FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1896-1897 N° 85
DES
LIPOMES OSTEO'PEKTH
DU
CUM ET DE LA COLONNE VERTEBRALE
THÈSE rODt LE DOCTOE1T EH MEDE
Présentée et soutenue publiquement le 26 mai 1897
PAR
Anselme MOUNIG
Né à Lézignan (Hautes-Pyrénées) le 27 Février 1858
MM. MASSE, profes.,Président.
n , i , ,, . / DEMONS,professeur 1
, Examinateurs de la these...
aUCHÉ, id. Juges.
( BRAQUÉHAYE,
id.)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses
parties de l'enseignementmédical.
. BORDEAUX
IMPRIMERIE NOUVELLE DEMACHY, PECH ET C.ie
46 — RUE CABIROL — 46 1897
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE 01 BORDEAUX
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS :
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AZAM
I P^fesseui»8 honoraires.
Clinique interne Clinique externe ...
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Pathologie et Théra¬
peutiquegénérales.
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RIVIÈRE.
DENIGÈS.
LeSecrétaire de laFaculté, LEMAIRE.
Par délibération du o août -1879, la Faculté a arrêté que les
opinions émises dans les
thèses quilui sont présentées doiventêtre
considérées
comme propresà leurs auteurs et qu'elle
n'entend leurdonner ni approbation niimprobation.
A MON PÈRE ET A MA
MÈRE
baible hommage de la pins profondereconnaissance etdeVaffection
la plus vive.
A MON FRERE ET A MA SŒUR
Très affectueusement.
A MON PARRAIN ET A MA MARRAINE
Témoignage demagratitude.
A TOUS MES PARENTS — A TOUS MES AMIS
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
M. LE DOCTEUR
MASSE
Professeur de médecine opératoire àla Faculté de
Médecine de Bordeaux
A M. LE
DOCTEUR BRAQUEHAYE
Professeur agrégé à la Faculté de
Médecine de Bordeaux.
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INTRODUCTION
Nous nous proposons,
dans
cetravail, de faire l'étude
des lipomes
ostéo-périostiques du crâne et du rachis,
laissant ainsi de côté les lipomes
soit superficiels, soit
profonds,
qui peuvent exister dans les autres régions.
Ce sujet nous a
été inspiré
parM. le professeur agrégé
Braquehaye.
Qu'il veuille bien recevoir aujourd'hui
l'hommage de notre
vive gratitude pour l'intérêt qu'il
nous a toujours
témoigné et les conseils éclairés qu'il
nous a
prodigués dans la rédaction de notre thèse.
Nous ne saurions oublier M.
le professeur agrégé
Sabrazès,qui a
bien voulu
nouscommuniquer le résultat
de ses recherches concernant
l'anatomie pathologique
de deux observations que nous
publions dans ce travail.
Enfin que M.
le Prof. Masse veuille bien agréer toute
notre reconnaissance pour
l'honneur qu'il
nousa fait en
acceptantla présidence de notre thèse.
Nous n'oublierons pas non
plus M. Menier, étudiant
en médecine, qui a
traduit
pour nousun grand nombre
d'observations allemandes.
Nous tenons à lui en témoi¬
gner
toute notre gratitude.
DES
LIPOMES OSTÉO-PÉRIOSTIQUES
DU
CRÂNE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE
DÉFINITION
On donne le nom de lipome à des
tumeurs constituées par
dutissu graisseux.
Longtemps
confondues
avecles loupes, elles en furent
séparées par
Littre, qui
en1707, dans un mémoire lu à
l'Académie des Sciences, les distingua
et leur donna leur
nom. Depuis,
Cruveilhier
aproposé de leur substituer celui
d'adipome.
Les lipomes
peuvent être superficiels ou profonds. Des
premiers, qui sont pourtant les plus fréquents, nous ne nous
occuperons pas.
Parmi les lipomes profonds nous laisserons de
côté tous ceux qui ne
siègent
pas aucrâne
ousur la colonne
vertébrale, dans
laquelle
nous comprenonsle sacrum et le
coccyx.
Ces tumeurs sontsouvent
congénitales. Ce sont les plus inté¬
ressantes par leur
pathogénie et leur ahatomie pathologique.
Nous avions même
pensé
unmoment borner notre travail à
leur étude. Mais les
observations
que nous avonsparcourues
nous ont montré un grand
nombre de faits
que nousn'aurions
pu placer.
Lorsque
parexemple, un lipome se développe chez
un enfant pendant
les premières années de la vie, il est diffi¬
cile de dire s'il ne s'agit pas
d'un lipome congénital, qui a
passé inaperçutant qu'il
aété très petit et dont les parents
font remonter le début à l'époque où ils
l'ont remarqué
pour lapremière fois.Nous étudierons donc aussi les lipomes profonds acquis du
crâne et du rachis, tout en faisant observer que la plupart
d'entreeux sonttrès probablement congénitaux,
mais
queleur
développement nes'est
faitqu'à
unepériode plus
oumoins
avancée de la vie, comme celaa lieupourbeaucoupde tumeurs congénitales.
"Voici l'ordre que nous suivrons dans cetravail :
La première partie sera
consacrée
àl'étude
de ces tumeurs.Nous en indiquerons successivement l'historique,
l'étiologie,
la pathogénie, l'anatomiepathologique,
laclinique
et letraite¬
ment.
Dans la deuxième partie, nous' réunirons les
nombreuses
observations qui nous ontservi à rédiger notrethèse.
Nous donnerons ensuite nos conclusions. Enfin, comme la rédaction de ce travail nous a obligé à de nombreusesrecher¬
ches bibliographiques, nous avons cru être utile àceux que la question pourrait intéresseren mettant à la fin un index que
nous croyons à peu près complet.
\
PREMIÈRE PARTIE
HISTORIQUE
Lestumeursqui font le
sujet de notre thèse n'ont été spécia¬
lementétudiées que depuis une
quinzaine d'années.
Avant cette époque, on ne
trouve
quedes faits épars
signalant des cas
de
cegenre.La
première observation
que nousavons trouvée est celle de
Simon. Vers la même époque,
Bertrandi
encite
un cassem¬
blable. Puis c'estRoger qui
rapporte l'observation d'un lipome
crânien coïncidantavecdes lipomes
multiples.
Bientôtaprès,
Renard, dans
samonographie sur le lipome,
en donne plusieurs
exemples.
Nous trouvons encore des
observations éparses signalées
par Otto,
Chassaignac, Heyfelder, Steinhausen, Obré.
Cruveilhier, danssonTraité
d'anatomie pathologique géné¬
rale, en rapporte
plusieurs, les
unespersonnelles, d'autres au
contraire
empruntées
àdivers auteurs.
Signalons encore
le
casde Bruns et celui si intéressant
d'Athol Johnson (1857).
Lesobservations delipomesdu
crâne et du rachis deviennent
dès lors plus nombreuses.
Nous citerons seulement celles de
Fischer, de Fano
qui s'occupe du diagnostic différentiel de ces
tumeurs et deskystes
dermoïdes. Billroth, de 1860 à 1870, en
opèretrois.
Ajoutons encore
celles de Broca, de Richards, de Wheeler,
de J. Wood, de
Sydney Jones, et la discussion à la Société
— 12 —
anatomique de Paris, en 1881, sur le cas
de Reclus, àpropos
duquel Petiten cite unnouvel exemple.
Le premier
travail d'ensemble
surla question est celui de
Grosch. Cet auteuren a réuni 36 observations, dont plusieurs personnelles. Il
est vrai :qu'il n'étudie
queles lipomes qui
siègent sur le crâne;mais
cemémoire
assezcomplet permet
à l'auteurd'insister surplusieurs points, surtout sur
la saillie
dure qui entoure
la
basede
cestumeurs et
surles difficultés
qu'il peuten résulter pour
le diagnostic.
Dans l'étude qu'il fait de la
pathogénie, il insiste
un peu trop, à notreavis,
surl'influence
quepeut avoir le port du
chapeau dans leur
développement, lorsqu'elles siègent
auniveau du frontal.
Dansson Traité desaffections congénitales, le
Prof.
Lanne-.longue consacre un long
chapitre
auxlipomes congénitaux, et
parmiceux-ci, ilétudie
toutparticulièrement
ceuxqui siègent
au niveau du crâne et du rachis. Ce travail s'appuie sur de
nombreuses observations dont plusieurs lui sont
personnelles.
Il insiste surtout sur les difficultés du diagnostic entre ces tumeurs etleskystes crâniens, surtout les
kystes dermoïdes,
quand ilsontle même
siège.
Il montre queparfois leur évolu¬
tion rapide a pu en imposer pour une
tumeur maligne,
unostéo-sarcome. Il -est le premier qui ait
réuni les lipomes
développés au niveau de lacolonne vertébrale. Il montre
quepar bien des pointson
doit les rapprocher des lipomes crânièns.
C'est sous son inspiration que M.
Braquehaye
arapporté
a la Société anatomique de Paris (1894) deux nouveaux exemples de lipomes
adhérant
aurachis. Il s'agissait proba¬
blement, dans ses deux observations, de
méningocèles désha-
bitées, ayant subi une transformation
graisseuse.
Signalons encore
l'important mémoire
queChipault
afait
paraître toutrécemment
surles lipomes crâniens. Il donne
une étude assez complète deces tumeurs.
A côté de deuxfaits personnels, il a
groupé les observations
lesplus
intéressantes publiées jusqu'ici. C'est
untravail
cons¬ciencieux qui nous a, surbien des
points, facilité notre tâche.
Citons encore les études de
chirurgie médullaire du même
auteur (1893), dans
lesquelles
nous avonsrencontré plusieurs
observations se rapportant à
notre sujet.
Enfin nous avons encore
trouvé quelques^ renseignements
dans les traités classiques,
surtout dans le nouveau Traité de
chirurgiede Le Dentu
et Delbet, soit à l'article Lipome, soit à
ceuxdes Tumeursdu crâne etdu rachis.
Notre thèse est doncla
première qui traite
cesujet. Aussi,
si nous n'en avons pas fait une oeuvre
si parfaite que nous
l'aurions désirée, c'est qu'il est
difficile
pour undébutant de
créer delui-même un travail à la
fois complet et irréprochable.
_ 14 —
ÉTIOLOGIE
Les lipomes
ostéo-périostiques
sontles
unscongénitaux
etles autres acquis.
Les premiers peuventsemanifester
dès la naissance (Voir les
observations XVII (Fehleisen), XXVIII (Lannelongue), XLIV (Seerig), XXIX
(Chipault),
LI(Braquehaye), etc.),
ou ne se montrer que plusieurs mois, ou quelques années plus tard (obs. XLVII (Heinecke), LIX(Holmes), etc.)
La congénitalité est parfois difficile à trouver quand ces tumeurs demeurent petites, qu'elles restent stationnaires.
Elles peuvent alors passerplusou moins longtemps inaperçues
pour s'accroître
plus tard.
Les lipomes acquis ont peut-être pour
origine
les trauma-tismes. Chipault prétend que, par lui-même, ilne peut être la
cause première, lacause
efficiente
dulipome.
Si nous parcourons cependant quelques-unes des
obser¬
vations que nous avons recueillies dans notre thèse, nous trouvons que dans celle de Wahl (obs. XXV), par exemple, la
femme N..., trois ou quatre ans auparavant, s'était contu¬
sionné la région frontale qui devint par la suite le siège d'un lipome. De même,dans l'observationde Bergmann (obs. XXII),
nous voyons que le sujet s'était frappé le front trois ans
auparavant sur le rebord d'une porte ouverte.
Nous pourrions citer d'autrescas
analogues
que nous avons relevés dansnos observationspour démontrerqu'une contusion unique, bien nettement déterminée, paraîtparfois avoir suffi
>à amener le développement d'un lipome.
Leplus souvent, ce sontles
petits traumatismes répétés qui
en sontla cause.Tel estlecasdeslipomes
professionnels
qu'onobservechez les meuniers, chez les porteurs des halles.
Les lipomes ostéo-périostiques sont-ils
héréditaires? C'est
15 —
possible. Sinousnous rapportonsen
effet
auxdeux observations
de Renardpubliéesàlafin dece
travail,
nous voyonsla mère et
le fils porteurs tous les deux d'un grand
nombre de lipomes.
L'hérédité ne serait donc pas possible seulement,
elle serait
certaine et bien établie. Telle est d'ailleurs l'opinion de
Murchison et deSénac.
Leslipomes
ostéo-périostiques du
crâneet de la colonne
ver¬tébrale ont été réputés jusqu'ici comme
étant excessivement
rares. Mais c'est là sans douteune opinion
exagérée,
etil suffit
d'avoir l'attention attirée sur ce sujet pour voir que
leur fré¬
quence est plus
grande qu'on
nel'a dit jusqu'ici.
M. Braquehaye, depuis les deux
observations qu'il
apré¬
sentées à la Société anatomique de Paris, en a
réuni quatre
nouveaux cas, ce qui indique bienque ces
tumeurs sont loin
d'être exceptionnelles.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Les lipomes
ostéo-périostiques sont ordinairement simples;
cependant,par
les observations
quenousavonsrecueillies dans
notre travail,nous voyons que cestumeurs
peuvent être mul¬
tiples
(observations de Renard, LXYII et LXVIII; obs. XXIAr
de Rotter,etc.)- Cependant
les lipomes multiples sont le plus
souventsuperficiels.
On a parlé de
diathèse lipogène, de généralisation,
pourrendrecompte de cette
multiplicité. On
nepeut expliquer le
fait, onest obligé seulement de le
constater.
Le lipome est, en effet, une tumeur
bénigne et
nesaurait
par conséquent se
généraliser. S'il existe chez le même indi¬
vidu plusieurs lipomes, toutesces
tumeurs sont primitives, et
il neviendra àl'idée de personne de
considérer
cesnéoplasmes
multiples comme étant desnoyauxsecondaires d'un premier.
Les récidives, quand elles existent, et
c'est
unfait excessi¬
vement rare, puisquenous nel'avons
relevé qu'une seule fois
dans nos observations, ont lieu surplace et
doivent
sansdoute
être attribuées à une extirpation
incomplète de la tumeur.
D'ailleurs, en relisantavec soin les cas de
lipomes multiples,
qui, presque tous, sont
anciens et dont l'examen histologique
manque souvent,on peut se
demander si plusieurs d'entre
euxne sont pas plutôt des
névromes plexiformes,
oudes mollus-
cum fibrosum. On a cité des cas où cestumeurs existaient en très grand nombre.
Il en est d'autres où elles sont en petit
nombre, et alors
elles peuvent être souvent
doubles et symétriques. Nous
en rapportons nous-même unexemple (obs. XLIII de Reymond).
La forme deces tumeurs estvariable. Les unessont sessiles
et rattachées au périosteou àl'ospar une
large base. D'autres,
au contraire, sont pédiculées, et le
pédicule
peutêtre plus
oumoins long et plus ou moins
volumineux. Les
unesseront
détruites facilement avec des ciseaux, tandis que les autres
nécessiteront une intervention plus longue, une
dissection
plus minutieuse aveclebistouri.
Les lipomes
ostéo-périostiques sont sessiles
audébut et
restent tels pendant longtemps; sous
l'influence de leur
volume et de leurpoids, ils se
pédiculisent secondairement.
Un lipome
ostéo-périostique pédiculé
adonc toujours été
sessile à son début.
Leur volume est variable. Il y en a qui sont
petits", qui
ne dépassent pas la grosseurd'une lentille; mais il
y en ad'autres qui atteignent des
dimensions colossales,
comme nousen possédons un
exemple dans l'observation XXIV de Rotter.
Cette tumeur, qui avait
débuté
àl'âge de deux
ans,avait
atteint en trente-trois ans un volume énorme.
Partie du
pariétal gauche,elle avait entraîné
avecelle l'oeil et l'oreille
du même côté, et cette masse
volumineuse pendait jusqu'aux
genoux.
Presque toujours, ces
lipomes restent
peuvolumineux pen¬
dant un temps plus ou
moins long, s'accroissent
parla suite,
tantôt lentement etd'unefaçon régulière,
tantôt,
aucontraire,
brusquement,
après
untraumatisme,
parexemple.
Nous n'avons parlé
jusqu'ici
quede leurs caractères géné¬
raux; entrons
plus intimement dans leur vie propre et exami¬
nons leurs caractères particuliers et
leur constitution anato-
mique.
Nous avons dit que les lipomes- que nous
étudions siègent
souvent dans la couche
périostique du crâne et de la colonne
vertébrale.
Pour comprendre cette
localisation,
nousdevons dire quel¬
ques mots
de la structure du périoste.
Ce tissu est composé de
deux couches. L'une externe,
superficielle, comprend
:ln des faisceaux conjonctifs, des
— 18 —
fibres élastiques, des
vaisseaux abondants et des. nerfs. On y
rencontre aussi des cellules adipeuses
(1); 2°
unecouche
profondesubdivisée elle-même
endeux couches secondaires,
l'une profonde,
couche ostéogène,
sansintérêt pour nous,
l'autre superficielle
composée de fibres élastiques fines formant
des "mailles, qui logent
du tissu conjonctif pouvant parfois
s'infiltrer de graisse.
Il existe donc, dans les deux
couches du périoste, du tissu
graisseux à
l'état normal, et,
commenous l'avons vu précé¬
demment, certains
lipomes périostiques peuvent avoir cette
origine.
Peut-être est-ce justement à
la vascularisation si grande du
périoste
qu'on doit attribuer la présence à la périphérie de
ces lipomes d'une zone
très vasculaire, parfois même analogue
à un angiome,
qui
est,dans certains
cas,si gênante pour
leur extirpation.
Cependant,
nous avonsfait voir, dans la
pathogénie, qu'il est possible
quecertaines de ces tumeurs ne
soient que des
angiomes crâniens ayant subi la dégénérescence
graisseuse, ce
qui expliquerait cette vascularisation périphé¬
rique.
Un point
intéressant, dans l'anatomie pathologique des
lipomes
ostéo-périostiques, est la présence à la base de ces
tumeurs d'un bourrelet dur, de
consistance
osseuselorsqu'on
les palpe à travers
les téguments (observations XVII (Fehlei-
sen), XXI
(Grueter), XXVIII (Lannelongue et Ménard),
LI
(Braquehaye), etc.).
Ce bourrelet est quelquefois osseux,
le périoste voisin du
pied de
la tumeur ayant donné naissance à de l'os nou¬
veau.
Mais souvent aussi cette
consistance est due uniquement
au siège profond
du lipome. On sait, en effet, que lorsqu'on
injecte
de l'eau
audessous de l'aponévrose épicrânienne sur
un cadavre, on peut
obtenir cette sensation. C'est à un phéno¬
mène analogue
qu'est dû
cesigne relaté dans plusieurs
(1) Poirier.— Traité d'anatomiehumaine.
— 19 —
observations, où il est dit notamment, que pendant l'opéra¬
tion, on n'a rencontré aucun bourrelet osseux.
Cette sensation n'a été notée que pourles tumeurs siégeant
sur le crâne.
Parfois le crâne est perforé, comme dans l'observation Y (Heyfelder), et le pédicule contracte des adhérences avec les méninges crâniennes (obs. LX, Témoin).
Sur la colonne vertébrale, on peut trouver les mêmes dispo¬
sitions (obs. LXYI, Athol Johnson, et observation de Témoin déjà citée). On a vu le pédicule de la tumeur pénétrer dans le
rachis par un trou qui aurait laissé passer un doigt, et con¬
tracter des adhérences avec les méninges rachidiennes. —
Disons encore que les lipomes ostéo-périostiques, du moins quelques-uns d'entreeux, adhèrent à lapeau pardes tractus qui la font froncer quand on la pince (obs. XXVII, Lanne- longue). Tantôt alors on est en présence de lipomes diffus,
tantôt il s'agit d'adhérences contractées secondairement avec lestéguments.
Leur couleur est d'un beau jaune, et le plus souvent,pour reconnaître la nature de ces tumeurs, il n'est pas nécessaire
de recourir au microscope. Leur consistance est variable et dépend de la quantité de tissu fibreux qui entre dans leur
constitution. Ceux qui sont formés pardu tissu graisseux pur offrent une certaine mollesse qui peut donner une fausse
fluctuation.
Ceux qui contiennent du tissu fibreux en grande
quantité
peuventacquérir
unecertaine dureté. Il
y acependant des
exceptions à cetterègle.Les lipomes péricrâniens, d'après Cliipault, sont presque toujours composés de tissu graisseux pur et la présence du
tissu fibreux entravées ou en îlotsy est exceptionnelle.
Cette opinion nous paraît exagérée. Si l'on veut
bien
se reporter aux observations que nous avonsréunies
àla fin de
ce travail, on verra que le fibro-lipome est au contraire fréquent dans les lipomes
périostiques du
crâne etdu
rachis.
- 20 -
On reconnaît le lipomepur, en ce qu'il est
formé de vési¬
culesadipeuses, réunies en Ilots ou
lobules. Une lame mince
de tissuconjonctif sépare ces lobules
les
unsdes autres.
Chipault prétend que les lipomes
crâniens
nesont
que rare¬ment lobulés. Ilrésulte au contraire des cas que nous rappor¬
tons que cettelobulation est
fréquente.
Signalonsaussi uneforme
spéciale
delipome
quenousavonsnotée (obs. LXIII,
Braquehaye), dans laquelle la tumeur était
formée sur certains points de petits kystes
contenant de la
graisse à l'état liquide. Il est
vrai
quedans cette observation,
il s'agissaitd'un tératome.
Les lipomes
ostéo-périostiques
seprésentent tantôt
sousla
forme circonscrite, tantôt sous la forme diffuse. Il
semble
même que le lipome diffus soif plus
fréquent dans cette variété
que dans les lipomes
ordinaires.
Lescellules adipeuses vues au microscope se
montrent
sous formede petites massesarrondies, extrêmement brillantes. Sur
le bord de ces cellules est refoulé le protoplasma qui a pris
la forme d'un croissant, au milieuduquel011 aperçoit le noyau que l'on peut colorer
facilement.
Nous n'insisterons pas davantagesur
l'examen histologique
qui n'offre rien despécial dans les lipomes ostéo-périostiques.
Ces tumeurs peuvent subir quelques
modifications.
Parfois elles s'infiltrent de sérosité.
Dans certains cas ellessubissent la transformation calcaire.
C'est ainsi, par exemple, que chez
la malade qui fait le sujet
del'observation XLIX (Chipault), 011 voyait la tumeur
ulcérée
à«a partie inférieure et
présentant dans le fond de l'ulcération
une masse blanchâtreque le doigt et le stylet
permettaient de
reconnaître pour unepartie
calcaire.
Il ne faut pas confondre cette
dégénérescence calcaire
avecla présence de tissu osseux
qu'on rencontre dans certaines
tumeurs (dans certains
tératomes de la région
sacro-coccy- gienneparexemple).
Disons encore que ces lipomes peuvent
s'ulcérer, ainsi
quenous venonsd'en citer un exemple. Ils sont alors le
siège
d'un— 21 —
écoulement extrêmement fétide, ce qui est dû à
la décompo¬
sition des matières grasses dont est
formée la tumeur.
Les lipomes
ostéopériostiques peuvent-ils suppurer?
Nousn'en avons trouvéaucunexemple dans les
observations
que nous
rapportons; c'est cependant
unecomplication qui
peut
survenir à tous les lipomes, profonds et superficiels.
Ajoutons enfin que ces
tumeurs semblent essentiellement
bénignes et que
l'on n'a jamais noté leur dégénérescence
cancéreuse.
PATHOGÉNIE
Leslipomes ostéo-périostiqu'ës ont des origines multiples et
très différentes.
1° Dansune première variété, nous devons ranger ceux qui prennent naissance dans la
graisse périostique.
(Voir 1a, struc¬ture du périoste dans l'anatomie pathologique.) La graisse
contenue normalement dans ce tissu peut donner naissance à des lipomes, et ceux-ci n'ont
rien
despécial
et ressemblentauxlipomes périostiques des autres os (des os des membres, par
exemple).
2° La deuxième variété a pour origine les tératomes. Il
existe en effet des tumeurs spéciales siégeant au niveau du
sacrum et du coccyx (tumeur sacro-coccygiennes), qui sont
des tératomes typiques. Tantôt ces tumeurs contiennent des
organes nettement distincts (intestin, membres entiers,
etc.),
et tantôtces organes peuvent ne pas être différenciés, et alors
on peut, par exemple, ne trouver que du tissu
graisseux.
Des tumeurs de -ce genre ont été décrites par Lachaud [Thèse de Paris 1883),par
Griiber (Schmidfs
Jahrhuch, 1841),mais surtout dans l'excellente thèse deCalbet, 1893.
3° Dans unetroisièmevariété, nousplacerons les lipomes qui proviennentd'une
transformation adipeuse
desangiomes.
Les cellules graisseuses se déposenten grand nombre entre les vaisseaux et, par la compression,finissentparles oblitérer.
De telle sorte qu'à la place de l'angiome primitif il se forme
un lipome plus ou
moins vasculaire. Cette variété
a reçu lenom de nœvus lipomatode par Philippe von Valther. Aujour¬
d'hui ils sont plus connus sous le nom d'angiomes
lipogènes.
Selon toute probabilité, beaucoup de ces tumeurs ne sont que
23 —
d'anciens angiomes
congénitaux ayant subi la transformation
graisseuse.
Il existe des angiomes
cutanés et sous-cutanés ainsi que des
angiomes
profonds et viscéraux ; par conséquent nous aurons
des lipomes
superficiels et profonds et aussi des lipomes sous-
périostiques qui seuls
nousintéressent aujourd'hui.
Certaines tumeurs
vasculaires communiquant avec les sinus
peuvent
voir à
unmoment donné leur communication dispa¬
raître et subir alorsla
dégénérescence graisseuse.
Hutin (1) et
Dupont (2) ont décrit les premiers ces tumeurs
vasculaires qui
s'abouchent dans les veines du diploé ou dans
le sinus
longitudinal supérieur.
Une autre preuve à
l'appui de cette pathogénie, c'est que
beaucoupde ces
tumeurs sont extrêmement vasculaires à leur
périphérie. Dans certaines observations, il est même dit que le
tissu voisin formait un
véritable tissu caverneux analogue à un
angiome
(obs. XXVII, Lannelongue; XLIII, Reymond, etc.).
4° Dans une
quatrième variété, nous plaçons les kystes
dermoïdes qui ont
subi la transformation lipomateuse. Il est
possible
eneffet
queces kystes puissent subir cette transfor¬
mation. Il n'en existe aucune
observation, il est vrai, abso¬
lument certaine; mais
si l'on tient compte de ce fait, que ces
kystes
dermoïdes ont un siège absolument spécial et que cer¬
tains lipomes
congénitaux peuvent nailre au même point, au
niveaudelaqueue du
sourcil
parexemple, que ces deux genres
de tumeurs adhèrent
profondément à l'os par un pédicule,
que les unes
et les autres sont congénitales, on pourra penser
qu'il
n'y
arien d'impossible à ce que certains lipomes aient
cette origine.
5°La cinquième
variété
atrait auxméningocèles déshabitées.
Cette
pathogénie des lipomes profonds du crâne et de la
colonne vertébrale
est
unedes plus intéressantes; c'est elle
qui est
le mieux démontrée par les faits, car on trouve toutes
les transitions entre
les méningocèles et les lipomes. (Voir les
(1)IIutin. —Mérn. de méd. et
de pharm. milit., 2° série, t. XIV, 1854.
(2) Dupont. — Thèse 1858.
— 24 —
observations II, Reid; XLY, West"; XLVI, Larger; LI, Bra- quehaye.) M. Lannelongue a insisté sur cette
pathogénie.
M. Braquehave en arapportédeuxexemples àla Société anato- mique de Paris. Une de sesobservations
inédites qui
nous aété
transmise est encoreplus probante.
6° Nous n'insisterons pas sur quelques variétés de lipomes
extrêmement rares et qui siègent à l'intérieur du rachis. Tel
est le cas de Chapelle rapporté par Chipault, où il s'agissait
d'une hypertrophie du tissu graisseux
rétro-méningé.
Dans lecas deBrawbach(Arc/i. fur Psych. und Nervenkrankh., 1886),
il s'agissait d'une lipomatose des méninges
spinales.
Danscelui de Turner [Trans. Path. Soc. London,
1887), c'était
un lipome dela moelle.Entin signalons encore un myolipome des méninges
décrit
par Gowers {Trans. Path. Soc. London, t.
XXVII).
— 25 —
SYMPTOMES
Les lipomes
ostéo-périostiqlies présentent
aupoint de vue
clinique certains rapports avecles lipomes
engénéral; mais
ils en diffèrentaussi par quelques
symptômes particuliers.
Beaucoupd'auteurs, entre
autres Chipault, ont prétendu que
ces tumeurs étaient presque toujours
diffuses. Cela est vrai
dansquelquescasetnous en
rapportons nous-même
unexemple
dans l'observation de Reymond; mais, dans
bien des
cas,ils
sontencapsulés,
ainsi
quenousl'avons dit précédemment dans
l'anatomiepathologique. Danscecas,
leurs limites ne sont pas
nettes.
Lorsqu'on cherche à
préciser les connexions des lipomes
ostéo-périostiques avec
les tissus voisins,
onconstate des
adhérences aveclepérioste et l'os
dans leurs parties profondes.
Ces adhérences ont lieu par un
pédicule quelquefois très
mince (obs. XL1X,
Chipault; LIX, Holmes, et LXIY, Bra-
quehaye, etc.).
Maiscestumeurs sontleplus souvent
sessiles.
Nous avons
expliqué précédemment comment
seproduisait
leur
pédiculisation.
Nous avons dit aussi que parfois ces
lipomes contractent
des adhérences avec les téguments. Cela a
lieu surtout
pourles lipomes diffus.
Sionessaie alors de pincer la peau au
dessus de la tumeur,
elle se plissera et on
n'arrivera
pasà la mobiliser, comme on pourrait le faire si le lipome était nettement encapsulé. Au
contraire, la peau plissera
facilement à
sasurface, lorsque le
lipome sera
encapsulé.
La consistance des lipomes
ostéo-périostiques est ferme
en général.Cette dureté, même lorsqu'il s'agit de lipomes purs,
- 26 —
est toujours plus
grande lorsque ceux-ci sont profonds que
lorsqu'ils sont
superficiels. C'est qu'ils sont bridés par des
aponévroses
qui les recouvrent et les rendent plus fermes. A
plus forte
raison, s'il s'agit de fibrO-lipomes, le tissu fibreux,
mêlé en plus ou
moins grande quantité à la graisse, donnera,
par suite, à ces
tumeurs
uneconsistance plus grande
(obs. XXXIX,
Vogt, in Grueter, etc.).
Cependant,
exceptionnellement,
ona vu ces lipomes, lors¬
qu'ils sont purs,
donner
unevéritable fluctuation (obs. XLIV,
Seerig).
Les lipomes
ostéo-périostiques sont indolents en général;
ils pourraient
cependant
parla compression do quelque filet
nerveux,comme les autres
tumeurs, occasionner de la douleur
avec irradiations multiples. Cette
douleur peut encore se
produirequand ils sont manifestement enflammés.
Maintenant que nous avons
fait la description du lipome
ostéo-périostique en
général,
voyonsde quelle façon if se
présente
dans quelques
casparticuliers.
1° Au cuirchevelu. — Le volume
de
cestumeurs est varia¬
ble. Tantôt elles ne dépassent pas
celui d'une noix et tantôt
elles atteignent
des dimensions colossales. Tel est le cas de
Rotter que nous avons
cité dans l'anatomie pathologique.
Maunoir aobservé un lipome de
la
nuquequi mesurait un
mètre de circonférence. Le malade
était obligé de le porter
dans une petite hotte.
Les téguments qui recouvrent les lipo¬
mes
ostéo-périostiques gardent
presquetoujours leurs carac¬
tères normaux.
Cependant,
quand la tumeur acquiert un gros volume, la peau
peut
subir quelques modifications. Elle peut s'amincir ou s'hy-
pertrophier et
unréseau veineux peut se manifester dans quel¬
qu'unedeses
parties. Les cheveux devieqnent fins et soyeux sur
le lipome et
ils sont
enplus petit nombre que dans les parties
voisines. La région peut
quelquefois être glabre.
Au palper, on
constate souvent
quela base de la tumeur
est comme cerclée .par un
bourrelet résistant, de consistance
osseuse, semblable à ceux
qui entourent les céphalématomes.
Nous avons vu que si parfois cette
sensation est due réellement
à une excroissance osseuse, d'autres l'ois, ainsi que
l'a fait
observer Von Bergmann, elle peut
être due simplement à
uneinfiltration du péricrâne.
On n'ajamais
exploré,
dansles observations
que nousavons
parcourues, la
sensibilité de la
peaude la région. 11 est cepen¬
dant probable que dans
certains
cas ontrouverait
unedimi¬
nution de la sensibilité, puisque dans une
de
nosobservations
inédites siégeant, il est
vrai,
auniveau de la région sacrée,
Braquehaye a
trouvé la
peaulégèrement anesthésiée
(obs.
LXIY).
2° Aurachis. — Le lipome se
présente chez le malade de
Témoin avec levolume d'unetête defoetus àterme;
la
peauest
amincie à son niveau, violacée. La tumeur se
déplace
enmasse dans les mouvements qu'on lui
imprime et parait
nettement fluctuante sans transparence.
Dans l'observation de Braquehaye, la tumeur,
située
auniveau de la douzième vertèbre dorsale, est
molle, sessile, du
volumed'une grosse noisette,
régulière, ovale, aplatie
engalet,
sans bosselure, de consistance
égale et molle, mate,
nonfluc¬
tuante. La peau est
adhérente à la tumeur, et celle-ci paraît
reliée par un
pédicule
aurachis.
Dans celle d'Obré, le sujet porte au
niveau de la région
cervicale un lipome adhérant aux
méninges qui occasionne
desconvulsions compliquées
d'anesthésie partielle.
La tumeur décrite par Leriche est
plus volumineuse qu'une
tête de foetus à terme, lisse, lobulée,
fluctuante. Le
sacrum paraîtraccourci, le
coccyxdéjeté
enarrière et à droite. Elle
s'enfoncedans l'échancruresciatique
gauche
etsemble adhérer
au coccyx.
Gensoul a rapporté
l'histoire d'un malade porteur de plu¬
sieurs lipomes, dont
l'un, développé dans la région sacrée,
avait pris des
proportions énormes. Il retombait jusqu'au
jarret, et
il était si lourd,
quele malade, entraîné par son
poids,
faisait de fréquentes chutes en arrière.
D'autres fois, la tumeur
est franchement pédiculée, comme
— 28 —
dans notre observation LXIV où elle avait le volume du poing.
A sa surface, la peau était dépigmentée par petites places et,
au niveau de son pédicule, il y avait de l'exagération de la
circulation veineuse superficielle. La recherchedelàsensibilité
avait montré que la peau recouvrant la tumeur
était,
commenous l'avons dit, légèrement anesthésiée. Ce fibro-lipome res¬
semblait àunmolluscum fibrosum, puisque cefut le
diagnostic
qui futporté lorsqu'avant l'opération la malade futprésentée
à laSociété d'Anatomie de Bordeaux.
— 29 —
MARCHE ET PRONOSTIC
Les lipomes ostéo-périostiques ont une
marche générale¬
ment lente et régulièrement progressive comme
les lipomes
vulgaires. Quelquefois leurdéveloppement procède
par sac¬cades successives.
On en trouve qui s'accroissent
si rapidement qu'ils font
penser aux tumeurs malignes,
surtout
aux sarcomes(obs.
XXVIII, Lannelongue; XXIX, Chipault).
Parfois aussi le traumatisme peutleur donnerune
activité
nouvelle.
Il y en a qui restent longtemps
statiohnaires et qui
sanscause appréciable deviennent par
la suite très volumineux.
Ils sont alors plus ou moins
pédicules. Ils mettent toujours
plusieurs années avant
d'acquérir
unvolume considérable.
Le lipome énorme que
cite Rotter avait débuté
par unetumeur petite. C'est après une
évolution de trente-trois
ans qu'il avait acquis lesdimensions colossales qu'il avait, lorsque
ce chirurgien vit lq négressequi en
était porteuse.
Même avant d'avoir atteint un volume si
considérable,
les lipomesUnissentquelquefois
pardéterminer des ulcérations de
la peau. Ce sont des
altérations de
causemécanique qui ne
ressemblent en rien à celles qu'on observe
dans les tumeurs
malignes.Commeplusieurs de ces tumeurs
sont très vasculaires dans
lesparties limitrophes, il peut se
produire parfois des hémor¬
ragies au niveau de
l'ulcération.
Elles peuvent encore
produire, lorsqu'elles sont ulcérées, un
suintement fétide (obs. XLIX,
Chipault). Les lipomes ostéo-
périostiques du crâne et
du rachis peuvent devenir le siège
— 30 —
de
phénomènes inflammatoires et même quelquefois suppurer.
C'est même là la cause laplus
fréquente de l'ulcération.
La transformation calcaire est
possible; elle est même assez
fréquente,d'après Lannelongue, dans les vieilles tumeurs.
Cependant,
l'observation de Chipault est la seule dans laquelle
nous l'ayons
rencontrée.
Le pronostic de ces
tumeurs est,
onle voit, bénin quo ad
vitam. Mais si l'on considère
qu'elles ont
unemarche progres¬
sive, qu'elles
peuvent acquérir
unvolume énorme, rendant
quelquefois les malades impotents, qu'elles peuvent être le
siège de
quelques-unes des complications que nous avons
signalées, on
comprendra
sanspeine qu'elles doivent être
traitées chirurgicalement
puisqu'on
nesaurait rien obtenir par
les moyens
médicaux.
D'ailleurs, l'intervention
chirurgicale est quelquefois com¬
mandée par
l'évolution de la tumeur qui peut devenir assez
rapide pour
qu'on puisse
secroire en présence d'un sarcome.
Mieux vaut alors extirper le
lipome
encorepeugênant, mais
qui le
deviendra,
quede laisser évoluer une tumeur maligne
qui bientôt
serait inopérable.
- 81 —
DIAGNOSTIC
Le diagnosticdes lipomes
ostéo-péri
ostiques
estquelquefois
facile; mais il peut, danscertains
cas,présenter de sérieuses
difficultés.
1° Au crâne. —Les tumeurs superficielles, quelle qu'en soit
la nature, ne sauraient donner lieu àaucune
hésitation, puis¬
qu'elles ne sont pas
adhérentes
aupérioste. Par contre, elles
adhèrent souvent à lapeau.
Les tumeurs •sous-aponévrotiques, au
contraire, sont quel¬
quefois d'un
diagnostic difficile.
Lagommeet l'exostose
syphilitiques
serontfaciles à
recon¬naître par les
commémoratifs, l'évolution de la tuméfaction,
sa consistance, et l'existence chez le malade
d'autres lésions
syphilitiques.D'ailleurs,
en casde doute, le traitement spéci¬
fique pourrait servir de
pierre de touche.
Dans l'abcèstuberculeux d'origine,osseuse, on se
souviendra
que lafluctuation est
plus nette, qu'il existe de la douleur
auniveau du pointosseux
atteint et
quel'état général est mauvais.
D'ailleurs, on trouvepresque
toujours chez
cesmalades des
antécédents tuberculeux.
Pour distinguer les lipomes
des collections liquides, Broca
a signalé le
procédé suivant. Il interpose le bord cubital delà
main sur la partie
médiane de la tumeur et il constate que la
fluctuation ne se transmet pas d'un
côté
àl'autre,
cequi
alieu dans les kystes.
Ceprocédé peut
rendre d'autant plus service que certains
lipomes
infiltrés de sérosité peuvent être transparents.
De même, sous l'influence
d'une pulvérisation d'éther qui
refroidit la tumeur, le lipome
devient très dur, tandis
quele
froid ainsi produit ne
suffit
pasà
amenerla congélation du
liquidecontenu