FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
^nsrnsrÉE 1899-1900 n° 86
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
LES FRACTURES INDIRECTES
DE LA BASE DU CRANE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
présentée et soutenue publiquement le 20 Juin 1900
par
Antoine LAUBIE
Ancien interne des Hôpitaux
Lauréat de la Faculté de Médecine de Bordeaux (Prix de la Ville de Bordeaux:Mentionhonorable, 1897)
Lauréat (quater) des Hôpitaux (Médailles debronze 1896, d'argent 1897, de vermeil 1898, Prix de l'Administration 1899)
Membre de la Société d'Anatomie et de Physiologie de Bordeaux Lauréat de cette Société (1er Prix, 1898)
Né à Neuvic (Corrèze), le 13 octobre 1874.
^ MM. LANELONGUE, professeur.... Président.
„ . . , , i BOURSIER, professeur....
Examinateurs de la 1heseSe '
j ViLLAR,
CHAVANNAZ, agrégé.agrégé } Juges.
Candidat répondra aux questions qui lui seront faitessur les diverses parties de l'Enseignement médical.
1T ORDEAUX
IMPRIMERIE Y- CADORET
17, Rue Poquelin-Molière, 17
(ancienneruemontméjan)
1900
FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHAKMACIE DE BORDEAUXM. de NABIAS Doyen. | M. PITRES Doyen honoraire.
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N.
LAGRANGE.
CARLES.
Le Secrétaire dela Faculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août1879, la Facultéaarrêtéqueles opinionsémises dans les 1hèsesqu ui sont présentées doivent être considéréescomme propres àleurs auteurs, et qu'elle nenteu leur donnerni approbation ni improbation.
A MON PÈRE ET A MA MÈRE
Témoignage demonaffectionetde profondereconnaissance.
A MON FRÈRE ET A MA SOEUR
A la mémoire de mon Ami,
Le Docteur Emile ULRY
Chefde cliniqueophtalmologiqueàl'Universitéde Bordeaux.
A MES AMIS
A MES CAMARADES DE L'INTERNAT
A mesanciens Chefsde service,
Monsieur le Docteur VERGELY
Professeur cle Pathologie et deThérapeutique généralesàla Facultéde Médecine, Médecin honoraire des Hôpitaux,
Chevalier de la Légion d'honneur,
Membrecorrespondant del'AcadémiedeMédecine.
Monsieur le Docteur GERVAIS Chirurgienhonoraire des Hôpitaux.
Monsieur le Docteur André BOURSIER
Professeur de Cliniquegynécologique àlaFaculté deMédecinede Bordeaux,
Chirurgien des Hôpitaux,
Membre correspondant dela SociétédeChirurgie, Officierdel'Instructionpublique.
Monsieur le Docteur PITRES
Doyenhonoraire dela FacultédeMédecinedeBordeaux,
ProfesseurdeCliniquemédicale, Chevalier dela Légiond'honneur,
Membre correspondant de l'Académie de Médecine,
MembrecorrespondantdelaSociété deBiologie,
Officier del'Instructionpublique.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur M. LANELONGUE
Professeur deClinique chirurgicale àla Faculté deMédecine,
Chevalier delaLégiond'honneur,Officier del'Instructioti publique,
Membrecorrespondantde l'Académie deMédecine,
Membre del'Académie de Bordeaux.
Je dédie cette thèse à mes Maîtres de la Faculté de médecine et des hôpitaux de Bordeaux. Des circonstances imprévues m'obligent à terminer aujourd'hui mes études médicales. Aux regrets de les quitter, s'ajoute celui de n'avoir pu poursuivre plus avant l'étude de ce travail quej'aurais voulu rendre digne
de leur haut enseignement. Auprès d'eux, j'ai toujours trouvé aide et bienveillance. Je les remercie du fond du cœur.
M. le professeur Vergely a guidé mes premiers pas dans la médecine. Depuis, il n'a cessé de me donner des marques d'in¬
térêt. Je lui garderai toujours une vive reconnaissance. M. le Dr Gervais et M. le professeur Boursier, dans le service desquels je suis resté externe, ont commencé mon éducation chirurgicale
et ont toujours été pleins de bonté pour moi.
Je garderai le meilleur souvenir du temps trop court quej'ai passé dans les services de MM. les DrS Bondot et Dubourg, et dans les services de MM. W. Dubreuilh et de Chapelle pendant
ma suppléance d'internat à l'hôpital Saint-Jean.
Je remercie égalementMM. les professeurs agrégés Auché et
Villar qui ont contribué à mon instruction pendant leur sup¬
pléance des services de cliniques; MM. les professeurs agrégés Chavannaz et Carrière (de Lille), MM. les Drs Cabanne et Vitrac qui furent mes chefs de conférence d'internat et mes anciens
chefs de clinique les Drs Verger et de Boucaud dont j'apprécie
tant la bonne amitié.
M. le professeur agrégé Braquehaye, m'a fait l'honneur de
me faire son collaborateur ; je tiens à lui dire ici combien est grande ma reconnaissance. M. le professeur agrégé Sabrazès a été pour moi un maître dont la bienveillance ne s'est jamais
démentie. Je suis heureux et fier de l'amitié qu'il m'a témoi¬
gnée pendant toute ma vie d'étudiant. Il est de ceux que je
n'oublieraijamais.
— 12 -
Il est deux Maîtres dontje veux réunirici les noms comme ls
le seront toujours dans mon souvenir. À l'école de ces deux
vénérésmaîtres,je suis resté de longues années, et monadmira¬
tion pour eux s'est accrue en même temps que ma dette de
reconnaissance. M. le professeur Pitres, dans le service duquel j'ai été externe puis interne, m'a constamment prodigué des
marques de sa bienveillance. J'emporte le regret profond de ne
pouvoir poursuivre sous sa direction les travaux qu'il m'avait
confiés. Pendantprès de trois ans d'internat passés dans le ser¬
vice de M. le professeur Lanelongue, je n'ai cessé de m'attacher
à lui. En le quittant aujourd'hui avec une douleur bien vive, je
le remercie de l'honneurqu'ilmefaiten acceptantla présidence
de ma thèse et l'assure à nouveau de ma gratitude et de mon dévouement.
Avant de clore ces lignes, je tiens à affirmer ici mon amitié
inaltérable à mes amis. Tout d'abord à ceux de la première heure, àceuxque desregretscommunsréuniront toujours;puis,
à mes amis de l'internat et aux tout jeunes dont l'amitié m'est également chère.
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
SUR LES
FRACTURES INDIRECTES
DE LA BASE DU CRANE
INTRODUCTION
Au début de son remarquable mémoire, Aran
(') écrivait,
en 1844 : « Dans les sciences médicales comme dans les autres» sciences, il est un certain nombre de questions que l'on est
» habitué àconsidérercomme entièrement résolues etque per-
» sonne nesonge àréveiller. Après avoirfixé
pendant des siècles
» l'attention despathologistes, après
avoir exercé la sagacité des
»observateurs les plusingénieux, elles
retombent dans le silence
» et, de guerre lasse, onaccepte comme
définitive la solution qui
» a été donnée la dernière ». Aranapportait unimportant
tribut
àl'étude d'une de ces questions, à
la pathogénie des fractures
indirectes de la base du crâne. Mais depuis lors, si l'on
accepta
la solution donnée la dernière, la question ne fut
pourtant
pasconsidérée comme résolue. De nombreux auteurs l'ont reprise
et ont cherché après lui, selon le mot
célèbre de Felizet,
«des
argumentsnouveaux autriomphe de
la vérité
».(')Aran,Arch. gén. de méd.,1844.
Aujourd'hui, si la pathogénie des fractures indirectes de la base du crâne ne donne plus lieu aux controverses du siècle
dernier, elle reste incomplètement fixée. Les théories devenues
plus nombreuses, sont les unes et les autres discutées par les
différentesécoles chirurgicales, etil suffitdeparcourir les traités
classiques pour se rendre compte de la divergence des opinions.
Cette question, àlaquelle les auteurs français ont consacré de si
remarquablestravaux, estenvisagéeà untout autre point de vue par nombre de chirurgiens étrangers. Après les mémoires des Saucerotte, Aran, Boyer, Felizet, Perrin, Chipault etBraquehaye
l'étude de la pathogénie des fractures de la base devrait être faite par de plus autorisés que nous. Nous l'avons entreprise à
la suite d'expériences faites sous la direction de notre maître M. le professeur Braquehaye et précédemment communiquéesà
la Société d'anatomie et de physiologie de Bordeaux. Son éloi- gnement ne nous a pas permis de lui soumettre ce travail, et
nous restons seul responsable des conclusions générales tirées
de l'analyse de nos travaux communs; mais cette thèse qu'il
nous a inspirée a été faite sous sa direction. Nous le prions d'agréer avec nos remerciements l'assurance de notre amical dévouement.
Nous espérons aussipouvoir lacompléteravec lui par un tra¬
vail ultérieur où trouverontplaceles documents que nous avons réunis.
Après avoir donné un aperçu historique de la question, nous passerons successivement en revue les diverses théories propo¬
sées depuis le siècle dernier sur la 'pathogénie des fractures de
la base par traumatisme ordinaire. Nous relaterons ensuite nos
expériences auxquelles nous rattacherons comme exemples quelques-unes des observations cliniques qui justifient nos con¬
clusions.
I
HISTORIQUE
Les fractures indirectes de la base du crâne, encore appelées
fractures par contre-coup, étaient considérées comme extrême¬
ment fréquentes par les auteurs anciens. Leur existence, qui
devait être si discutée pendant la première moitié de ce siècle,
était admise sans conteste àla fin du siècle dernier.
Après Hippocrate, la majorité des auteurs pensaient que le
trait de fracture étaitséparé de l'endroit percuté « où le blessé
ala plaie et où le crâne a été dénudé de la chair ».
Lorsque l'Académie de chirurgie, en 1766, posa la question
au concours, elle n'élevait aucun doute sur leur existence vul¬
gaire et demandait seulement qu'on établit « leur théorie, ainsi
que les conséquences pratiques qu'on pouvait en tirer ».
Le secrétaire perpétuel Louis, publiait en même temps un
« Recueil d'observations d'anatomie et chirurgie pour servir de
hase à la théorie du contre-coup ». Grima, Saucerotte, Sabou-
raut et Chopart publièrent des mémoires pour élucider cette théorie admise depuis par Boyer, Dupuytren, etc.
En 1844, parut le mémoire d'Aran qui tendaitànier la possi¬
bilité de ces fractures par contre-coup. Cet auteur fondait, d'après ses expériences, lathéorie des fractures propagées de la
voûte à la base, la théorie de l'irradiation. Cette théorie fut admise sans réserve par Follin, Richet, Kirmisson, etc.
Elle explique en effetnombre de cas de fracturedela basedu
crâne, et l'affirmation des fractures par irradiation a été confir¬
mée par tous les expérimentateurs. Mais l'explication de cette
fracture par la théorie du « plus courtrayon » a été jugée
moins
heureuse, et de nombreuxchirurgiens onttenté delui substituerune théorie plus en rapport avec la constitution mécanique du
crâne. Parmi euxil faut citer Trélat, qui expliquait la limitation
des fractures à un des trois étages de la base du crâne par la présence des trous. Felizet, pardenouvelles expériences,conclut
quel'on ne doit citer les contre-coups que pour mémoire et fait jouer aux murs boutants un rôle essentiel dans l'irradiation.
L'existence des fractures par contre-coup était cependant
admise par Nélaton, Vidal de Cassis, les auteurs du Compen- dium, Sappey, Stromeyer, Macleod. En 1878, M. Perrin montre
à la Société de chirurgie de nombreuses pièces expérimentales, prouvant qu'une solution de continuité peut se produire en dehors du point percuté.
Les auteurs allemands Kônig, Bergmann, Otto Messerer,
Wahl admettent leur existence, citent denouveauxexemples, et
formulent la théorie de l'éclatement.
En 1895, MM. Chipault et Braquehaye attribuentlesfractures
indirectes consécutives àun traumatisme ordinaire au resserre¬
ment enéventail dessegments angulaires de la basesurlesquels
elles se produisent.
Depuis,nous avons purelever, dans la littérature médicale,des
observations de fractures nettementindirectes rattachées parles
auteurs à une des théories précédentes. En 1898, à l'occasion
d'une fracture indirecte observée dans le service de notre maî¬
tre M. le professeur Lanelongue et présentée à la Société d'ana-
tomie de Bordeaux, nous avons entrepris, M. le professeur agrégé Braquehaye et moi, une série d'expériences que nous rapportons plus loin. Les pièces expérimentales ont été présen¬
tées à la Société d'anatomie, dans les séances des 14 février,
28 février et 13 juin 1898, et les résultats des expériences publiées dans les Bulletins de cette Société et dans le
Journal de
médecine de Bordeaux.
II
MÉCANISME DES FRACTURES INDIRECTES — LES DIVERSES THÉORIES
Les fractures indirectes de la base du crâne ne sont plus guère mises en doute. M. Malafosse cite neuf observations.
MM. Chipault et Braquehaye retiennent quatorze pièces pro¬
bantes; les auteurs allemands en mentionnent un grand nom¬
bre. Il est bien démontré que la fracture par contre-coup ou fracture indirecte peut être complètement isolée et siéger loin
du point d'application de la force. Felizet en rapportait, et à propos du cas de Sappey, disait dans ses conclusions : « Il y a
» des fractures dites par contre-coup dont le mécanisme nous
» échappe complètement ».
C'est pour expliquer ce mécanisme que l'Académie de chi¬
rurgie avait ouvert un concours, et après tant de travaux la question esttoujours controversée. La théorie la plus ancienne
estcellequi fut soutenue par Saucerotte; nous allons l'examiner
tout d'abord.
A. Théorie ducontre-coupoudela propagation des vibrations.
Cette théorie est basée sur ce fait que tout corps dur qui en
frappe un autre lui imprime un ébranlement qui, parti du point percuté, se propage de proche en proche à toutes les molécules, en diminuant d'intensité. Le point frappé peut résister, mais l'ébranlement se propage dans tout le crâne sous forme d'ondulation. Si la boîte osseuse présente en un point
une résistance inférieure à l'intensité des vibrations communi¬
quées, ce point se fracture comme s'il avait été frappé immé¬
diatement.
Ce sont ces conditions que Boyer (*) a discutées.
(l) Boyer, Œuvres chirurgicales,V,p. 64, 4« éd.
Laubie 2
— 18 —
Pourlui, la possibilité des fractures parcontre-coup suppose : 1°unesoliditéinégaledu crânedans les diverspoints de sonéten¬
due; 2°unecertaine largeur dans le corps vulnérant. Silecrâne otfrait partout une résistance égale, il ne pourrait jamais se fracturer ailleurs quedans l'endroit percuté. En efïet, commele
mouvement imprimé aux os par la percussion va toujours en
diminuant, à mesure qu'il se propage dans tous les points du crâne, il en résulte que, s'il n'apas été assezfort pour produire
une fracture dans l'endroit frappé, il ne pourra pas la produire
ailleurs. Lorsque le corps vulnéranta une surface peu étendue,
la force du coup se trouve pour ainsi dire concentrée,et la frac¬
turearrive dans le lieu même de la percussion; au lieuque,si la
surface de l'instrument est large,le mouvement se communique davantage à toute l'étendue du crâne et les endroits plus faibles
que le point même qui a été percuté se fracturent pendant que
ce point résiste.
L'opinion de Boyer fut confirmée par Bichat, puis parMau¬
rice Perrin. Celui-ci, pour expliquer les fractures par contre¬
coup, insiste beaucoup sur la largeur du corps contondant et
sur la résistance du point primitivement frappé. Dans ses expé¬
riences, il interposait un coussinet d'ouate entre le crâne et le
corpscontondant. B obtenait ainsi des fractures indirectes sur¬
tout à la suite des chocs sur le vertex et sur l'occiput. Beprenant
la formule de Boyer déjà formulée par Saucerotte, il donnait
cette condition favorable à la théorie du contre-coup (J) : « Il
» faut que la surfacepercutée possède uneforce decohésion suf-
» fisante pour résister et supérieureà celle d'autres points de la
» boîte crânienne. Cette force de résistance peut tenir, soit à
» l'épaisseur même de la paroiosseuse, soit à la brièveté de son
» rayon de courbure, soit à l'étendue de la surface heurtée, soit
» à l'interposition d'un corps étranger élastique entre la force
» et la résistance. »
G. Berger et M"e Ivlumpke, dans un article paru dans la
Revue de chirurgie, admettent l'existence des fracturesindépen-
(J) Perrin, Bull. Soc. de chir., 1838, p.131.
— 19 —
dantes de la base et leur assignent le mécanisme indiqué par M. Perrin.
Poncet [in Th. de Malafosse)admet aussi ce mécanisme si l'on
veut bien entendre par contre-coup,comme dit Berger: les effets
de la force traumatique concentrantson action sur unpoint dis¬
tant de sonlieu d'application.
A la théorie des vibrations propagées, on peut objecter que le crâne n'est pas sphéroïde, mais seulement les cinq huitièmes
d'un sphéroïde et qu'on ne peut lui appliquer les propriétés
d'un corps géométrique.
Nous ne signalons que pour mémoire la théorie de la projec¬
tion du cerveau contre lesparois crâniennes,eila théorie hydros¬
tatique invoquées pour expliquer le mécanisme des lésions indi¬
rectes par coup de feu.
B. Théorie de lapropagation des vibrationsavecamplification.
M. C. Nancrède admet que les fractures par contre-coup peu¬
vent être causées par la propagation des vibrations ;
mais elles
siègent alors dans les parties les plus denses et les plusrésis¬
tantes. Ce résultat serait dû à ce que les vibrations subissent
une amplification en raison directe de
l'épaisseur des tissus.
Mais il suffit d'examiner les pièces anatomiques et
expérimenta¬
les pour voir que les fractures siègent de
préférence et
presqueexclusivement sur les points faibles. De
plus, si la force des
vibrations est directement proportionnée à la masse
des tissus
mise en mouvement, elle n'est pas amplifiée lorsque ces
vibra¬
tions passentd'une partie mince
dans des parties plus volumi¬
neuses. Prenons l'exemple de M.
Nancrède. Une lourde barre
de fer est tenue par une extrémité; on
frappe d'un
coupviolent
l'autre extrémité placée sur une
enclume. Les vibrations
propa¬gées à la main la forcent à s'ouvrir.
Si,
aulieu d'une grande
barre on tient un simple fil de fer et
qu'on le frappe aussi for¬
tement que la barre, on sent à
peine quelques vibrations. Mais,
si, comme l'a fait M. Vincent, on soude les
deux
corpsbout à
bout, on peut frapper fortement
l'extrémité constituée
parje fil,
— 20 —
sans que la main qui tient l'autre extrémité constituéepar la
barre ressente une amplification des vibrations.
C. Théorie du cône de soulèvement.
M. Vincent (d'Alger) a donné un nouveau mécanisme fondé
sur les propriétés classiques de la boite crânienne. M. Duret
avait montré précédemment que toutes les fois qu'un trauma¬
tisme atteint les régions temporo-pariétales, outre le cône de dépression, il se produit à l'extrémité opposée de l'axe de per¬
cussion un cône de soulèvement. Un coupportantsurle sommet
de la tête ne peut entraîner la production d'uncône de soulève¬
ment dans les deux tiers postérieurs de la base du crâne qui,
soutenue par la colonne vertébrale, ne peut fléchir. Mais, à l'étage antérieur, les os de la base doivent se déformer, et c'est
en ce point que se produit le cône de soulèvement. La fracture
résulterait de la combinaison des vibrations consécutives à la
propagation du choc parla paroi osseuse, avec l'accroissement
de la pression intracrânienne et avec la constitution d'un cône
de soulèvement.
A cettethéorie, on peut faire certaines objections. En effet,
les fractures indirectes de la base s'accompagnent à peu près
constamment d'une propulsion des fragments vers la cavitécrâ¬
nienne. Si la fracture résultait d'un cône de soulèvement, la propulsion des fragments se ferait vers l'orbite. D'autre part,
ainsi qu'il résulte de la statistique de MM. Chipault et Braque- liaye, elles succèdent presque toujours à des traumatismes por¬
tant sur les parties latérales ou postérieures du crâne, c'est-à-
dire incapables, même en admettant l'existence du cônedesou¬
lèvement basilaire, de produire ce cône au niveau des voûtes
orbitaires.
D.Théorie duresserrementenéventail dessegmentsbasilaires.
MM. Chipault et Braquehaye (l) ont repris cette étude et ont enregistré par la méthode graphique : 1° les vibrations de
la
(1) Chipault et Braquehaye,Arch. gén. de méd., 1895.
- 21 —
région frontale sur des têtes percutées au niveau de la protu¬
bérance occipitale externe; 2° les vibrations des voûtes orbi-
taires à la suite des variétés de traumatismes suivants : a) per¬
cussion sur le vertex; b) percussion sur un point déterminé de
la ceinture osseuse péri-basilaire; c) percussion sur le vertex
avec fracture irradiée; cl) précipitation sur un point de la cein¬
ture péri-basilaire.
Ils ont constaté : 1° « que les traumatismes portant sur la
» coupole du vertex sans la fracturer provoquent une
poussée
» vers l'extérieur des voûtes orbitaires dont la concavité dimi-
» nue » ; 2° « les traumatismes portant sur les coupoles du ver-
» tex et y déterminant une fracture irradiée ou portant sur
la
» ceinture osseuse péri-basilaire provoquent, en même temps
» qu'un soulèvement de toute la
périphérie de cette ceinture à
» l'exception de la partie
traumatisée,
uneaugmentation de
» courbure des voûtes orbitaires et sans doute aussi des autres
» segments angulaires qui, disposés autour
du
corpsdu sphé-
» noïde, composent la base du crâne;
augmentation plus
mar-» quée sur le segment
correspondant
aupôle crânien opposé
au» coup ».
Les fractures indirectes ne s'étantjamais produites à la
suite
des traumatismes du premier de ces groupes,
MM. Chipault et
Braquehaye, sans les
considérer
commeimpossibles, admettent
que,trèsordinairement
consécutives
auxtraumatismes du second
groupe, elles ont pour cause
le resserrement
enéventail des
segments angulaires de la
base autres
quele point frappé; seg¬
ments angulaires qui sont tout
simplement la partie basilaire
des entreboutants crâniens.
Des expériences précédentes
résulte la démonstration par la
méthode graphique de
l'élasticité de la voûte crânienne; puis¬
qu'il existe « un soulèvement
de toute la périphérie de la cein-
» ture osseuse péri-basilaireà
l'exception du point traumatisé ».
Les résultats des expériences
antérieures de Bruns sont ainsi
confirmés; mais au lieude considérer
le crâne in toto, MM. Chi¬
pault et Braquehaye se sont
cantonnés dans 1 expérimentation
des voûtes orbitaires. La théorie suivante ne diflère
de celle-ci
_ 22
que par un point; elle n'attache qu'une importance limitée aux murs boutants et tient surtoutcompte de l'élasticité du crâne et de l'augmentation des diamètres.
E. Théorie del'augmentationdes diamètres.
Cette théorie est basée sur les expériences de Bruns (1), de Tubingue, qui, en comprimant le crâne entre les deux branches
d'un étau, avait montré qu'il pouvait être comprimé dans une certaine mesure sans se briser, avec une diminutionde ses dia¬
mètres; et, qu'il était assez élastique pour reprendre ses dimen¬
sions aussitôt que la pression avaitcessé.
A la diminution d'un diamètre correspond l'augmentation des
autres. Poussée plus avant, la compression entraine une frac¬
ture.
Si l'on a soin de matelasser les points comprimés, il ne se
produit pas d'enfoncement des fragments; mais l'on obtient par
compression antéropostérieure ou latérale, des fractures de la
base comme en ont obtenu Perrin et après lui Messerer et Her-
mann.
Messerer (2), en comprimant un crâne en direction transver¬
sale jusqu'à production d'une fracture, donnait les moyennes suivantes avec une pression d'environ 520 kilos :
Diamètre transversal raccourci de 4mm4.
Diamètre longitudinal allongé de 0mm4.
Diamètre perpendiculaire allongé de 0mm6.
Dans la compression du crâne en direction longitudinale jus¬
qu'à production de la fracture avec une moyenne de pression de
650 kilos on avaitcomme chiffre moyen : Diamètre longitudinal raccourci de 2mm7.
Diamètre transversal allongé de 0ram6.
Diamètre perpendiculaire allongé de 0mml.
Par pression verticale on obtenait une fracture annulaire de
(1) Bruns, V. Tubingue, 1854.
(2) Messerer. Miinchen, 1884.
- 23 —
la base sans qu on pût voir de modifications marquées sur les
diamètres crâniens.
De ces expériences, il résulte bien que l'élasticité du crâne joue un rôle dans la production des fractures quand elle est
mise enjeu in loto par la compression. La fracture se produit
alors au sommet de l'axe de compression, ou sur cet axe en un
point de moindre résistance, mais toujours dans la direction de
la pression. C'est donc unefracture par éclatement
qui,
dans la majorité des cas, se produità 1 equateur. Par exception,le
mé¬ridien ne présentant pas la même résistance et la même élas¬
ticité dans toute son étendue, un éclatement peut se produire,
comme le font remarquer Hermann etWahl, en un autre point
de son trajet, et ce n'estqu'après, «quand la
pression
augmente,» que se produit la réunion
des fentes dans la ligne équatoriale
» ou que, surcette ligne, les fentes passent à
côté les
unesdes
» autres sans entrer ensemble en contact» (1).
Les auteurs allemands ont généralisé ces résultats de fractu¬
res indirectes de la base du crâne et, rejetant toutes les autres théories, ont voulu remplacer par ce mécanisme
de l'éclatement
la théorie de l'irradiation.
On peut objecter que sur
le vivant la violence agit subitement
et sur un seul point.
il n'en est pas moins démontré, par
les expériences graphi¬
ques de MM.
Chipault
etBraquehaye, qu'un traumatisme même
subit et portant sur un seul
point de la ceinture péribasilaire
agit sur l'élasticité de la
boite crânienne in
loto,et l'éclatement
se produit alors au
niveau de l'équateur de l'axe comprimé. Il
se produit le plus souvent
dans les méridiens qui traversent la
base, car celle-ci, avec sestravéesosseuses,
minces et fragiles et
ses nombreuses ouvertures, a moins de solidité.
Wahl a résumé cette théorie par la proposition
suivante
:1° Il n'y a que quatre types
de fractures de la base du crâne :
des fractures transversales, des fractures
longitudinales, des
(1) Ed. Wahl, Volkmann's Sammlung Klinische Vortraege, n. 228. Je
remercie
ici M. Menierquiabien voulumetraduirel'intéressanttravail de Ed.v.Wahl.
— 24 —
fractures diagonales et des fractures circulaires, dont les trois
premières sont à compter avec les fractures indirectes ou frac¬
tures par éclatement, les dernières au contraire avec les fractu¬
res directes ou fractures par écrasement.
2° Il est tout-à-fait indifférent à quel point de la surface du crâne s'exerce la force, et si elle produit à cet endroit une fracture par écrasement ou non. Les fissures de la base du crâne se produisent par éclatement, non par irradiation; même dans les cas où les deux formes de fractures convergent, les fractures par éclatement ne sont pas à considérer comme continuation des fractures par écrasement.
3° La direction de la force détermine la direction de la frac¬
ture.
4° De la direction des fissures on peut conclure à la direction de la force avec une certitude absolue.
Depuis, au congrès allemand de chirurgie de 1888, Wahl ne reconnaît que deux sortes de fractures de la base du crâne : des fractures par éclatement et des fractures par flexion.
L'augmentation d'un diamètre détermine, quand la limite de
résistanceestatteinte, unefracture paréclatement,la diminution
des diamètres des fractures par flexion. La production de ces deux formes dépendant absolument des propriétés physiques de
la force qui agit et dela façonavec laquelle le crâne lui résiste.
III
étude expérimentale en collaboration avec m. le professeur agrégé braquehaye
A l'occasion de l'observation que nous rapportons plus loin,
nous avons fait, M. Braquehaye et moi, un certain nombre d'expériences. Nous en avons retenu seize de positives. Nous
tenons à remercier M. le professeur agrégé Princeteau qui a bien voulu mettre à notre disposition les ressources de l'amphi¬
théâtre d'anatomie.
Nous avons expérimenté sur des sujets injectés, la tête étant
le plus souvent recouverte des parties molles, et dans quelques
cas, lorsque cela nous a été possible, surdes sujets entiers. Les
traumatismes étaient des chocs ou des pressions. Les pressions
au tour nous donnaient des enfoncements fréquents, bien que
la tête fût matelassée avec de vieux linges; aussi avons-nous choisi ensuite un autre dispositif.
La tête matelassée était placée entre deux billots
d'amphi¬
théâtre traversés par deux écrous qui permettaient
d'exercer
une forte pression. Nous obtenions ainsi, presque à
volonté,
des fractures indirectes réalisant les conclusions de Messerer,
Hermann et Wahl.
Les chocs brusques portés avec un billot, sur une
large
sur¬face matelassée,nous ontégalementdonné des
résultats positifs,
ainsi que le montrent les expériences
suivantes.
Expérience I. — Une tête entière est mise à la pressed'un tour.
Pour que la pression s'exercesuruneplus largesurface,on
interpose
entre le crâne et les plaques métalliquesuneplanche
matelassée de
— 26 —
linges. On serre ensuite progressivementdansle sens antéro-posté-
rieur; on entend des craquements, et comme il semble qu'on ait produit une fracture, on cesse l'expérience. La base, prudemment dépouillée, à la rugine,de la dure-mère, neprésente pasde fracture.
Nous devons noter la soudure, à droite, des apophyses clinoïdes
antérieure et postérieure. Agauche, la clinoïde antérieure vient s'in¬
sérersurla selleturcique, limitant un canal,mais n'allantpasjusqu'à
la clinoïdepostérieure.
Expérience II. — Le crâne précédent, dépourvu desa calotte, est placé sur la table, maintenu entre deux billots. L'occipitalreposant
sur la table, on donne un coup de billot dans le sens antéro-posté- rieur, le chocportant sur la bosse nasale. On produitainsi unefrac¬
ture irradiée aux trois étages, passant des deux côtés etayant une direction générale antéro-postérieure. En outre de cette fracture,
on trouve une deuxième fracture bipolaire allant du trou occipital
sectionnéà lapariiepostérieure du trou occipital.
Dans ces deux expériences, la soudure desclinoïdes semble avoir renforcé larégion de laselle turciqueetpar suite empêché la fracture
indirecte de s'y produire.
Expérience III. —Unetête de vieillard, d'environ soixante-dix ans,
appuyantintérieurementsurl'occipital, estmaintenue la face en l'air
par deux billots fortement matelassés de linges qui la soutiennentà droite et à gauche. Ces billots ne font quela maintenir sans exercer
aucune pression. La tête est entourée de linges formant,au point d'appui et aupoint où portera le coup, un épais coussinet, de façon
à éviter un clioc trop brusque del'instrument contondant qui pour¬
rait déterminer une fracture directe.
L'expérimentateur placé à droite, porte troiscoups de billot d'am¬
phithéâtresurla ligne médiane, àla hauteur des bosses frontales. La calotte est enlevée par un trait de scie circulaire. Le crânen'est pas extrêmementépais, mais il est dur et presque entièrement formé de
tissu compact; il n'y a pourainsi dire pas de diploé. D'asseznom¬
breux corpuscules de Paccbioni ont imprimé leur trace sur laparoi crânienne, jusque surles apophyses clinoïdespostérieuresquioffrent
— 27 —
un aspect déchiqueté. Elles ne sontpas très développées. La dure-
mèreétantenlevéeavecsoin,on constatequ'il n'y apoint de fracture
au point frappé.
Surl'étage antérieur du crâne, on voit :
1°A droite. Une fracture sinueuse, à direction générale antéro- postérieure qui part en avant, à huit millimètres environ du trou borgne etsur lamêmeligne que lui. De là, elle se dirige enarrière,
endécrivantuncertain nombre desinuosités,jusqu'à lapartie interne de la base del'apophyse clinoïde antérieuredu côtédroit.
A un centimètre en avant de la terminaison postérieure, un deuxième trait defracture se dirige transversalement en dedans, puis
tourne vers la fente ethmoïdale postérieure qu'elle traverse; puis de
là vient regagnerla fenteprimitive. Un troisième trait partdumilieu
de la fosse ethmoïdale; puis, se dirigeant en arrière, vient tomber
sur le second trait secondaire que nous avonsdécrit. Il en résulte la
formation de deux esquilles.
2° A gauche. Il existe, un peu en dehors dutrou ethmoïdal posté¬
rieur, une petite fracture demi-circulaire, àconcavité regardant en
avant et en dehors, et qui mesure de cinq àsix millimètres. Il n'y a pasde fracture auniveau de la selle turcique.
Expérience IV. — Une tête de femme,d'environ soixante-dix ans, estinstallée comme précédemment.Deux coups de billotsont portés
sur les bosses frontales. Après section circulaire de la calotte, on
constate quela paroi crâniennea le même aspect que laprécédente ;
lediploéestcependantunpeuplusdéveloppé. Onenlèvela dure-mère,
et nulle part on ne voit trace de fracture. A noter l'union des apo¬
physes clinoïdes antérieure etmoyenne ; ce qui explique peut-être
la
résistance qu'a offertece crâne.
Expérience V. — Sur le crâne précédent, dépouillé desa calotte et disposé de la même façon, on porte plusieurs coups
de billot. Au
troisième coup(les deux premiers ayant été donnéssans
résultat),
ona une fracture dontla direction générale est antéro-postérieure.
Elle
part en avant, àun centimètre àgauche de la crête
frontale interne,
se dirige dans la fosse ethmoïdale gauche, passe entre