La neutralité représenterait ainsi une protection contre tout dogme, quel qu’il soit. 

Chez Ferry (1883), délimiter les contenus d’enseignement signifie que certains sujets  n’ont pas, ou plus, à être nommés, discutés et débattus au sein de l’école. Il faut 

« distinguer enfin entre deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances  qui sont libres, personnelles et variables, et celui des connaissances, qui sont communes  et indispensables à tous de l’aveu de tous » (p. 235). L’enseignement du religieux n’a  ainsi plus sa place dans les programmes scolaires de la fin du XIXème siècle, remplacé par  la vérité scientifique, qui permet la diffusion d’un savoir rationnel, indépendant de la  métaphysique et indispensable selon Ferry pour tous les citoyens.  

Garants évidement de la diffusion des connaissances, de la morale et du respect de la  neutralité confessionnelle, les enseignants font l’objet d’une attention particulière de la  part  de  Ferry  (1883),  qui  leur  destine  une  lettre,  pour  répondre  à  leurs 

« préoccupations »  (p.  235)  et  pour  leur  indiquer  la  direction  à  suivre  dans  leurs  enseignements : 

  Demandez‐vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous    écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait    dire. Si oui, abstenez‐vous de le dire ; sinon, parlez hardiment, car ce que vous    allez communiquer à l'enfant, ce n'est pas votre propre sagesse, c'est la sagesse 

(15)

  du genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de    civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité. (p. 237) 

Le message est clair et les paroles autorisées sont fort restrictives, alors même que Ferry  (1883) n’évoque pas uniquement le domaine de la foi. Ces propos ressemblent plutôt à  un appel impératif au silence et à la discrétion sur tout ce qui pourrait contrarier l’Etat,  en  charge  de  l’école.  Les  visions  de  Ferry,  présentées  par  les  exemples  ci‐dessus,  illustrent  pour  nous  un  glissement  infime  mais  déterminant  de  la  neutralité  et  représente une conception de celle‐ci que nous nommerons neutralité‐silence. En effet,  d’une  signification  tout  d’abord  uniquement  religieuse,  la  neutralité  se  modifie  et  s’étend peu à peu pour représenter finalement un mutisme, une censure généralisée sur  les points qui ne seraient pas conformes aux volontés de l’Etat en matière d’instruction. 

Ce  qui,  par  contre,  s’accorde  aux  visées  des  décideurs  politiques  est  largement  encouragé. Les déclarations de Ferry indiquent d’ailleurs qu’il voit dans l’école le moyen  de transmettre une certaine idéologie aux enfants, les enseignants étant des « agents de  l’Etat, chargés par l’Etat de veiller à l’éducation publique » (Ferry, 1881, cité par Hervé,  1912, p. 105). 

Des voix opposées aux positions de Ferry (1883) surgissent à l’aube du XXème siècle16. Les  détracteurs d’une neutralité‐silence dénoncent, en effet, une parole dirigée de l’Etat à  travers l’école, la percevant comme une prise de position partisane en ce qui concerne  les sujets de politique, de philosophie et de morale inculqués aux élèves. Pour Loeffel  (s.d.) : «  L’enseignement de l’histoire à l’école primaire est violemment critiqué comme  instrument  idéologique  au  service  du  patriotisme,  les  socialistes  revendiquant  un  enseignement de l’histoire scientifique et objectif » (chap. 2).  

 

2.1.2. Ferdinand Buisson (1841‐1932) 

Nommé  par  Jules  Ferry  directeur  de  l’enseignement  primaire  en  1879,  Ferdinand  Buisson le restera  jusqu’en 1896  et  influencera de ce fait la  rénovation de l’école  publique. Partisan de plusieurs idées de Ferry sur l’école et la neutralité, il développe  parallèlement ses propres thèses.  

Buisson  (1882‐1887)  distingue  dans  le  Dictionnaire  de  pédagogie  et  d’instruction  primaire « la neutralité de l’école, la neutralité de l’enseignement et la neutralité du  personnel » (p. 2019). Cette catégorisation permet d’expliciter le sens de la neutralité,  selon ses  contextes spécifiques d’émergence. Au  niveau  de  l’institution, l’école  est  neutre, pour Buisson, car elle est ouverte à tous sans discrimination et elle ne prend  position pour aucune doctrine, ni religieuse ni étatique, que ce soit. « Aux yeux de        

16Dans les programmes scolaires figurent en effet les « devoirs envers Dieu », générant des insatisfactions quant aux promesses  de Ferry concernant la neutralité confessionnelle. (Buisson, 1911, Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire) 

(16)

Buisson, la neutralité permet de concilier deux exigences : le respect de la liberté de  conscience et les droits de la raison » (Hayat, 2003, p. 295). L’obligation scolaire est une  raison supplémentaire à la neutralité, pour Buisson (1908), car le fait que les élèves  doivent aller à l’école et que celle‐ci soit proposée par l’Etat oblige à un silence sur les  croyances. Cet élément se retrouve chez Amsallem (1997), pour qui « l’école ne peut  être obligatoire que parce qu’elle est neutre » (p. 135). La neutralité est donc une  conséquence de l’offre étatique, issue d’une cause sociale historique transcendant les  époques : la contrainte scolaire. La neutralité représente ainsi le fondement d’une école  primaire publique et sert à la justification des prestations de service que chaque citoyen  peut en attendre. 

Au niveau du programme, Buisson (1882‐1887) le considère comme neutre, car « il est  complètement indépendant de tout enseignement religieux » (p. 2020). Cela signifie  qu’il n’est nullement nécessaire, pour l’auteur, d’ajouter une neutralité politique ou  philosophique, qui transformerait la neutralité confessionnelle en un silence complet,  tout à fait absurde selon lui. En effet, la neutralité absolue entraînerait, pour Buisson  (1908/2003), la fin de la transmission de certaines valeurs, empêchant l’école d’« agir  puissamment, profondément sur les esprits, pour leur imprimer une direction dont se  ressentira tout la vie, publique et privée » (pp. 310‐311). Prôner la neutralité totale  favoriserait de plus, pour cet auteur, un changement qu’il ne conçoit que négativement,  semant le trouble, désorientant la société et les élèves :  

  L’homme qui ne suit pas une orientation constante, l’homme qui n’obéit pas à    une poussée constante de l’esprit dans un sens toujours le même […] n’est pas    l’homme armé pour la vie et capable de jouer son rôle dans la société. (Buisson,    1911, p. 1406)  

Les propos de Buisson (1911) montrent que cet auteur n’adhère pas au fait qu’« au lieu  de viser à faire passer à nos enfants nos croyances, nos convictions, nos partis‐pris, nos  préjugés ou nos principes, l’école viserait désormais à leur laisser toute leur liberté  d’examen, de comparaison et de choix » (p. 1405). Cette préoccupation nous fait ici  l’effet d’un clin d’œil espiègle du passé, au vu de ce que l’école du XXIème siècle définit  comme compétences à transmettre : « Le développement de la faculté de discernement  et  de  l’indépendance  de  jugement »  (Conférence  Intercantonale  de  l’Instruction  Publique [CIIP], 2003). 

Pour Buisson (1908), si, à l’opposé, il n’existe pas d’enseignement neutre, cela permet à  l’Etat d’inculquer sa vérité aux enfants, comme l’Eglise propage la sienne. Or, si cet  auteur se positionne contre la mainmise de l’institution religieuse sur l’instruction, il  développe la même attitude, selon Hayat (2003), en ce qui concerne l’Etat :  

  Si Buisson demande à l’Etat de retirer à l’Eglise le privilège d’éduquer comme bon    lui semble, c’est au nom de la liberté de penser ; et c’est au nom de cette même    liberté que Buisson refuse l’emprise étatique sur l’enseignement. (p. 296)  

(17)

La neutralité agirait ainsi comme un garde‐fou, protégeant l’école de l’Eglise et tenant  l’Etat à une certaine distance. Pour Buisson (1911), il est toutefois impératif de choisir  qui de droit instruit le peuple. Or, pour lui, il est  préférable que ce soit l’Etat qui le fasse,  car celui‐ci a l’obligation de défendre les droits des citoyens, tels que stipulés dans les  lois d’une République démocratique. Dans ce contexte, il existe pour Buisson (1882‐

1887) une définition claire de ce qui n’a pas sa place dans l’école : « Ce qui est interdit  c’est  d’intervenir  dans  les  débats  de  la  politique  quotidienne  et  électorale,  c’est  d’exercer sur les enfants, et par eux sur les parents, une pression quelconque dans un  intérêt de parti quel qu’il soit » (p. 2020). A l’opposé, ce qui doit être présent à l’école  par le biais de l’Etat, c’est « d’affirmer les vérités scientifiques […], les vérités historiques  […], les vérités politiques et sociales » (Buisson, 1911, p. 1403).  

Si  pour  Buisson  (1882‐1887)  le  domaine  des  programmes  scolaires  demeure  sans  ambigüité, dans le sens où il n’existe aucun intitulé faisant état d’instruction religieuse,  la situation n’est cependant pas si évidente et pose manifestement certains problèmes. 

Les difficultés que représente la neutralité confessionnelle, de par les liens complexes qui  se tissent inévitablement, par exemple, entre les faits religieux, l’histoire, l’instruction  civique et la morale, ne lui échappent pas : 

  Le  problème  serait  donc  résolu  si  les  matières  d’études  n’avaient  pas  de    nombreux points de contact avec les questions religieuses, si l’histoire n’obligeait    pas à juger dans le passé au moins le rôle de la religion, […] si l’instruction morale    n’aboutissait pas nécessairement à des problèmes métaphysiques, si l’instruction    civique ne consistait précisément à inculquer aux jeunes générations le respect    des principes constitutionnels qui font l’Etat neutre. (1882‐1887, p. 2020)  

Au niveau du personnel enseignant, pour Buisson (1882‐1887) celui‐ci est neutre, car «  l’autorité scolaire n’a point à s’enquérir si le postulant est catholique, protestant ou  israélite, s’il est laïque ou s’il appartient à une communauté religieuse » (p. 2020). Pour  cet auteur, l’enseignant est neutre dans le sens où il doit « s’abstenir de tout ce qui  pourrait ressembler à une pression politique ou religieuse, en quelque sens que ce soit,  sur des enfants sans défense » (Buisson, 1908/2003, p. 311). La neutralité servirait ainsi  de ligne conductrice, régulant le comportement et la posture des enseignants « qui se  surveillent eux‐mêmes plus sévèrement que nul ne pourrait le faire » (Buisson, 1912,  cité par Loeffel, s.d., chap. 2). La neutralité représenterait une base,  permettant à  l’enseignant de questionner ses hésitations éventuelles et ses doutes. Elle ne serait pas  obligatoirement absolue, car dans ce cas l’enseignant ne pourrait plus rien dire. Or, « on  lui demande au contraire d’agir et de parler en homme, d’exercer une action toute  personnelle » (Buisson, 1908/2003, p. 311).  

Malgré  les  revendications de  plus  en  plus  fortes  de  certains  citoyens17  dénonçant  l’arbitraire  de  la  neutralité  et  souhaitant  le  changement  de  ce  terme  pour  celui        

17 C’est aux membres du parti socialiste, avec par exemple Jaurès, qu’il est fait référence ici. (Loeffel, s.d., chap. 2).  

(18)

« d’impartialité »18 (Loeffel,  s.d. chap. 2), Buisson (1911)  se  positionne contre cette  proposition, en lien avec le rôle de l’instituteur qu’il envisage. Pour lui, l’impartialité  ruine le principe même de l’éducation, car « on a définit l’éducateur comme un esprit  qui  éveille d’autres  esprits :  une  conscience  qui  forme  des  consciences » (Buisson,  1908/2003, p. 311). En interdisant à l’enseignant toute influence sur l’enfant et toute  orientation dans son enseignement, il ne devrait « ni lui faire adopter d’emblée les  conclusions qui sont les nôtres » (Buisson, 1911, p. 1405), ni lui transmettre aucun savoir  qui l’influence ou l’oriente et « qui ne serait qu’une répétition machinale de la nôtre »  (p. 1405). Une telle volonté, même  si Buisson (1911) l’admet comme intéressante,  apporterait selon lui des dérives pires, en ce qui concerne par exemple les limites à  imposer à l’impartialité.  

 

2.1.3. Les opposants   

Des réactions fortes s’opposent donc à la neutralité‐silence. Des citoyens, qu’ils soient  républicains, cléricaux ou socialistes, la décrient en chœur sans pour autant se mettre  d’accord sur une solution satisfaisante. Hervé (1912) nous permet ici de nous imprégner  un peu plus du débat animé sur le sujet. Donnons, pour commencer, la parole à M. 

Aulard, historien français et président de la   Mission laïque française de citoyens, qui  dénonce la neutralité : « C’est un mot, un mot équivoque, un mot dangereux. Je défie  bien le plus ingénieux de nos philosophes politiques de formuler une définition même  médiocre d’un mot qui si peu qu’on y réfléchisse n’offre qu’un sens absurde » (Aulard,  1908, cité par Hervé, 1912, p. 144). Du côté de M. Bompard, inspecteur général : « On  n’est pas neutre entre la vérité et le mensonge. Il faut choisir. Il faut dire où l’on va,  quand on se charge de conduire les autres » (Bompard, 1908, cité par Hervé, 1912, p. 

145). Pour Hervé lui‐même « c’est folie que de vouloir imposer à l’école cette formule  stérilisante  et  mortelle  de  l’abstention  systématique,  de  l’enseignement  neutre  et  incolore, amorphe et sans vie » (p. 145). M. Viviani prétend quant à lui qu’« il est temps  de dire que la neutralité scolaire n’a jamais été qu’un mensonge diplomatique, une  tartuferie  de circonstance » (Viviani,  1906,  cité  par Hervé,  1912, p.  147).  Pour M. 

Payot, c’est une erreur d’avoir introduit « cette notion de neutralité qui, à l’expérience,  paraîtra une impossibilité » (Payot, 1908, cité par Hervé, 1912, p. 145). Quant à M. 

Barrès, député et homme politique, les enseignants, de par la neutralité qui leur est  imposée sont « affolés par toutes ses sollicitations incohérentes » (Barrès, 1910, cité par  Hervé, 1912, p. 140).  

      

18 « Par impartialité, les militants socialistes entendent une attitude d’objectivité conforme à la recherche de la vérité » (Loeffel, 

s.d., chap. 2). 

 

(19)

2.1.4. Jean Jaurès (1859‐1914) 

Un auteur particulièrement intéressant afin d’approfondir la réflexion sur la neutralité  est Jean Jaurès, professeur et homme politique français19. Sa pensée éclaire la neutralité  d’un angle différent, remettant en cause celle voulue par Ferry, Buisson ou encore les  cléricaux de l’époque.  

Fervent défenseur des droits sociaux, Jaurès (1908/2005) s’oppose dans ses propos à  l’Eglise  et  à  l’Etat,  qui  selon  lui,  ont  utilisé  la  neutralité  «  et  se  sont  servis  de  l’enseignement pour leurs desseins bornés » (p. 179). Le silence et les effets tendancieux  inhérents  à  la  neutralité  jusqu’alors proposée  par  les  penseurs  de  l’éducation,  ne  correspondent pas du tout à ses idées. Pour lui, la neutralité envisagée comme une sorte  d’indifférence réduit les savoirs et « ne laisse parvenir à l’esprit les vérités scientifique  qu’éteintes et presque mortes » (Jaurès, 1908/2005, p. 176). De plus, le devoir d’une  école du XXème siècle est de présenter des connaissances ouvertement contextualisées,  puisées dans la science et la nature : « Ce n’est donc pas en mutilant et abaissant  l’enseignement  par  un  système  de  neutralité  tyrannique  et  inquisitoriale,  c’est  en  l’agrandissant, au contraire, et en l’élevant, qu’on évitera tout violence aux esprits »  (Jaurès, 1908/2005, p. 181).  

Les aspirations de Jaurès (1908/2005) quant à la tâche de l’école sont claires et les  contradictions  inévitables  avec  une  neutralité‐silence  prônée  par  certains  hommes  politiques20  et  que  Jaurès  décrit  d’ailleurs  comme  « une  prime  à  la  paresse  de  l’intelligence, un oreiller commode pour le sommeil de l’esprit » (p. 184). Réductrice,  pour cet auteur, la neutralité proscrit une ouverture d’esprit pourtant indispensable. 

Exercice aisé, l’enseignement à travers elle y reste superficiel, alors que ce qui est  difficile c’est « de sortir de cette neutralité inerte mais sans manquer à la justice »  (Jaurès, 1908/2005, p. 183). Ce que cet auteur propose à l’enseignant, en plus d’être  juste, c’est d’être équitable, permettant ainsi la tolérance et palliant aux faiblesses de la  neutralité : « L’équité est faite non pas d’une sorte d’indifférence, mais de la plus large  compréhension » (p. 183).  

Pour cet auteur, la figure de l’instituteur a également été dénaturée, car ce qui lui est  demandé c’est « le silence obligatoire, pas d'opinion politique, pas d'expression publique  de l'opinion politique, pas de liberté. […] la consigne et rien que la consigne » (Jaurès,  1894, para.2). Pour Jaurès (1908/2005), la neutralité contrevient donc directement au  travail de l’instituteur, considéré  ici  comme un éducateur et un  émancipateur, qui 

« indiquera aux enfants que c’est leur conscience, affranchie de toute contrainte, que  c’est leur esprit, développé par la réflexion, par l’étude, par l’expérience de la vie, qui        

19 Jean Jaurès milite au sein du parti socialiste. (Source : http://www.linternaute.com/biographie/jean‐jaures/ 

20 Voir point 2.1.1. 

(20)

statuera » (p. 180). Cependant, si le rôle de l’instituteur dans l’école est pour Jaurès  primordial, il n’exclut pas certaines dérives condamnables :   

  Ce serait un crime pour l’instituteur de violenter l’esprit des enfants dans le sens    de sa  propre  pensée.  S’il  procédait  par  des  affirmations sans  contrepoids,  il    userait  d’autorité,  et  il manquerait à sa fonction  même qui  est d’éveiller  et    d’éduquer la liberté. S’il cachait aux enfants une partie des faits, s’il ne leur faisait    connaitre que ceux qui peuvent seconder telle ou telle thèse, […] il n’aurait ni la    probité ni l’étendue d’esprit sans lesquelles il n’est pas de bon instituteur. (pp. 

  177‐178)  

Par ces propos, Jaurès (1908/2005) nous montre que les écarts répréhensibles se situent  au niveau de la rétention d’informations et la manipulation, qui ne conviennent pas du  tout à la vision qu’il se fait de l’enseignement. De par la description de la neutralité qu’il  fait, il nous indique, comme d’autres avant lui, ses représentations de l’école et de la  société :  

  Il sera possible, même avec les enfants, de porter l’enseignement assez haut pour    que les vérités scientifiques les plus directement contraires à quelques‐unes des    notions inculquées à leur esprit par la famille ou par l’Eglise affranchissent et    fortifient leur pensée sans la meurtrir. (p. 181) 

 

2.1.5. Gustave Lanson (1857‐1934)  

Le dernier auteur que nous avons choisi de présenter ici est le professeur Lanson, de  l’université de la Sorbonne.  

Ce qui a retenu notre attention dans les propos de Lanson (1912) tient à l’aspect  pratique  de  la  neutralité  qu’il  tente  de  développer,  même  si  certaines  de  ces  propositions nécessiteraient plus d’explicitations. Pour cet auteur, il est évident que la  neutralité  confessionnelle  ne  suffit plus  à  la  société  française du  XXème  siècle. Les  citoyens revendiquent, en effet, leurs droits à l’égalité de traitement au sein de l’école et  ceux‐ci ne concernent plus uniquement le domaine de la foi : « Il faut passer de la  neutralité  religieuse  à  la  neutralité  métaphysique »  (p.  152).  Ceci  signifie  que  la  neutralité  doit  englober  non  plus  uniquement  les  croyances,  mais  également  les  questions d’ordre existentiel qui en découlent. Les changements inhérents à la société  complexifient pour cet auteur la neutralité, tout en ne permettant plus d’enseigner 

« cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères » (Ferry, 1883, cité  par Lanson, 1912, p. 152).  

(21)

Si Lanson (1912) s’oppose à une neutralité totale, c’est parce que pour lui l’école ne fait  pas qu’instruire, elle éduque également. Dans ce contexte, il n’est pas possible pour lui  de dire :  

  Enseignons le savoir incontesté, incontestable. Le reste ne nous regarde pas. Tout    ce qui  est matière à controverse n’est pas du ressort de l’école publique ; son    enseignement doit se renfermer dans le domaine des faits positifs et des vérités    acquises. (p. 153)  

A l’opposé, la neutralité ne peut être absente de l’école pour Lanson (1912), car celle‐ci  risque d’être exposée à la main mise de l’Etat. Rejoignant donc Buisson (1911)21 sur cet  aspect, Lanson indique qu’il faut, pour pallier à cette situation délicate, chercher un  équilibre. Celui‐ci se trouve selon cet auteur dans la neutralité, qui est « justement le  moyen de trouver ce milieu raisonnable » (Lanson, 1912, p. 156). La neutralité servirait  ainsi de balancier à l’enseignant, lui permettant, tel un funambule, de se maintenir en  équilibre sur un fil.  

Pour Lanson (1912), ce n’est pas au niveau du programme qu’une action doit être  envisagée. Il faut plutôt veiller à développer « l’esprit de l’enseignement national […] qui  reliera le plus fortement possible la France d’aujourd’hui à la France d’hier, sans faire  obstacle à la France de demain » (p. 157). Concrètement, ce que cet auteur prévoit, c’est  d’énumérer « un très petit nombre d’articles, très essentiels et très généraux, de sorte  que les partis et les croyances, les espérances même et les aspirations s’y sentent à  l’aise » (p. 158). Cet esprit pourra ainsi « pénétrer tout l’enseignement, et indiquer aux  maîtres les directions dans lesquelles ils ont le droit d’entraîner les cœurs » (p. 158). 

Lanson propose d’ailleurs une liste « des sentiments fondamentaux qui sont les liens de  toute société civilisée» (p. 158). Il mentionne ainsi :  

  L’amour de la patrie, l’amour de l’humanité, l’amour de la justice, l’esprit de    solidarité, le respect de la loi, la renonciation aux moyens de violence soit contre    des particuliers, soit contre l’Etat, la volonté de n’employer que les voies légales    même pour les causes les plus juste et le progrès le plus certain, le respect des    institutions protectrices des citoyens et de la nation elle‐même, la capacité de    discipline et de sacrifice. (p. 158) 

Se rapprochant des visions de Ferry et de Buisson22, Lanson (1912) explique l’importance  d’une réflexion non pas neutre, mais qui se justifie au nom de la population concernée : 

« La plus grande majorité possible des Français de tout parti et de toute secte » (p. 157). 

La neutralité deviendrait alors un consensus, une sorte de point de repère commun à  l’essentiel de la société. On ne saurait cependant ignorer ici la déviance d’une mainmise        

21 Voir point 2.1.2. 

22 Voir point 2.1.1 et 2.1.2. 

(22)

de la majorité sur la minorité et ses conséquences. Lanson, cependant, ne les mentionne  que succinctement.  

En ce qui concerne les enseignants, l’opinion de Lanson (1912) est catégorique : ni l’Etat,  ni les familles ne peuvent demander au maître « de se dépouiller de sa personnalité, de  ses croyances, de ses sentiments » (p. 160). La société doit donc accepter que certaines  manières d’être transparaissent dans les leçons. Ce qu’il est cependant nécessaire de  définir, pour cet auteur, ce sont les attentes et les exigences de  la société face à  l’instituteur.  Les  propos  de  Lanson  permettent  de  comprendre  que,  pour  lui,  l’enseignant se doit d’être loyal. Cette probité, il la décrit par une liste de préceptes à  respecter, fort intéressante de notre point de vue, car elle restitue la pensée et les  arguments exacts de l’auteur23.   

Lanson (1912) ne s’arrête pas là, car il remarque que les enseignants, la plupart du  temps, ont respecté la neutralité de Ferry24. Ils se sont ainsi ajustés et accommodés aux  changements  qui  sont  survenus.  Malgré  cet  aspect  positif,  la  situation  demeure  complexe, sans que cet auteur ne tente de nier qu’« il y a des difficultés, sans doute, et  des moments critiques où plus d’un est embarrassé et se demande ce qu’il a le droit ou  le devoir de faire » (p. 165). Afin de dissiper certaines gênes et confusions, Lanson  propose la mise sur pied d’un « dictionnaire des cas de conscience » (p. 165), sous la  forme d’un inventaire de cas singuliers récoltés chez les enseignants : « Chaque maître  trouverait dans ces cas réels et vécus une matière à réflexion, une direction […], qui lui  permettrait de résoudre lui‐même ses embarras » (p. 165). Cette proposition pratique  est tout à fait pertinente pour nous, car une telle action n’a jusqu’ici pas été présentée  par les auteurs précédents. Il est cependant à regretter que les diverses suggestions  faites  par  Lanson  ne  soient  pas  détaillées  à  l’aide  d’exemples  ou  de  réalisations  concrètes, qui auraient apporté un supplément à notre réflexion. 

   

2.2. Conclusion    

 

Si nous avons pu identifier, au fil des présentations, diverses tendances définissant la  neutralité,  nous  avons  également  constaté  une  difficulté  commune  aux  différents  auteurs pour expliciter suffisamment certaines de leurs pensées et pour faire coïncider  leurs propos tout au long des analyses. La complexité de la neutralité dans le cadre  scolaire peut s’expliquer par le fait que cette dernière englobe de nombreux autres        

23 Voir annexe 9.2. 

24 Lanson se réfère ici à la neutralité confessionnelle introduite par Ferry.   

(23)

termes tels que la morale, les valeurs, l’impartialité, l’objectivité, qui représentent des  thématiques  se  situant  à  l’intersection  de  revendications  parfois  contradictoires,  émanant des politiques scolaires, des enseignants et des citoyens.  

Pour les auteurs favorables à la neutralité25, celle‐ci est pertinente afin de déterminer  certains aspects du cadre de l’école publique et obligatoire. Leurs dires indiquent que la  neutralité sert surtout de limites. Elle détermine, au niveau de la foi, les enseignements  qui appartiennent au domaine collectif, ainsi que ceux qui touchent à la sphère privée et  qui ne sont donc pas sujets de discussion au sein de la classe. Cette vision, prédominante  chez  les  auteurs  étudiés, a  plusieurs  incidences  sur  les  divers  acteurs  du  système  éducatif. Du côté des politiques scolaires, une prise de position se dessine, dont le parti  est de définir le discours qui est autorisé ou non à l’école. La justification d’une telle  neutralité se trouve dans le fait que tous les élèves ont droit à un traitement égal et que  cette non‐discrimination passe par un silence concernant la foi. Cela signifie, au niveau  institutionnel,  une  indifférence  par  rapport  aux  croyances  personnelles  et  un  détachement décrits tous deux comme positifs. Il convient de trouver un équilibre à  l’intérieur du système scolaire et la neutralité représente le consensus partagé par la  majorité de la société.  

En ce qui concerne les utilisateurs, le fait que l’école et les enseignants soient neutres  assure  une  protection contre la possible  volonté d’inculquer  des croyances qui  ne  correspondent pas à celles des familles. Il est donc question ici de respecter la foi de  chacun, en n’y faisant plus référence dans les enseignements diffusés. Les convictions  religieuses étant personnelles, la paix confessionnelle est ainsi assurée à la population,  au travers du silence imposé.  

Pour les enseignants, les limites associées à la neutralité indiquent une ligne de conduite  à suivre, établie par l’institution. Cette façon de dicter et de contrôler les propos, les  opinions et les comportements des enseignants assure la loyauté de ces derniers. La  neutralité est aussi envisagée comme un support au service des enseignants, les aidant à  analyser leur quotidien et à résoudre les difficultés rencontrées.  

Au vu des concordances, des contradictions et des propositions relevées dans cette  première partie, nous pouvons nous demander s’il convient de regrouper les multiples  utilisations de la neutralité sous un même terme, et le cas échéant si celle‐ci représente  l’hyperonyme adéquat. Afin de poursuivre cette réflexion, il est nécessaire de continuer  notre investigation du champ théorique, en nous référant à de nouveaux auteurs.   

 

 

      

25 Nous avons vu, en effet, que la plupart des auteurs étudiés jusqu’ici sont favorables à la neutralité.  (Voir point 2.) 

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