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2.  CADRAGE THEORIQUE

2.1.   C ONCEPTIONS DE LA NEUTRALITE A LA FIN DU  XIX EME SIECLE

2.1.5.  Gustave Lanson (1857‐1934)

2.1.5. Gustave Lanson (1857‐1934)  

Le dernier auteur que nous avons choisi de présenter ici est le professeur Lanson, de  l’université de la Sorbonne.  

Ce qui a retenu notre attention dans les propos de Lanson (1912) tient à l’aspect  pratique  de  la  neutralité  qu’il  tente  de  développer,  même  si  certaines  de  ces  propositions nécessiteraient plus d’explicitations. Pour cet auteur, il est évident que la  neutralité  confessionnelle  ne  suffit plus  à  la  société  française du  XXème  siècle. Les  citoyens revendiquent, en effet, leurs droits à l’égalité de traitement au sein de l’école et  ceux‐ci ne concernent plus uniquement le domaine de la foi : « Il faut passer de la  neutralité  religieuse  à  la  neutralité  métaphysique »  (p.  152).  Ceci  signifie  que  la  neutralité  doit  englober  non  plus  uniquement  les  croyances,  mais  également  les  questions d’ordre existentiel qui en découlent. Les changements inhérents à la société  complexifient pour cet auteur la neutralité, tout en ne permettant plus d’enseigner 

« cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères » (Ferry, 1883, cité  par Lanson, 1912, p. 152).  

Si Lanson (1912) s’oppose à une neutralité totale, c’est parce que pour lui l’école ne fait  pas qu’instruire, elle éduque également. Dans ce contexte, il n’est pas possible pour lui  de dire :  

  Enseignons le savoir incontesté, incontestable. Le reste ne nous regarde pas. Tout    ce qui  est matière à controverse n’est pas du ressort de l’école publique ; son    enseignement doit se renfermer dans le domaine des faits positifs et des vérités    acquises. (p. 153)  

A l’opposé, la neutralité ne peut être absente de l’école pour Lanson (1912), car celle‐ci  risque d’être exposée à la main mise de l’Etat. Rejoignant donc Buisson (1911)21 sur cet  aspect, Lanson indique qu’il faut, pour pallier à cette situation délicate, chercher un  équilibre. Celui‐ci se trouve selon cet auteur dans la neutralité, qui est « justement le  moyen de trouver ce milieu raisonnable » (Lanson, 1912, p. 156). La neutralité servirait  ainsi de balancier à l’enseignant, lui permettant, tel un funambule, de se maintenir en  équilibre sur un fil.  

Pour Lanson (1912), ce n’est pas au niveau du programme qu’une action doit être  envisagée. Il faut plutôt veiller à développer « l’esprit de l’enseignement national […] qui  reliera le plus fortement possible la France d’aujourd’hui à la France d’hier, sans faire  obstacle à la France de demain » (p. 157). Concrètement, ce que cet auteur prévoit, c’est  d’énumérer « un très petit nombre d’articles, très essentiels et très généraux, de sorte  que les partis et les croyances, les espérances même et les aspirations s’y sentent à  l’aise » (p. 158). Cet esprit pourra ainsi « pénétrer tout l’enseignement, et indiquer aux  maîtres les directions dans lesquelles ils ont le droit d’entraîner les cœurs » (p. 158). 

Lanson propose d’ailleurs une liste « des sentiments fondamentaux qui sont les liens de  toute société civilisée» (p. 158). Il mentionne ainsi :  

  L’amour de la patrie, l’amour de l’humanité, l’amour de la justice, l’esprit de    solidarité, le respect de la loi, la renonciation aux moyens de violence soit contre    des particuliers, soit contre l’Etat, la volonté de n’employer que les voies légales    même pour les causes les plus juste et le progrès le plus certain, le respect des    institutions protectrices des citoyens et de la nation elle‐même, la capacité de    discipline et de sacrifice. (p. 158) 

Se rapprochant des visions de Ferry et de Buisson22, Lanson (1912) explique l’importance  d’une réflexion non pas neutre, mais qui se justifie au nom de la population concernée : 

« La plus grande majorité possible des Français de tout parti et de toute secte » (p. 157). 

La neutralité deviendrait alors un consensus, une sorte de point de repère commun à  l’essentiel de la société. On ne saurait cependant ignorer ici la déviance d’une mainmise        

21 Voir point 2.1.2. 

22 Voir point 2.1.1 et 2.1.2. 

de la majorité sur la minorité et ses conséquences. Lanson, cependant, ne les mentionne  que succinctement.  

En ce qui concerne les enseignants, l’opinion de Lanson (1912) est catégorique : ni l’Etat,  ni les familles ne peuvent demander au maître « de se dépouiller de sa personnalité, de  ses croyances, de ses sentiments » (p. 160). La société doit donc accepter que certaines  manières d’être transparaissent dans les leçons. Ce qu’il est cependant nécessaire de  définir, pour cet auteur, ce sont les attentes et les exigences de  la société face à  l’instituteur.  Les  propos  de  Lanson  permettent  de  comprendre  que,  pour  lui,  l’enseignant se doit d’être loyal. Cette probité, il la décrit par une liste de préceptes à  respecter, fort intéressante de notre point de vue, car elle restitue la pensée et les  arguments exacts de l’auteur23.   

Lanson (1912) ne s’arrête pas là, car il remarque que les enseignants, la plupart du  temps, ont respecté la neutralité de Ferry24. Ils se sont ainsi ajustés et accommodés aux  changements  qui  sont  survenus.  Malgré  cet  aspect  positif,  la  situation  demeure  complexe, sans que cet auteur ne tente de nier qu’« il y a des difficultés, sans doute, et  des moments critiques où plus d’un est embarrassé et se demande ce qu’il a le droit ou  le devoir de faire » (p. 165). Afin de dissiper certaines gênes et confusions, Lanson  propose la mise sur pied d’un « dictionnaire des cas de conscience » (p. 165), sous la  forme d’un inventaire de cas singuliers récoltés chez les enseignants : « Chaque maître  trouverait dans ces cas réels et vécus une matière à réflexion, une direction […], qui lui  permettrait de résoudre lui‐même ses embarras » (p. 165). Cette proposition pratique  est tout à fait pertinente pour nous, car une telle action n’a jusqu’ici pas été présentée  par les auteurs précédents. Il est cependant à regretter que les diverses suggestions  faites  par  Lanson  ne  soient  pas  détaillées  à  l’aide  d’exemples  ou  de  réalisations  concrètes, qui auraient apporté un supplément à notre réflexion. 

   

2.2. Conclusion    

 

Si nous avons pu identifier, au fil des présentations, diverses tendances définissant la  neutralité,  nous  avons  également  constaté  une  difficulté  commune  aux  différents  auteurs pour expliciter suffisamment certaines de leurs pensées et pour faire coïncider  leurs propos tout au long des analyses. La complexité de la neutralité dans le cadre  scolaire peut s’expliquer par le fait que cette dernière englobe de nombreux autres        

23 Voir annexe 9.2. 

24 Lanson se réfère ici à la neutralité confessionnelle introduite par Ferry.   

termes tels que la morale, les valeurs, l’impartialité, l’objectivité, qui représentent des  thématiques  se  situant  à  l’intersection  de  revendications  parfois  contradictoires,  émanant des politiques scolaires, des enseignants et des citoyens.  

Pour les auteurs favorables à la neutralité25, celle‐ci est pertinente afin de déterminer  certains aspects du cadre de l’école publique et obligatoire. Leurs dires indiquent que la  neutralité sert surtout de limites. Elle détermine, au niveau de la foi, les enseignements  qui appartiennent au domaine collectif, ainsi que ceux qui touchent à la sphère privée et  qui ne sont donc pas sujets de discussion au sein de la classe. Cette vision, prédominante  chez  les  auteurs  étudiés, a  plusieurs  incidences  sur  les  divers  acteurs  du  système  éducatif. Du côté des politiques scolaires, une prise de position se dessine, dont le parti  est de définir le discours qui est autorisé ou non à l’école. La justification d’une telle  neutralité se trouve dans le fait que tous les élèves ont droit à un traitement égal et que  cette non‐discrimination passe par un silence concernant la foi. Cela signifie, au niveau  institutionnel,  une  indifférence  par  rapport  aux  croyances  personnelles  et  un  détachement décrits tous deux comme positifs. Il convient de trouver un équilibre à  l’intérieur du système scolaire et la neutralité représente le consensus partagé par la  majorité de la société.  

En ce qui concerne les utilisateurs, le fait que l’école et les enseignants soient neutres  assure  une  protection contre la possible  volonté d’inculquer  des croyances qui  ne  correspondent pas à celles des familles. Il est donc question ici de respecter la foi de  chacun, en n’y faisant plus référence dans les enseignements diffusés. Les convictions  religieuses étant personnelles, la paix confessionnelle est ainsi assurée à la population,  au travers du silence imposé.  

Pour les enseignants, les limites associées à la neutralité indiquent une ligne de conduite  à suivre, établie par l’institution. Cette façon de dicter et de contrôler les propos, les  opinions et les comportements des enseignants assure la loyauté de ces derniers. La  neutralité est aussi envisagée comme un support au service des enseignants, les aidant à  analyser leur quotidien et à résoudre les difficultés rencontrées.  

Au vu des concordances, des contradictions et des propositions relevées dans cette  première partie, nous pouvons nous demander s’il convient de regrouper les multiples  utilisations de la neutralité sous un même terme, et le cas échéant si celle‐ci représente  l’hyperonyme adéquat. Afin de poursuivre cette réflexion, il est nécessaire de continuer  notre investigation du champ théorique, en nous référant à de nouveaux auteurs.   

 

 

      

25 Nous avons vu, en effet, que la plupart des auteurs étudiés jusqu’ici sont favorables à la neutralité.  (Voir point 2.) 

2.3. Les conceptions de la neutralité au XXème siècle 

 

2.3.1. Vassilios Kondylis (XXème siècle) 

La perspective juridique pour affiner la construction de sens de la neutralité est un  apport important, surtout si comme ici, le droit concerne la fonction publique. Les  réflexions de Kondylis (1994) sont ainsi particulièrement significatives, car elles abordent  la neutralité sous un angle différent, tout en nous permettant de créer des liens avec le  monde scolaire.  

Le premier élément qui a retenu notre attention chez cet auteur c’est une notion de  neutralité à deux pôles distincts : « L’aspect positif de la neutralité consiste à désigner un  comportement  impartial  et  objectif.  L’aspect  négatif  met  l’accent  sur  la  non‐

intervention,  l’abstention, le refus  de prendre  parti, de  s’engager  d’un  côté  ou de  l’autre » (p. 3). Cette définition ouvre la porte à de nouvelles hypothèses, donnant lieu,  au moins, à deux cas de figures. Le premier indique une neutralité représentant un  fondement commun. Partagée par une communauté, elle se décline ensuite de deux  manières opposées, décrites par son « caractère bipolaire » (Kondylis, 1994, p.3). Autour  de la neutralité se réunissent ainsi des significations de base, qui ensuite se différencient  selon une caractéristique  positive ou négative. Dans  le  second  cas, nous  pourrions  envisager l’existence de plusieurs types de neutralités autonomes, les unes positives et  les autres négatives, sans un lien fort entre elles. La neutralité serait ainsi plurielle,  constituée de conceptions divergentes et contraires. Ces points de vue, s’ils peuvent être  envisagés au niveau théorique, seraient à approfondir au niveau de la réflexion des  enseignants. Il semblerait pertinent, en effet, de savoir à quel type de neutralité ceux‐ci  s’associent et comment ils l’intègrent à des considérations pratiques.   

En lien avec les éléments développés ci‐dessus, les études des situations traitant de la  neutralité au niveau juridique attestent, selon Kondylis (1994), de « l’existence d’un  noyau  dur de  la  notion  de  neutralité,  qui  consiste  dans  l’idée  de  “protection”,  d’“abstention‐restriction” et d’ “impartialité” » (p. 10). C’est par ce noyau dur que les  situations sont en général analysées et jugées au niveau du droit. Ce qui est d’autant  plus intéressant ici, c’est que cette acceptation de la neutralité réunit des termes qui ont  été traités, par le passé26, de manière opposée.  

La réflexion sur l’utilisation de la neutralité, développée dans la première partie du cadre  théorique, est à mettre ici en lien avec une opinion intéressante que Kondylis (1994)  reprend de Latournerie (1960). Pour ce dernier, dans le domaine du droit, chaque notion  doit « remplir plus  ou  moins  complètement,  une double fonction :  d’une  part,  une        

26 Voir point 2.1.2. 

fonction explicative, d’autre part, une fonction de délimitation » (Latournerie, 1960, cité  par Kondylis, 1994, p. 5). Cela signifie que la neutralité est réduite à deux utilisations :  l’explication et la limite. Cette vision n’amenuise cependant pas la réflexion quant à  l’utilité de la neutralité, d’une part car ces deux fonctions y apparaissent déjà de manière  directe ou non et de l’autre, parce que les termes évincés pourraient tout à fait être  intégrés  à  ces  deux  catégories.  Nous  ajouterions  cependant  deux  autres  rôles  importants quant au domaine scolaire : celui de la régulation et celui de l’analyse. Par  régulation, nous entendons un retour sur soi, sur les situations et les autres, afin de  garantir  la  cohérence  de  l’enseignement.  Par  analyse,  nous  envisageons  le  développement  d’un  processus  de  pensée  et  de  réflexion,  garantissant  par‐là  l’adéquation entre l’enseignant, son rôle professionnel, ainsi que la qualité du système  scolaire. Il serait intéressant de savoir, ici, comment les enseignants, aux prises avec leur  réalité quotidienne, considèrent et gèrent ces différents éléments.  

Un autre aspect nous semble particulièrement important chez Kondylis (1994), donnant  à la neutralité une ampleur intéressante. En effet, cet auteur montre que : 

  La notion de neutralité ne peut pas entraîner les mêmes conséquences quand elle    se réfère à la gestion de la Fonction publique, au statut juridique de ses membres    et quand elle se réfère à leur action, à leurs relations avec les administrés. (p. 5)   Cette  explication  implique  pour  nous  que  la  neutralité  peut  originellement  avoir  plusieurs sens, de par la pluralité des sphères dans lesquelles elle apparaît. Dans ce  même ordre d’idée, les antagonismes potentiels souvent rencontrés sont ainsi logiques  et compréhensibles. L’auteur qui a déjà mis en avant une certaine réflexion à ce sujet est  Buisson (1882‐1887)27, avec les niveaux liés à la neutralité. La différence ici ne tient  cependant pas au degré de l’institution scolaire, mais bien à la nature de la relation que  la neutralité représente au sein du système et qui par essence la définit comme plurielle. 

Il serait pertinent d’analyser, chez les enseignants, si la neutralité est envisagée d’un seul  point de vue (silence) et modulée ensuite selon le niveau où elle surgit, ou bien si elle est  perçue de façon polysémique, ou encore d’une manière qui n’aurait pas encore été  définie jusqu’ici.  

La dernière proposition de Kondylis (1994) à laquelle nous n’adhérons par réellement (et  qu’il est donc important d’évoquer), c’est qu’il n’est pas nécessaire, pour lui, de définir  précisément  la  neutralité.  Pour  cet  auteur,  celle‐ci  devant  s’adapter  à  toutes  les  situations, elle doit rester « vague » (p. 10), pour pouvoir être appliquée réellement,  d’un point de vue juridique et lui permettre une pérennité dans ce domaine. Cette  explication tient au fait qu’une définition trop précise et circoncise apporterait avec elle 

« un appauvrissement croissant de son contenu juridique » (p. 11). Si cette conception  semble appropriée pour Kondylis, nous apporterions trois réserves en ce qui concerne le        

27 Voir point 2.1.2. 

domaine scolaire. La première tient au fait qu’une notion envisagée comme adéquate  parce qu’elle est incertaine et donc ambigüe montre pour nous qu’elle a certainement  atteint les limites de sa pertinence, quel que soit le domaine dans lequel elle s’utilise. Un  changement est ainsi à opérer, quant à la terminologie utilisée. La deuxième réserve  concerne l’adéquation d’une telle suggestion dans le cadre de l’institution scolaire. En  effet, nous avons vu par le passé les confusions pernicieuses qu’une définition floue  pouvait  engendrer28.  Le  dernier  point  nécessaire  à  considérer,  c’est  que  cette  éventualité  favoriserait,  à  notre  sens,  l’économie  d’une  définition  explicite  de  la  neutralité qui devrait pourtant permettre, servir et accompagner la réflexion au sein du  système scolaire.  

 

 2.3.2. Roland Le Clézio (1949‐)  

Pour le philosophe Le Clézio (2006) : « Enseigner en toute neutralité, c’est refuser de  développer  des  positions  partisanes,  refuser  de  promouvoir,  ouvertement  ou  implicitement  ses  propres  croyances  et  ses  convictions,  refuser  de  manipuler  les  consciences » (p. 10). La définition décrite ici s’insère dans la continuité des idéaux  protectionnistes de la fin du XIXème siècle. Les contradictions sont également identiques  au passé, dès que l’on analyse en détail comment se présente, au sein de l’institution, les  positions partisanes, la manipulation et la neutralité. L’apport néanmoins fort pertinent  d’une  certaine  récurrence  tient  au  fait  que  celle‐ci  montre  la  nature  même  du  raisonnement de la société au fil du temps. Son fondement en est ici le souci de penser  un dispositif qui protège, dans le cadre de l’école, l’enfant de l’adulte influant, tout en lui  permettant d’apprendre et de s’instruire dans une société spécifique.  

Si, dans le titre de l’ouvrage de Le Clézio (2006) dédié à la neutralité, celle‐ci est  un défi  pour  l’école29, n’importe  laquelle  n’y  a  pas  sa  place.  L’auteur  défend  (comme  ses  prédécesseurs)  une  vision  propre  et  personnelle  qu’il  présente,  lui,  comme  une 

« neutralité  active »  (p.  13).  En  effet,  ce  que  cet  auteur  soumet,  c’est  une  neutralité agissante et caractérisée par la notion d’impartialité. Cette dernière est pour  Le Clézio « une des modalités de mise en œuvre de la neutralité. C’est une notion à  caractère politique, juridique ou moral. Par opposition à l’abstention, elle implique une  attitude active, engagée, mais juste et équitable, sans parti pris » (pp. 22‐23). Pour cet  auteur, il existe, en effet, des engagements « légitimes » (p. 37), unanimement reconnus  et qui expliquent que la neutralité active soit appropriée : « L’engagement qui suppose  de “prendre parti” contrevient à la neutralité ; celui qui recueille les suffrages universels  ne s’y opposent pas » (p. 35). Les engagements «  condamnables » (p. 35) sont ceux qui        

28 Voir point 2.2. 

29 Titre complet: La neutralité : un défit pour l’école 

conduisent à des prises de positions partisanes à l’intérieur de l’institution scolaire et  que Le Clézio rejette.  

Ces propos montrent une opposition entre engagement et parti pris, qui pour nous n’a  pas de pertinence, ces termes étant interchangeables. Ils se substituent l’un à l’autre,  comme nous le montre le Dictionnaire des synonymes et nuances (2005, p. 824). Quant  au Dictionnaire Hachette (2006), la définition donnée décrit l’engagement comme l’ 

« attitude d’un intellectuel, d’un artiste, qui prend parti pour une cause en mettant son  œuvre au service de celle‐ci » (p. 539). Ces éléments confirment ainsi la neutralité active  comme un engagement et par conséquence une prise de position partisane, de quelque  nature qu’elle soit. Le décalage peut sembler anodin, mais il est pour nous significatif,  car il reflète le monde et le mode de pensée de (Le Clézio, 2006), à travers le choix des  paroles qu’il opère. S’il existe réellement une différence entre la défense de certains  engagements et l’interdiction de prendre parti, cet auteur n’a pas apporté, dans son  ouvrage, les éléments permettant une telle distinction. Ces remarques indiquent que Le  CLézio, comme d’autres auteurs avant lui, utilise les mots et en joue, proposant tantôt  l’un plutôt que l’autre dans telle situation, les échangeant ensuite, afin de montrer ici  une synonymie opportune, ou au contraire, une différence fine, mais apparemment  déterminante.  Or, cet  état  de  fait  dénature la réflexion  de  l’auteur en la  rendant  inextricable.  

A notre avis, ce que Le Clézio (2006) veut proposer de par ses réflexions c’est une  transformation. D’une abstention et d’un silence véhiculés depuis des décennies par  l’institution scolaire, il souhaite un engagement basé sur un idéal commun de « dignité  de la personne humaine » (p. 38) et de « respect » (p. 38) que représente pour lui la  neutralité active. Une volonté contraire serait, en effet, insolite : « Ce serait une étrange  éducation que celle qui renoncerait d’emblée à l’horizon possible d’un universel où  s’accorderaient les hommes » (Meirieu, 1994, p. 73). La société, nous rappelle Le Clézio,  de par les buts qu’elle s’est donnée à travers l’école dès sa fondation, prit position «  contre  l’ignorance,  l’illettrisme,  l’inculture,  la  soumission,  la  bêtise  même,  pour  l’émancipation des hommes, le savoir et la liberté » (p. 12). Dans ce même ordre d’idée,  il est évident que Le Clézio ne peut qu’exclure une neutralité‐silence, telle que valorisée 

A notre avis, ce que Le Clézio (2006) veut proposer de par ses réflexions c’est une  transformation. D’une abstention et d’un silence véhiculés depuis des décennies par  l’institution scolaire, il souhaite un engagement basé sur un idéal commun de « dignité  de la personne humaine » (p. 38) et de « respect » (p. 38) que représente pour lui la  neutralité active. Une volonté contraire serait, en effet, insolite : « Ce serait une étrange  éducation que celle qui renoncerait d’emblée à l’horizon possible d’un universel où  s’accorderaient les hommes » (Meirieu, 1994, p. 73). La société, nous rappelle Le Clézio,  de par les buts qu’elle s’est donnée à travers l’école dès sa fondation, prit position «  contre  l’ignorance,  l’illettrisme,  l’inculture,  la  soumission,  la  bêtise  même,  pour  l’émancipation des hommes, le savoir et la liberté » (p. 12). Dans ce même ordre d’idée,  il est évident que Le Clézio ne peut qu’exclure une neutralité‐silence, telle que valorisée