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Les éléments issus des entretiens

4.  PRESENTATION DES RESULTATS ET ANALYSE

4.1.   L ES DEFINITIONS LIEES A LA NEUTRALITE

4.1.2.  Les éléments issus des entretiens

Voici les différentes réponses obtenues à cet item, les propositions faites aux personnes  interrogées ayant été regroupées en fonction de leur similarité (tableau B): 

   

une prise de position partisane explicitée  ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

un engagement juste, sans parti pris           Florent et Norbert 

 

un silence sur ce qui n’est pas du domaine scolaire, des connaissances ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

une non‐prise de position quant à certains thèmes         Solange 

 

une attitude équitable et juste     Jean 

 

une non‐imposition des valeurs de l’enseignant  Florent 

 

un processus de réflexion éthique       Jean, Solange, Norbert 

 

4.1.2. Les éléments issus des entretiens  

Les réflexions des participants évoluent et se complexifient au fil des entrevues, car ces  derniers doivent adapter, en effet, une ligne de pensée personnelle à une situation  professionnelle. Certaines significations issues du questionnaire sont ainsi évincées, par  exemple,  parce  qu’elles  évoquent  des  aspects  de  la  neutralité  qui  dérangent.  Les  résultats obtenus au niveau des entretiens indiquent qu’il existe dans les propos de  chaque interviewé des termes incontournables concernant la neutralité, que nous avons        

46 Voir point 2.3.2. 

appelés mots‐clés47. Regroupés, ceux‐ci définissent, pour les personnes interrogées, la  manière d’être neutre et réunissent autour d’eux les moyens utilisés dans le quotidien,  que nous avons nommées stratégies48.  

 

4.1.2.1. Les conceptions de Florent : 

La réflexion de Florent se développe peu à peu, de manière régulière, en nous livrant  graduellement des éléments auxquels ce participant a déjà réfléchi, comme il nous le dit  lui‐même. Nous n’avons noté que peu d’interruptions ou de contradictions dans le  déroulement du discours tenu, et même lorsque celles‐ci ont lieu, elles ne perturbent  pas la progression des propos de Florent, nous permettant ainsi de voir de manière de  plus en plus fine comment il se représente la neutralité. C’est lui qui introduit d’ailleurs  ce terme, ou plutôt son adjectif. Lorsque Florent a recourt à des exemples spécifiques, il  s’agit  la  plupart  du  temps  de  situations  entre  élève  et  enseignant,  au  sujet  d’un  problème  à  résoudre.  Les  différentes  idées  exposées  dans  la  première  partie  de  l’entretien sont par la suite précisées et analysées.  

Le mot‐clé que F. mentionne tout d’abord concerne le verbe « induire », qu’il estime  contraire à la neutralité. Pour être neutre il faut donc « ne pas induire ». Florent affirme  néanmoins que dans les situations où l’élève n’arrive pas à proposer de lui‐même des  solutions à sa problématique, il peut être nécessaire de l’aider, tout en imaginant que  par la suite cela ne soit plus nécessaire : « Donc, s’il ne la [solution] trouve pas de lui‐

même,  je  pense  que  c’est  important  d’induire  pour  qu’on  ne  parte  pas  sur  une  impasse ».  

 

1er mot‐clé : « ne pas induire » 

Alors on guide quand même, on n’est pas forcément neutre dans notre manière d’apporter les  choses et de faire en sorte que l’élève trouve d’autres solutions. L’on a quand même cette  fâcheuse habitude d’induire beaucoup quand on voit qu’un élève n’arrive pas à trouver une  solution, pour aller au‐delà de son problème. On lui pose des questions pour qu’il aille un peu  plus loin, mais les questions elles sont quand même dirigées pour qu’il arrive à trouver une  solution, une solution qui nous nous paraît convenable. Quand on pose des questions pour aller  au‐delà pour aller plus loin on induit quand même. Donc c’est vrai que quand un élève ne trouve  pas par lui‐même, quand on essaie d’aller plus loin on induit ce qu’il a à dire quand même. Alors  il y en a qui trouve tout seul des solutions, où on n’a pas besoin de faire ce travail, mais quand  c’est difficile avec l’élève je crois qu’on induit quand même 

      

47 Nous avons décidé d’utiliser dans ce travail le terme de mot‐clé, même lorsqu’il s’agit d’une suite de mots. Ce choix tient au 

fait que les éléments proposés par les participants représentent, tel un mot‐clé, une notion spécifique.  

48 « Ensemble d’actions coordonnées, de manœuvres en vue d’une victoire » (Le nouveau Petit Robert de la langue française, 

2009)     

C’est là que je me dis que du moment qu’on induit une réponse que nous on a dans notre tête,  alors qu’on aimerait que ça vienne de lui et bien là on n’est plus neutre parce qu’on le guide  quand même sur le chemin qu’on aimerait ou qu’on pense être le bon.  

Réflexions sur la neutralité  

Dans la manière de conduire les médiations on arrivait quand même à mener les enfants où on  voulait  qu’ils  arrivent.  Donc  là,  quelque  part,  on  devrait  rester  en  tant  que  médiateur  parfaitement neutre, complètement neutre et puis la solution doit se dégager de ce que dit l’un,  de ce que dit l’autre, ce qu’on arrive à trouver ensemble. Mais quand ça marche pas, finalement,  le médiateur il joue un rôle quand même de : « vous ne pensez pas que » et puis là je pense  qu’on n’est pas forcément neutre 

J’ai beaucoup réfléchi depuis que j’ai eu le questionnaire sur être neutre ou pas et je crois  qu’effectivement on ne peut pas, c’est pas primordial d’être neutre et est‐ce qu’on peut vraiment  être neutre ? Je ne pense pas parce qu’on pense, on a quand même sa propre idée, on a notre  propre expérience, notre propre chemin qui a fait que si on est là, en tant qu’instituteur, c’est  parce qu’il y a plein de choses qu’on a suivi, c’est parce qu’on croit, on a des croyances, on a des  convictions et puis voilà, j’ai des convictions et je les donne ou je les esquisse aux élèves, en  prenant garde de dire que c’est une vision des choses. Voilà c’est ma manière de voir…  

On a le droit de penser autrement, et ça aussi on l’a appris principalement dans les entretiens de  parents, où on ne peut pas être neutre, mais on ne peut pas non plus juger. Chacun a le droit de  penser ce qu’il veut, mais c’est important de dire que « moi je pense quelque chose, j’ai une  position » et puis c’est vrai que finalement on n’est pas neutre je crois 

   

Le second mot‐clé, en lien avec l’action d’induire, est indirectement désigné par Florent,  car il n’y adhère pas : « On n’est pas un truc comme ça qui ne pense rien, qui ne voit  rien, qui est ouvert sur toutes les solutions ». Il introduit donc, par ces termes, une autre  vision possible de la neutralité : ne pas avoir d’opinions/de convictions personnelles, qui  malgré le fait qu’elle déplaise, existe.  

 

2ème mot‐clé  

Je me suis même dit après que c’est important que l’enfant sache que nous on a une position, on  n’est pas un truc comme ça qui ne pense rien, qui ne voit rien, qui est ouvert sur toutes les  solutions. Et bien non, on a des idées, on a des convictions, et puis je crois qu’on a le droit de les  dire et puis les enfants ont le droit, enfin je crois qu’ils ont besoin de savoir que leur enseignant il  a des idées et puis il pense certaines choses, certaines actions et autres, en sachant et c’est là où  c’est très important, que c’est pas la vérité ou la seule vision possible, mais qu’on peut en avoir  une autre, et puis que si l’élève pense autrement, il a le droit de penser autrement, et qu’il est 

pas obligé de penser comme moi parce que moi je suis l’enseignant et puis j’ai le savoir alors  qu’on n’a pas le tout savoir  

 

Questionnement sur la neutralité  

C’est vrai que la neutralité ça m’a beaucoup questionné et j’y ai beaucoup pensé et c’est vrai  alors qu’on est pas neutre, je pense, quand on enseigne ou quand on est avec des élèves, mais  c’est important de leur montrer que si je pense quelque chose ou si j’ai une conviction, les autres  ne sont pas obligés d’avoir la même conviction que moi. Avec le recul, en ayant réfléchi, c’est que  tout est envisageable et puis il faut laisser l’opportunité et puis le choix, voilà,  mais être neutre  je pense effectivement qu’on ne  l’est pas forcément  

 Je crois que dans ces moments‐là on fait, en tout ca moi je faisais comme je pouvais, enfin là je  ne réfléchissais pas vraiment, je crois que non, je n’ai pas dû me poser la question… Je crois que  je n’y ai jamais pensé, je pense que la première fois que j’y ai pensé c’est quand vous m’avez  posé la question. C’est vrai que je n’ai jamais réfléchi à cette question d’être neutre ou pas, et  c’est vrai que ça m’a questionné mais ça ne m’a jamais effleuré, de savoir si je devais être neutre  ou pas neutre, comment j’étais par rapport à mes élèves 

 

Réflexions sur l’enseignant  

Je n’y pensais pas à ce moment, d’être neutre, d’écouter l’enfant mais de pas juger, de pas dire  ce que moi je pensais… 

 On pouvait pas dire tes parents sont vraiment à côté de la plaque, donc il fallait  quand même  qu’on garde une certaine retenue face aux enfants, parce qu’aussi toxiques que leur parents  étaient, ça restaient leurs parents, donc on n’avait pas le droit de leur dire que leur parent  avaient des attitudes inadmissibles, donc on devait quand même rester neutre. Mais c’est vrai  que je n’avais jamais pensé sous le terme de neutre ou pas, mais face à l’enfant on n’avait pas le  droit de juger de la situation  

Alors au début c’était difficile, parce qu’affectivement on rentrait beaucoup dans la situation des  ces enfants là et puis pour arriver à cette entre guillemet neutralité, il fallait sortir du plan  affectif, et c’est vrai qu’il y avait toute une notion d’affectivité qui fallait qu’on sorte, parce que si  on restait sur le plan affectif on ne pouvait que réagir face à ce qu’ils vivaient, mais ça ne leur  aurait rien apporté, ça n’aurait pas arrangé la situation, donc fallait qu’affectivement on se  détache  

A force, petit à petit on apprend à ne plus s’investir autant de manière affective. Alors on  s’investit différemment, ça ne veut pas dire qu’on se détache de l’enfant et puis qu’on est froid,  mais on a une relation de confiance, on l’établit avec l’enfant, mais affectivement on essaie de  s’en détacher, pour ne pas réagir de manière trop forte 

 

Analyses   

Parce que je me suis dit dans un premier temps « mais oui en tant qu’enseignant on doit être  neutre ». On est neutre, on essaie de vraiment l’être et puis finalement notre avis il transpire  quand même. C’est terriblement difficile d’être neutre, et puis finalement est‐ce que ce n’est pas  aussi important que l’élève sache que nous on pense quelque chose, en leur présentant toutes  les facettes qu’il y a. Voilà moi je pense que c’est plutôt comme ça, donc j’ai une position qui  n’est pas neutre  

Ce qu’on pense finalement on l’induit d’une manière ou d’une autre, même si on présente toutes  les palettes ou bien toutes les possibilités. On a notre vécu, il est là et puis on ne peut pas passer  outre je crois. On fait avec ce qu’on est, ce qu’on pense et ce qu’on croit. Le choix, il est libre  Je n’ai pas été neutre dans certaines médiations, lorsque c’était pour que la médiation avance  plus rapidement, peut‐être, je ne sais pas mais je sais que dans des médiations je n’ai pas  forcément été neutre. Par contre où ça me paraît plus simple d’être neutre, c’est quand un élève  pose une question, qu’ils nous demandent quelles sont les différentes possibilités. Je crois que là,  quand on a à énumérer plusieurs possibilités, je crois que là c’est plus facile de ne pas transcrire  ou de ne pas montrer laquelle est la sienne. Mais je crois quand même qu’inconsciemment ils  doivent sentir celle qu’on celle qu’on préconise  

Mais alors je crois que ce n’est pas un choix délibéré je n’arrive pas à me dire que c’est un choix  délibéré, je crois que c’est certaines circonstances, j’ai été peut‐être plus neutre que dans  d’autres, mais pourquoi je ne sais pas et comment je ne sais pas. Je crois que c’était comme ça. 

Alors effectivement peut‐être que quand je voulais vraiment qu’on arrive à un résultat, là je crois  qu’on induit quand même beaucoup plus et puis on est beaucoup moins neutre. Je crois qu’il y a  peut‐être un facteur temps, qui fait qu’on veut arriver à une solution, on va presser dans le sens  qui nous paraît le bon, et puis peut‐être que quand on a n’a pas le facteur temps et que ce n’est  pas important, qu’on n’a pas une décision à prendre, qu’on a rien, qu’on discute, là je crois que  c’est plus facile. En tout cas je n’ai pas l’impression pour moi que c’est un choix délibéré et je me  dis « là je vais être neutre et puis là je ne vais pas être neutre »  

   

Le mot‐clé suivant, bien que présent de manière importante durant tout l’entretien,  n’est retenu formellement que lorsqu’il est demandé à Florent de résumer ce qu’est  pour lui la neutralité. Il répond ainsi : « ne pas juger ». Ce terme est le plus significatif de  la posture de Florent, et résulte de techniques qu’il a apprises et mises en place au fil  des années. 

     

3ème mot‐clé : « ne pas juger»  

Alors la neutralité je crois que pour moi, ce qui est important comme je l’ai dit plusieurs fois,  c’est de ne pas juger c’est de ne pas juger et puis pour l’enseignant c’est vrai, c’est offrir toutes  les palettes en restant quand même un peu en dehors  

   

Explications des types de neutralité 

Je pense qu’il y a différents types de neutralité. Il y a des moments où c’est très facile d’être  neutre, parce que c’est des données qui sont très techniques, donc là finalement c’est très facile  d’être neutre. Et puis dès qu’il y a une part d’affect, dès qu’on est touché personnellement, je  crois que là c’est plus difficile d’être neutre. Si on arrive à se détacher affectivement de la  situation, de la question ou du problème, c’est plus facile d’être neutre et de ne pas prendre parti  pour un côté ou l’autre. Quand on est pris affectivement je crois que là, en tout cas pour moi  c’est très difficile, et c’est pour ça que j’ai toujours essayé, quand il y avait des situations comme  ça, de ne pas trop m’impliquer affectivement, parce que l’aspect affectif brouille les cartes. Du  moment qu’on entre dans l’affectif, on ne peut plus être neutre, quelque part ça nous touche  donc notre vécu, nos croyances  

 

Explications de techniques liées à la neutralité  

Parce que il y a un cadre qui est bien défini et qui est clair, donc peut‐être est‐ce que le cadre et  puis la forme qu’on met, du moment qu’elles [règles] sont claires pour tout le monde je pense  c’est plus facile de rester dans le cadre qu’on s’est fixé et puis d’être peut‐être plus facilement  neutre  

Ce canevas, les questions qu’on posait aux enfants, je pense que ce canevas nous permettait de  rester le plus neutre possible, du moment qu’on suit vraiment le canevas de manière très  technique, parce qu’on suit une technique, il y a un protocole et ce protocole permet et nous  demande de rester neutre. On ne donne pas notre avis, on répète, on redit ce que dit l’enfant,  mais notre avis n’intervient pas et je pense que le protocole clair permet de rester en dehors  aussi…  

Je crois que tout ce qui est l’émotion, quand on est vraiment dans l’émotion, c’est comme quand  on est dans l’affect, c’est la même chose, on n’est plus neutre, on ne voit que notre point de vue,  on n’arrive pas à faire la part des choses et puis à se dire : « quelles sont les autres solutions,  quels sont les autres cheminements possibles » 

     

Résumé des éléments issus du message que Florent transmettrait à un(e) jeune collègue  Savoir prendre du recul, savoir se mettre en deçà de la situation, de ce qui se passe pour pouvoir  analyser le plus sereinement possible 

Sortir de l’aspect affectif et puis ne surtout pas juger, parce que quand on juge alors là  effectivement on n’est pas neutre, et puis ça ne fait rien avancer  

C’est prendre du recul, pour que ce ne soit pas nous qui le tirions avec nos idées nos solutions,  mais c’est poser les questions ou les items de telle manière à ce que l’enfant trouve lui‐même ses  solutions sans que ça soit nos solutions. C’est toujours le remettre en tant qu’acteur, dans le  changement de sa situation et pas simplement spectateur ou consommateur d’une solution  qu’on va lui donner parce qu’on pense que c’est la bonne  

 

4.1.2.2. Les conceptions de Norbert49 : 

La manière dont se développent les considérations de Norbert au sujet de la neutralité  est fort intéressante, car elle ne se déroule pas de façon continue et progressive. Le  cheminement de Norbert représente, en effet, le type de réflexion dans laquelle on se  heurte à des obstacles, on essaie des chemins qui s’avèrent des impasses, on tente des  définitions  qui  ne  conviennent  pas  entièrement,  pour  finalement  retourner  au  fondement  de  nos  représentations  initiales.  Chez  Norbert,  des  interrogations,  des  doutes et des contradictions apparaissent ainsi, car le concept de neutralité le dérange,  fragilisant parfois ses propres positions. Des luttes internes se dévoilent à travers de  nombreux exemples, s’articulant en général autour du contexte de classe. Norbert y  montre que la neutralité est impossible. Ce n’est d’ailleurs pas lui qui introduit cette  notion dans  l’entretien, mais il la reprend cependant par la suite.  

Ce participant mentionne le premier mot‐clé : « être juste » dès qu’il lui est demandé de  parler de la neutralité. Par ce terme, Norbert définit ce qui le préoccupera durant tout  l’entretien : « Oui je suis juste avec tous les élèves, …mais en fait je suis persuadé que je  ne le suis pas ».  

 

Le deuxième mot‐clé à être introduit rapidement à la suite « d’être juste » c’est « ne pas  prendre position », qui signifie dans un premier temps une position perçue comme  négative. Une nuance s’opère cependant durant l’entretien, Norbert indiquant qu’il  existe des situations pour lesquelles ne pas prendre position peut être positif : « Etre  neutre, justement, de ne pas prendre position, des fois j’aimerais bien, en fait ».  

Les propos de Norbert n’ont pas permis de déterminer des mots‐clés supplémentaires, 

Les propos de Norbert n’ont pas permis de déterminer des mots‐clés supplémentaires,