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Oncologie : Article pp.213-214 du Vol.1 n°4 (2007)

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E´DITORIAL

Sexualite´ psychique ou fonctionnelle ?

M.-F. Bacque´

La sexualite´ est a` la fois la dimension la plus intime et la plus exhibe´e de notre vie humaine aujourd’hui. Il n’est qu’a` voir comment l’univers de notre travail est envahi par elle avec les spams et la taille du pe´nis de ces messieurs ! De la sexualite´

« fonctionnelle », me direz-vous... De la sexualite´ commer- ciale qui cherche a` faire des profits sur le dos de l’impuissance et de certaines perversions. De la sexualite´

ste´re´otype´e qui donnerait a` croire que l’amour se re´duit a` la fonction et la fonction a` la taille de l’organe masculin ! Cette vision tronque´e de la relation aux autres nous laisse froids, tristes ou indiffe´rents. Elle montre cependant que nous supportons mal la limitation de la sexualite´ au plaisir d’une zone corporelle, elle comprend aussi cette part de l’intimite´ psychique qui correspond a` la sublimation des pulsions sexuelles. Sublimation qui va de l’amour du beau a`

l’acceptation des valeurs morales et sociales contemporaines.

La sexualite´ inclut aussi bien l’identite´ sexuelle, les variations temporelles de l’image de soi et celles du de´sir, la manie`re dont on e´tablit son rapport e´rotique aux autres, les fantasmes qu’on e´met dans leur direction.

La sexualite´ fait aussi son entre´e dans la me´decine.

Longtemps, elle ne s’est inte´resse´e qu’a` la pathologie des organes sexuels et aux conse´quences des maladies ve´ne´riennes. Bien connues, elles donnaient lieu a` autant de bizarreries the´rapeutiques que de compassion.

Aujourd’hui, la me´decine veut s’ouvrir a` la sexualite´

normale, a` celle du sujet en bonne sante´... jusqu’a` ce que les cancers ne fassent leur apparition.

La voila` donc livre´e a` une se´rie de contradictions qui s’e´noncent dans autant de messages paradoxaux :

– aborder la sexualite´ fait partie de l’approche globale de la personne et pourtant la me´decine a tendance a` se limiter au dysfonctionnement d’organes ;

– questionner sur la sexualite´ devrait faire partie du roˆle du cance´rologue mais, en meˆme temps, le respect de l’intimite´ re´clame discre´tion et de´licatesse face aux blessures de la maladie et des traitements ;

– la me´decine aimerait pre´server la bonne marche des organes sexuels, cependant, dans les cas irre´versibles, il vaudrait mieux accepter la castration (re´elle et fantasmatique) ;

– il existe des priorite´s. Certains patients doivent choisir entre avoir un be´be´, avoir du plaisir et risquer une mort pre´coce ;

– la pulsion de vie est-elle compatible avec la pulsion de mort ?

– n’y a-t-il pas opposition entre penser rationnelle- ment la sexualite´ et e´prouver du de´sir ?

– le me´decin n’e´tant pas moins homme ou femme, ou` ranger ses propres pulsions en cas d’identification ?

Jusqu’a` pre´sent, ces contradictions ont conduit a` un certain clivage : les me´decins s’occupaient du dysfonc- tionnement sexuel et les infirmie`res et psychologues de la question intime de la sexualite´ psychique. L’e´volution de l’e´quipe soignante, tout comme celle du patient-usager en ont de´cide´ autrement. Comme la question de la sante´, qui apparaıˆt lorsqu’elle vient a` manquer, la sexualite´ a tendance a` se manifester plus ou moins bruyamment lorsqu’elle n’existe plus. Les chiffres sont alarmants.

Re´cemment effectue´es, les e´tudes portant sur les dysfonc- tionnements sexuels des femmes atteintes de cancers gyne´cologiques ou sur les hommes atteints de cancers de la prostate font e´tat du quart de la population pour les femmes, des trois quarts pour les hommes. Les conse´- quences psychologiques sont encore plus intenses en termes de de´pression. Mais cette fois, non seulement les malades sont de´prime´s mais de plus leurs conjoints e´galement, voire plus comme dans le cas des compagnes (76 % de troubles de´pressifs) dont le mari a un cancer de la prostate (70 % de troubles de´pressifs). Enfin, les antide´presseurs et nombre de me´dicaments psychotropes ont un impact sur la sexualite´. Nombreux sont donc les

M.-F. Bacque´ (*)

Universite´ Louis Pasteur, de´partement de psychologie 12, rue Goethe, F-67000 Strasbourg, France

E-mail : mfbacque@club-internet.fr Psycho-Oncologie (2007) 1: 213–214

©Springer 2007

DOI 10.1007/s11839-007-0041-1

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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facteurs de limitation de la sexualite´ dans les cancers (et pas seulement dans les cancers gyne´cologiques).

Outre la sexualite´ d’avant la maladie (qui, en fonction de l’aˆge, peut de´ja` eˆtre en berne) interviennent la menace de mort et l’angoisse (difficile de se de´tendre quand on pense que ses jours sont compte´s), la re´ve´lation trauma- tisante de la maladie grave, les conse´quences physiques des traitements, les conse´quences psychiques de l’isolement, de la culpabilite´, de la fatigue, enfin les proble`mes de communication de ses troubles ou de son trouble. Du coˆte´

des soignants, on retrouve quelques e´cueils : ne pas juger, ne pas conseiller, e´couter, ne pas normaliser. Alain Giami et son e´quipe posent tre`s bien la question des repre´senta- tions de la sexualite´, ve´hicule´es par tous. Elles affrontent les fantasmes personnels et les identifications. Elles conduisent souvent a` une tentative d’appropriation de la sexualite´ par le me´dical. Les e´tudes de qualite´ de vie, toujours bien intentionne´es, glissent un « module » sexualite´ comme d’ailleurs un module spiritualite´, dans leur check-list et reconnaissons qu’il serait dommage d’omettre cette dimension. Cependant le risque de non- conformite´ augmente, de meˆme que le re´ductionnisme d’une notion complexe a` quelques donne´es, meˆme limite´es dans le temps. Parfois cette e´valuation des dysfonctionnements sexuels fait penser a` l’envers de la pornographie mais ici l’amplification des performances serait remplace´e par le maintien des fonctions me´caniques de cet homme-machine ou de cette femme-machine. Alors que certains patients se rattrapent du coˆte´ de l’amour courtois et voudraient qu’humour et reˆverie remplacent

ce qui ne fonctionne plus, d’autres peuvent aussi s’abriter derrie`re leur handicap en voyant dans cet arreˆt force´ la halte bienvenue qu’ils attendaient. De part et d’autre de la barrie`re, l’approche me´dicale et oncologique est complexe.

Parler ou ne pas parler ? Certains patients le re´clament, d’autres aimeraient qu’on leur tende une perche par l’interme´diaire d’une seule question qui leur permettrait de de´velopper leur proble´matique personnelle puis de commencer a` mettre en place des solutions. Si l’infor- mation est ne´cessaire et requise par la loi, c’est encore le

« comment le dire ? » qui se pose pour les me´decins.

Posons-nous des objectifs. Premie`rement, la prise de conscience de tous les soignants. Elle commence avec ce congre`s et ce nume´ro de Psycho-oncologie qui fait le point sur des travaux qui ont commence´ syste´matiquement dans les trente dernie`res anne´es. Deuxie`mement, l’infor- mation de la population ge´ne´rale qui, devant l’augmen- tation des cancers, peut se pre´parer a` rencontrer pour elle-meˆme et ses proches la question de la sexualite´. La Ligue contre le cancer, les associations de femmes n’he´sitent pas a` mettre en avant, et souvent de fac¸on provocante et artistique, leurs doutes ou leurs re´voltes, enfin le travail en groupes informatifs et the´rapeutiques a` l’hoˆpital permettrait aux malades qui le de´sirent de trouver un espace psychique pour leurs interrogations.

Information, dialogue, e´change, me´diation, e´coute, suivi, travail sur soi et sur la relation sont les maıˆtres-mots de ce the`me difficile au carrefour du corps sexue´ par la psyche´...

mais ne serait-ce pas l’inverse ? Encore un vaste de´bat !

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