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Penser l'intégration scolaire à partir de l'expérience des enseignant-e-s : la construction de sens en tant que cheminement transactionnel

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

Penser l'intégration scolaire à partir de l'expérience des enseignant-e-s : la construction de sens en tant que cheminement

transactionnel

FERNANDEZ-IGLESIAS, Raquel

Abstract

L'objet de cette thèse est de penser l'intégration scolaire à partir de l'expérience des enseignant-e-s. Son caractère novateur est lié au constat que malgré l'abondance des travaux scientifiques portant sur la thématique de l'intégration scolaire et sur le travail des enseignant-e-s, l'approche par l'expérience des enseignant-e-s est absente de la littérature.La recherche est compréhensive. Vingt-cinq enseignant-e-s exerçant en classe d'enseignement ordinaire et spécialisé à Genève ont été interviewé-e-s. L'analyse des récits produit une hypothèse ancrée dévoilant un rapport typologique des rapports à l'intégration (adhésion-distanciation), et permet, progressivement, d'identifier un travail de problématisation. Les enseignant-e-s analysent les conditions dans lesquelles ils-elles intègrent et relèvent les enjeux dont ces conditions sont porteuses. Leurs récits dévoilent que les conditions semblent plus favorables à l'adoption des solutions séparatives qu'inclusives, et elles font obstacle à la construction d'une pensée critique chez les enseignant-e-s.

L'adhésion, la distanciation [...]

FERNANDEZ-IGLESIAS, Raquel. Penser l'intégration scolaire à partir de l'expérience des enseignant-e-s : la construction de sens en tant que cheminement

transactionnel. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2016, no. FPSE 627

URN : urn:nbn:ch:unige-819829

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:81982

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:81982

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Section des sciences de l’éducation

Sous la direction de Maryvonne Charmillot

Penser l’intégration scolaire

à partir de l’expérience des enseignant∙e∙s.

La construction de sens en tant que cheminement transactionnel

THESE Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteure en sciences de l’éducation

par

Raquel FERNANDEZ-IGLESIAS de

La Coruña/Espagne Thèse No 627

GENEVE Février 2016

Numéro d’étudiante : 95-326-120

Membres du jury

Maryvonne Charmillot (directrice). Université de Genève, Suisse Marco Hessels. Université de Genève, Suisse

Jean-Paul Payet. Université de Genève, Suisse Geneviève Petitpierre. Université de Fribourg, Suisse Florence Piron. Université de Laval, Québec

Marie-Noëlle Schurmans. Université de Genève, Suisse

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Remerciements

A l’instant même où j’écris ces mots, je touche, pour la première fois, le manuscrit de thèse qui vient de m’être remis. La chaleur de l’impression est encore palpable, l’odeur du papier perceptible et soudain, alors que j’attends ce moment depuis longtemps, un regret m’envahit, celui de ne pas avoir trouvé le temps d’écrire des remerciements qui soient à la hauteur de ma gratitude envers les personnes qui m’ont accompagnée dans ce temps de thèse, qui est celui même de la vie. Alors je me mets à l’exercice le cœur serré par la peur d’oublier des personnes, les doutes quant aux critères de citation, divers et variés, ainsi que l’ordre. Par qui commencer ? Quels mots s’avèrent être appropriés ? La force des mots écrits par Samuel Beckett (1985) dans son livre, L’innommable, exprime les difficultés rencontrées ainsi que les joies partagées à travers ce travail de thèse qui a failli ne pas voir le jour.

Je ne peux pas continuer, il faut continuer… C’est bien cela que je me suis dit, à un moment donné du parcours. Lorsque tout semblait sans espoir et que les chemins paraissaient sans issue, j’ai rencontré les personnes qui habitent l’Institution, celles qui ne se cachent pas derrière leurs rôles, qui font bien plus que leur travail. Cecilia Mornata et Pascal Zesiger, je vous adresse une reconnaissance sans limite. Merci aussi à Greta Pelgrims : ton écoute et ton accompagnement ont été, avant la réorientation de mon travail, indispensables.

En dehors du cadre institutionnel je tiens à remercier très fortement Yann Réthoret, car la qualité de son accompagnement pendant cette traversée du désert m’a permis de redevenir celle que j’étais.

… je vais continuer. Avec l’aide et le soutien de nombreuses personnes, j’ai pu entamer ce voyage qui arrive aujourd’hui à destination. Je tiens à remercier très chaleureusement Maryvonne Charmillot. Maryvonne, ma gratitude est, à l’image de tes compétences professionnelles et humaines, sans frontières. Je te dédie ma thèse car tu es la seule à avoir vu le germe de ce projet de thèse, là où d’autres ne voyaient que des cendres. Tu incarnes la figure du maitre médiateur dont parle la philosophe María Zambrano, lorsqu’elle dit qu’avoir un maitre est avoir quelqu’un à qui poser des questions mais plus profondément encore, avoir quelqu’un devant qui se questionner.

Merci aux autres membres de ma commission de thèse d’avoir fait partie de cette aventure qui a démarré avec les apports de leurs enseignements et s’est ensuite enrichie au rythme des lectures de leurs travaux ainsi que, pour une partie d’entre vous, des rencontres et collaborations dont j’ai eu la chance de bénéficier. Parmi ces membres, deux font l’objet de remerciements spéciaux. Le premier s’adresse à Marco Hessels. Merci Marco de m’avoir toujours témoigné ta confiance et ton soutien. Merci d’avoir accepté mon envie d’élargir le regard forgé par ma formation en éducation spéciale à d’autres horizons plus sociologiques, comme celui de la construction de la connaissance dans lequel s’insère ma thèse. Ces remerciements s’étendent aux membres de ton équipe -collègues et ami·e·s - qui a été à deux reprises aussi la mienne : merci à Christine Hessels, Mélanie Bosson et Hildallil Rojas.

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Le second remerciement s’adresse à Marie-Nöelle Schurmans, pour la poésie dont elle enrobe ses travaux et le regard, sociologique et critique, qui l’habite. J’espère ne pas avoir déformé tes propos ni ta pensée en cherchant, à la lumière de tes travaux, à élaborer la mienne.

Le moment est venu de remercier mes nombreuses collègues et ami·e·s rencontré·e·s dans le cadre de ma trajectoire de formation et de collaboration universitaire : Eva Villar, David Munuera et Anne Meyer ; Caroline Denaes, Nadine Kipfer, Fernando Carvajal-Sánchez, Caroline Dayer et Héloïse Rougemont ; ainsi qu’à celles ayant vécu en parallèle leur propre thèse qui ont rendu, au rythme des cafés et des réflexions partagés, ce processus de construction personnelle plus agréable et harmonieux, spécialement : Aneta Mechi, Stéphanie Bauer, Isabel Voirol-Rubido, Sophie Brandon, Camila Dubroeucq et María Eugenia Sierra Pérez. Merci aussi à Arantza Ozaeta et à Julie Allegra, voisines de bureau et complices dans cette aventure ; à Doline Charmillot pour son aide à la transcription ; à Caroline Denaes et à Héloïse Rougemont pour la révision des références bibliographiques.

Toute ma reconnaissance aux élèves et aux jeunes en difficulté avec lesquel·le·s j’ai travaillé et je travaille encore aujourd’hui, qui me rappellent sans cesse le sens de l’éducation et me donnent envie de continuer à penser. Merci à leurs parents pour la confiance qu’ils m’ont donnée ainsi qu’à leurs enseignant·e·s qui m’ont beaucoup appris en me faisant part de leur expérience. Aux enseignant·e·s rencontré·e·s dans le cadre de cette thèse ; à leur lutte incessante au quotidien ; à leur regard critique qu’ils·elles n’ont pas hésité à développer malgré le contexte socio-politique et institutionnel actuel.

En dernier lieu, et pas pour ça moins important, je termine par des remerciements aux membres de ma famille, très présents dans cette aventure. A mon père et à ma mère de m’avoir toujours fait sentir spéciale à leurs yeux et qui m’ont permis de devenir la personne que je voulais. A ma sœur préférée, parce que j’en ai qu’une et parce qu’elle m’a transmis sa passion pour la connaissance et son amour pour le point d’interrogation ; à sa lutte continue pour la recherche de liberté individuelle et la justice sociale, recherche incessante et contagieuse qui se dégage de ses travaux qui ne peuvent laisser indifférent.

Bien que je ne l’aie pas citée dans ma thèse, les traces de sa réflexion sont omniprésentes dans ma pensée. A mes trois frères, dont la singularité de chacun m’a beaucoup aidée dans des moments différents de ma vie où ils ont toujours été là pour moi. A mes neveux et à mes nièces que je porte toujours dans mon cœur. Et parce qu’une thèse se vit au quotidien, à mon mari qui me voyait dans le domaine de l’éducation telle une évidence et qui n’a pas hésité à faire des sacrifices pour que ce projet voit le jour. Je termine par remercier mes enfants, Iñaki et Nuria, pour la force qu’il et elle m’ont donnée tout au long de ce processus ; pour m’avoir poussée à donner le meilleur de moi-même et à me de dépasser, tout en me donnant leur amour, inconditionnel ; pour les rêves personnels que nous poursuivons, ensemble.

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2

T

ABLE DES MATIÈRES

Prologue. Penser le canevas de thèse ... 5

La position : « de quel côté sommes-nous ? » ... 10

La réorientation de l’objet de recherche ... 16

Première partie. Fondements

...23

Introduction ...24

Chapitre 1. Construction d’une posture de recherche compréhensive ...29

De la position à la posture ...29

Une posture de recherche compréhensive ... 30

Finalités des connaissances ... 38

Chapitre 2. Méthodologie ...43

Plan d’enquête ...43

Problématique ... 43

Questions de recherche pour penser l’intégration ... 50

Conditions de production des discours...52

L’entretien en tant que configuration interdépendante ... 53

Une prise de contact médiatisée... 57

Les enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s ... 58

Construction de l’analyse des entretiens ...62

Conception et fonction du langage ... 62

Postures d’analyse ... 64

Outils d’analyse ... 66

Démarche d’analyse ... 71

Chapitre 3. « Dés-en-cadre » théorique ...74

Première notion rebelle : l’intégration scolaire ...76

L’« imaginaire social » comme « arrière-plan » des significations de l’intégration scolaire ... 76

Les mouvements sociopolitiques en faveur de l’intégration ...78

Paradigmes scientifiques et modèles théoriques de l’intégration ...82

Les significations de l’intégration scolaire dans l’imaginaire social ...86

Deuxième notion rebelle : les « significations experientielles » ...90

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« significations » et « sens » ... 92

Troisième notion rebelle : l’ « expérience » ...95

Expérience et formation ... 95

Expérience et transformation ... 102

Expérience et transaction ... 108

Deuxième partie. Construction de sens

...111

Chapitre 4. De la certitude au rapport d’adhésion ...115

La fonction et le registre d’expression des significations collectives ... 124

Configuration du rapport d’adhésion ... 132

L’arrière-plan théorique des significations collectives ... 133

Chapitre 5. De l’adhésion à la distanciation ...139

a) L’incertitude comme prémisse au rapport de distanciation ...139

La construction de sens au cœur de la singularité de l’expérience ... 149

Blocage de l’action et culpabilité ...149

« cheminement » personnel ...150

La problématisation de l’intégration « fictive » ...154

La construction de sens, prémisse au travail de problématisation ... 157

Retour aux questions de recherche ...160

b) De la distanciation à la problématisation de l’expérience ...165

L’èthos de la problématisation ... 166

Le logos de la problématisation ... 169

Le pathos de la problématisation ... 174

Transformation de l’hypothèse typologique a partir de la perspective transactionnelle ...180

Chapitre 6.La construction de sens en tant que cheminement transactionnel ...193

Première étape : l’adhésion aux significations collectives ... 203

Deuxième étape : l’incertitude comme prémisse à la distanciation ... 206

Troisième étape : le questionnement comme prémisse à la problématisation ... 211

Conclusion ...233

Références bibliographiques ...242

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Figures et Tableaux

Tableau n° 1 : Caractéristiques des enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s (p. 60)

Figure n° 1 : Pourcentage des enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s selon le sexe (p. 61)

Figure n° 2 : Nombre d’enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s par classe d’enseignement et par sexe (p. 61)

Figure n° 3 : Déroulement d’une recherche compréhensive (p. 72)

Tableau n° 2 : Significations collectives et construction de sens d’après les apports de Taylor (1999) et de Zarifian (2000) (p. 93)

Tableau n° 3 : Hypothèse typologique des rapports à l’intégration (p. 113) Figure n° 4 : Logique de normalisation institutionnelle (p. 123)

Tableau n° 3a : Configuration du rapport d’adhésion (p. 133)

Tableau n° 4 : Maintien et renforcement de la culture de la séparation (p. 134) Tableau n° 3b : Configuration du rapport de distanciation (p. 161)

Tableau n° 5 : Problématisation de l’expérience (p. 185) Tableau n° 6 : Production du vivre ensemble (p. 187)

Figure n° 5 : Construction de sens dans sa dimension chronologique (p. 230)

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P

ROLOGUE

Penser le canevas de thèse

1

« Qu’est-ce qu’une thèse en sciences humaines et sociales ? » (Boutier, 2013, p. 37). Par ce titre évocateur, Boutier (2013) constate un « non-dit, ou un impensé […] en ce qui concerne la nature, ou la définition, de la thèse de doctorat » (p. 37). Selon lui, « dire ce qu’est une thèse, c’est prendre position dans un domaine où s’affrontent des conceptions contrastées de l’activité scientifique » (p. 39).

Une thèse est un processus qui se compose de plusieurs étapes, la première étant l’écriture d’un projet ou canevas de thèse. Olivier de Sardan (2013) constate le peu d’intérêt

« méthodologique, épistémologique et même pédagogique » (p. 107) octroyé à cette étape initiale alors qu’elle comporte « un enjeu majeur : l’articulation entre un objectif empirique et l’appui sur des débats savants » (p. 109).

Au sein de la section des Sciences de l’Education de l’Université de Genève où je suis inscrite, l’approbation du canevas de thèse suppose le démarrage formel du projet doctoral.

C’est à travers ce travail de réflexion et de rédaction que les doctorant∙e∙s2 s’initient à la conquête d’un objet scientifique dans le cadre plus général de leur socialisation au métier de chercheur. Loin de se déployer dans un vide social, cette conquête est en partie contrainte par des modèles de pensée propres aux disciplines d’ancrage de l’objet de recherche. Ces disciplines ont elles-mêmes une histoire, ce pourquoi on peut dire que la pensée scientifique élaborée par les doctorant∙e∙s s’inscrit dans une histoire des disciplines qu’ils et elles contribuent de ce fait à construire et à reproduire par l’adoption de modèles de recherche.

Schurmans (2011) relève le fait que la plupart des chercheur∙e∙s sont socialisé∙e∙s au modèle de recherche dominant basé sur la logique explicative, ce qui fait que

les études en sciences sociales, dans lesquelles avons été – ou sommes – engagés, contribuent à nous inscrire dans une culture disciplinaire particulière ; que cette culture a une histoire ; et que cette histoire prend racine dans le projet positiviste. (p. 5)

1 Le canevas de thèse est un projet préparé par les doctorant∙e∙s au plus tard 4 semestres après leur inscription au doctorat et présenté par le∙a directeur∙trice de thèse au collège des docteur∙e∙s de la section concernée (Psychologie ou Sciences de l’Education). Chaque section dispose d’un collège composé des membres du corps enseignant ayant le statut de docteur∙e∙s (cf. règlement de doctorat de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation [FAPSE] de l’Université de Genève).

D’un point de vue formel, le texte du canevas de thèse doit se composer de différentes parties (objet de la thèse, état de la question, cadre théorique…) dont l’écriture est fixée à 50'000 caractères, espaces, annexes et bibliographie compris. Il est accompagné du CV du doctorant∙e, attestant « que le candidat dispose des connaissances utiles, voire nécessaires, pour mener le projet annoncé » (cf. Recommandations concernant la rédaction des projets de thèse SSED, p. 1).

2 Le langage épicène est utilisé dans cette thèse. En raison du positionnement politique qui lui est associé, les citations d’auteur∙e∙s ainsi que les extraits de textes de loi ne sont pas modifiés. Les extraits du texte de canevas présentés dans ce prologue n’ont pas été adaptés à ce langage. L’ensemble du manuscrit est soumis aux principales règles de l’orthographe réformée détaillées dans http://www.gqmnf.org/AutresPoints_ExemplesLettres.html

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L’objectif de ce prologue est de penser le canevas de thèse pour pouvoir me situer à l’intérieur de la communauté scientifique comprise comme un lieu de socialisation. Mais qu’est-ce penser veut dire ? Penser revient à considérer la connaissance comme une démarche (Beaud, 2013), de sorte qu’elle n’est pas limitée pas à un « agencement des idées et de la rationalité ; elle intègre la dimension éthique, l’esprit de responsabilité, la capacité de se projeter dans le futur, de choisir, de décider et d’agir » (p. 303). Mais bien qu’elle vise la production de connaissances, la pensée scientifique ne saurait s’y réduire ; « elle est aussi en lien avec les sens, les sentiments, les réactions, le bien, le mal, les interdits, les projets […] » (p. 304), elle implique donc l’être dans sa globalité. « Penser, c’est avant tout, vouloir créer un monde » (Camus, 1965, cité par Beaud, 2013, p. 304).

Penser le canevas de thèse permet de penser le rapport que les chercheur∙e∙s entretiennent avec le monde depuis lequel elles et ils construisent leurs objets et qu’elles et ils partagent avec autrui. Ce rapport s’exprime à travers le travail d’écriture considéré dès lors comme « le lieu où s’actualise et prend effet la relation entre le chercheur-auteur et le monde sur lequel et dans lequel il produit du savoir » (Piron, 1996, p. 140).

Le rapport avec le monde est aussi un rapport à soi, ce pourquoi, « penser est avant tout déchiffrer ce que l’on ressent » (Zambrano, 1993, p. 36). Penser son objet de recherche, c’est en même temps, se penser. Dans ce sens, la thèse représente une possibilité de (se) penser3. Afin de procéder à l’analyse du canevas de thèse, un bref résumé composé d’extraits de ce dernier est présenté. Ce résumé fait référence notamment à la partie théorique et méthodologique avancée.

3 Cette expression fait référence à celle utilisée par Beaud (2013) lorsqu’il définit la thèse comme une « occasion pour exercer sa capacité de penser » (p. 301). De par les contraintes et les enjeux qui entourent le travail d’une thèse, je l’envisage davantage comme une « possibilité » qu’une occasion, car si l’occasion est donnée à n’importe quel∙le doctorant∙e qui s’inscrit dans ce processus, les possibilités ne vont pas forcément de soi. Le terme de « capacité » de par sa supposée nature individuelle et son rattachement sémantique au domaine de l’intelligence dans le sens commun, est abandonné en ce qu’il comporte le risque de contribuer à une psychologisation du social.

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Deux paradigmes en tension

Partie théorique

En s’appuyant sur la définition juridique genevoise de l’intégration scolaire4, le canevas porte sur l’« étude des mécanismes psychosociaux à l’œuvre dans les contextes d’intégration scolaire de l’enseignement primaire genevois ».

Dans le cadre genevois, « la tendance à la séparation des élèves qui devraient bénéficier des mesures de pédagogie spécialisée semble pourtant aller à l’encontre des intentions politiques (Bless, 2004). L’orientation dans des structures d’enseignement spécialisé séparées de l’enseignement ordinaire semble concerner un nombre croissant d’élèves ne présentant aucun type de déficience d’origine organique, mais étant considérés en échec scolaire puis en difficulté d’apprentissage ou de comportement (Bless, 2004 ; Pelgrims, 2006). Parmi ces élèves, il y aurait notamment une surreprésentation de garçons (Pelgrims & Doudin, 2000) et d’enfants d’origine étrangère (Sturny-Bossart, 1985). Ces données sont de nature à questionner l’objectif d’intégration et suggèrent la possible intervention de biais dans les processus de désignation des difficultés et d’orientation scolaire vers l’enseignement spécialisé, comme le suggèrent Pelgrims et Doudin (2000). D’après ces auteurs, certains mécanismes psychosociaux élaborés à partir de l’interprétation des caractéristiques des élèves pourraient être à la base de ces biais » (p. 3).

A partir de la revue de la littérature consultée, je suggère ensuite un lien entre l’hétérogénéité des élèves, comprise au sens large, et les difficultés rencontrées par les enseignant∙e∙s qui les accueillent : « C’est ainsi qu’un épuisement professionnel spécifique aux situations de gestion de la diversité a pu être mis en évidence dans le cadre de contextes éducatifs interculturels (Tatar et Horenczyk, 2003). Des recherches effectuées dans le domaine de l’enseignement spécialisé suggèrent à leur tour un lien entre la composition hétérogène des apprenants en contexte d’intégration des E.B.E.P., et la difficulté de l’agir enseignant, que ce soit en classe ordinaire (Doudin, Curchod-Ruedi & Baumberger, 2009) ou en classe spécialisée (Pelgrims, 2001, 2009), voire le risque d’épuisement professionnel et d’abandon du métier (Doudin et al., 2009). Quant aux enseignants de la division ordinaire qui accueillent dans leur classe des E.B.E.P., ils seraient également exposés à ces risques (Kokkinos, 2007), certaines recherches (par ex. Talmor, Reiter & Feigin, 2005) relevant même la proportion d’E.B.E.P. comme facteur aggravant » (p. 6).

Cependant, « le succès de l’intégration ne saurait relever uniquement de variables structurelles mais dépendrait aussi de l’engagement des différents acteurs de l’école et, en premier lieu, de l’action des enseignants (p. ex., Pelgrims & Cèbe, 2010). C’est pourquoi nous nous intéressons ici tout particulièrement aux difficultés rencontrées par les enseignants en

4 Loi sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers (E.B.E.P.) ou handicapés [LIJBEP], entrée en vigueur le 1er janvier 2010.

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contexte d’intégration scolaire, c’est-à-dire à ceux qui portent en grande partie la responsabilité de l’intégration, dans ses différentes modalités. En partant du fait que les structures scolaires jouent un rôle sur les représentations et les pratiques enseignantes (Gilly, Brücher, Broadfoot & Osborn, 1993) et en considérant les travaux sur les représentations sociales en milieu professionnel (Blin, 1997), nous envisageons une recherche de type compréhensif destinée à mettre au jour ces difficultés telles que les enseignants les identifient eux-mêmes, et à dégager des compte-rendus de leur expérience certains mécanismes psychosociaux susceptibles d’être activés dans tout contexte social pouvant impliquer la perception d’une « différence » (Goffman, 1975) » (p. 5).

J’avançais ainsi « l’hypothèse que pour faire face à ces difficultés, les enseignants développent des stratégies éducatives selon des régulations spécifiques. Ces stratégies s’articuleraient à la construction de différentes figures d’élèves qui les orienteraient vers l’établissement d’objectifs relevant plutôt de l’enseignement ou plutôt de la « socialisation », ou vers l’abandon d’objectifs » (p. 2).

« Fortement inspirée par les travaux de psychologie sociale et intégrant les approches dites

« situées » de l’action (Durand, 1996 ; Visetti, 1989), c’est-à-dire interprétant l’action en fonction de la situation […][,] l’étude des mécanismes qui soutiennent l’élaboration de ces figures dans chacun des contextes doit nous permettre non seulement de dégager un processus représentationnel et catégoriel vis-à-vis de l’hétérogénéité des élèves mais également d’identifier les variations interindividuelles ou intragroupes de ces représentations (Blin, 1997 ; Flament, 1997) » (pp. 6-8). Ainsi, les figures résultent de l’évaluation que l’enseignant∙e fait de ses élèves, évaluation renvoyant aux axes spatial et temporel […].

L’articulation des axes spatial et temporel permet à Monfroy (2002) de dégager quatre figures typiques d’élèves en difficulté caractérisés par leur degré d’intelligence perçue et le caractère tenu pour plus ou moins problématique de leur comportement. Dans cette même veine, nous considérerons ici que ces axes constituent des principes organisateurs des « prises de position » des enseignants face à leurs élèves et sous-tendraient l’élaboration de figures d’élèves en fonction de leur assignation à une place dans le champ défini par les coordonnées spatio-temporelles […]. Sur l’axe de l’espace, l’élève serait situé en rapport à son comportement plus ou moins problématique et sur l’axe du temps sur ses aptitudes, qui le définissent en termes d’« avance » ou de « retard » » (pp. 9-10).

Partie méthodologique

« Le présent projet vise à saisir les difficultés que les enseignants déclarent rencontrer dans leur agir au sein des différentes situations scolaires d’intégration ainsi qu’aux stratégies qu’ils mettent en place pour y faire face. Nous nous intéressons ainsi au point de vue des acteurs puisque c’est « à travers le sens qu’ils assignent aux objets, aux individus, aux symboles qui les entourent, qu’ils fabriquent leur monde social » (Coulon, 2002, p. 17). En ayant accès à ces difficultés, nous pourrons « saisir la dynamique des mécanismes et des processus par lesquels les sujets en sont venus à se retrouver dans une situation donnée, et comment ils s’efforcent de gérer cette situation » (Chantraine, 2004, p. 12).

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9

Dans ce sens, notre recherche est de type compréhensive (Pourtois & Desmet, 1997) ce qui implique une démarche de va et vient entre empirisme, théorie et interprétation.

Le matériau recueilli dans la partie empirique nous permettra d’alimenter un modèle interprétatif des difficultés pratiques posées par les situations d’intégration aux enseignants ordinaires et spécialisés, dont les bases théoriques sont mentionnées dans ce projet de recherche. Ce modèle nous fournira, dans le cadre de la démarche adoptée, une

« interprétation plausible » (Weber, 1992) de l’agir enseignant, plutôt qu’une explication. Il permettra d’effectuer « une articulation aussi fine que possible entre données et hypothèses, une formulation d’hypothèses […] enracinée dans les faits […] partant du `bas`» (Kaufmann, 2004, p. 9) pour appréhender les processus d’ordre social d’après la Grounded Theory5 telle que l’exprime Strauss (1992).

« L’entretien de recherche semi-directif (Kaufmann, 2004) devient l’outil le plus adapté pour saisir les significations que les enseignants donnent à leurs pratiques, en fonction desquelles le modèle d’analyse est élaboré. […] La méthodologie employée […] nous permettr[a] la triangulation des données définie par O'Donoghue et Punch (2003) comme une méthode qui permet de « contre-vérifier des données des sources multiples pour rechercher des régularités dans les données de recherche » (p.78) » (pp. 13-14)

Malaise personnel et enjeu collectif

6

Une fois le canevas validé par l’instance ad hoc7, l’élaboration du guide d’entretien me donnant l’accès au terrain me permet d’identifier une tension entre mon souhait compréhensif et le dispositif théorique imaginé. Le modèle envisagé, en amont du terrain, me contraint à formuler des questions précises permettant de valider mes présupposés théoriques et laissant peu de place aux personnes interviewées8 pour s’exprimer, ce qui est l’inverse de ce qui est annoncé dans la partie méthodologique. Il ne s’agit pas tant de proposer une interprétation plausible mais davantage une explication causale des difficultés rencontrées par les enseignant∙e∙s. Par ailleurs, ce modèle construit en amont du terrain est incohérent par rapport à la démarche inspirée de la Grounded Theory que je dis vouloir adopter.

Dans ce sens, les questions sont orientées vers l’identification des difficultés posées par l’intégration (postulat théorique) et, comme je le précise dans le texte, des « catégories et des caractéristiques utilisées par les enseignants pour se référer à leurs élèves pour dégager la construction de ces figures » (p. 7). La forme de la grille d’entretien est plus proche de celle d’un questionnaire ou d’un entretien directif que de celle d’un entretien semi-directif, pourtant annoncé dans la méthodologie du canevas. Plutôt que m’intéresser au sens que les interviewé∙e∙s confèrent à l’intégration scolaire dans le cadre de leurs pratiques, j’ai

5 Je me référerai dans le texte indifféremment expressions Grounded Theory, théorie ancrée ou théorie enracinée.

6 Becker (2013).

7 Cf. note 1 (p. 5) : le collège des docteur∙e∙s.

8 Les termes intervieweur∙e/interviewé∙e impliquent un échange verbal dirigé de manière plus directe que l’entretien narratif souhaité, raison pour laquelle ils sont remplacés par chercheur∙e/personne (ou enseignant∙e) interviewé∙e.

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l’impression de chercher à valider, chez les enseignant∙e∙s, le sens construit en tant que chercheure à travers le cadre théorique mobilisé.

Guidée par Schurmans (2008b) je me pose des questions quant à la finalité de ma recherche :

« Dans quel sens va mon travail de recherche, d’une réduction des inégalités et des injustices sociales ? D’une habilité à piloter l’action ? D’un accroissement de l’actorialité par le dévoilement des déterminismes ? » (pp. 82-83). Mes réponses, négatives, me permettent de penser les effets que les connaissances produites dans le cadre de ma thèse peuvent avoir sur autrui et plus précisément sur les enseignant∙e∙s. Tel que l’affirme Piron (1996), « prendre acte de l’existence des effets de l’action équivaut donc à concevoir l’acteur avant tout comme celui qui partage le monde avec d’autres personnes » (p. 140).

Pour penser cette forme d’autocontrainte, je mobilise le texte écrit par Charmillot et Dayer (2007) à propos de la construction d’une posture de recherche dans le cadre d’une démarche compréhensive. Les liens d’interdépendance établis par les chercheures entre les 4 pôles d’une recherche me permettent de penser le canevas et plus concrètement la tension ressentie entre le souhait compréhensif que j’annonce dans la méthodologie et le dispositif théorique construit. La lecture de ce texte me permet d’identifier une tension épistémologique entre les pôles théorique et technique du fait qu’ils relèvent respectivement, du paradigme de la raison expérimentale et de celui de la raison interprétative. Alors que le premier ne permet pas de prendre compte de cette tension, celle-ci peut être pensée au sein du paradigme interprétatif.

Cette tension est pensée dans un premier temps en termes d’implications des deux paradigmes dans la manière d’aborder les objets de recherche et plus concrètement, dans le type de rapport que les chercheur∙e∙s établissent avec ces derniers. Dans un deuxième temps, la tension me permettra de penser le rapport entre les deux paradigmes.

L

A POSITION

: «

DE QUEL CÔTÉ SOMMES

-

NOUS9

? »

En référence aux travaux de Berthelot (2001), Schurmans (2006) identifie deux paradigmes de recherche en sciences sociales : le paradigme de la « raison expérimentale » et le paradigme de la « raison interprétative ». Alors que le premier fait référence aux démarches de recherche explicatives, causales et objectivistes, le second comprend les recherches compréhensives, interprétatives, herméneutiques. Le rapport que les chercheur∙e∙s établissent avec leur objet diffère au sein de chaque modèle ; à la neutralité du premier, s’oppose l’engagement du second.

L’exigence de neutralité prônée par le modèle de la raison expérimentale obéit à une signification pré-kantienne de l’objectivité (Bihr, 2008). Selon Bihr (2008), cette signification

ignore que tout objet scientifique, quel qu’il soit, est un construit, qu’il est l’objectivation d’une démarche et, partant, de l’ensemble des déterminants (épistémiques, idéologiques, politiques, sociaux, etc.) de cette dernière. En ce sens,

9 Becker (2006, p. 175).

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11

exiger du savant […] qu’il se place face à la réalité sociale sans a priori d’aucune sorte, qu’il se contente de la recevoir telle qu’elle se présente à lui pour la décrire et l’analyser, ne relève pas moins d’un parti pris (épistémologique, idéologique et en définitive socio-politique) que la démarche qui s’autorise, inversement, à adopter une position face à la réalité sociale observée. (p. 37)

Pour Becker (2006), la question de l’engagement et de la neutralité ne se pose pas à partir du moment où nous postulons que tout travail de recherche mobilise dans une plus ou moindre mesure les valeurs des chercheur∙e∙s (ses préférences, ses sensibilités, son positionnement politique etc.). Il affirme que « la question n’est pas de savoir si nous devrions prendre parti, étant donné que nous le ferons inévitablement, mais plutôt de savoir de quel côté nous sommes » (p. 175).

Pour être en mesure de me positionner et puisque je poursuis un objectif compréhensif, il s’agit dans un premier temps de penser le rapport établi avec mon objet de recherche dans le texte du canevas à la lumière de la démarche compréhensive que je souhaite adopter. Dans un deuxième temps, je procède aux réajustements nécessaires au vu d’une réorientation des savoirs produits.

Piron et Couillard (1996) soutiennent que la réorientation des savoirs est possible, dès lors que l’on admet que les sciences socio-humaines participent à l’élaboration du monde, mettant ainsi en lien les savoirs scientifiques et la gestion du social faite par les institutions :

Dire que les sciences sociales produisent le monde, cela signifie que la façon dont les acteurs sociaux se construisent comme sujets est étroitement liée aux savoirs que les institutions scientifiques produisent à leur sujet : ils sont `désignés` et finissent par se

`reconnaitre` dans les catégories et les représentations d’eux-mêmes qui découlent des pratiques scientifiques et administratives et qui deviennent ainsi une source de référence `naturelle` pour parler de soi et des autres. (p. 12)

La réorientation des savoirs exige une deuxième condition : le nouveau rapport établi par les chercheur∙e∙s vis-à-vis de leurs objets affecte ces derniers∙ères et est source de transformation.

Il en résulte ainsi une transformation des chercheur∙e∙s à travers leurs processus de recherche telle que l’exprime Oliver (2002, cité par Susinos & Parrilla, 2008) :

Dans ma propre carrière en tant que chercheur je suis conscient d’être passé de voir la recherche comme un essai pour investiguer le monde à voir la recherche comme une action impliquée dans la production du monde. (p. 161)

La démarche compréhensive

Le travail des chercheur∙e∙s qui adoptent une démarche compréhensive porte sur le mouvement dialectique entre l’individuel et le collectif, en se focalisant sur le sens. En effet, bien que les déterminismes existent, ils ne sont pas suffisants pour comprendre la production de sens élaborée socialement par les personnes (Schurmans, 2003). Selon Schurmans (2003), les humains réagissent à une partie des déterminismes dont ils sont eux-mêmes partiellement

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12

les créateurs, ce qui permet de considérer leur part d’agentité et d’actorialité.

En cherchant à saisir les significations attribuées par les personnes à leurs actions, ce travail dialectique permet d’identifier aussi bien la logique des conduites individuelles que la logique de l’activité sociale (conduites collectives) à l’intérieur de laquelle elle s’insère (Schurmans, 2001 ; 2003). Ce mouvement dialectique caractéristique de la démarche compréhensive permet de dépasser la querelle explication-compréhension10 de par son inscription dans les sciences critico-reconstructives définies par Apel11 (2000).

Inscrites dans le modèle de la raison interprétative et nourries des réflexions critiques adressées au modèle positiviste, et par là à la raison expérimentale, les démarches compréhensives refusent la conception objectiviste, empiriste et quantitativiste de la science et le rapport d’extériorité vis-à-vis de l’objet de recherche (Schurmans, 2008b). La rupture avec cette conception objectiviste d’un « réel manifeste des structures stables, indépendantes de l’observateur et accessibles à son investigation » (Berthelot, 1990, p. 121) invite les chercheur∙e∙s, dès lors qu’elles et ils se situent dans une perspective compréhensive, à définir le rapport qu’ils établissent avec leurs objets. Par quoi se caractérise ce rapport ?

Le rapport à l’objet de recherche « de l’intérieur »

Au sein des démarches compréhensives, la contestation du rapport d’extériorité adressée au modèle positiviste repose sur trois postulats (Schurmans, 2008b):

a. Inséré∙e∙s dans le même monde socio-historique que leur objet d’étude, les chercheur∙e∙s sont soumis∙e∙s aux conditions structurelles (porteuses de déterminismes) et structurantes (productrices de sens) qui pèsent sur elles∙eux et qu’elles et ils contribuent à maintenir par le biais des interactions.

b. En considérant la construction identitaire des chercheur∙e∙s comme le résultat de l’

« expérience vécue » à travers leur trajectoire biographique, elle se caractérise par un double mouvement. L’extériorité l’affecte et contribue à constituer une intériorité, intériorité en constant mouvement qui affecte la personne.

c. L’intériorisation de l’extériorité par la personne affecte à son tour, par l’intermédiaire des interactions sociales, l’extériorité. En référence à Schurmans (2008a), la personne

« est, pour autrui, un autrui qui affecte » (p. 95).

C’est dans ce sens-là que la démarche compréhensive saisit les objets « de l’intérieur », en référence au monde social partagé. Cela implique qu’indépendamment de l’objet étudié et des techniques méthodologiques choisies, les démarches adoptées par les chercheur∙e∙s en sciences sociales affectent aussi bien ces derniers∙ères, autrui et le monde partagé avec cet

10 La querelle entre l’explication et la compréhension émerge à la fin du XIXème siècle, début du XXème, de la main d’auteurs comme Wilhelm Dilthey. Ce dualisme renvoie à la distinction effectuée entre l’étude des choses inertes (expliquées par des causes) et des comportements humains (expliquées par des raisons), permettant ainsi le passage d’une conception moniste de la science à une conception dualiste au sens de celle adoptée par Schurmans (2011).

11 Pour approfondir les fondements épistémologiques de ces différentes démarches de recherche en sciences sociales se référer à Schurmans (2011).

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13

autrui (Schurmans, 2008a). C’est ainsi que le rapport des chercheur∙e∙s à l’objet suppose leur participation à la construction et à l’usage des connaissances scientifiques élaborées. Dans ce sens, il est important que les chercheur∙e∙s explicitent le type de rapport établi vis-à-vis des objets et des personnes invitées à participer à leurs recherches (Dayer & Charmillot, 2012 ; Schurmans, 2001). Mais comment penser ce rapport ?

Figure du chercheur et responsabilité

En adhérant à cette idée de monde partagé avec autrui, Piron (1996) pense ce rapport en termes de responsabilité. Elle écrit : « [l]es chercheurs sont des citoyens. Et parce qu’ils sont des citoyens, qu’ils partagent une cité avec leurs concitoyens, ils ont une responsabilité politique pour autrui, pourrait-on dire » (Piron, 2005, p. 16). Pour Piron (2005), « cette responsabilité, ou forme de pratique de l’éthique, est `réfléchie` et dialogique » (p. 133) dans le sens où ce travail sur soi est possible uniquement à travers une conscience et un souci d’autrui à l’intérieur d’un monde partagé. Penser son rapport à l’objet dans ces termes, permet de « définir sa part de responsabilité quant aux résultats de ses recherches, la façon dont ils seront restitués à ceux qui en sont à la source, la validité que ceux-ci accorderont à ses propos » (Schurmans, 2001, p. 163).

En référence à Foucault (1984), pour qui la responsabilité suppose un travail éthique sur soi permettant à la personne de se construire comme le sujet de ses propres actes, Piron (1996) distingue trois « avatars possibles de la figure du chercheur »12 (p. 134) : le chercheur classique, le chercheur coupable et le chercheur solidaire, selon le rapport que ce dernier entretien avec l’« éthique du souci des conséquences » (p. 133).

Première figure : le chercheur classique

Dans le cadre du modèle dominant dans les sciences sociales, cette figure étudie et explique le monde en cherchant « la véracité de la représentation qu’il propose de ce qu’il a étudié » (Piron, 1996, p. 134). Pour cela, il faut mettre une distance entre soi et l’objet étudié. Le positionnement moral ou politique des chercheur∙e∙s n’intervient pas dans leur travail puisque, pour éviter tout biais, « la fabrication de la science doit être indépendante des usages qui en seront faits » (p. 135), usages et effets qui ne peuvent pas être « contrôlés ».

A l’intérieur de ce modèle, l’éthique du chercheur se limite à sa responsabilité scientifique.

Celui-ci s’engage dans une recherche de la vérité qu’il doit, une fois trouvée, représenter de la manière la plus réelle possible (Piron, 1996). L’« éthique du souci des conséquences » n’a pas lieu de s’exercer ici car elle ne peut pas être contrôlée. Ce modèle cherchant à éliminer toute implication subjective de la production scientifique, la « responsabilité intransitive » (p. 136), du chercheur, c’est-à-dire la capacité à répondre de ce qu’il contribue à élaborer, n’a aucune pertinence au sein de ce modèle.

12 Ces figures renvoient à une typologie dégagée par l’auteure dans le cadre de ses lectures scientifiques et philosophiques.

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14

Deuxième figure : le chercheur coupable

Le chercheur coupable n’établit pas de fissure entre citoyen et chercheur mais l’éthique du souci des conséquences est, tout à la fois, familière et incompatible avec cette figure.

Familière car il n’est pas indifférent aux personnes impliquées dans ses travaux ni aux effets que ses textes pourraient avoir sur elles. Incompatible, car le rapport qu’il entretient avec ses textes est ambivalent. En effet, le texte est ici considéré par Piron (1996)

à la fois comme échappant aux intentions de l’auteur en raison de son insertion dans un dispositif discursif qui le dépasse, mais en même temps comme le lieu d’expérimentations possibles, comme si des changements de forme décidés par l’auteur pouvaient, inversement, lui permettre de `dépasser` le dispositif. En montrant que d’autres voix parlent à son insu, qu’il n’est pas l’unique source de ce qu’il écrit et, en même temps, en affirmant être le maitre de son texte et pouvoir se livrer à des expérimentations en tout liberté, ce chercheur semble avoir du mal à se dire le sujet de son texte et à se poser comme responsable de ce qu’il écrit. (p. 134)

Cette figure se concielie mal avec l’éthique du souci des conséquences qui suppose une responsabilité relative au contenu des textes produits et pas seulement à leurs effets.

Troisième figure : le chercheur solidaire

Contrairement au chercheur « classique », le chercheur « solidaire » se caractérise par une solidarité éthique dont l’actorialité se définit principalement comme suit (Piron, 1996):

- il ne peut pas séparer ses actes de recherche du monde où il vit et qu’il partage avec autrui ;

- il crée et préserve les liens sociaux car il n’est pas un consommateur narcissique et individualiste ;

- il est capable d’agir, de choisir et de s’engager entre autres car il peut répondre de ses actes ;

- il est solidaire, ne peut donc pas être indifférent à autrui avec qui il partage le monde.

Les caractéristiques que Piron (2005) confère à l’actorialité sont en adéquation avec celles de la compréhension avancées plus haut, ce pourquoi, le chercheur solidaire peut être qualifié de chercheur compréhensif. L’« éthique du souci des conséquences » engage « un type de connexion entre l’observateur et son monde » (p. 136) basé sur la solidarité. Les chercheur∙e∙s solidaires, puisqu’ils et elles vivent et partagent le même monde que leurs informateurs∙trices, ne sont pas indifférent∙e∙s aux effets que leurs travaux pourraient avoir sur autrui. Ils et elles contribuent à la construction d’un monde dont ils sont solidaires, un monde « qui comprend le présent et l’avenir, le connu et l’inconnu, le visible et l’invisible » (Piron, 1996, p. 141).

Accepter la responsabilité de ses actes et de ses textes, c’est-à-dire avoir le souci de leurs conséquences, n’est pas ici une affaire privée qui ne concernerait que la `conscience` du chercheur […] : c’est accepter en même temps d’appartenir à une communauté, à un monde partagé avec d’autres acteurs, c’est se préoccuper de ce qu’il devient, des formes d’humanité qu’il propose ou détruit. Cette solidarité avec le

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15

monde est donc aussi un souci du présent […]. (p. 142)

Les chercheur∙e∙s engagé∙e∙s dans une démarche compréhensive pensent leurs objets à partir de leur propre rapport au monde. Or, il me semble que la figure adoptée dans mon canevas de thèse, caractérisée par mon « extériorité » dans la construction de l’objet et par ma

« neutralité » nécessaires à l’objectivité scientifique poursuivie, correspond à la figure du chercheur « classique » définie par Piron (1996). Le rapport d’extériorité et la responsabilité transitive qui caractérisent mon canevas permettent de le situer en adéquation avec le modèle de la raison expérimentale.

La perspective critique qui sous-tend la responsabilité de la figure du chercheur « solidaire » vers laquelle je souhaite orienter mon travail de thèse devrait me permettre, en référence à Piron et Couillard (1996), de « construire une connaissance éclairée du [lien entre le savoir scientifique et l’entreprise de gouvernementalité13 du social] de manière à pouvoir le modifier et proposer d’autres formes d’humanité que celle de la logique gestionnaire et catégorielle14 » (p. 18). Pour ce faire, des réajustements aux spécificités de la démarche compréhensive sont nécessaires. Je vais donc, dans les pages qui suivent, inviter les lectrices et les lecteurs à me suivre dans la réorientation de mon objet de recherche.

13La gouvernementalité désigne « un domaine de relations stratégiques entre des individus ou des groupes, relations qui ont pour enjeu la conduite de l’autre ou des autres et qui ont recours, selon les groupes sociaux, selon les époques, à des procédures et techniques diverses » (Foucault, 1984, cité par Piron & Couillard, 1996, p. 17).

14 Cette logique catégorielle est présente dans la manière de me référer aux élèves à besoins éducatifs particuliers [E.B.E.P.].

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16

L

A RÉORIENTATION DE L

OBJET DE RECHERCHE

Deux réajustements ont été apportés dans le but de contrer les démarches effectuées depuis le paradigme expérimental : les critères de sélection des participant∙e∙s à la recherche et la temporalité des étapes de la recherche15. Les modifications apportées illustrent le passage d’un paradigme à un autre, mouvement illustré par l’expression « de […] à » dans les titres ci- bas. Alors que la préposition « de » introduit la caractéristique ancrée dans le modèle de la raison expérimentale (point de départ), la préposition « à » signale le modèle de conversion, ancré dans la raison interprétative (réajustements effectués).

Choix des personnes à interviewer : de l’homogénéité à la diversité

Homogénéité

Le lien théorique avancé dans le canevas qui suppose un lien de causalité entre les structures et les représentations m’a guidée dans l’élaboration d’un « échantillon représentatif » de la

« population » à étudier. En effet, depuis la figure du chercheur classique, les caractéristiques des personnes interviewées fonctionnent comme des variables en fonction desquelles seront contrastés les résultats de recherche obtenus. Elles doivent être, dans ce sens, contrôlées afin d’éviter toute forme de « biais » dans l’interprétation et de procéder à la généralisation recherchée.

Le choix des établissements a été fait en fonction de plusieurs critères. Considérant que l’intégration aurait plus de chance d’être pratiquée à l’intérieur des écoles où les deux divisions seraient présentes, j’ai choisi uniquement des établissements disposant d’au moins un regroupement spécialisé. Tout d’abord, j’ai commencé par consulter la liste des écoles comportant des classes spécialisées puis j’ai choisi deux établissements situés dans le même quartier, l’un faisant partie du Réseau d’Enseignement Prioritaire [REP], l’autre non.

L’échantillon était composé d’enseignant∙e∙s travaillant dans des classes de l’enseignement ordinaire et dans des regroupements d’enseignement spécialisé situées dans des écoles dites ordinaires. Trois types16 de situations sont prises en compte: l’enseignant∙e qui accueille des E.B.E.P. au sein de sa classe ordinaire, celui qui n’en accueille pas et celui qui exerce dans une classe spécialisée, par définition composée de cette catégorie d’élèves. La taille de l’échantillon renvoyait à un total de 30 enseignant∙e∙s exerçant dans 10 écoles, et plus concrètement d’un∙e enseignant∙e par type de classe, ceci dans le but de créer des groupes quantitativement comparables.

Les critères de sélection retenus sont donc les suivants : le nombre d’E.B.E.P. par établissement (taux d’E.B.E.P. déclarés selon les statistiques), le type d’établissement (REP/non REP) et le type de classe (ordinaire et spécialisée). Les choix effectués sont davantage structurels. Ceci peut être expliqué par le cadre théorique avancé, accentuant le rôle

15 Contrairement au premier effet qui a pu être corrigé en sollicitant de nouvelles personnes au fur et à mesure des entretiens effectués, la temporalité des étapes a été réajustée au moment de l’analyse et de la proposition interprétative.

16 Cette différenciation répond au même lien causal établi entre l’hétérogénéité des élèves et les stratégies éducatives mises en place par les enseignant∙e∙s.

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17

des structures scolaires sur les représentations et les pratiques des enseignant∙e∙s (par ex.

Gilly, Brücher, Broadfoot & Osborn, 1993). En effet, ces critères de sélection renvoient aux modalités des deux variables corrélées dans un but explicatif ; ils permettent d’« expliquer » les différences constatées en ce qui concerne aussi bien les difficultés déclarées (en lien avec les représentations) que les stratégies adoptées (actions provoquées par les représentations).

Diversité

La nécessité de constituer un « échantillon représentatif » de la « population » étudiée offre une vision homogénéisée à des fins de généralisation des résultats. La perspective compréhensive est davantage focalisée sur le sens, ce pourquoi elle s’intéresse à la « montée en intersubjectivité » (Schurmans, 2008b). En se focalisant sur le sens que les personnes donnent à leurs actions, la démarche compréhensive permet d’aborder conjointement la part d’agentité et la part d’actorialité, en prenant en compte les possibilités de cette dernière : actorialité empêchée ou facilitée (par autrui), interdite ou autorisée (par soi), en définitive, une sorte d’« actorialité de/par la pensée17 ». Plutôt que de choisir les personnes à interviewer selon des critères précis, la démarche compréhensive privilégie la diversité des caractéristiques individuelles (par exemple les aspects démographiques) ainsi que celle des trajectoires biographiques et sociales considérées comme productrices de sens. A partir de l’analyse de ces expériences singulières, le travail consiste dans le cadre de cette perspective, à « monter en intersubjectivité, c’est-à-dire à construire une matrice susceptible de rendre compte d’une pluralité d’expériences » (Schurmans, 2008b, p. 100).

Afin de contrer l’homogénéité initiale sous-tendant la composition de l’échantillon, d’autres enseignant∙e∙s ont été interviewé∙e∙s et le but comparatiste de la première étape d’analyse (en fonction des différents facteurs de différenciation compris comme autant de variables), a été abandonné.

De la linéarité à la circularité

Indépendamment de son inscription dans le modèle de la raison expérimentale ou dans celui de la raison interprétative, toute démarche scientifique (qu’elle soit par ailleurs explicative ou compréhensive), cherche à produire des connaissances théoriques, à développer et à valider des hypothèses (Schurmans, 2008b). Malgré cet intérêt partagé, la différence entre ces deux démarches se situe, selon Schurmans, au niveau de « l’organisation temporelle de ces étapes » (p. 97). Alors que la structure des étapes propres à une démarche explicative est linéaire, celle d’une démarche compréhensive adopte une « allure circulaire » (p. 97). Je propose donc d’identifier l’organisation des étapes dans le canevas en prenant comme exemple les hypothèses formulées.

17 La notion d’acteur ne concerne pas ici l’acteur rationnel qui oriente son action en fonction de ses propres intérêts et stratégies au sens de l’acteur stratégique de Crozier (1977), par exemple, dans L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective. J’emploie l’expression « actorialité de/par la pensée » en considérant la pensée comme action et en lui donnant dans ce sens un potentiel émancipateur.

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18

Illustration : hypothèses avancées dans le canevas Les hypothèses formulées sont les suivantes :

1. « En considérant les représentations comme guides pour l’action (Jodelet, 1997), nous émettons l’hypothèse selon laquelle ces stratégies sont articulées à des processus d’élaboration de figures d’élève construites par les enseignant∙e∙s selon certaines régulations » (p. 7).

2. « En prenant en compte notre cadre théorique et le rôle des représentations dans les pratiques, nous postulons que le type d’hétérogénéité scolaire des élèves influence l’orientation des pratiques enseignantes vers un des deux pôles de la fonction enseignante : enseigner ou éduquer (voire rompre toute intention éducative). Cette différenciation dans l’orientation des stratégies pourrait hypertrophier un des buts de l’éducation, en privilégiant soit une orientation des pratiques guidée par une logique d’apprentissage disciplinaire (pôle enseigner), soit une orientation des pratiques guidée par une logique de socialisation ou de consentement des élèves aux normes scolaires (pôle éduquer). Nous appellerons ces stratégies stratégies pédagogiques pour faire référence à la fonction générale des enseignants et nous distinguerons plus spécifiquement une stratégie centrée sur l’apprentissage et une stratégie centrée sur la socialisation pour mettre l’accent sur l’orientation que l’enseignant donne à son action en fonction du but d’enseignement versus d’éducation poursuivi » (pp. 12-13).

« Notre hypothèse est ici celle d’une différenciation des stratégies pédagogiques déployées à l’égard de ces figures d’élèves, selon des buts d’enseignement ou de socialisation que les enseignant∙e∙s se donneraient, de manière plus ou moins consciente et délibérée, en fonction des caractéristiques perçues ou associées aux élèves en intégration » (p. 10).

Linéarité

Les hypothèses ci-dessus exposées, en accord avec le cadre théorique adopté, sont élaborées selon une logique hypothético-déductive située en amont au terrain, celui-ci servant à leur validation. Tel que le soulignent Strauss et Glaser (2013) les hypothèses « préconçues désignent les deux variables qu’il faut corréler » (p. 315). En effet, en construisant les figures d’élève uniquement à partir des caractéristiques individuelles évaluées par les enseignant∙e∙s en fonction des difficultés rencontrées, ces caractéristiques sont considérées comme la cause (variable indépendante) de la stratégie pédagogique (effet - variable dépendante) adoptée par l’enseignant∙e. Plutôt que de saisir le sens que les enseignant∙e∙s donnent à ces difficultés dans le cadre de leurs pratiques, les informations obtenues résultent, en référence à Desjeux (2004),

« de la position de l’observateur, des conditions d’observation, de l’échelle d’observation et du découpage de la réalité à une échelle donnée » (p. 5).

Ces hypothèses permettent de constater que :1) les théories préexistantes sont prédominantes dans la construction de l’objet ; 2) que celui-ci est construit en amont du terrain. Le rôle du terrain sert ici à nourrir et ensuite à valider le modèle envisagé depuis la théorie, tel que je le précise dans ce passage du canevas :

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19

« Notre étude se compose ainsi de deux phases identifiables en raison des étapes respectives de construction et de validation du modèle élaboré. La première partie vise l’identification des difficultés et des stratégies employées par les enseignant∙e∙s pour y faire face, telles qu’elles sont identifiées à travers leurs discours. […] La deuxième partie vise l’observation participante de l’agir enseignant dans les différentes situations d’intégration scolaire et plus concrètement celle des difficultés récurrentes qu’ils disent rencontrer. […] Cette deuxième partie de la recherche devrait nous permettre de tester notre modèle au sein d’un échantillon de classes ordinaires et spécialisées » (p. 14).

3) les données sont produites, recueillies et analysées de manière linéaire, 4) l’analyse ne permet pas l’émergence de faits inattendus ayant émergé du terrain.

Ces caractéristiques sont propres à un « cadre » (framework) théorique caractéristique du formalisme (Clandinin & Connelly, 2000, cités par Contreras Domingo & Pérez de Lara Ferré, 2010a) à travers lequel on peut regarder et interpréter n’importe quelle réalité. Cette vision formaliste suppose, selon Contreras Domingo et Pérez de Lara Ferré (2010a), que les données soient soumises à un cadre théorique déjà-là de sorte que rien ne peut être découvert qui n’ait pas été anticipé à partir de celui-ci. En procédant ainsi, poursuivent les auteurs, est ignoré « ce que les relations génèrent d’elles-mêmes » (p. 16).

La linéarité est par ailleurs visible dans le schéma destiné à l’identification des principaux concepts, dimensions et indicateurs qui sous-tendaient la construction de l’objet de recherche en amont du terrain. L’élaboration de ce schéma, absent du canevas, a été effectuée au moment de la construction de la grille d’entretien.

Espace Temps

Orientation

"enseignement"

Absence d'orientation

Orientation

"apprentissage"

caractéristiques attribuées à

l'élève en fonction de son

comportement

caractéristiques attribuées à l'élève en fonction

de son potentiel présumé

objectifs visant l'apprentissage de

connaissances scolaires absence d'objectifs

objectifs visant des apprentissages sociaux S'ARTICULENT AUX

ORIENTENT LES Hypothèse

Construction des figures d'élève et orientation des pratiques enseignantes.

Canevas pour la construction de la grille d'entretien

Figures d'élèves Stratégies éducatives

c o n c e p t s

d i m

e n s i o n s

i n d i c a t e u r s

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