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Oncologie : Article pp.276-278 du Vol.1 n°4 (2007)

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Texte intégral

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EXTRAIT DE COMMUNICATION

Au sujet de ce qui se voile et se de´voile

V. Huet

C. Cuvello

Bonjour a` vous tous,

La premie`re fois que j’ai pris la parole pour une communication, a` juste titre, j’ai e´te´ interpelle´e sur la question : « De quelle place parles-tu ! » De quelle place pouvais-je bien parler ? Je pourrais e´noncer ma place professionnelle en tant que coordonnatrice du re´seau de soin pour le cancer Oncazur, celle de la psychologue clinicienne ayant fait le choix de travailler en cabinet prive´, et la vignette clinique que je vais de´rouler ici se situe pendant ce temps de travail en cabinet de ville, au sens psychanaly- tique, puisqu’il met au travail du coˆte´ de l’inconscient.

De quelle place je parle ici devant vous ? J’ai envie de dire : celle dont je « mot ‘‘aurise’’ » !

Cancer et sexualite´, un the`me aussi pre´cis que vague, qui questionne, autant qu’il re´unit

Qu’entendons-nous par cancer, par sexualite´ et selon quel champ ?

Les deux se taisent, effraient, voire sont source de culpabilite´, de honte... Les deux articulent des sentiments ambivalents, divisent, se cachent et par la` meˆme donnent a` voir. Rien n’est-il plus pre´sent qu’une absence ?

Quelques mots pour de´velopper ce the`me rele`vent de l’impossible et laissent possible un questionnement.

Je de´roulerai mon propos a` partir d’une vignette clinique te´moignant d’une rencontre avec une femme

pendant ce temps de travail en cabinet de ville, dans le cadre d’un re´seau d’oncologie.

Vignette clinique

Madame « F » que nous pre´nommerons « Fatima » consulte dans le cadre du re´seau Oncazur de soins psychologiques en cance´rologie, mis en place a` la suite de la mesure 42 du Plan Cancer national en mars 2003.

Le cadre est pose´ et accepte´ par Madame « F », a` savoir quatre entretiens cliniques en cabinet de ville dont le re`glement s’effectuera sous forme de de´rogations tarifaires pris en charge par le re´seau, pouvant eˆtre renouvele´s une fois, soit un total de huit entretiens, toute poursuite de the´rapie intervenant alors dans un cadre de psychothe´rapie avec un financement personnel.

Madame « F », adresse´e par son me´decin ge´ne´raliste, se dira angoisse´e, ayant e´te´ ope´re´e a` la suite du diagnostic d’un cancer localise´ au niveau du sein droit. « Ils ont juste nettoye´ jusque sous le bras. » J’apprendrai qu’il n’y a pas eu de mastectomie. Madame « F » se plaindra d’une grande fatigue, de grande sensibilite´ au niveau de la cicatrice, endroit qu’elle n’acceptait plus de laisser toucher par son mari : « Cela me fait mal, d’ailleurs, je n’ai plus envie. Je n’arrive plus a` me regarder. Mes seins pour moi, j’en e´tais fie`re. Maintenant je ne peux plus me montrer nue. Je dors cache´e et avec un soutien-gorge. Il y a une cicatrice. Je n’ai plus de de´sir physique. Je ne veux pas que mon mari me touche. Personne ne me comprend, ma famille ne prend pas de mes nouvelles, je me sens seule. » Monsieur « F », ayant demande´ a` me rencontrer, confirmera ce manque de de´sir exprimant le comprendre mais dira que cela devenait difficile a` vivre au sein de leur couple affirmant : « Je fais tout pour elle, je l’accompagne partout. Elle ne semble pas comprendre que je dois travailler et qu’il m’est difficile de quitter mon travail pour l’accompagner aux rendez-vous sans arreˆt. Elle ne travaille pas, c’e´tait un choix, mais, pour assumer notre train de vie, nous avons une grande maison, je dois travailler pour deux. »

Vale´rie Huet (*)

Psychologue clinicienne et coordonnatrice Oncazur Psychologie, Faculte´ de me´decine 28, avenue de Valombrose, 06107 Nice cedex 2 E-mail : valeriehuet06@yahoo.fr

Corinne Cuvello (*)

Psychologue clinicienne APHM, coordonnatrice Oncorep Psychologie. Charge´e de l’harmonisation du volet « e´tablissement » pour Oncopaca Psychologie

Laboratoire PsyCLE´, Universite´ de Provence, Aix-en-Provence, France E-mail : corinne.cuvello@wanadoo.fr

Psycho-Oncologie (2007) 1: 276–278

©Springer 2007

DOI 10.1007/s11839-007-0050-0

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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Madame « F » se pre´sentera issue d’une grande famille maghre´bine. Son pe`re e´tait le « cheik » du village ou` elle a passe´ son enfance et son adolescence, le positionnant d’emble´e en position de chef respecte´ et intransigeant, avec lequel il e´tait difficile de parler mais dont la famille devait montrer socialement l’exemple. L’image de la femme ve´hicule´e par son e´ducation e´tait celle d’une personne efface´e, voile´e, dont la sexualite´ n’e´tait ni montre´e, ni parle´e et ve´cue comme un interdit.

A` la suite du divorce de ses parents, pre´sente´ comme un coup d’e´clat de sa me`re, e´voque´e comme une femme moderne, ouverte, volontaire, aimant ses enfants, elle immigrera avec ses fre`res, sœurs, et sa me`re en France dans le Midi. Madame « F » se mariera a` 20 ans pour sortir du milieu familial et de cette union naıˆtront une fille et un garc¸on d’une grande sensibilite´... comme elle. « De la sexualite´ je ne connaissais rien. J’ai toujours eu un proble`me pour me de´voiler. Dans ma famille, c’e´tait tabou, on n’en parlait pas. Les femmes ne devaient pas se montrer de´veˆtues. Mais, depuis l’ope´ration, c’est pire. Je n’arrive plus a` me montrer nue a` mon mari. Meˆme pour dormir, et je garde toujours un soutien-gorge. Moi, j’e´tais fie`re de ma poitrine. La piscine, quand il y a du monde je ne peux pas me mettre en maillot de bain, je reste habille´e devant les autres. Mon mari, je ne supporte plus qu’il me touche, je n’arrive pas a` lui en parler. Le seul endroit ou` je suis bien, c’est dans mon atelier de peinture. Je peins.

J’aime cela. Je peins des tableaux... Des femmes nues... en y re´fle´chissant, ces femmes me ressemblent toutes. Et elles ont une belle poitrine, et des cheveux longs. Cet atelier, c’est le mien. Je n’aime pas que les autres y viennent. Mon fils, il faut qu’il me demande et qu’il reste tranquille, sinon il me de´range, il touche a` tout. Quand je peins, j’ai besoin de calme. Mon mari ne me comprend pas. Moi, je pense aux autres, toujours. Ma maison est toujours ouverte.

J’aime quand il y a du monde. Mais, maintenant, j’apprends a` devenir e´goı¨ste, a` penser a` moi... La radio- the´rapie, cela me fatigue. J’ai une fille. Elle ne me demande jamais de mes nouvelles. On n’aborde pas le sujet. Ce cancer, elle n’en parle pas. Elle fait comme si de rien n’e´tait. »

A` la fin des se´ances de radiothe´rapie, ce qui correspon- dra au dernier entretien dans le cadre du re´seau, Madame

« F » se dira soulage´e, les re´sultats e´tant bons : « J’ai eu de la chance, a` l’hoˆpital je discutais avec des personnes qui e´taient plus mal que moi avec des traitements lourds.

Maintenant, je me sens mieux, je suis gue´rie. Venir ici me faisait du bien. C’est la premie`re fois que je pouvais parler, mais je ne veux plus penser. J’ai peur que mon mari se lasse et aille voir ailleurs. Je vais aller voir un sexologue. »

Discussion

Le cancer, qu’est-ce que cette chose-la` ? On pourrait faire l’hypothe`se qu’il questionne en tant que quelque chose qui vient faire irruption dans la vie, une maladie, un

de´veloppement anarchique de cellules qui ne sont pas be´nignes, mais malignes, de quelle ligne s’agit-il ?

Ce cancer qu’on prononce difficilement, pour preuve maintenant on dit oncologie, pour tenter de tromper, tromper qui quoi ? N’est-ce pas leurrer ?

Ce cancer, trauma dans le sens freudien, articule´ dans la parole comme avant et apre`s. Ce cancer questionne la vie, car il met en avant la question de sa propre fragilite´, et sa propre « finitude », en bref sa mort. Quoi de plus angoissant que la mort, ce dont je ne sais rien, mais qui peut eˆtre a` entendre du coˆte´ de sa propre castration dans la re´alite´ et a` placer du coˆte´ de l’« inentendable ».

La sexualite´ ? Qu’entendons-nous par sexualite´ ? Le fait d’eˆtre un eˆtre sexue´, homme, femme, comment je me vis en tant que tel, ou bien sexualite´ en tant que rapport du sexuel entre homme et femme ou ge´nitalite´, Lacan affirmant qu’il n’y a pas de rapport sexuel.

La psychanalyse a inscrit le rapport a` la sexualite´ au centre de l’expe´rience humaine [2] et de sa proble´matique, c’est-a`-dire en tant que traumatique et source de conflits psychiques, et si la sexualite´ se manifeste comme un symptoˆme c’est parce que quelque chose viendrait faire obstacle a` une satisfaction, quelque chose qui se de´roberait au sujet dans son effort pour le re´aliser, marquant celui-ci d’une faille, d’une limite qui seraient aussi a` reconnaıˆtre comme constitutives de la subjectivite´ meˆme. En re´fe´rence a` Freud [4], la sexualite´ serait le domaine ou` l’eˆtre humain ne pourrait se constituer que comme sujet marque´ d’une ignorance, d’un non-savoir de ce qu’il est lui-meˆme a`

l’inte´rieur de ce champ, que nous nommerons « incons- cient » introduisant en cela une relation tre`s e´troite entre sexualite´ et inconscient.

Et puisqu’il faut faire court, je ne vais pas revenir sur l’histoire de la naissance de la psychanalyse, mais la sexualite´ sera entendue comme traumatique, ouvrant sur le refoulement.

Alors cancer et sexualite´ ne seraient-ils pas deux traumas qui rentreraient en re´sonnance, le cancer e´tant alors entendu comme l’e´ve´nement traumatique re´actuali- sant un premier trauma refoule´, la sexualite´ dans ce qu’elle a de traumatique.

Comment Madame « F » tente-t-elle de re´soudre la question de son propre rapport sexuel ?

Son syste`me familial, ses origines ethniques font de la sexualite´ fe´minine une chose a` cacher, qui se voile, objet social de tentation et de honte, et j’utilise ici a` juste titre le terme d’objet. La sexualite´ fe´minine et tout ce qui la repre´sente e´tant objectalise´s.

Dans un rapport conflictuel, Mme « F » tente de se soustraire a` ce qui se voile en en de´voilant par l’interme´diaire des repre´sentations sur la toile cet objet pulsionnel partiel, cette chose qu’elle ne s’autorise pas a` montrer en public, exprime´ sur cet espace transitionnel procure´ par l’expression artistique ou` elle ose de´voiler aux

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regards ce que sa culture lui impose de cacher, d’une faute imaginaire source de culpabilite´ ve´hicule´e par le social. Ce sein, par le biais de l’expression artistique, elle le peint, le de´voile, l’exhibe tel un phallus, repre´sentation de son image du corps fantasme´e. L’image du corps e´tant entendue comme une repre´sentation inte´gre´e comportant une dimension biologique, une dimension libidinale et une dimension sociale. Paul Schilder [6] inventera l’expression image du corps en de´signant par la` une repre´sentation a` la fois consciente et inconsciente du corps. L’expression ne de´signe pas seulement une connaissance physiologique, mais renvoie e´galement au concept de libido et a` la signification sociale du corps.

Franc¸oise Dolto [3], quant a` elle, mentionne une image inconsciente du corps : il s’agit dans un premier temps d’une notion de personnalite´, mais Dolto de´finira ensuite l’image inconsciente du corps comme « incarnation symbolique inconsciente du sujet de´sirant ». Le concept psychanalytique de l’image du corps en fait l’he´ritie`re des investissements libidinaux infantiles, les repre´sentations du corps dans ses aspects fantasmatiques et libidinaux.

Ainsi e´mergera le symptoˆme, le signe de ce qui ne va pas dans le re´el, et qui touche toujours au corps, et donc a` son image puisque c’est tout ce que nous en appre´hendons.

Nos symptoˆmes, ces « e´ve´nements du corps », disait Lacan, et le cancer pourraient eˆtre entendus en tant que symptoˆme venant faire e´ve´nement, voire identite´, ce symptoˆme donc s’enracinerait dans l’imaginaire contem- porain. Loin d’eˆtre intemporel, il emprunterait son enveloppe formelle a` des courants sociaux qui le fac¸onneraient.

Mais ce cancer alors, me direz-vous ? Son cancer et pas n’importe lequel, car il touche cet objet partiel, cette zone

e´roge`ne qu’est le sein, ce bon sein ou ce mauvais sein, c’est selon. Celui qui « nourrit » les fantasmes. Ce sein viendrait faire division. Par le cancer, il viendra faire « e´ve´nement au niveau du corps », il sera touche´, ope´re´, il en garde une cicatrice, puis soumis a` de la radiothe´rapie il sera bruˆle´, ainsi de´voile´ au regard de la science, au me´dical. Ce cancer sera amene´ dans le discours comme une excuse pour mettre a` distance le rapport ge´nital source de conflit, mais autorisera le sujet a` se saisir de son rapport aux autres, sexuel et faire identite´. Pour Mme « F », en acceptant de venir en parler, introduisant alors du langage, on pourrait avancer que si le phallus est la forme sous laquelle l’impossibilite´ de la jouissance sexuelle se trouve pouvoir prendre fonction dans le langage, on peut alors dire que c’est lui qui maintiendrait cette be´ance du champ ou` se de´ploie tout le symbolique, la culture s’e´difiant autour de ce vide que devient l’eˆtre parlant la jouissance sexuelle « de ce qui se voile par le biais du fantasme et se de´voile au sujet de sa subjectivite´ ! ». Mme « F » conclura alors nos rendez-vous par ces propos : « Je vais aller voir un sexologue ! » annonc¸ant alors qu’elle irait voir ailleurs, tentative de combler sa crainte que son mari aille voir ailleurs, elle-meˆme s’autorisant alors a` aller voir ailleurs laisser e´merger le de´sir !

Re´fe´rences

1. Assoun PL (1997) Corps et symptoˆme, Tome 2, Corps et Inconscient.

Anthropos

2. Dictionnaire de la psychanalyse (1997) Albin Michel, Encyclopædia Universalis, France

3. Dolto F (1984) L’image inconsciente du corps. Seuil

4. Freud S (1905) Trois essais sur la the´orie sexuelle. Folio Essais 5. McDougall Joyce (2003) The´aˆtre du corps. Folio Essais 6. Schilder Paul (1968) L’image du corps, Gallimard 278

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