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3.  PROBLEMATIQUE ET METHODES DE LA RECHERCHE

3.2.   D ISPOSITIFS DE RECUEIL DES DONNEES

3.2.2.  L’entretien

3.2.2. L’entretien 

Parler directement de la neutralité avec les enseignants ne nous paraissait pas non plus  être, ici, la solution adéquate pour saisir l’élaboration de ce concept. Nous avons ainsi  choisi un dispositif semi‐directif, qui permet de laisser le dialogue s’installer tout en  conduisant la discussion : « Le canevas ou guide d’entretien est l’inventaire des thèmes  prévus et des données de fait qui, à un moment ou un autre de l’échange, feront l’objet  d’une  intervention  de  l’enquêteur  si  l’enquêté  ne  les  aborde  pas  spontanément »  (Freyssinet‐Dominjon, 1997, p. 158). La grille élaborée comporte une première partie,  servant d’introduction, articulée autour de la relation enseignant/élève au sein de la  classe. Cette entrée en matière permet de pénétrer dans le monde des interviewés et de  repérer les  termes  importants mentionnés spontanément, se  référant ou  non à  la  neutralité.  Les  interrogés  peuvent  ainsi  commencer  leur  récit  sans  se  soucier  des  réponses qu’ils pensent être attendues par le chercheur38. Dans la seconde étape, il est  davantage  fait  allusion  aux  manières  de  faire  et  aux  actions  envisagées  par  les  enseignants, ainsi qu’aux arguments dictant leurs comportements dans le quotidien. 

Cette séquence de l’entretien se déroule soit directement en lien avec la neutralité, si        

38 Nous avons en effet pu constater que les participants se préoccupent énormément de savoir s’ils donnent les bonnes 

réponses, et si ce qu’ils disent est pertinent pour le chercheur.  

elle a été mentionnée par l’interviewé, soit en référence à l’élément qu’il nous a dit  vouloir aborder. Si la neutralité n’est pas évoquée volontairement, la discussion est peu  à peu dirigée vers elle, et cela dans le but d’aborder l’ensemble des questions de  recherche. Pour clore l’entretien, les enseignants formulent un message destiné à un(e)  enseignant(e) débutant(e). Cette stratégie permet de laisser émerger les apprentissages  réalisés au cours d’une carrière (C. Dayer, communication personnelle, 6 avril 2009). Les  deux entretiens‐tests, effectués auprès d’autres enseignants, nous ont permis d’ajuster  notre conduite. Ces discussions ont aussi montré que certains termes discutés dans la  partie théorique de ce travail tels que les valeurs, la morale, l’influence, l’attitude, les  repères institutionnels, les directives, l’éthique, peuvent apparaître dans les propos des  participants. 

   

3.3. Démarche d’analyse des données 

 

Le choix quant à la manière d’exploiter au mieux les données récoltées s’est dirigé vers  une démarche permettant de mettre en avant les caractéristiques et la place du sujet,  dans la réalité qui l’entoure : 

  C’est  prendre  en  compte  la  spécificité  de  l’humain,  autrement  dit  ne  pas    considérer ce dernier seulement comme un  agent  déterminé  par des forces    extérieures à lui, mais le   tenir également comme un acteur qui construit des    significations à partir de la  place  qu’il occupe dans  le  monde. (Charmillot & 

  Seferdjeli, 2002, p. 188) 

Plusieurs auteurs (Le Gall, 1988 ; Freyssinet‐Dominjon, 1997) mentionnent les difficultés  inhérentes à l’analyse des paroles récoltées par le chercheur. Nous avons donc décidé de  suivre  ici  la  prescription  indiquée  par  Charmillot  et  Dayer  (2007),  indiquant  de 

« comparer ses données à d’autres et de questionner ses interprétations par un retour  constant à son matériel » (p. 128). Cela signifie, également, que pour notre recherche  exploratoire un soin particulier est donné à la prudence, la rigueur et l’explication des  manières de procéder. Notre travail ne vise pas à généraliser les conclusions obtenues,  mais bien à rendre visible d’une part « la reconnaissance du sens commun en tant que  savoir » (Charmillot & Seferdjeli, 2002, p. 188) et de l’autre « la construction interactive  des significations au moment de l’entretien » (Schurmans, Charmillot & Dayer, 2008, p  313).  

   

3.3.1. Le processus de transcription 

Afin de pouvoir étudier de façon pertinente les propos développés par l’ensemble des  participants, nous avons choisi de transcrire entièrement les commentaires faits lors du  questionnaire ainsi que les entretiens menés. Cette première tâche représente déjà en  soi, selon Le Gall (1988), une lecture spécifique des propos entendus : « Il est vrai que la  transcription est déjà un certain type d’interprétation puisque l’on soumet la parole en  acte à un code spécifique » (p. 44). Pour Freyssinet‐Dominjon (1997) : 

  Passer du langage parlé au langage écrit ne va pas de soi. Ce n’est pas un simple    travail d’exécution technique mais une opération complexe, comparable à celle    d’un traducteur plutôt que d’un copiste, et qui relève de la responsabilité du    chercheur. (p. 167) 

Afin  de  restituer  des données facilement  compréhensibles,  nous avons  réalisé des  corrections de syntaxe sur les paroles recueillies et nous avons ôté les soupirs, les  hésitations ainsi que les silences et les répétitions. Nous avons pu constater, en effet,  que ces marqueurs ne représentaient pas des éléments significatifs, apparaissant en  nombre trop important chez tous les participants pour être pertinents. Ils indiquent,  cependant, que la discussion autour de la neutralité est complexe.  

 

3.3.2. Le processus d’analyse du questionnaire et de l’entretien  

L’analyse  du  questionnaire  s’est  faite  afin  de  repérer  ce  que  les  interviewés  développaient  comme  opinions  initiales.  Ces  éléments,  constituant  pour  nous  une  source supplémentaire d’informations concernant la  neutralité,  on été  exploités au  même titre que les données recueillies dans les entretiens. Il nous paraissait, en effet,  pertinent d’étudier les similitudes et les différences présentes dans les deux dispositifs  utilisés, ainsi que l’évolution temporelle de ces dernières. Au vu de l’importance du  corpus  de  données,  nous  avons  concentré  l’analyse  des  propos  tenus  à  partir  du  moment où le terme de neutralité (ou neutre) était introduit, soit spontanément par les  personnes interrogées, soit de manière provoquée. Pour s’assurer que tous les éléments  importants  avaient  été  répertoriés  et  pour  les  comparer  aux  informations  déjà  recueillies, nous avons ensuite considéré la première partie de l’entretien.  

Afin de déterminer les conceptions de chaque participant, nous avons découpé les  entretiens en parties distinctes, mettant ainsi peu à peu en avant les thèmes récurrents  et les représentations générales de la neutralité. Par la suite, nous avons affiné notre  étude, afin de saisir au mieux les explications, les contradictions, les définitions et les  façons de faire des personnes interrogées. Une classification s’est ainsi opérée. Celle‐ci  ne s’est pas faite: « par rapport à moi, destinataire ou récepteur… non pas selon mon  interprétation personnelle subjective mais par rapport aux catégories immanentes à ce 

message  objet »  (Muchielli,  1979,  cité  par,  L’Ecuyer,  1988,  p.  50).  Les  participants  définissent la neutralité, l’exemplifient et la discutent, en effet, selon leurs points de vue  et leurs convictions. Nous avons constaté, parfois, que les interviewés ne répondent pas  aux questions posées, par volonté, par malaise ou parce qu’ils ne possèdent pas les  explications demandées. Il convient ainsi aux deux protagonistes de s’adapter l’un à  l’autre, ce qui indique pour nous que c’est autant l’interrogé qui mène l’entretien, à  travers  les  réponses  qu’il  donne,  que  le  chercheur  qui  s’ajuste  à  celles‐ci : 

« L’emboîtement  des  interventions  de  l’interviewer  et  du  discours  de  l’interviewé  reproduisent en quelque sorte sur une scène à deux personnages la mécanique propre  de la construction discursive » (Blanchet, Ghiglion, Massonnat & Trogno, 1987, p. 98).  

Dans l’analyse, des choix ont dû être faits, même s’ils étaient délicats, car certains  termes  pouvaient  appartenir  à  plusieurs  thématiques  ou  représenter  différentes  pensées. Nous avons donc tenu à travailler au plus proche des liens explicitement cités  par les participants, en prenant le parti d’écarter les éléments trop confus ou demandant  une interprétation déductive trop éloignée, pour nous, du respect des paroles que nous  nous étions fixé. Notre posture se situe donc entre une analyse du « contenu manifeste »  (L’Ecuyer,  1988,  p.  51),  dans  laquelle  les  propos  sont  directement  accessibles  au  chercheur, et celle du « contenu latent » (p. 51), où il convient de définir ce qui est  caché.  

 

3.3.3. Quelques considérations supplémentaires  

Pour faciliter la compréhension du concept de neutralité et afin de ne pas alourdir la  lecture, nous avons décidé de ne détailler dans le texte que deux entretiens. Chez  Florent, c’est l’agencement de ces conceptions qui est à l’origine de notre choix. Pour  Jean, nous tenions à présenter sa réflexion, car elle diffère des autres. La neutralité ne  correspond en effet pas à ce qui guide son comportement. Rendre accessible le matériau  à partir duquel les analyses sont issues était pour nous fondamental, afin de permettre  aux lecteurs de se familiariser avec les manières de s’exprimer spécifiques à chaque  participant. L’analyse n’aurait pas été entière si nous n’avions pas étudié l’univers de  pensée dans lequel les enseignants se situent, par rapport à leur profession et aux  relations avec les élèves. Nous avons ainsi comparé et différencié certaines données  secondaires, qui ne sont pas liées au concept de neutralité à proprement parlé, mais  dont  les  caractéristiques  nous  permettent  de  compléter  et  d’affiner  notre  compréhension.  Cette  démarche  rejoint,  quelque  peu,  les  propos  de  Freyssinet‐

Dominjon (1997) : « Pour se faire, elle [l’analyse thématique] isole dans chaque entretien  et compare transversalement les signifiés qui, d’un entretien à l’autre, se réfèrent au  même  thème  […]»  (p.  173).  Ce  travail  s’est  révélé  absolument  nécessaire,  car  la  construction du sens de la neutralité réalisée par chaque personne interrogée s’est ainsi  amplifiée et étoffée.  

4. Présentation des résultats et analyse 

 

Les résultats obtenus sont organisés en deux parties successives. La première concerne  les définitions de la neutralité, que nous discuterons à la lumière des réponses au  questionnaire et des propos issus des entretiens. Ceux‐ci complètent, contredisent et  détaillent, en effet, les significations accordées au concept qui nous préoccupe. Nous  présenterons également les moyens utilisés par les enseignants pour être neutre, liés  aux définitions retenues de la neutralité. Dans la seconde partie, nous poursuivrons avec  un panorama fait des représentations associées à la neutralité. En effet, comme nous  avons pu le constater lors de la partie théorique de ce travail, d’autres mots émergent  lorsque l’on aborde la neutralité.  

   

4.1. Les définitions liées à la neutralité 

 

4.1.1. Les éléments issus des questionnaires  

Les premiers résultats nous permettent de dire qu’il n’existe pas chez les interviewés  une seule et unique définition de la neutralité. Cette dernière, en effet, est envisagée  selon  deux  tendances  principales  suivant  l’objet  auquel  elle  se  rapporte.  Dans  les  réponses à la question : « Que signifie pour vous le terme de neutralité, que contient‐

il? », les personnes interrogées se disent neutres par rapport à une problématique  abordée (un débat, une discussion, un problème), ou envers un autrui présent en face  d’eux (un élève, un parent, un(e) collègue). La neutralité se détermine ainsi soit par une  position  de  retrait,  en  fonction  des  sujets  ou  des  situations  traités,  soit  par  une  ouverture prenant en compte l’interlocuteur et ses opinions personnelles39. Ces deux  conceptions de la neutralité ne s’excluent pas mutuellement dans les propos recueillis et  se déclinent selon des nuances individuelles. Si, pour Florent, la neutralité se définit en  fonction  des  deux  tendances  mentionnées,  Solange,  Norbert  et  Jean  se  réfèrent  davantage à l’une ou à l’autre. Les réponses de Solange se rassemblent ainsi autour  d’une vision communément répandue de la neutralité : « être ni pour ni contre »40, qui  dans ses paroles implique plutôt un repli. Chez Jean, les différentes réponses convergent  au contraire vers la diversité, qu’il valorise tout au long de ses propos. Quant à Norbert,  ses paroles illustrent la tendance au retrait, qui pour lui signifie un désengagement de        

39 Voir tableau A 

40 Cette vision correspond au sens commun que nous avons pu retrouver lors de discussions informelles au sujet de la 

neutralité.  

soi. Il ajoute dans ses explications la notion d’utopie, qu’il associe aux difficultés d’une  réelle neutralité.  

Voici  les  différents  propos  des  participants  indiquant  leurs  positions  respectives    (tableau A) : 

   

Florent      Norbert      Solange      Jean 

   

  Position de retrait par rapport à une situation ou un sujet   

 

Avoir un certain recul    La Suisse  

La neutralité c’est une retenue  

La neutralité signifie aucune prise de décision, aucun engagement   C’est utopique d’être neutre, tu ne peux pas être neutre 

Etre neutre c’est être ni pour ni contre 

La neutralité, ne pas entrer dans un débat ou un conflit 

La neutralité peut être une manière d’argumenter qui ressemble plus à une analyse  objective qu’à une prise de position  

La neutralité c’est quand il n’y a pas de position personnelle   

 

Position d’ouverture à l’autre et à ses opinions   

 

Prendre en compte l’autre, sans imposer ma vision de manière unilatérale  

Une manière d’être qui enlève le côté « moi je pense que, je sais, moi ce que je pense c’est  juste » 

Regarder toutes les facettes  

Ne pas émettre de jugement pour laisser le libre choix à l’élève   C’est une ouverture pour laisser à chacun sa propre vision   Une exposition multiple d’un problème 

Elle peut comprendre les avis opposés de divers acteurs.  

Plusieurs éléments qu’il faut mettre ensemble    

 

Les éléments présentés ici se retrouvent de manière générale dans les entretiens, où ils  sont détaillés et parfois nuancés, montrant ainsi que les réflexions évoluent, entre le 

moment du questionnaire et celui de l’entretien. Pour Norbert, une nouvelle notion,  plus adéquate, pour lui, à définir la neutralité apparaît dans l’entretien : « être juste ». 

Cette proposition, comme nous le verrons plus loin, lui pose néanmoins problème41. Les  points  de  vue  se  modifient  ainsi  chez  Norbert  et  les  premières  conclusions  ne  déterminent pas encore une vision définitive de la neutralité pour cet interviewé. Chez  Solange, un élément ne sera pas repris dans l’entrevue, alors qu’il offre pour nous une  option  intéressante.  Cette  participante  établit,  en  effet,  une  distinction  entre  une  manière d’argumenter qu’elle définit comme « une analyse objective » représentant  pour elle la manière d’être neutre, et une « prise de position » qui ne l’est pas. En ce qui  concerne Jean, la diversité reste associée à la neutralité au fil de ses réflexions, même si  cette dernière n’est pas le seul critère avec lequel il pense son quotidien d’enseignant. 

La position de Florent demeure identique dans les deux moments chronologiques de  recueil  de  données,  ses  idées  principales  ayant  été  énoncées.  Dans  l’entretien,  il  approfondit cependant certaines de ses considérations.  

Toujours dans le cadre du questionnaire, d’autres résultats nous renseignent sur les  définitions de la neutralité42. Un des items du questionnaire demande aux personnes  interrogées de sélectionner parmi plusieurs possibilités : « les deux qui correspondent le  plus à votre conception  de la  neutralité ». L’éventail  de  choix  regroupe les avis de  certains auteurs  étudiés43, ainsi que nos propres  conceptions,  élaborées  au fil des  lectures. Nous souhaitions ainsi, à travers la proposition : « un processus de réflexion  éthique »,  changer  la  définition  même  de  la  neutralité  présentée,  jusqu’ici,  plutôt  comme un état44. Nous voulions l’envisager sous la forme d’un mouvement, tel un  processus se déroulant au fil du temps et qui s’associe à une analyse construite peu à  peu.  Cette  option  s’est  élaborée  par  référence  à  certaines  idées  de  l’éthique  mentionnées par Pachod (2007)45.  

Sur les sept suggestions mentionnées, c’est « un processus de réflexion éthique » qui a  été  choisie  par  trois  personnes sur  quatre, sans  que ces  dernières n’argumentent  réellement leurs choix. Seule Solange explicite son adhésion. Ce phénomène est d’autant  plus  intéressant  que  Jean  est  l’unique  participant  à  reprendre  la  terminologie  de  l’éthique dans l’entretien. Deux possibilités n’ont, par contre, pas été retenues : « un  silence sur ce qui n’est pas du domaine scolaire, des connaissances » et « une prise de  position partisane explicitée ». La première option s’inspire des volontés affichées par  des hommes politiques tels que Ferry et Buisson, qui ne semblent pas convenir aux        

41 Voir point 4.5.2. 

42 Voir tableau B 

43 Nous nous référons ici au point 2. 

44 Voir point 1.2. 

45 Voir point 2.3.3. 

enseignants interrogés. La seconde est en lien avec un engagement juste, sans parti  pris46, qui est la position défendue par Le Clézio (2006).  

Les positions pouvant être interprétées par les interviewés comme plus radicales ont été  rejetées, alors que les moins connotées étaient sollicitées. On comprend aisément que  pour  un  enseignant,  choisir :  « une  position  partisane  explicitée »  est  plus  délicat  qu’opter pour « un engagement juste, sans parti pris ». Cet élément met en exergue  l’impact possible du vocabulaire. En effet, les images construites par les mots utilisés  sont analysées par un système de valeur interne à chaque personne, qui détermine si la  neutralité ainsi évoquée est acceptable ou non.  

 

Voici les différentes réponses obtenues à cet item, les propositions faites aux personnes  interrogées ayant été regroupées en fonction de leur similarité (tableau B): 

   

une prise de position partisane explicitée  ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

un engagement juste, sans parti pris           Florent et Norbert 

 

un silence sur ce qui n’est pas du domaine scolaire, des connaissances ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

une non‐prise de position quant à certains thèmes         Solange 

 

une attitude équitable et juste     Jean 

 

une non‐imposition des valeurs de l’enseignant  Florent 

 

un processus de réflexion éthique       Jean, Solange, Norbert 

 

4.1.2. Les éléments issus des entretiens  

Les réflexions des participants évoluent et se complexifient au fil des entrevues, car ces  derniers doivent adapter, en effet, une ligne de pensée personnelle à une situation  professionnelle. Certaines significations issues du questionnaire sont ainsi évincées, par  exemple,  parce  qu’elles  évoquent  des  aspects  de  la  neutralité  qui  dérangent.  Les  résultats obtenus au niveau des entretiens indiquent qu’il existe dans les propos de  chaque interviewé des termes incontournables concernant la neutralité, que nous avons        

46 Voir point 2.3.2. 

appelés mots‐clés47. Regroupés, ceux‐ci définissent, pour les personnes interrogées, la  manière d’être neutre et réunissent autour d’eux les moyens utilisés dans le quotidien,  que nous avons nommées stratégies48.  

 

4.1.2.1. Les conceptions de Florent : 

La réflexion de Florent se développe peu à peu, de manière régulière, en nous livrant  graduellement des éléments auxquels ce participant a déjà réfléchi, comme il nous le dit  lui‐même. Nous n’avons noté que peu d’interruptions ou de contradictions dans le  déroulement du discours tenu, et même lorsque celles‐ci ont lieu, elles ne perturbent  pas la progression des propos de Florent, nous permettant ainsi de voir de manière de  plus en plus fine comment il se représente la neutralité. C’est lui qui introduit d’ailleurs  ce terme, ou plutôt son adjectif. Lorsque Florent a recourt à des exemples spécifiques, il  s’agit  la  plupart  du  temps  de  situations  entre  élève  et  enseignant,  au  sujet  d’un  problème  à  résoudre.  Les  différentes  idées  exposées  dans  la  première  partie  de  l’entretien sont par la suite précisées et analysées.  

Le mot‐clé que F. mentionne tout d’abord concerne le verbe « induire », qu’il estime  contraire à la neutralité. Pour être neutre il faut donc « ne pas induire ». Florent affirme  néanmoins que dans les situations où l’élève n’arrive pas à proposer de lui‐même des  solutions à sa problématique, il peut être nécessaire de l’aider, tout en imaginant que  par la suite cela ne soit plus nécessaire : « Donc, s’il ne la [solution] trouve pas de lui‐

même,  je  pense  que  c’est  important  d’induire  pour  qu’on  ne  parte  pas  sur  une  impasse ».  

 

1er mot‐clé : « ne pas induire » 

Alors on guide quand même, on n’est pas forcément neutre dans notre manière d’apporter les  choses et de faire en sorte que l’élève trouve d’autres solutions. L’on a quand même cette  fâcheuse habitude d’induire beaucoup quand on voit qu’un élève n’arrive pas à trouver une  solution, pour aller au‐delà de son problème. On lui pose des questions pour qu’il aille un peu  plus loin, mais les questions elles sont quand même dirigées pour qu’il arrive à trouver une  solution, une solution qui nous nous paraît convenable. Quand on pose des questions pour aller  au‐delà pour aller plus loin on induit quand même. Donc c’est vrai que quand un élève ne trouve  pas par lui‐même, quand on essaie d’aller plus loin on induit ce qu’il a à dire quand même. Alors 

Alors on guide quand même, on n’est pas forcément neutre dans notre manière d’apporter les  choses et de faire en sorte que l’élève trouve d’autres solutions. L’on a quand même cette  fâcheuse habitude d’induire beaucoup quand on voit qu’un élève n’arrive pas à trouver une  solution, pour aller au‐delà de son problème. On lui pose des questions pour qu’il aille un peu  plus loin, mais les questions elles sont quand même dirigées pour qu’il arrive à trouver une  solution, une solution qui nous nous paraît convenable. Quand on pose des questions pour aller  au‐delà pour aller plus loin on induit quand même. Donc c’est vrai que quand un élève ne trouve  pas par lui‐même, quand on essaie d’aller plus loin on induit ce qu’il a à dire quand même. Alors