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Le dispositif d’intégration est qualifié par Victor de « bien joli mais humainement mes collègues elles peuvent m’en vouloir, je suis désolé ». Il se « pose beaucoup de questions » vis-à-vis des états de fatigue constatés chez ses collègues :

je vois des collègues autour de moi très fatigués hein de cette situation de toujours devoir faire la discipline etcetera ils sont toujours souvent épuisés, il y a des collègues qui tombent malades pendant un certain temps on se demande si c’est vraiment une bronchite etcetera ou si c’est autre chose que ça cache (Victor).

Malgré ces difficultés que Victor arrive à surmonter, il estime que parfois les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s n’ont pas le « sentiment d’être aidés en cas de difficulté » et se sentent

« exposé[s]». Il dénonce une absence de soutien institutionnel :

l’institution ne nous aide pas, ça c’est clair […] On n’est pas vraiment soutenus parce que les gens qui devaient nous soutenir font des choses qui finalement sont contre ce qu’on pense être bien donc c’est vrai que c’est assez déprimant moi ça m’étonne pas qu’il y ait beaucoup de gens qui fassent des burnout, des choses comme ça et de grosses fatigues parce que voilà.

Victor considère que son expérience en classe spécialisée lui a appris quelque chose dont il ne se rendait pas compte avant : l’existence d’« une grande injustice » pour les élèves des classes spécialisées du fait qu’ils « doivent suivre un vrai parcours du combattant pour retourner en ordinaire».

L

A CONSTRUCTION DE SENS

,

PRÉMISSE AU TRAVAIL DE PROBLÉMATISATION Le récit d’Isabelle introduit de nouveaux éléments pour penser l’hypothèse typologique proposée (cf. tableau n° 3, p. 113). L’incertitude, qui constitue la prémisse à une distanciation à la logique institutionnelle s’accompagne, tel le modèle imaginé, de répercussions sur le plan identitaire. Les difficultés à collaborer avec les enseignant∙e∙s ordinaires font qu’Isabelle ne se sent pas à sa place parmi l’équipe d’enseignant∙e∙s ordinaires. Le découragement et la solitude ressentie contribuent au fait que ses demandes d’intégration se voient, à un moment donné, bloquées. Ce blocage au niveau de l’action produit des regrets et de la culpabilité dans le sens où l’intégration représente un point positif dans le dossier de l’élève lors de son orientation à la fin de la 8ème primaire. Mais Isabelle constate que l’intégration ne se passe pas forcément mieux à l’intérieur de la division spécialisée. Les répercussions de l’imposition d’une double appartenance institutionnelle à un élève qu’elle intègre d’un centre de jour, les difficultés de collaboration entre les différents professionnels et l’échec de cette intégration (« on a raté

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notre coup ») font qu’Isabelle perd sa confiance dans l’institution et doute de la prise en charge offerte en classe spécialisée. Isabelle a l’impression d’avoir peint un « tableau noir ».

A travers la comparaison des pratiques des enseignant∙e∙s ordinaires et spécialisé∙e∙s effectuée par Isabelle, il est possible d’identifier des éléments susceptibles d’intervenir dans la configuration de l’expérience enseignante dans ces deux contextes de travail : la formation suivie par les enseignant∙e∙s et les conditions d’enseignement en classe ordinaire/spécialisée.

A travers son expérience, Isabelle semble identifier la manière dont la formation, à travers des critères d’objectivité vs subjectivité, participe à cette configuration et, de ce fait, au maintien de la logique institutionnelle séparative (cf. premier chapitre de l’analyse, p. 115).

La formation suivie par les enseignant∙e∙s ordinaires est davantage ciblée sur les savoirs.

Guidée par les programmes, l’action des enseignant∙e∙s est focalisée sur les dimensions didactiques dans un but de transmission, l’évaluation de cette action se fait à travers des notes qui déterminent également l’orientation de l’élève à la fin de la 8ème année de scolarité (cycle d’orientation ou EFP). Programme et notes contribuent à guider l’action des enseignant∙e∙s ordinaires. Parallèlement, ces guides protègent les enseignant∙e∙s sur le plan identitaire en évacuant le sentiment de responsabilité vis-à-vis de l’intégration. En effet, c’est aux enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s d’effectuer les demandes d’intégration, aux élèves de saisir leur chance pour pouvoir être réintégrés dans le circuit ordinaire, soit au sein d’une classe ordinaire, soit par leur orientation vers le cycle d’orientation. La formation des enseignant∙e∙s ordinaires contribue à un sentiment de certitude.

A l’inverse, la formation suivie par les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s interviewé∙e∙s est davantage focalisée sur les dimensions psychologiques dont la prise en charge au sein de la classe entrave la mission principale, celle d’enseigner. L’évaluation ne porte pas sur les disciplines scolaires mais sur les compétences transversales aux apprentissages décrites dans des rapports par les enseignant∙e∙s elles-eux-mêmes. L’absence de critères objectifs pour évaluer (notes) expose davantage les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s sur le plan identitaire. Cette exposition s’accompagne d’un sentiment de responsabilité vis-à-vis des conséquences de son action sur autrui. Isabelle se montre très soucieuse de l’impact que le contenu de ces rapports pourra avoir chez les parents ainsi que du poids que ses commentaires pourront avoir lors des décisions d’orientation de l’élève. La formation des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s contribue à un sentiment d’incertitude.

L’analyse de l’expérience d’Isabelle permet de comprendre comment la formation intervient dans la configuration de l’expérience des enseignant∙e∙s (rapports d’adhésion et de distanciation). Dans le cadre des pratiques professionnelles, ces rapports se traduisent par l’élaboration d’une conception des métiers et des identités professionnelles différenciée et asymétrique, lue en termes de légitimité, compétence, pouvoir de décision et responsabilité face à l’intégration.

Le récit de Sabine porte sur les difficultés de collaboration entre les enseignant∙e∙s ordinaires et spécialisé∙e∙s auxquelles elle se réfère par une analogie avec le divorce. L’enseignante comprend les réticences de ses collègues qui voient l’intégration comme une charge

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supplémentaire et dit être en colère vis-à-vis de l’institution qui ne fournit pas des conditions plus favorables. Cette colère est, selon Sabine, croissante. Ainsi, dans le but de favoriser les chances d’intégration de ses élèves, Sabine cherche à s’intégrer au sein de l’équipe des enseignant∙e∙s ordinaires, ce qui n’est pas facile, selon elle. Sabine n’hésite pas à mettre en place des présentations destinées à montrer le travail effectuée avec les élèves dans le but que les enseignant∙e∙s ordinaires comprennent mieux leur travail. Le travail de communication porte ses fruits puisque certains enseignant∙e∙s ayant exprimé leur refus vis-à-vis des demandes d’intégration, ont changé d’avis suite à cette présentation.

Le récit de Victor porte sur les conditions dans lesquelles se déploie l’intégration. L’analyse qu’il effectue le situe plus loin qu’Isabelle et Sabine dans le processus de distanciation. En effet, à l’instar du travail du∙de la chercheur∙e, Victor semble avoir effectué un travail de problématisation à partir de son expérience. Il est non seulement en mesure d’identifier la logique institutionnelle et la manière dont elle contribue au maintien et à la reproduction des significations collectives, mais également la difficulté de collaboration et les enjeux qu’elle entraîne. En constatant que les pratiques d’intégration concernent un passage des structures spécialisées aux structures ordinaires (de centre de jour à classe spécialisée en école ordinaire ; soit de classe spécialisée à classe ordinaire), l’enseignant conçoit ces structures comme les étages d’une pyramide, à l’image de celle construite en première partie de l’analyse, où la logique institutionnelle intervient dans le « sens de la montée ».

Etant donné que cette logique institutionnelle est, aussi, une logique sociale, Victor considère qu’il est important pour les élèves de pouvoir se rapprocher de cette norme sociale bien qu’il se montre soucieux des risques de la double appartenance imposée à l’élève. Du côté de l’action, Victor veille à ce que ses élèves aient du plaisir et développent l’envie d’aller à l’école ; il dit être « en empathie avec eux ». Une dimension relationnelle vient ainsi s’ajouter à la dimension didactique, focalisée sur la transmission des savoirs. Du côté de l’identité, l’enseignant souligne les risques et les enjeux que cette logique institutionnelle comporte pour les actrices et les acteurs éducatifs (enseignant∙e∙s des deux divisions, parents d’élèves et élèves).

En effet, au-delà de l’avantage que ce rapprochement peut supposer pour l’élève, Victor estime que cette logique institutionnelle porte préjudice aux enseignant∙e∙s. Le dispositif d’intégration passe par la hiérarchie qui, en imposant les intégrations aux enseingant-e-s ordinaires, ne prend pas en considération les besoins de l’élève à intégrer, les enseignant∙e∙s qui les intègrent ni les conditions dans lesquelles l’intégration a lieu (effectifs de la classe d’intégration, double degré etc.). Les effectifs des classes ordinaires, les doubles degrés, le nombre d’élèves en mesures d’accompagnement ou, au contraire, le niveau général de la classe où ils∙elles seront intégré∙e∙s ne sont, par exemple, pas envisagés. De ce fait, l’intégration peut entraver davantage la collaboration entre les enseignant∙e∙s des deux divisions, du fait de supposer une « surcharge », compte tenu des spécificités structurelles ou de la composition du groupe classe. Les enseignant∙e∙s ordinaires favorables à l’intégration ne reçoivent pas de mesures d’aide supplémentaires, ce pourquoi ils peuvent « en vouloir » aux enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s pour leurs demandes d’intégration.

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L’imposition de l’intégration à tout prix produit de la pression auprès des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s. Même si Victor développe sa propre politique à ce sujet, à savoir, ne pas faire des intégrations l’année ou l’élève arrive en classe spécialisée, il ressent cette pression du fait que l’absence d’intégration dans les rapports constitue un obstacle à l’orientation des élèves vers le cycle d’orientation. C’est ce type de configuration qui donne lieu à des pratiques d’intégration « sans conviction » (Isabelle). Victor exprime son inquiétude quant aux effets de cette logique sur la santé des enseignant∙e∙s. Il exprime son souci face au constat de fatigues et d’un état d’épuisement général nécessitant des arrêts maladie. Victor estime que ces indices devraient amener l’institution à réfléchir aux conditions d’enseignement, et plus particulièrement, à celles de l’intégration.

De même que chez Isabelle, l’incertitude chez Victor l’amène à douter de l’efficacité des pratiques séparées ainsi que de celles de l’intégration. Les conditions où se déploie l’intégration ne sont pas favorables à ses yeux, ce pourquoi il l’a qualifie de « fictive ». Victor n’a pas hésité à renverser le sens de la logique en mettant en place des pratiques dans le « sens de la descente ». Cette alternative aux solutions institutionnelles présente, selon lui, des avantages pour les enseignant∙e∙s des deux divisions. Victor cite par exemple les bénéfices des stages dans la structure envisagée avant l’orientation de l’élève, ce qui permettrait de s’assurer de la pertinence des décisions d’orientation envisagées à travers les différentes structures. De même, ces stages permettraient de contrer l’asymétrie et le manque de réciprocité créés par les conditions d’enseignement différenciées (notamment la différence d’effectifs), ce qui constitue une source de tension importante entre les enseignant∙e∙s ordinaires et spécialisé∙e∙s.

Malgré les bénéfices imaginés, l’enseignant sera confronté aux réticences des parents (représentations du spécialisé) et de l’OMP (menace d’une perte identitaire). Les traces d’incertitude manifestée par Isabelle, Sabine et Victor conduisent à identifier le deuxième rapport à l’intégration : le rapport de distanciation.

RETOUR AUX QUESTIONS DE RECHERCHE

Le travail d’analyse effectué jusqu’ici m’incite à revenir aux questions de recherche. Alors qu’initialement, l’incertitude était abordée du point de vue de l’action, elle est désormais rattachée à un processus plus large de problématisation. Alors que le rapport de distanciation était envisagé comme un mouvement d’éloignement de l’enseignant∙e spécialisé∙e vis-à-vis de l’institution, les conditions d’enseignement montrent que les deux rapports identifiés, adhésion et distanciation, sont produits tous les deux par la logique institutionnelle. De ce fait, la construction de sens et les significations collectives coexistent au sein des deux rapports.

Ce sont les significations collectives qui provoquent, qui poussent à la construction de sens ; la construction de sens permet de les positionner, à leur tour, vis-à-vis des significations collectives.

Reprenons donc les sous-questions de la première question de recherche (cf. premier chapitre d’analyse, p. 115) :

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4) Quelle fonction ces significations collectives remplissent-elles au niveau des pratiques d’intégration ? Sur quel registre s’expriment-elles ?

Une fonction différenciée est constatée à partir de l’analyse des discours : alors que les significations collectives ont une fonction d’orientation des pratiques, la construction de sens comporte une fonction critique (questionnement des significations collectives).

Les significations expérientielles s’expriment sur le double registre de l’action et de l’identité.

Les significations collectives définissent une action pédagogique focalisée sur la transmission du savoir et évincent, chez les enseignant∙e∙s ordinaires, tout sentiment de responsabilité du succès/échec des pratiques (l’élève est seul responsable). La construction de sens élargit l’action des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s à une relation éducative plus large soucieuse d’autrui et invite par-là à une responsabilité commune.

5) Quel type de rapport à l’intégration est-il configuré par les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s à la lumière de ces significations collectives ?

Deux rapports sont configurés par les enseignant∙e∙s à la lumière de ces significations collectives. Dans le rapport d’adhésion à la logique institutionnelle, les enseignant∙e∙s ordinaires se montrent en accord avec les solutions institutionnelles vis-à-vis de l’intégration, solutions à tendance séparative. Dans le rapport de distanciation, les enseignant∙e∙s questionnent la logique institutionnelle et mènent des initiatives visant la transformation des significations collectives.

Tableau n° 3b : configuration du rapport de distanciation

Synthèse

D’un récit à un autre, d’un rapport à un autre, nous sommes montés en généralité, ce qui a permis de ne pas limiter ces rapports à une élaboration individuelle mais de mettre en lumière les dimensions sociales qui interviennent dans la configuration de l’expérience singulière.

Cette configuration comporte cependant des risques ; en effet, aller contre la logique dominante, questionner les significations qui alimentent les deux rapports, est source d’enjeux pour les personnes qui essaient de renverser la logique.

L’hypothèse typologique avancée nous a permis d’identifier deux rapports à l’intégration qui semblent découler notamment d’une formation et de conditions d’enseignement différenciés : les enseignant∙e∙s ordinaires construiraient un rapport d’adhésion alors que les enseignant∙e∙s

RAPPORT DISTANCIATION Significations

expérientielles construction de sens

ACTION

questionnent

IDENTITE

exposent

LOGIQUE INSTITUTIONNELLE

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spécialisé∙e∙s construiraient un rapport de distanciation. Cela semble, par ailleurs, assez logique ou évident mais nous savons, à ce stade, que les « évidences mentent » (Torres, 2001). Les significations collectives sont normatives et alimentent la « réponse légitime » (Payet & Rufin, 2015, p. 54) adoptée par l’institution vis-à-vis de l’intégration qui, plus est, de tendance séparative. Cette logique institutionnelle crée une tension entre les deux types de rapports identifiés.

L’analyse des récits des enseignant∙e∙s invite à dépasser cette vision dichotomique des discours et des pratiques sous-tendant chaque rapport. Déconstruisons donc cette évidence.

D’une part, l’identification des failles institutionnelles pousse les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s à questionner les significations collectives et, à travers ce questionnement, elles et ils entament une construction de sens à partir de83 leur propre expérience. Cela voudrait-il dire que les enseignant∙e∙s ordinaires ne construisent pas de sens à partir de leur expérience ? N’identifieraient-elles-ils pas de failles ?

D’autre part, les années de pratique professionnelle semblent intervenir dans la construction de sens. La première partie de l’analyse suggère un rapport d’adhésion plus fort en début de métier, hypothèse qui semble se confirmer partiellement puisque les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s qui construisent un rapport de distanciation comptent plus d’années de pratique professionnelle que ceux∙celles qui construisent un rapport d’adhésion. Est-ce encore une fois une évidence ? Il semble que non puisque, parmi les enseignant∙e∙s qui adoptent un rapport de distanciation, il y a des différences qui suggèrent l’intervention du temps dans cette construction. Retournons donc au sentiment d’incertitude qui les caractérise. Alors que l’incertitude d’Isabelle est relativement récente et liée à une période de découragement qu’elle traverse et qui produit un blocage de l’action, Sabine questionne le sens du terme intégration et entame une construction de sens à partir de son expérience qui lui fait réaliser que pour intégrer des élèves il faut que les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s soient intégrés à l’équipe d’enseignant∙e∙s ordinaires. Elle suggère que l’intégration est aussi une « rencontre » avec l’élève et avec l’enseignant∙e ordinaire et que le sens est question d’un « regard » que l’on porte, d’une « manière dont on la vit » et de comment on « évolue » avec ça, en fonction des personnes et des moments. Elle s’exprime en termes de « cheminement ». Victor dit avoir modifié son rapport à l’intégration ; alors qu’il se disait être « à fond » « au début », il dit

« douter de plus en plus ». L’incertitude s’exprime en termes de problématisation : non seulement il identifie la logique institutionnelle mais aussi les enjeux dont elle est porteuse. Il

83 Jusqu’ici, l’objectif de la thèse (cf. p. 24) était celui de comprendre les significations que les enseignant∙e∙s confèrent à l’intégration scolaire « à partir de » l’expérience des enseignant∙e∙s. L’expression « à partir de » signale le lieu depuis lequel en tant que chercheure, je pense l’expérience des enseignant∙e∙s ; elle se différencie de l’expression « dans le cadre de » qui signale le lieu où ces dernier∙ère∙s construisent le sens de l’intégration. A travers le syntagme « dans le cadre de », l’expérience est abordée en tant que cadre pluriel dans lequel les enseignant∙e∙s construisent le sens de l’intégration. Mais le travail d’analyse montre que la construction de sens se fait non seulement à l’intérieur de ce cadre mais à partir de lui.

Manifestant une pensée critique, les enseignant∙e∙s analysent et problématisent elles∙eux-mêmes leur propre expérience ; de ce fait, à partir d’ici l’expression « à partir de » accompagne également la notion d’expérience, celle-ci étant dès lors considérée comme condition de possibilité de construction d’une pensée critique.

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dénonce les conditions dans lesquelles se déploie l’intégration, qu’il qualifie, dans ce sens, de

« fictive » et n’hésite pas à adopter des pratiques destinées à inverser le sens de la logique.

En fonction de ce qui précède, la dernière question de cette deuxième partie du travail d’analyse est reformulée ainsi :

La mise en doute des significations collectives peut-elle être interprétée à l’aide de modèles ou cadres théoriques de référence ? Si oui, par quoi se caractérisent-ils ? Alors que le rapport d’adhésion à la logique institutionnelle peut être interprété à la lumière du modèle déficitaire, le rapport de distanciation semble invoquer les trois modèles annoncés dans le dés-en-cadre théorique (p. 75). Le fait que les deux rapports soient produits et maintenus par la logique institutionnelle suggère l’existence d’un arrière-plan théorique commun à ces deux rapports vis-à-vis duquel les enseignant∙e∙s se positionnent différemment.

Cela veut dire que les deux rapports partagent les mêmes significations collectives mais, à la différence de l’adhésion des enseignant∙e∙s ordinaires, les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s questionnent, voire contestent celles-ci en construisant un rapport de distanciation.

Les récits d’intégration racontés par les enseignant∙e∙s ordinaires sont organisés autour de la figure de l’élève en intégration alors que ceux des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s ouvrent l’analyse aux conditions dans lesquelles se déploie l’intégration et permettent d’identifier des facteurs qui facilitent ou qui entravent l’objectif d’intégration. Cette ouverture met en scène d’autres actrices sociales et acteurs sociaux, des autruis significatifs, tels que les parents des élèves, les autres enseignant∙e∙s et intervenant∙e∙s au sein de l’établissement ainsi que la hiérarchie de l’école (directrices et directeurs, OMP, etc.). De ce fait, le questionnement des significations collectives peut être interprété à la lumière du modèle social. En effet, le succès ou l’échec de l’intégration n’est pas tant expliqué ici à partir des compétences ou du niveau de l’élève (à l’image du modèle déficitaire qui en fait un problème individuel), mais davantage par les conditions dans lesquelles se déroule l’intégration, faisant de celle-ci un problème social. Les éléments identifiés peuvent être considérés au sein de ce modèle comme des

« barrières sociales » (Zarb, 1997) entravant l’intégration.

« barrières sociales » (Zarb, 1997) entravant l’intégration.