• Aucun résultat trouvé

Bien que l’incertitude se manifeste dans un premier temps à travers un éprouvé individuel (frustration, solitude, tiraillement, découragement etc.), l’analyse des discours pointe la dimension collective qui la produit, qui l’évalue et la légitime. Ces significations collectives sont partagées par les enseignant∙e∙s des deux divisions mais elles se configurent différemment au sein des pratiques d’enseignement, d’évaluation et d’orientation en fonction des spécificités des élèves et de celles des structures concernées par l’objectif d’intégration.

147

Historiquement, la réponse institutionnelle aux spécificités des élèves a justifié les pratiques d’exclusion puis d’intégration et elle a fait coexister, au sein d’un même contexte d’enseignement ordinaire, deux « ordres » ou « divisions d’enseignement » : ordinaire et spécialisée.

L’analyse effectuée jusqu’ici suggère que le rapport d’adhésion est propre aux enseignant∙e∙s ordinaires alors que le rapport de distanciation (analysé dans cette partie en termes d’incertitude) est propre aux enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s. Au-delà de la singularité expérientielle de chaque enseignant∙e et des spécificités du contexte de travail, cette différenciation limpide des rapports à l’intégration selon l’ordre d’enseignement, ordinaire ou spécialisé suggère un « syndrome typique de l’évidence » (Payet & Rufin, 2015, p.53) et invite à questionner les éléments structurels qui organisent les pratiques différenciées.

L’analyse des discours des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s permet d’identifier deux éléments structurels et structurants qui contribuent à une incertitude du côté de l’action et à une exposition identitaire : la formation et les conditions d’enseignement. Les deux éléments ont en commun le fait d’entraver les relations professionnelles entre les enseignant∙e∙s des deux divisions, ce qui peut faire obstacle aux pratiques d’intégration.

La formation

La formation différenciée suivie par les enseignant∙e∙s ordinaires et spécialisé∙e∙s est citée dans le rôle qu’elle peut avoir dans le sentiment de légitimité. Isabelle affirme par exemple :

je viens pas de la même formation qu’eux mais, alors c’est un peu ma parano mais j’ai l’impression qu’on est pas considérés tout à fait comme des enseignants qui avons fait la formation entière, alors pas aussi bien formés que les autres alors ça moi j’y crois pas du tout je pense que même si on vient d’autres horizons on peut amener autant voire plus que quelqu’un qui n’est jamais sorti de […] l’école mais voilà, c’est… j’ai l’impression qu’on a… c’est corporatif hein ? (Isabelle).

La formation différenciée peut également créer des difficultés relationnelles entre les enseignant∙e∙s des deux divisions, notamment en situation d’intégration, à l’instar de Sabine qui s’y réfère en faisant une analogie avec un divorce :

c’est très compliqué parce qu’il faut qu’on puisse avoir une certaine cohérence des adultes, il faut qu’on puisse aussi avoir une certaine ligne pour l’enfant quoi. Moi je pense que c’est exactement, […] comme deux parents divorcés […] on est deux adultes différents, on a, on a, voilà, des parcours différents, on a des professions diff, enfin pas des professions différentes mais des manières de vivre la profession qui sont différentes, on a des représentations de la profession, des représentations de l’intégration etcetera, malgré tout ça ben on a un enfant au centre, là, au milieu qui doit pouvoir s’adapter et à la fois se désadapter […]. C’est compliqué, hein, [rires]

(Sabine).

148

Les conditions d’enseignement

Les conditions d’enseignement en classe spécialisée se caractérisent par des « contraintes et libertés d’action » (Pelgrims, 2009). Les enseignant∙e∙s des classes spécialisées conçoivent des projets individualisés en fonction des besoins des élèves. Pour ce faire, ils∙elles ne sont pas obligé∙e∙s de suivre les programmes scolaires, dont le contenu est pensé en adéquation à la distribution des classes par degré en fonction de l’âge des élèves qui caractérise la division ordinaire. Cette liberté des programmes est reliée à une liberté de fonctionnement pour la réalisation des tâches, étant donné les effectifs réduits (en général moins de 12 élèves) de leurs classes. Les enseignant∙e∙s des classes spécialisées sont cependant confronté∙e∙s à des contraintes de fonctionnement relevant en partie de la forte hétérogénéité des élèves.

Comment ces conditions interviennent-elles dans la construction de sens chez les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s ? L’enseignement en classe spécialisée n’est pas structuré en degrés successifs correspondant à un curriculum spécifique sous-tendant les pratiques d’enseignement, ainsi que les procédures d’évaluation. Autrement dit, les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s ne bénéficient pas de la certitude garantie par les programmes chez les enseignant∙e∙s ordinaires, ce qui les expose davantage sur le plan identitaire. Les enseignant∙e∙s relient le déséquilibre produit aux conditions d’enseignement.

Par ailleurs, la différence des effectifs entre les classes ordinaires et les classes spécialisées (environ 1/3 des premières) crée une absence de réciprocité entre les enseignant∙e∙s des deux divisions qui ne laisse pas indifférentes les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s : « nous on se pose la question on se dit, voilà, moi si j’ai plus que 8 élèves, j’en ai une qui va en intégration donc je n’ai plus que 7, je rajoute dans une classe de 23, voilà, alors est-ce que c’est équilibré ? » (Victor). Ce déséquilibre est source de frustration pour l’enseignant∙e spécialisé∙e dans le sens où, par sa demande d’intégration, elles∙ils ont l’impression de surcharger leurs collègues lesquel∙elle∙s ne reçoivent pas d’aide supplémentaire en les acceptant :

les enseignants on les trouve mais bon les enseignants moi je peux comprendre aussi mais ils disent mais moi, franchement j’ai déjà 24 élèves dont 8 qui sont en mesures d’accompagnement etcetera, c’est un peu difficile moi je voudrais bien mais on m’aide pas (Victor).

Sabine raconte que fin juin, les enseignant∙e∙s du regroupement ont dû présenter à leurs collègues, enseignant∙e∙s ordinaires, les projets d’intégration envisagés pour la rentrée à venir.

Tout se passait bien jusqu’au moment où les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s présentent un 4ème projet, tel que le rapporte Sabine : « la discussion est partie en live parce que les enseignants se sont révoltés en disant que c’était un scandale qu'on pouvait pas accepter autant d'intégrations, qu’est-ce qu’on s’imaginait, on était quand même en REP, on n'avait pas assez de moyens et puis qu'on avait déjà assez d'élèves dans les classes en fonction des moyens etc ». L’enseignante résume les propos tenus par ses collègues : « en gros c’était vous nous les prenez jamais et il faut toujours qu’on accepte les vôtres ».

Suite à cette situation dont Sabine relève le caractère « violent » et la difficulté à « ne pas le prendre personnellement », les enseignant∙e∙s du regroupement spécialisé ont décidé de pousuivre les intégrations « en cours de route et qui se passent bien » et de « baisser un peu

149

[…] [les] exigences et […] attendre de voir ». L’enseignante qualifie le fait de « devoir faire l’impasse sur l’intégration » de « très douloureux » et difficile et se dit « très en colère » non pas vis-à-vis de ses collègues, dont elle dit comprendre et accepter leurs difficultés, mais

« contre le système ».

Ayant constaté ces réticences, les enseignant∙e∙s du regroupement ont fait « tout un travail » en matière de communication qui semble porter ses fruits, tel que le relève Sabine : « on a fait un travail nous, on a demandé à notre hiérarchie de faire une séance spéciale bref, […] et puis je suis contente parce que ça a porté ses fruits ». Sabine fait référence au fait qu’une enseignante ordinaire ayant refusé une intégration dans le passé ait changé d’avis et soit venue vers elle pour lui faire part de sa disponibilité.

En résumé des deux points présentés, l’analyse des discours des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s met en évidence la manière dont les conditions d’enseignement en classe spécialisée (contraintes et liberté d’action) confrontent davantage les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s à une incertitude du côté de l’action. Cette incertitude concerne l’absence de programme guidant l’action, les critères de subjectivité qui caractérisent l’évaluation des élèves (vs notes) et les affects entravant toute objectivité. Cette incertitude expose davantage ces enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s sur le plan identitaire. Alors que pour les enseignant∙e∙s ordinaires la responsabilité de l’intégration reposait sur l’élève, les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s expriment de la frustration, de la déception etc. ainsi qu’un souci concernant les conséquences que leurs actes peuvent avoir sur autrui. Le sentiment d’incertitude identifié dans les récits introduit le travail d’analyse à la construction de sens.

L

A CONSTRUCTION DE SENS

,

AU CŒUR DE LA SINGULARITÉ DE L

EXPÉRIENCE Les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s construisent le sens de l’intégration dans des conditions de travail différenciées de celles de leurs collègues, enseignant∙e∙s ordinaires. Chaque enseignant∙e vit ses pratiques en lien avec sa propre expérience individuelle, ce pourquoi la construction de sens diffère d’un enseignant∙e à un∙e autre. Le travail d’analyse est ici focalisé sur la singularité de l’expérience, raison pour laquelle les récits des enseignant∙e∙s sont analysés séparément. Trois registres d’expression sont identifiés : blocage, cheminement et problématisation.

BLOCAGE DE LACTION ET CULPABILITÉ

Les sentiments de solitude ressentis par Isabelle sont partagés par les autres enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s et entravent les relations avec les enseignant∙e∙s ordinaires, de sorte que les espaces communs au sein de l’école deviennent vite une zone d’inconfort : « je trouve pas vraiment ma place dans l’ambiance enseignants primaires, l’ambiance salle des maitres » (Isabelle). Isabelle met en avant un sentiment de solitude vis-à-vis des enseignant∙e∙s ordinaires, sentiment qu’elle généralise à l’ensemble des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s : « il y a un grand sentiment de solitude qui ressort de chez les enseignants. On est un peu seuls… moi

150

je me sens un peu seule ». L’enseignante estime que l’ambiance de travail décrite en termes de rivalité fait obstacle à l’échange et au soutien en cas de difficulté. Elle s’exprime ainsi :

[j]e trouve qu’il y a beaucoup de rivalité, je me sens pas forcément en confiance […] Il y en a qui disent qu’il y a une super ambiance dans l’école et moi j’ai jamais eu cette impression […] et puis finalement malgré tout ce qu’on peut dire il y a peu de soutien vraiment, je trouve (Isabelle).

Les difficultés exprimées par Isabelle ont une incidence sur la demande d’intégration qui

« part de nous, c’est nous qui… nous on fait la demande à l’inspecteur du spécialisé qui lui réoriente cette demande au directeur de l’école qui lui va imposer ça ou faire la demande aux enseignants mais les enseignants ordinaires n’ont pas vraiment le droit de refuser ». Les demandes d’intégration distribuent les cartes de la responsabilité de manière différenciée ; alors que les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s ont la responsabilité de les solliciter, les enseignant∙e∙s ordinaires sont contraint∙e∙s de les accepter. Isabelle raconte ainsi comment ces conditions peuvent entraver les demandes d’intégration voire, dans le cas d’Isabelle, les empêcher :

moi j’ai une élève qui va quitter l’école, donc elle a cette année et puis encore une année. L’année passée [elle] a été intégrée en 3P-4P, je sais plus, on aurait dû refaire ça cette année et c’est vrai que ça moi je l’ai pas fait. Et puis je regrette un peu parce que… mais voilà.

Les regrets exprimés par Isabelle ne sont pas isolés, ils font partie d’un sentiment de découragement éprouvé compte tenu des conditions qui entourent l’intégration :

alors là… j’aurais dû le faire, […] on pensait le faire et puis après on n’a… toutes ces diff… c’est vrai que des fois on est découragé par toutes ces difficultés d’intégration, les enseignants qui les accueillent pas avec un grand plaisir parce que à juste titre peut-être hein parce qu’ils sont eux-mêmes surchargés, voilà (Isabelle).

Le sentiment de solitude, le découragement produit par les difficultés relationnelles et la perte de confiance dans l’institution, donnent l’impression à Isabelle d’avoir peint un

« tableau noir ». Les difficultés de communication et de collaboration que l’enseignante rencontre avec ses collègues, enseignant∙e∙s ordinaires, font que ces difficultés soient vécues à un niveau personnel sans qu’Isabelle parvienne à les contourner. Son action se trouve, de ce fait, bloquée.

« CHEMINEMENT » PERSONNEL

Sabine parle d’un cheminement effectué vis-à-vis de l’intégration et d’une résistance à l’institution qui s’accroit avec le temps. Elle s’interroge sur le sens du mot intégration :

« alors si on parle d’intégration c’est qu’il peut y avoir une désintégration alors qu’est-ce que ça veut dire désintégration, est-ce qu’on désintègre les élèves, qu’est-ce que ça veut dire ? […] par rapport à ce sens qu’on donne à ce vocabulaire […] je me suis dit bon ben il faut peut-être pas trop chercher le sens mais il faut peut-être d’abord vivre les pratiques ». Le fait de travailler dans une classe spécialisée la situe « à la jointure de deux systèmes

151

d’intégration », ce qui lui a permis de voir « toute la palette d’intégration dans tous les sens ». Ainsi, elle dit qu’il y a un « regard » porté à l’intégration, « une manière dont on la vit » et « une manière dont on évolue avec ça », ce qui change en fonction de « [s]es expériences » et des « personnes qu[‘elle] rencontre ».

Le « premier regard » que Sabine a porté à l’intégration s’est fait lorsqu’elle était en ordinaire ce qui a contribué à se dire que, « quand on intègre c’est forcément dans ce sens-là ». Ce premier regard change lors d’un remplacement de longue durée où elle doit intégrer une élève

« atteinte de trisomie 21 » :

ça a été pour moi ma première rencontre avec l’intégration et ça a complètement changé mon regard sur l’enseignement, […] je me suis quand même rendu compte qu’il y a des enjeux qui sont bien plus importants que juste la rencontre dans l’enseignement et en particulier dans l’intégration, tout particulièrement en intégration et c’est vrai que ça m’a beaucoup questionnée sur ma pratique sur ce que je faisais là, en fait, exactement et puis je dirais que grâce à cette élève et grâce à l’enseignante d’appui à l’intégration ben j’ai fait un début de cheminement par rapport à ça (Isabelle).

L’enseignante « ressent » dans l’intégration, et plus largement dans le « système scolaire », une « échelle des valeurs » qui la « perturbe » : « des valeurs dans le sens où moins on a des handicaps, plus on peut être intégré et plus on peut être intégré dans le normatif ». Le fait de vivre les intégrations « au quotidien » fait penser à Sabine que « plus [elle] avance dans ce métier-là, plus [elle] rencontre de résistances par rapport à [cette échelle de valeurs]».

Sabine considère qu’en fonction de « moments particuliers de leur vie », les élèves peuvent avoir besoin « d’une intégration particulière », que ce soit en classe ordinaire ou dans un regroupement, ce pourquoi le passage entre les structures « devrait être beaucoup plus souple » (Sabine).

Ce changement de regard est décrit par Sabine en termes de « cheminement ». Ce

« cheminement » permet d’illustrer sa distanciation, autrement-dit, sa non-adhésion à la logique institutionnelle. Sabine se dit être « en colère » contre le système vis-à-vis duquel elle

« ressent » une « résistance » qui s’accroit avec le temps. La construction de sens effectuée par Sabine engage le travail de collaboration avec les collègues, ce pourquoi elle définit l’intégration comme une « rencontre », notamment avec les enseignant∙e∙s ordinaires qui accueillent les élèves en intégration.

« quand on veut intégrer des enfants […] il faut être intégré soi-même »

Sabine raconte comment son arrivée au sein du regroupement a changé l’intégration d’un élève qui se passait bien jusqu’à ce moment-là : « [I]l a suffi qu’on change l’enseignante », dit Sabine, « et l’enseignante qui intégrait cet élève a vraiment changé son regard sur l’élève qu’elle intégrait », « ça a été très très conflictuel, c’était très compliqué », « il y a eu vraiment beaucoup de souffrance ». Face à cette situation, Sabine a préféré ne pas intervenir, ce qui, selon elle, lui a porté préjudice :

152

les relations [entre eux] c’était très compliqué du coup l’enseignante s’est pas mal fermée parce que moi […] je pensais que c’était un problème qu’ils avaient à régler entre eux parce que j’essayais au contraire de pas… de pas interférer dans la relation.

Je pensais qu’ils avaient besoin de construire eux et d’autant que je pensais que c’était une relation qui était déjà construite parce que l’année dernière ils avaient déjà travaillé ensemble donc je me disais bon ben voilà je peux pas, ni faire des leçons à un ni faire des leçons à l’autre alors j’ai essayé d’accompagner au maximum et l’un et l’autre (Sabine).

Sabine raconte que l’enseignant∙e de la classe ordinaire « s’est aussi braquée contre » elle, de sorte qu’elle refusait le temps de travail à faire en commun, rendant la collaboration « très compliquée ». Ce type de situation « laisse des traces » qui prennent le forme de doutes quant aux effets que son action a sur autrui, comme l’illustre le questionnement qui l’habitait à ce moment-là : « l’année passée j’étais tout le temps dans le questionnement mais qu’est-ce que je fais à cet enfant mon Dieu, mais c’est affreux ». Sabine se rappelle combien ce questionnement s’exprimant non « pas sur le plan professionnel mais sur le plan personnel […] était assez douloureux ». Ses inquiétudes ne concernaient pas uniquement l’élève en intégration mais l’ensemble des élèves de sa classe spécialisée ainsi que l’enseignante ordinaire qui l’accueillait en intégration :

il était rare que je rentre chez moi à la fin de la semaine en me disant mais cet enfant ce que tu lui fais porter c’est quand même énorme […] c’est vrai que moi je me disais mais qu’est-ce que je fais vivre au groupe, qu’est-ce que je fais vivre à cette enseignante (Sabine).

Cette situation fait dire à Sabine que « l’intégration c’est aussi une rencontre, pas seulement avec les enfants c’est aussi une rencontre avec les enseignants ». L’enseignante considère qu’il est indispensable que les enseignant∙e∙s de classe ordinaire soient « porteurs » du projet d’intégration, « que ce soit parce qu’ils ont compris que c’était leur boulot et qu’ils ont juste pas le choix, (rires), ça peut, ou que ce soit par conviction personnelle […]. Ça peut être aussi une obligation institutionnelle ». L’enseignante considère que si l’intégration était envisagée comme faisant « partie de leur tâche plus que de leur devoir », la collaboration serait facilitée car, dans ces conditions, « on cherche du lien, on va chercher des connivences, on va chercher des points communs, on va essayer de s’arranger ». Elle poursuit ainsi son idée :

quand on veut intégrer des enfants dans une équipe, dans un lieu etcetera il faut être intégré soi-même. Et c’est vrai que nous, au regroupement on a ces trois classes là on doit faire un gros travail d’intégration par rapport à l’équipe. […] nous on a notre formation, on est des enseignants spécialisés alors évidemment on nous met ça sur le tapis, ils sentent… on a une identité professionnelle disons différente […] Donc il faut qu’on ouvre, qu’on montre notre travail, qu’on soit prêts aussi à amener des choses […] on fait un gros travail d’intégration, c’est très contraignant.

153

L’enseignante constate que les difficultés relationnelles intervenant dans les demandes d’intégration sont également rencontrées par les professionnel∙le∙s travaillant dans les centres médico-pédagogiques (aussi appelés centres de jours ou institutions) qui cherchent à intégrer des élèves au sein du regroupement spécialisé :

ça se joue parfois dans les… voilà, on s’entend bien on peut se partager les élèves, on s’entend pas, on peut pas se partager les élèves. Ça me… ça me… ça m’insupporte, hein ? Franchement, ça m’insupporte mais je crois que c’est une réalité qu’on peut pas cacher, enfin, moi, je veux dire, je peux pas me la cacher, ça fait partie du lot, on va dire, ça va se négocier (Sabine).

Au-delà des démarches visant l’intégration des élèves, Sabine relève aussi l’implication des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s dans des tâches à faire au sein de l’école qui ne relèvent pas de leur cahier des charges mais qui ont également un impact sur l’accueil des élèves lors des

Au-delà des démarches visant l’intégration des élèves, Sabine relève aussi l’implication des enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s dans des tâches à faire au sein de l’école qui ne relèvent pas de leur cahier des charges mais qui ont également un impact sur l’accueil des élèves lors des