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Tel qu’annoncé aux personnes interviewé∙e∙s, l’entretien démarre par l’explicitation, dans la consigne, du souhait d’obtenir un récit et l’annonce de l’objectif de la recherche pour

« donner le ton » (Kaufmann, 2004, p. 44). Voici la consigne-type annoncée :

Tel que je vous l’ai annoncé, je m'intéresse à la question de l'intégration scolaire depuis le point de vue de l’enseignant. Je veux comprendre les significations que vous donnez à ce terme-là dans le cadre de votre pratique professionnelle. Pour moi ce qui est important c’est d’obtenir un récit de votre part, donc comme je vous l’ai dit je n’ai pas de questions précises à vous poser mais plutôt des thématiques à aborder avec vous. Alors si vous êtes d’accord je vous propose de commencer par me raconter brièvement, votre trajectoire de formation et de pratique professionnelle, en évoquant par exemple quelles ont été les raisons ou les motivations qui ont fait que vous avez effectué, à un moment ou à un autre, une formation dans le domaine de l’enseignement.

Exprimer le souhait d’obtenir un récit est important dans le sens où les personnes interviewé∙e∙s savent dès le départ que c’est à elles de parler, de raconter et que je n’interviens qu’en cas de besoin d’informations complémentaires ou pour contribuer à l’approfondissement des propos énoncés. Puisque cette partie de « l’expérience du parcours biographique ne peut prendre forme en dehors de la dimension langagière permettant de la penser » (Prévost, 2006, p. 64), il s’agit de provoquer la réflexion, de libérer la parole qui est, selon Demazière et Dubar (1997), une « construction dialogique complexe » (p. 7) à travers laquelle l’expérience de la personne interviewée prend sens. Pendant l’échange verbal, le

« rapport social de recherche » (Dubar, 2006, p. 136) entre l’interviewer et l’interviewé est, en effet,

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celui d’un chercheur obtenant la collaboration d’une personne considérée comme l’auteur qui produit son récit, selon son point de vue, avec ses arguments et dont l’analyse, de type herméneutique livre, grâce aux contraintes mêmes du récit, le sens de ses pratiques, tel qu’il le reconstruit dans l’interaction. (p. 136)

Le canevas d’un entretien narratif est évolutif, ce pourquoi il peut légèrement différer entre chaque passation (Bertaux, 2010). Les thématiques abordées en situation d’entretien ont été les suivantes :

- Orientation vers l’enseignement et trajectoire professionnelle. Cette première thématique permet de mettre en confiance les personnes interviwé∙e∙s au début de l’entretien. Elle permet par ailleurs de saisir des éventuels points de rupture ou de bifurcation d’orientation susceptibles d’intervenir dans la configuration des significations.

- Explicitation de ce que l’intégration scolaire veut dire. Cette thématique cible concrètement l’objectif de la recherche ; il est rappelé aux enseignant∙e∙s que le terme

« intégration scolaire » ne se réfère pas à une situation spécifique. Dans ce sens, les enseignant∙e∙s sont invité∙e∙s à évoquer ce que ce terme évoque pour eux∙elles31. De manière inattendue, presque tous les enseignant∙e∙s ont raconté des situations concrètes d’intégration.

- Facilitateurs et obstacles rencontrés dans le cadre de leur expérience professionnelle.

L’identification des obstacles rencontrés, de même que les facilitateurs, permet de saisir comment les enseignant∙e∙s ont vécu les situations racontées ainsi que d’identifier les solutions qu’ils∙elles ont été amené∙e∙s à trouver, ou, le cas échéant, la manière dont ils∙elles ont résolu les conflits éprouvés.

- Avantages et inconvénients de l’intégration. Proche de la thématique précédente, celle-ci est plus spécifique à la situation d’intégration ; elle permet d’avoir une idée générale informant si l’intégration est, grosso modo, envisagée comme un avantage ou comme un inconvénient par les enseignant∙e∙s et auprès de qui elle peut l’être (ces dernier∙ère∙s peuvent par exemple considérer l’intégration comme un avantage pour l’élève mais un inconvénient pour eux∙elles-mêmes). Cette idée générale n’est cependant pas interprétée comme une aptitude ou attitude face à l’intégration mais elle est lue à la lumière des conditions dans lesquelles l’intégration se déroule, conditions qui configurent l’expérience des enseignant∙e∙s.

31 Les significations de l’intégration scolaire sont à identifier à partir de l’usage que les enseignant∙e∙s font du terme et non pas en fonction d’une définition pré-existante aux entretiens (cf. démarche compréhensive, p. 72 et définition des concepts selon la ficelle de Becker (2002)).

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U

NE PRISE DE CONTACT MÉDIATISÉE

La prise de contact entre les chercheur∙e∙s et les personnes qu’elles∙ils invitent à participer à leur recherche constitue une sorte de contrat initial de communication qui peut être défini comme « l’ensemble des savoirs partagés sur les motifs et l’objet de l’échange qui se sont constitués dans l’interlocution précédant cette intervention » (Ghiglione, 1986, cité par Blanchet, 1987, p. 95).

Deux modalités ont été adoptées pour inviter les enseinant∙e∙s à participer à cette recherche.

Elles ont en commun l’aspect médiatisé de la démarche mais diffèrent quant à l’aspect formel/informel. La première modalité peut être qualifiée d’informelle dans le sens où, ne connaissant pas d’enseignant∙e∙s pour les inviter à participer à ma recherche, j’ai demandé à deux collègues doctorantes de solliciter de manière indirecte certain∙e∙s d’entre eux∙elles faisant partie de leur entourage privé (amitié) ou professionnel (collaborant avec elles dans le cadre de formations diverses, ayant participé à leur propre recherche doctorale ou ayant été collègues de travail).

Un premier mail envoyé par une collègue à 13 enseignantes et 5 enseignants travaillant au sein de l’enseignement primaire et exerçant en classe d’enseignement ordinaire 32 et spécialisée dans différentes écoles ordinaires ont été contacté∙e∙s et mis∙e∙s au courant de ma démarche et de mon souhait de les interviewer. Aucune de ces personnes n’a répondu à ma requête. Presque parallèlement, un deuxième mail était envoyé par une autre collègue doctorante à 11 enseignantes et 1 enseignant. Aucune réponse n’a été obtenue de la part de ces enseignant∙e∙s contacté∙e∙s selon cette modalité informelle et ce, malgré les relances effectuées pour ma part.

La deuxième modalité est qualifiée de formelle mais, de même que pour la précédente, l’entrée en contact avec les enseignant∙e∙s se fait de manière médiatisée. Tout d’abord, j’ai effectué une demande d’autorisation écrite me permettant, tel que le stipule le document, d’« d'entrer en contact avec des élèves et/ou des enseignants pendant les heures scolaires33 » (p. 1). En attendant la validation de ma demande, j’ai commencé à contacter les directrices et les directeurs des établissements sélectionnés selon les critères retenus (cf. échantillon – canevas, p. 16) dans le but de les informer de ma démarche et de solliciter leur accord et leur aide pour entrer en contact avec des enseignant∙e∙s exerçant au sein de leurs établissements.

Environ une semaine plus tard, je les appelais tel que je leur avais annoncé afin d’avoir les renseignements opportuns (numéros de téléphone, e-mails des enseignant∙e∙s) me permettant de les contacter directement.

32Dans le texte, les termes « enseignant∙e∙s ordinaires » et « enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s » utilisés par les enseignant∙e∙s elles∙eux-mêmes sont utilisés ; les adjectifs ordinaire/spécialisé réfèrent à la classe d’enseignement / regroupement.

33 Il s’agit du document intitulé « Demande d’autorisation pour effectuer une recherche dans les écoles publiques genevoises- Section des Sciences de l’éducation » (Formulaire A). Ce formulaire a été envoyé à la direction de l’enseignement primaire ainsi qu’à la direction de l’office médicopédagogique du fait que les enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s exercent dans des classes de l’enseignement ordinaire et spécialisé.

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Le nombre d’enseignant∙e∙s contacté∙e∙s sous cette modalité ne peut pas être quantifié du fait que certain∙e∙s directeur∙e∙s ont transmis ma demande directement. En revanche 16 d’entre eux∙elles m’ont fait part de leur refus à participer. Parmi les 16 enseignant∙e∙s, 5 ont évoqué le temps pris par les réunions et la forte sollicitation pour participer à des recherches universitaires ; ayant répondu favorablement à certaines demandes, ils∙elles se voient contraint∙e∙s de refuser mon invitation. 5 autres enseignant∙e∙s n’ont pas souhaité participer, en mentionnant des raisons personnelles ; parmi ces 5 une enseignante est remplaçante de longue durée. 3 autres enseignant∙e∙s se disent en difficulté, en raison de la présence d’un « enfant en grande difficulté » au sein de la classe, du fait d’un débordement relié au fait d’être en première année au sein d’un regroupement ou d’une classe ordinaire. Finalement, 1 enseignant a prévu de déménager dans un autre canton et 2 enseignantes sont en congé maternité.

Avec la validation de ma demande et l’accord et aide des directrices et des directeurs, les entretiens ont démarré avec les enseignant∙e∙s qui ont répondu favorablement à ma demande.

Les critères de sélection initiale ont ensuite été élargies du fait que les enseignant∙e∙s que je recontrais me mettaient en contact avec d’autres enseignant∙e∙s. Un total de 25 enseignant∙e∙s ont été finalement interviewé∙e∙s sur le lieu qu’ils∙elles-mêmes ont choisi. La presque totalité des entretiens a été réalisée dans leur classe ou, lorsque celle-ci était occupée par un collègue, dans une autre située sur le même pallier. Un enseignant a préféré la bibliothèque, une autre enseignante m’a reçue chez elle et deux autres se sont proposées pour venir à l’université ; finalement, une enseignante a voulu faire l’entretien dans le parc de l’école. La plupart du temps, les entretiens ont été menés pendant les pauses de midi et ont duré en moyenne une heure et demie. Avec l’accord des personnes interviewé∙e∙s, les entretiens ont été enregistrés (à l’exception d’un entretien, ce pourquoi celui-ci n’a pas été pris en compte lors du travail d’analyse) et transcrits ensuite dans leur intégralité.

L

ES ENSEIGNANT

E

S INTERVIEWÉ

E

S

Les 24 personnes interviewé∙e∙s exercent dans des écoles ordinaires, au sein desquelles il y a des classes spécialisées. Parmi elles il y a 20 femmes et 4 hommes, dont l’âge s’étend de 24 à 59 ans et les années de pratique professionnelle de 1 à 37 ans. Au moment des entretiens, 2 enseignantes sont à quelques mois de leur retraite.

Concernant le niveau de formation suivie, 14 possèdent une licence en sciences de l’éducation (LME) dont 2 sont en plus au bénéfice respectivement d’un baccalauréat en psychologie (bac psy) et d’un master en formation des adultes (MFA). Toujours parmi ces 14 personnes, 1 enseignante rédige, au moment de l’entretien, son mémoire pour l’obtention de la licence LME. 8 autres enseignant∙e∙s ont fait les études pédagogiques (Etud. pédag.) ; 1 enseignante est titulaire d’une Haute Ecole Professionnelle (HEP) et une autre a effectué un troisième cycle dans le domaine de la psychologie (DES psy). La diversité des trajectoires concernant les réorientations au niveau de la formation ainsi que les changements professionnels est présentée dans le dernier chapitre de l’analyse. La dénomination « années de pratique professionnelle » prend en compte uniquement les emplois effectués dans le domaine psychologique et éducatif au sens général, c’est-à-dire, ceux pour lesquels une formation en

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psychologie ou en sciences de l’éducation est requise. Ces métiers sont exercés en classe ordinaire, en classe d’accueil (CA) et en classe spécialisée (CSpé) en contexte ordinaire ainsi qu’en centres de jour (CJ). Une enseignante a travaillé pendant 10 ans dans des structures psychologiques avec de jeunes enfants et adultes ainsi qu’avec leurs parents ; ces années sont comptabilisées dans les années de pratique professionnelle. Il en va de même pour ceux∙celles qui ont travaillé dans un centre de jour ou dans une classe spécialisée, avant de travailler dans une classe spécialisée ou ordinaire.

Concernant le degré d’enseignement en division ordinaire, 4 personnes enseignent dans des classes du cycle élémentaire (de 1e à la 4ePH) dont 2 en double degré et 11 personnes enseignent dans des classes du cycle moyen (de la 5e à la 8ePH) dont 2 en double degré. Une personne travaille dans un double degré avec une classe du cycle élémentaire et une classe du cycle moyen et une autre travaille en tant que duettiste dans une classe en élémentaire et une classe en cycle moyen. Une personne enseigne dans deux classes de tout âge (CA).

Concernant la division spécialisée, 6 personnes enseignent dans des classes spécialisées avec des groupes d’âge34 plus ou moins variables selon le type d’organisation de chaque regroupement.

Les enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s exercent au sein de sept établissements scolaires situés dans cinq communes genevoises caractérisées par un niveau de mixité35 sociale allant de moyen à très fort. Une école est située dans le secteur36 d’une commune caractérisée par une forte mixité, 2 autres se situent dans une commune à mixité moyenne et 4 autres écoles dans une commune (dont une dans un secteur) à très forte mixité. Les 4 écoles à très forte mixité n’appartiennent pas encore au réseau d’enseignement prioritaire (REP), bien que 2 d’entre-elles soient, selon les enseignant∙e∙s, à la limite37 de le devenir ; les autres 3 écoles appartiennent au REP. D’un point de vue quantitatif, la distribution des enseignant∙e∙s travaillant en contexte REP est identique à ceux∙celles qui travaillent en contexte non-REP (12 enseignant∙e∙s par type de contexte).

Les caractéristiques des enseignant∙e∙s qui viennent d’être énoncées sont rassemblées dans le tableau suivant et présentées par ordre alphabétique.

34 Cela concerne les élèves du regroupement spécialisé, répartis dans les classes selon un fonctionnement propre à chaque école. En fonction des âges et des niveaux des élèves, certaines écoles les répartissent en 3 classes (« grands », « moyens » et

« petits ») alors que d’autres fonctionnement sur le principe du décloisement, de sorte que les groupes s’organisent selon un objectif défini par les enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s (matière à travailler, activité sportive etc.).

35 Le niveau de mixité est relié au revenu, un des quatre thèmes (avec le logement, l’emploi et la famille) indicateurs d’une

« précarité globale », laquelle n’est pas synonyme de pauvreté, mais davantage relative à « une insuffisance de ressources matérielles » (p. 2). La « précarité globale » est le résultat d’une « accumulation de signes de précarité » (p. 2) ; elle est plus

présente dans les zones les plus peuplées. Consulté le 2 novembre 2015

dans http://www.ge.ch/statistique/tel/publications/2013/analyses/communications/an-cs-2013-47.pdf

36 Le niveau de mixité peut être commun à toute la commune ou à un secteur de celle-ci.

37 Pour qu’un établissement scolaire intègre le REP il doit répondre à deux critères : avoir « plus de 55% des parents d’élèves issus de catégories socio-économiques défavorisées » et obtenir l’engagement des enseignant∙e∙s dans ce projet pour une période de trois ans. Consulté le 10 septembre 2015 dans https://www.ge.ch/enseignement_primaire/rep/

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38 Les prénoms fictifs octroyés aux enseignant∙e∙s ont été élaborés en prenant en compte l’une des trois dernières lettres de leurs prénoms réels.

39 Les deux titres de formation surreprésentés (Etud. pédag. et LME) se suivent chronologiquement. Le brevet d’Etudes Pédagogiques a été délivré jusqu’en 1994 ; la licence mention enseignement a été délivrée à partir de 1996. Depuis 2011, le titre de formation en enseignement primaire (FPE) est délivré.

De plus, les enseignant∙e∙s exerçant au sein d’un regroupement ont tous∙tes suivi, en plus de leur formation initiale (Etud.

pédag / LME) une formation continue en cours d’emploi dispensée par l’OMP pour pouvoir exercer en tant qu’enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s. Cette formation est interne, elle n’est donc pas de reconnaissance officielle. Elle a lieu les mercredis après-midi, une fois tous les quinze jours pendant deux ans. Elle comprend également deux observations par année sous la supervision d’un∙e référent∙e ainsi qu’une demi-journée dans une autre structure de l’OMP.

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La représentativité des enseignant∙e∙s par sexe ainsi que la distribution par classe d’enseignement selon le sexe sont illustrées dans les figures n°1 et n°2 suivantes.

Figure n° 1 : pourcentage des enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s selon le sexe

Figure n° 2 : nombre d’enseignant∙e∙s interviewé∙e∙s par classe d’enseignement et par sexe

femmes 87%

hommes 13%

14 6

1

2 1

0 5 10 15

CO CSPé CA

hommes femmes

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ONSTRUCTION DE L

ANALYSE DES ENTRETIENS

L’explicitation des quatre pôles constitutifs de la posture compréhensive a permis d’identifier l’architecture de la pensée sous-tendant cette thèse. Comment cette posture intervient dans la construction du travail d’analyse ? Cette question introduit à une série de réflexions méthodologiques permettant d’expliciter la démarche d’analyse adoptée.

Premièrement, il convient de rappeler que les caractéristiques de la posture compréhensive se centrent sur une thématique commune à beaucoup de recherches dans le domaine de la formation-éducation : celle qui s’intéresse en même temps à la dynamique d’interprétations coexistantes au niveau de l’interaction collective et à leur répercussion sur le façonnement et l’orientation d’agir des personnes (Schurmans, 2008a). L’intérêt pour cette thématique amène Schurmans (2008a) à expliciter, dans une visée de légitimation de la posture compréhensive, la manière dont la construction quotidienne des connaissances se distingue de l’activité scientifique. A partir des débats épistémologiques engagés à ce sujet, l’auteure distingue trois procédés. Le premier procédé, postmoderniste, se caractérise par une démarche spéculative au sein de laquelle la réflexion méthodologique et les outils de la recherche ont peu de place. Ce procédé tend, selon Schurmans (2008a) à soustraire la posture compréhensive de l’activité scientifique. Le deuxième procédé, scientiste, poursuit une atteinte idéale d’objectivation au sein de laquelle la posture compréhensive se voit délégitimée. Le troisième procédé est adopté dans cette thèse en référence à Schurmans (2008a). Il aborde la méthodologie comme pilier servant à la distinction entre savoirs quotidiens et connaissances scientifiques. Les considérations méthodologiques ne se réduisent pas ici aux questions techniques ; elles s’articulent au contaire aux dimensions théoriques et épistémologiques de la posture (cf.

posture, p. 29).

Le travail d’analyse porte sur la situation de communication propre aux entretiens effectués avec les personnes interviewé∙e∙s. Constituant le matériau à analyser, l’échange langagier soulève deux questions : quelle est la conception, et donc la fonction, du langage sous-tendant le travail d’analyse ? Quel usage est fait de ce dernier dans la posture d’analyse adoptée ?

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ONCEPTION ET FONCTION DU LANGAGE

Taylor (1980, cité par Engel, 1990) souligne deux conceptions du langage : l’une propre à l’âge classique et à l’époque des Lumières ; l’autre caractéristique du romantisme, qu’il distingue comme suit.

Le représentationnalisme et le naturalisme constituent les deux caractéristiques principales de la conception du langage à l’âge classique et à l’époque des Lumières. En considérant la réalité comme indépendante de l’esprit, au sein du représentationnalisme, le langage est conçu comme un intermédiaire entre les idées (représentations des choses) et les choses elles-mêmes. Dans ce sens, il a pour fonction de fournir une représentation de la dite réalité. De ce fait, le « représentationnalisme implique une théorie désignative de la signification : les mots signifient parce qu’ils désignent des choses, à travers la désignation des idées qui représentent celles-ci » (Engel, 1990, p. 197). Pour sa part, le naturalisme envisage le langage en tant que

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« phénomène naturel » et l’étudier de manière objective devient possible. En effet, « le contenu de nos pensées, et par conséquent les significations de nos mots peuvent être analysés objectivement en étudiant la genèse de nos idées dans notre esprit et dans leurs relations à notre environnement naturel » (Engel, 1990, p. 197).

L’expressivisme caractérise la conception du langage propre aux théoriciens romantiques, conception caractérisée par une triple fonction : premièrement, le langage sert à la formulation des choses ; deuxièmement, le langage sert à placer le contenu de sa formulation dans un espace public, « à mettre les choses devant tous, à découvert » (Engel, 1990, p. 198) ; troisièmement, le langage « est le médium par excellence des intérêts et des activités humaines, et en particulier de la dimension normative de ces activités » (Engel, 1990, p. 198).

Sur la base de ces trois fonctions, Taylor (cité par Engel, 1990) met en avant le « rôle expressif » du langage, contrairement au « rôle représentationnel » mis en avant à l’Age Classique et pendant la période des Lumières. Il considère que

[c]e que le langage exprime n’est pas ce qu’il dépeint ou représente ; c’est ce qu’il met en commun entre les humains, en rendant ouvert et public ce qu’il y a de commun aux hommes, et même en `constituant` notre réalité commune. (Engel, 1990, p. 198) A partir de cette distinction, Taylor (1980, cité par Engel, 1990) considère que les conceptions contemporaines de la signification portent l’héritage des théoriciens des Lumières. Les partisans du courant représentationnaliste ont une « conception désignative de la signification : la partie la plus ferme de la signification, c’est la référence, ce que les mots désignent, et non pas la théorie du sens, ce que les mots expriment » (Engel, 1990, p. 198).

Quant aux représentants naturalistes, leur conception de la signification est proche du behaviorisme, dans le sens où elle est considérée « comme le produit de dispositions

Quant aux représentants naturalistes, leur conception de la signification est proche du behaviorisme, dans le sens où elle est considérée « comme le produit de dispositions