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1.  INTRODUCTION

1.1.   A NCRAGE DE LA RECHERCHE

1.1. Ancrage de la recherche 

 

Les  interrogations fondamentales  de ce travail  se sont construites par rapport aux  propos de collègues discutant des pratiques culturelles de quelques élèves. Chacun  donnait son avis, sans avoir à se préoccuper du politiquement correct, les murs de la  salle des maîtres n’ayant point d’oreilles. Suite à cet échange, une réflexion s’est peu à  peu engagée et nous avons cherché à distinguer de quelles manières les enseignants  géraient leurs opinions et leurs convictions en classe. En effet, comment choisir entre ce  que l’on estime pouvoir dire et ce qui doit être tu ? Ce questionnement, discuté ici dans  le cadre de l’école primaire, pourrait également être envisagé à d’autres niveaux du  système scolaire et ce jusqu’à l’université.  

Les enseignants peuvent penser leur posture en se référant par exemple à leurs propres  convictions, à certaines directives  officielles, voire à un  code de déontologie. Voici  quelques situations auxquelles ces professionnels peuvent être confrontés dans leur  quotidien. A) Ils révèlent leurs visions du monde à travers les propos qu’ils tiennent en  classe. B) Ils sont sollicités par les élèves qui désirent connaitre leurs opinons sur certains  sujets. C) Ils doivent transmettre les valeurs requises par l’institution étatique.  

Face à ces réalités, il était particulièrement intéressant pour nous d’étudier les façons de  faire et les moyens qui peuvent être envisagés par les enseignants, afin de les guider  dans leurs choix. Nous partageons, en effet, l’opinion de Savater (2003/2005), pour  qui « lorsque vient le moment d’agir, nous avons un large éventail de choix, mais de  façon générale nous ne pouvons pas opter pour choisir ou ne pas choisir, entre agir ou  ne pas agir » (p. 33). Faut‐il prendre position à l’école? Est‐il nécessaire d’annoncer et  d’expliciter ses points de vue? Est‐il impératif d’exclure ce qui n’est pas du domaine de la  transmission du savoir? Les possibilités sont nombreuses et les décisions inévitables.  

Le concept1 retenu dans ce travail pour approfondir ces premières considérations est  celui de neutralité, et ce pour plusieurs raisons. Mentionnée dès les débuts de l’école  obligatoire en France2, la neutralité est, en effet, incontournable dans les paroles et les  écrits de personnalités en charge de l’éducation telles que Jules Ferry ou Ferdinand  Buisson. Controversée, elle demeure néanmoins présente dans les débats politiques et  sociétaux  où  se  discute  les  finalités  du  système  scolaire  et  les  obligations  des        

1 Nous nous référerons dans ce travail à la définition suivante du concept : « Représentation mentale abstraite et générale » 

(Dictionnaire Hachette, 2006). 

2 Loi du 28 mars 1882. (Source : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/mars1882.pdf) 

fonctionnaires. Analysée encore au 21ème siècle (Le Clézio, 2006), la neutralité reste  actuelle dans le domaine de l’éducation3.  

   

1.2. Définitions  de la neutralité  

 

La neutralité apparaît selon Le grand Robert de la langue française (2001) vers le XVème  siècle. Elle signifie : « Caractère, état d’une personne qui reste neutre » (p. 1896)4. Il est  intéressant  de  constater  que  l’adjectif  neutre  est  nécessaire  pour  déterminer  la  neutralité. Celui‐ci existe dès la moitié du XIVème siècle et désigne celui « qui s’abstient  de prendre parti, de s’engager d’un côté ou de l’autre, soit par objectivité soit par  crainte ou manque d’intérêt » (p. 1897). L’origine de ces deux termes est « l’adverbe de  négation latin non » (Le petit Robert de la langue française, 2009), qui les associe dans  une même « famille étymologique » (2009). Cette base se retrouve dans des mots tels  que « non », « ni », « nul » et « neutre » (2009); ce dernier prenant le sens de « ni l’un ni  l’autre »  (2009).  Ces  renseignements  expliquent  d’une  part  que  la  neutralité  se  caractérise par un entre‐deux difficile à clarifier et de l’autre qu’elle soit communément  associée à la négation. Les synonymes que nous avons pu relever pour la neutralité sont 

« abstention », « impartialité », « objectivité », « non‐engagement » et « laisser‐faire »  (2009). En ce qui concerne le terme de neutre, c’est à « impartial », « indifférent » ou 

« prudent » (Le grand Robert de langue française, 2001, p. 1897) que l’on peut se  référer. Quant aux contraires, ils correspondent à « intervention » et « belligérance » (p. 

1897) pour la neutralité et à « ennemi », « belligérant » et « hostile » (p. 1898) pour  neutre. 

Afin de poursuivre cette première approche de la neutralité, nous avons consulté des  dictionnaires plus spécifiques à l’éducation. Dans la plupart de ces ouvrages, que ce soit  le Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation (2007), le Dictionnaire des termes de  l’éducation (2004), ou le Dictionnaire de pédagogie (2006), il n’est pas fait mention de la  neutralité mais plutôt de la laïcité5. Ces termes sont en effet parfois étroitement liés et  assimilés l’un à l’autre, alors que les réalités qu’ils représentent se rapportent à des  domaines et des objectifs distincts6. Dans le Dictionnaire encyclopédique de l’éducation        

3 Nous nous référons ici aux débats sur le port du voile en France (Renaut & Touraine, 2005, Un débat sur la laïcité) et sur la 

manifestation contre la guerre en Irak organisée dans une école du quartier des Eaux‐Vives, à Genève. (Voir annexe 9.1.)  

4 D’autres ouvrages proposent des significations similaires à celle que nous avons choisie ici.   

5 La laïcité : « Principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux,  l’Eglise aucun pouvoir politique » (Le petit Robert de la langue française, 2009, [CD‐ROM]). 

6 Nous ne ferons ainsi pas mention du terme de laïcité dans ce travail, afin d’éviter confusions et malentendus.   

et de la formation (1998), la neutralité est évoquée succinctement, uniquement sous  l’angle de ses effets dans le système français. Ceux‐ci se situent au niveau du personnel : 

« Tout agent du service doit dans l’exercice de ses fonctions respecter une impartialité  absolue. Il  ne  peut  faire  acte  de  propagande  politique  ou  religieuse  »  (Durand‐

Prinborgne, 1998, p. 716) et à celui des étudiants : « Les élèves doivent respecter le  principe de neutralité dans l’usage des libertés que la loi leur reconnait » (p. 716). C’est  finalement dans le Dictionnaire de la langue pédagogique (1971) que nous avons trouvé  une définition détaillée et pertinente pour le domaine scolaire qui nous intéresse dans  ce travail: « Attitude consistant dans le refus de prendre parti dans toutes les questions  (religieuses, politiques, philosophiques, morales…) sur lesquelles  les membres de la  collectivité dont on éduque les enfants sont divisés » (p. 332).  

   

1.3. Neutralité et textes de lois      

En ce qui concerne le canton de Genève, le terme de neutralité n’existe ni dans La loi sur  l’instruction publique (1940), ni dans d’autres textes législatifs. Ce qui est stipulé, par  contre, dans Charte et cahier des charges de l’enseignant primaire (Direction Générale  de l’Enseignement Primaire [DGEP], 1996), c’est que le professionnel « s'abstient de  prosélytisme ou d'endoctrinement à l'égard des élèves et de leurs parents ». Si, à la  lecture de cette recommandation, nous pouvons imaginer vers quoi l’institution scolaire  évite de se diriger, il est néanmoins surprenant que la neutralité ne soit pas citée  directement. Intéressons‐nous donc d’un peu plus près à certains des mots utilisés. 

S’abstenir  signifie : « Se  garder  de  faire  quelque  chose,  ne  pas  agir,  se  priver  volontairement de quelque chose » (Dictionnaire Hachette, 2006,  p. 6). Le prosélytisme,  quant à lui montre « le zèle déployé pour faire des prosélytes, de nouveaux adeptes » (p. 

1314).  Endoctriner veut dire : « Faire la leçon à quelqu’un pour qu’il adhère à une  doctrine, une idéologie » (p. 537). Nous retrouvons ici différents éléments présentés  dans le chapitre  précédent et nous pouvons donc  dire que la neutralité existe de  manière indirecte dans les documents officiels du canton. 

Comme l’instruction publique, selon la Constitution fédérale de la Confédération suisse 

« est du ressort des cantons » (Instruction publique, 1999), il est pertinent de se référer  de manière succincte à d’autres textes de lois concernant l’école, issus de quelques  régions  francophones  suisses.  Le  terme  de  neutralité  apparaît  dans  la  Loi  sur  l’organisation  scolaire  (1984)  du  canton  de  Neuchâtel,  dans  laquelle  l’enseignant 

« observe la neutralité de l'enseignement aux points de vue politique et religieux en  s'abstenant de toute attitude partisane » (Tâches éducatives, 1984). Pour le canton du  Jura, les directives font état d’un devoir concernant le rôle de l’enseignant : « II respecte  l’opinion des élèves et s’abstient à leur égard de toute propagande et de tout acte 

discriminatoire » (Devoirs de l’enseignant, 1990). Pour Fribourg, c’est en lien avec sa  fonction que l’enseignant « s’abstient, à l’égard de ses élèves, de toute propagande  idéologique et de tout acte discriminatoire » (Maîtres, 1985). Dans le canton de Vaud, au  niveau de l’école, « toute forme de propagande y est notamment interdite » (Respect  des convictions, 1984). Nous observons ici des similarités avec Genève, la neutralité  n’étant que peu citée.  

Au niveau international, nous avons constaté que pour le Québec, il est demandé à  l’enseignant  « d'agir  d'une manière  juste  et  impartiale  dans  ses  relations  avec  ses  élèves »  (Obligations  de  l’enseignant,  1988).  En  France,  il  est  mentionné  que  : 

« L'enseignement public est neutre : la neutralité philosophique et politique s'impose  aux enseignants  et aux élèves » (Ministère d’Education  Nationale, s.d.). Quant  à la  Belgique,  la  neutralité  est  directement citée  dans  la  constitution  de  1994  :  « La  communauté  organise  un  enseignement  qui  est  neutre.  La  neutralité  implique  notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des  parents et des élèves » (Des Belges et de leurs droits, 1994).  

Ces quelques exemples, sans prétendre à l’exhaustivité, nous indiquent que la neutralité  n’apparaît que peu dans les textes législatifs et lorsque c’est le cas elle est rarement  explicitée, comme si sa signification allait de soi. Le fait de mentionner la neutralité  indique cependant que celle‐ci continue à être présente dans les réflexions sur les  systèmes scolaires. 

   

1.4. Références historiques  

 

Afin de mieux comprendre le contexte et l’évolution de la neutralité, il est nécessaire de  s’arrêter  brièvement  sur  certains  événements  de  l’histoire  française,  que  nous  aborderons ici principalement à travers l’ouvrage de Lelièvre et Nique (1994) : Bâtisseurs  d’école. Histoire biographique de l’enseignement en France.  

Pour ces auteurs : « C’est surtout par les idées nouvelles qu’il a fait naître que le XVIIIe  siècle,  avant  et  pendant  la  Révolution,  a  marqué  l’évolution  de  l’enseignement  »  (Lelièvre  &  Nique,  1994,  p.  164).  C’est,  en  effet,  dans  ce  contexte  que  se  sont  déterminées les visions « de service public, d’éducation commune et d’égalité, de foi en  la raison, de laïcité, de liberté, de gratuité, d’obligation » (p. 164) qui seront à l’ordre du  jour au siècle suivant. C’est également suite à la révolution qu’une volonté et une  disposition  à  instruire  le  peuple  se  développent  chez  certains  hommes  politiques  français : « Et comme leur entreprise vise à instaurer un ordre social nouveau, ils furent  conduits à demander à l’école de régénérer la société [...]. C’est une éducation de la  nation (une éducation nationale) qu’on veut réaliser » (pp. 149‐150). 

Le second élément à retenir concerne les perpétuelles luttes politiques7 qui parcourent  le  XIXème  siècle.  Elles  se  cristallisent  autour  l’école,  qui  représente  un  outil  incontournable pour la permanence du gouvernement en place : « On y voit les forces  sociales du moment, les courants idéologiques en présence, les groupes de pression de  tous ordres, se disputer le droit d’assujettir les enfants et d’organiser les institutions qui  le leur permettent » (Meirieu, 1994, p. 69). Les divergences séparant les décideurs du  système éducatif se retrouvent dans plusieurs domaines, impliquant des changements à  répétition au sein de l’école. Lelièvre et Nique (1994) mentionnent des oppositions au  niveau de certains contenus : « […] De retirer des programmes l’éducation religieuse et  de leur ajouter une éducation civique » (p. 219) et des conflits d’intérêt entre l’Etat et  l’Eglise : « Les guerres scolaires auxquelles on assiste s’expliquent par le souci de mettre  l’école au service de l’ordre social tel que le définissent les partis qui s’opposent » (p. 

206).  

Présente déjà au XIXème siècle, « l’idée de contestation vis‐à‐vis d’une religion dominante  dans des domaines essentiels appartenant à l’ensemble de la société : l’état civil, la  santé et l’éducation des enfants » (Roche, 1998, p. 104) s’accentue au XXème siècle, se  concentrant autour de la neutralité et se transformant en « bataille » (Lelièvre & Nique,  1994, p. 283). Ne voulant renoncer à son influence dans l’éducation des enfants, l’Eglise  déclare aux pères de famille : « Vous surveillerez l’école publique, employant d’abord  tous les moyens légaux pour la maintenir dans l’observation de ce que, à défaut d’une  expression meilleure, nous appellerons neutralité » (Lelièvre & Nique, 1994, p. 283). 

Pour Lanson (1912), une surveillance accrue de l’instituteur se met en place, aboutissant  même  à  une  « guerre  à  mort  qu’on  lui  fait,  pour  l’intimider,  et  le  contraindre  à  capituler » (p. 149).  

Au détour du XXème siècle, le mouvement qui prend de l’ampleur sur l’échiquier politique  est le parti socialiste, qui lui aussi présente une vision spécifique de la société. Ses  défenseurs tiennent à l’indépendance de l’école, autant de l’Eglise que de l’Etat. Ce  qu’ils  souhaitent, selon  Lelièvre et  Nique  (1994),  c’est  « la  formation  d’un  citoyen  républicain […]. Mais ce qui est nouveau, c’est qu’il s’agit de former les futurs citoyens  de la future “République sociale”» (p. 286). Selon plusieurs auteurs (Lelièvre & Nique,  1994 ; Loeffel, s.d.) c’est à cette époque qu’un changement de terminologie quant à la  neutralité  s’opère. Il est  le fruit d’une volonté d’annihiler les idéologies socialistes,  religieuses, ou contraire à celles de l’Etat, en proposant une modification, qui fait passer 

« de la neutralité “religieuse” à la neutralité “scolaire” (Lelièvre & Nique, 1994, p. 287). 

Pour  Loeffel  (s.d.) : « […]  Le  principe  de  neutralité  connaît  un  sort  ambigu […],  la  nécessité de neutraliser les enjeux politiques la fait évoluer vers ce qu’on appellera  dorénavant la “neutralité scolaire”» (chap. 2). Les auteurs ne spécifient cependant pas  les répercussions concrètes de ce remaniement.  

      

7 La tendance politique conservatrice, en France, est favorable à l’instruction religieuse et s’oppose ainsi aux libéraux qui en 

souhaitent l’abolition. (Lelièvre & Nique, 1994) 

Le dernier point concerne le maître et son rôle. Durant le XIXème siècle, son identité se  modifie  peu  à peu,  indiquant par ces  changements les  visions et les volontés  des  décideurs de l’époque. On attend ainsi des maîtres une implication dans les valeurs de la  République, sous l’angle d’une mission à accomplir, englobant la personnalité entière de  l’élève : 

  […] L’enseignant ne doit pas être simplement un « maître d’école » (l’ancien    « magister », un « sous‐officier instructeur »), ni même un « instituteur »  (celui    qui contribue à « instituer » la République), mais un « éducateur » (celui qui peut    et doit prendre la place de l’homme d’Eglise, des congréganistes). (Lelièvre, 1999,    p. 37)  

Lorsque la neutralité est instaurée à l’école publique par Ferry, il est intéressant de  mentionner l’importance du lien que celui‐ci (et donc avec lui une partie des hommes  politiques) veut conserver avec la morale, certes détachée des croyances, mais restant  un élément fondamental du travail de l’enseignant : « On n’a pas songé à vous décharger  de  l’enseignement  moral ;  c’eût  été  vous  enlever  ce  qui  fait  la  dignité  de  votre  profession » (Ferry, 1883, p. 236).  

L’aspect politisé de l’école, dans laquelle la neutralité se construit, a des conséquences  sur les visions et les  pensées des auteurs  que nous allons présenter.  Il était ainsi  nécessaire de s’arrêter sur ces éléments, afin de pouvoir s’en détacher maintenant et  approfondir notre réflexion. 

   

1.5. Objectifs du travail 

 

Notre  intention,  dans  ce  mémoire,  est  d’entreprendre  une  réflexion  sur  la  problématique liée à la neutralité, dans le cadre de l’école primaire publique. Notre  démarche s’appuie sur deux axes : d’une part les ressources théoriques et de l’autre le  terrain,  dans  lequel  se  concrétise  la  pratique  des  enseignants.  A  travers  cette  complémentarité, nous envisageons de donner au terme de neutralité une signification  adaptée au domaine scolaire qui nous intéresse plus particulièrement. Dans la première  partie de notre cadre théorique8, nous aborderons ainsi des auteurs du XIXème siècle, qui  guideront nos réflexions à travers un questionnement sur l’utilité de la neutralité. La  seconde partie9, issue d’une période historique plus récente (XXème siècle), permettra de  discuter et de confronter les conceptions actuelles et passées. Après avoir exposé les        

8 Voir point 2.1 

9 Voir point 2.3. 

différentes  questions de recherches  et hypothèses10,  nous  tenterons de définir les  formes par lesquelles la neutralité existe dans l’enseignement primaire public, au travers  du  pôle  concernant  le terrain.  La  démarche  méthodologique  définie,11  nous  présenterons  les  résultats  des  questionnaires  et  des  entretiens  menés  auprès  d’enseignants en activité12. Nous le ferons à l’aide de deux sortes d’analyses, mettant  par‐là en valeur le cœur de la neutralité ainsi que les thématiques incontournables à  celle‐ci.    

         

           

   

     

      

10 Voir point 3.1. 

11 Voir 3.2. et 3.3.  

12 Voir point 4. 

2. CADRAGE THEORIQUE  

 

Le cadre théorique de ce travail se décline en deux parties, distinctes de par les penseurs  présentés13 et la réflexion adoptée. Dans la première partie, nous présenterons les  conceptions  proposées  par  différents  intellectuels  et  hommes  politiques,  dont  les  discours se situent à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Nous le ferons à la  lumière d’une interrogation construite au fil des lectures : A quoi la neutralité sert‐elle ?  Par ce questionnement nous tenterons d’appréhender les fonctions et la pertinence de  ce terme. Ce fil rouge nous indiquera, également, les termes qui se rattachent à la  neutralité, nous permettant ainsi de poursuivre l’analyse en étudiant les points de vue  d’auteurs contemporains tels que Le Clézio (2006), Weber (1919) et Kondylis (1994). 

Nous les discuterons dans le but, cette fois, de mettre en avant les contradictions, les  controverses et les analogies rencontrées. Les propos de ces derniers auteurs sont issus  de la deuxième moitié du XXème siècle, même en ce qui concerne Weber, car il sera fait  référence à la traduction et aux thèses de Kalinowski (2005).  

   

2.1. Conceptions de la neutralité à la fin du XIXème siècle 

 

2.1.1 Jules Ferry (1832‐1893) 

Le premier personnage que nous avons retenu, de par son engagement et sa réflexion  quant à la neutralité, est Jules Ferry. C’est en tant que Ministre français de l’Instruction  Publique14  et président  du  Conseil  Constitutionnel15  qu’il  développe  ses  visions  de  l’école. Il est également, de par ses fonctions, le promoteur de plusieurs lois concernant  l’institution scolaire.  

Pour Jules Ferry (1883), même si la neutralité existe de manière plurielle, il n’y a que la  neutralité confessionnelle qui soit nécessaire d’introduire à l’école : « Nous avons promis  la neutralité religieuse, nous n’avons pas promis la neutralité philosophique, pas plus  que la neutralité politique » (Ferry, 1883, cité par Lelièvre & Nique, 1994, p. 280). Pour        

13 Des auteurs tels que Ferry et Buisson ont une charge au sein du gouvernement français, alors que d’autres font partie du 

système scolaire à différents niveaux (Jaurès, Lanson, Weber, Le Clézio). Dans ce cadre, certaines prises de postions et paroles  reflètent les rôles et obligations de chacun de ces penseurs.  

14 Il occupera ce poste de 1879 à 1880, puis en 1882. (Source : http://chr.amet.chez‐alice.fr/julferry.htm) 

15 En 1881. (Source : http://chr.amet.chez‐alice.fr/julferry.htm) 

cet homme politique, il est en effet primordial de transmettre à travers l’institution les  idéaux de la République, ainsi que les valeurs morales et philosophiques évidentes et  indispensables à cette époque : 

  Il a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants    à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui    ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul. 

  (Ferry, 1883, p. 236)  

Pour Ferry (1881), la neutralité dite confessionnelle est la seule qui doit exister à l’école,  car elle permet de délimiter clairement, au niveau des enseignements scolaires, ce qui  est du domaine de l’Etat et ce dont l’Eglise doit s’occuper : « La puissance séculière d’un  côté, à sa place, aux choses qu’elle est propre à faire et à enseigner, […] les choses  saintes, l’enseignement mystique et le dogme aux ministres du culte qui sont seuls  compétents pour donner cet enseignement » (Ferry, 1881, cité par Hervé, 1912, p. 117).  

Retirer à la religion sa place dans l’enseignement primaire permettrait, pour Ferry, de  restituer à la foi ses caractéristiques privées et individuelles. Selon cette proposition du  ministre, la neutralité, nullement combative ou dénigrante, apaiserait les conflits de  convictions et servirait au respect de tous dans l’institution scolaire. C’est ce que nous  retrouvons chez Hervé (1912), pour qui la neutralité voulue par Ferry : « C’est d’une part  le silence et l’indifférence en matière religieuse : c’est d’autre part le respect de toutes  les croyances religieuses assuré et garanti par cette indifférence et ce silence même » (p. 

127). La neutralité représenterait ainsi une protection contre tout dogme, quel qu’il soit. 

Chez Ferry (1883), délimiter les contenus d’enseignement signifie que certains sujets  n’ont pas, ou plus, à être nommés, discutés et débattus au sein de l’école. Il faut 

« distinguer enfin entre deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances 

« distinguer enfin entre deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances