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L'intégration socioéconomique des populations des régions montagneuses au sud du Laos : le cas de la province de Champassak : 1981-2015

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Texte intégral

(1)

© Joany Landry-Desaulniers, 2018

L'intégration socioéconomique des populations des

régions montagneuses au sud du Laos : le cas de la

province de Champassak : 1981-2015

Mémoire

Joany Landry-Desaulniers

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

(2)

L’intégration socioéconomique des populations des

régions montagneuses au sud du Laos

Le cas de la province de Champassak : 1981-2015

Mémoire

Joany Landry-Desaulniers

Sous la direction de :

(3)

iii

Résumé

Le Laos, pays enclavé de l’Asie du Sud-Est continentale, a subi des transformations considérables au cours des dernières décennies. Lorsque le parti communiste prend le pouvoir en 1975, le gouvernement ferme ses frontières et mise sur différentes politiques, dont la collectivisation agricole pour unifier son territoire et son peuple. Face à l’échec de ces mesures, le Nouveau mécanisme économique est adopté en 1986. Les politiques mises en place pour favoriser l’essor et le développement du pays transforment les moyens de subsistance et le paysage laotien. La population doit s’adapter aux changements, particulièrement en régions montagneuses, où des productions agricoles industrielles comme le café ou l’hévéa contribuent à réorganiser la géographie socioéconomique. Plusieurs questions émergent de ces constats. Quels sont les acteurs qui motivent l’intégration socioéconomique et territoriale des régions montagneuses et marginales ? Quels sont les objectifs poursuivis et quelles sont les stratégies adoptées pour y parvenir ? Quels sont les facteurs qui contribuent à faire varier la durée de l’adaptation à de tels changements socioéconomiques? D’où proviennent les savoirs mobilisés qui permettent aux populations touchées de s’adapter?

Mieux comprendre ces processus par l’étude des politiques d’intégration socioéconomique et territoriale du pays, sur la période qui s’étend de 1981 à 2015, constitue l’objectif général de cette recherche. Elle présente l’étude de cas des districts de Bachiang Chaleunsouk et de Pathoumphone, tous deux situés sur les piedmonts et les marges du plateau des Bolovens dans la province de Champassak, au sud du pays. Les principaux résultats de cette recherche démontrent comment le développement, motivé par l’accroissement économique, engendrent de nouvelles dynamiques entre les populations, l’État et le marché.

Mots-clés : Laos, intégration socioéconomique, plateau des Bolovens, adaptation, agriculture

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iv

Abstract

During the past 35 years, like other countries in Southeast Asia, the Lao People’s Democratic Republic went through major changes, especially as the Pathet Lao took control over the country, becoming the official Government. Many steps were taken by the new government to build the Lao nation, such as the ‘collectivization’ program. In 1986, after the failure of previous measures, the Communist Party implemented free-market reforms in a way to increase economic growth. This was done by encouraging foreign investment and the country’s economic development. Over the last three decades, Lao citizens had to adapt to these changes; especially in mountainous areas, where agrarian changes occurred. Among them, cash crops, monocropping and plantations have modified the landscape and the socioeconomic geography of the territory. From these findings, questions emerge, such as: Who is motivating socioeconomic and territorial integration of mountainous and marginal regions to different levels? What are the goals pursued by the actors of the socioeconomic and territorial integration and which strategies are adopted? What are the factors that contribute to various paces in the rhythm of adaptation? Where do people acquire their knowledge to adapt to the changes generated by integration policies and strategies?

A better understanding of the process underlying the socioeconomic regional integration of the country into the global market, from 1981 to 2015, is the general objective of this research. Based on a case study of Bachieng Chaleunsouk and Pathoumphone districts, located at the margins of the Bolaven Plateau, in Champasak region, this research demonstrates how development generates new dynamics between the people, the state and the market.

Keywords: socioeconomic integration, agrarian changes, southern Laos, Bolaven Plateau, adaptation, agriculture

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... ix

Liste des acronymes ... x

Liste des annexes ... xii

Remerciements ... xiii

Introduction ... 1

Le Laos : entre transformation et adaptation ... 1

1. Cadre de la recherche ... 5 1.1 Cadre conceptuel ... 5 1.1.1 La question du travail ... 6 1.2 Variables à l’étude ... 6 1.2.1 L’intégration ... 8 1.2.2 L’adaptation ... 9 1.2.3 La marginalité ... 9 1.2.4 L’État ... 10 1.3 Méthodologie ... 12 1.3.1 Démarche scientifique ... 12

1.3.2 Un travail multiscalaire dans l’espace et dans le temps ... 12

1.3.3 Collaboration avec la NUoL et autorisations gouvernementales ... 13

1.3.4 Collecte de données ... 14

1.3.5 Difficultés rencontrées lors de l’enquête-terrain ... 17

1.3.6 Traitement des données ... 19

1.4 Considérations éthiques... 22

2. Le Laos : un État enclavé ... 23

2.1 L’influence du fleuve Mékong sur l’intégration du Laos à l’échelle régionale ... 25

2.2 La double vocation du Laos : entre un État tampon et un État carrefour ... 28

(6)

vi

2.2.2 Du XVe au XVIIe siècle ... 29

2.2.3 Du XVIIIe siècle à 1954, la période coloniale ... 30

2.2.4 De 1975 à 1989 : la construction de la République démocratique populaire lao ... 33

2.2.5 De 1989 à 2015 : Distorsions entre les rôles d’État-carrefour et d’État tampon ... 35

2.3 Le nouveau mécanisme économique et les plans de développement socioéconomique au Laos depuis 1981 ... 37

2.3.1 Les plans quinquennaux de développement socioéconomique : entre 1981 et 2000 ... 37

2.3.2 L’adoption du National Growth and Poverty Eradication Strategy (NGPES) ... 39

2.3.3 Le 5e plan quinquennal de développement socioéconomique : 2001-2005... 41

2.3.4 Le 6e plan quinquennal de développement socioéconomique : 2006-2010... 42

2.3.5 Le 7e plan quinquennal de développement socioéconomique : 2011-2015... 44

2.4 La question ethnique ... 45

3. Les rouages du processus d’intégration socioéconomique des régions montagneuses du Laos... 49

3.1 Dépendance à l’aide internationale ... 49

3.1.1 Le rôle des institutions financières mondiales... 50

3.1.2 Les organisations non gouvernementales au Laos ... 51

3.2 Relations avec les pays voisins ... 52

3.2.1 L’intégration régionale par l’ASEAN ... 52

3.2.2 L’implication de la Banque asiatique de développement au Laos ... 54

3.2.3 Les associations sous-régionales ... 56

3.3 Évolution de la situation socio-économique au Laos ... 59

3.4 Contrôle du territoire par l’État ... 64

3.4.1 Infrastructures (routes, écoles, soins de santé) ... 65

3.4.2 Aires protégées ... 66

3.4.3 Abattis-brûlis ... 68

3.4.4 Allocation des terres ... 68

3.4.5 Accaparement des terres ... 72

4. La province de Champassak : entre intégration et transformation ... 76

4.1 Situation socio-économique de la province de Champassak ... 78

4.2 Le district de Bachiang Chaleunsouk ... 81

4.2.1 L’intégration du district de Bachiang Chaleunsouk ... 82

4.3 Le district de Pathoumphone ... 83

(7)

vii

5. Évolution de l’utilisation des sols entre 1981 et 2015 ... 87

5.1 L’utilisation du sol dans la province de Champassak entre 1993 et 1997 ... 90

5.2 L’utilisation du sol dans la province de Champassak en 2002 ... 90

6. Le processus d’adaptation : Le cas de la province de Champassak ... 93

6.1 Techniques agricoles ... 93

6.1.1 Irrigation des terres agricoles ... 93

6.1.2 Utilisation d’intrants ... 95

6.1.3 Utilisation de machinerie ... 96

6.2 Statut social ... 97

6.3 Acquisition de nouvelles habiletés et connaissances (interventions de l’État) ... 100

6.3.1 Présence d’écoles et centres sanitaires ... 100

6.4 L’adaptation au quotidien... 102

6.4.1 Indicateurs d’adaptation aux changements agraires ... 102

6.4.2 Facteurs de résilience face au marché ... 103

6.4.3 Présence d’intermédiaires et difficultés d’adaptation... 104

6.5 Réseau routier ... 105

6.6 Amélioration des conditions socioéconomiques ... 109

6.6.1 Diversification des revenus ... 109

6.6.2 Acquisition de biens de consommation ... 112

6.6.3 Perception des ménages à l’égard des changements ... 113

7. Discussion ... 116

Conclusion ... 124

Bibliographie ... 126

(8)

viii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Concepts et variables de la recherche ... 8

Tableau 2 : Sources, méthodes et collecte de données ... 15

Tableau 3 : Objectifs des plans quinquennaux 1 à 4 (1981 à 2000) ... 38

Tableau 4 : Évolution du coefficient de GINI au Laos entre 1992 et 2012 ... 62

Tableau 5 : Nombre moyen d’années de scolarisation chez les adultes âgés de 25 ans et plus dans le monde et au Laos entre 1980 et 2010, en fonction de l’indice de développement humain ... 62

Tableau 6 : Produit intérieur brut par habitant entre 1990 et 2013 ($USD) ... 62

Tableau 7 : Buts et stratégies de la politique sectorielle d’allocation des terres au Laos ... 71

Tableau 8 : Répartition des ménages selon le village d’appartenance et le type d’utilisation d’arrosage des terres agricoles ... 95

Tableau 9 : Superficie agricole détenue par les ménages interviewés, juillet 2015. ... 99

Tableau 10 : Distribution des ménages selon les formes d’aide octroyée par les instances gouvernementales (n-54), 2015. ... 100

Tableau 11 : Principaux changements agricoles entre 1981 et 2015 observés chez les ménages interviewés (n=54) ... 102

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ix

Liste des figures

Figure 1: Classification des données selon les objectifs de la recherche ... 21

Figure 2 : L’Asie du Sud-Est ... 23

Figure 3 : Laos, Physiographie (De Koninck, 2012) ... 24

Figure 4 : Les corridors économiques de l’Asie du Sud-Est continentale (2012) ... 56

Figure 5 : Routes et aires protégées de la province de Champassak, 2015. ... 76

Figure 6 : La province de Champassak et la division administrative selon les districts. .... 77

Figure 7 : Utilisation du sol dans la province de Champassak, 1993-1997. ... 88

Figure 8 : Utilisation du sol dans la province de Champassak, 2002. ... 89

Figure 9 : Superficie dédiée à l’hévéaculture (ha) selon les années ... 92

Figure 10 : Bouteille d’herbicide utilisée par un ménage du district de Bachiang Chaleunsouk ... 98

Figure 11 : Utilisation de la machinerie dans les pratiques agricoles chez les ménages interviewés (n=54) ... 98

Figure 12 : Évolution de la fréquence des déplacements des ménages à Pathoumphone et Bachiang Chaleunsouk avant 2000 et en 2015 ... 108

Figure 13 : Évolution de la fréquence des déplacements à Paksé selon les ménages avant 2000 et en 2015. ... 108

Figure 14 : Répartition des ménages interrogés (n=54) selon leur revenu agricole (en millions de Kips) ... 111

Figure 15 : Répartition des ménages selon le type de revenu gagné (n=54) ... 111

Figure 16 : Répartition du nombre de ménages selon le type de biens acquis et leur année d’acquisition (n=54). ... 114

Figure 17 : Répartition des ménages en fonction de l’importance donnée à chacune des variables, classifiée sur une échelle de 0-5 (n=54) ... 114

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x

Liste des acronymes

ACMECS Ayeyawady – Chao Phraya – Mekong Economic Cooperation Strategy (Stratégie de coopération économique de l’Ayeyawady, du Chao Phraya et du Mékong)

ASE Asie du Sud-Est

ASEAN Association of Southeast Asian Nations (Association des nations de l’Asie du Sud-Est – ANASE)

AusAID Australian AID

BAD Banque asiatique de développement

BCC Biodiversity Corridor Conservation (Corridor de conservation de la biodiversité)

BM Banque mondiale

CLV-DTA Cambodia-Laos-Vietnam Development Triangle Area (Triangle de développement Cambodge-Laos-Vietnam)

CPC Bolaven Plateau Coffee Producers Cooperative (Coopérative des producteurs de café du plateau des Bolovens)

CPI Committee of Planning and Investment – Laos (Comité de la planification et de l’investissement)

CRSH Conseil de recherche en sciences humaines du Canada

FAO Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture)

FMI Fonds monétaire international

GMS Great Mekong Subregion (Sous-région du grand Mékong)

GoL Gouvernment of Laos (Gouvernement du Laos – RDP Lao)

IDA International Development Association (Association de développement

international)

IDE Investissement direct étranger

IDH Indice de développement humain IPM Indice de pauvreté multidimensionnelle

IRMA Intégrations des régions montagneuses d’Asie du Sud-Est

IUCN International Union for Conservation of Nature (Union internationale pour la conservation de la nature – UICN)

JICA Japan International Cooperation Agency (Agence de coopération internationale du Japon)

Kips Unité monétaire au Laos (Basé sur un taux de change équivalent à 1 USD$ = 8 155 Kips)

Lao PDR Lao People’s Democratic Republic (terme souvent utilisé dans la littérature anglophone)

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xi

LFAP Land and Forest Allocation Program (Programme d’allocation des terres et de la forêt)

LUP Plan d’utilisation des terres

MDGs Millenium Development Goals (Objectifs du millénaire pour le développement)

MFA Ministry of Foreign Affairs – Laos (Ministère des affaires étrangères)

MPI Ministry of Planning and Investment – Laos (Ministère de la planification et de l’investissement – Laos)

MOFA Ministry of Foreign Affairs - Japan (Ministère des affaires étrangères du Japon)

MW Mégawatt

NAFRI National Agriculture and Forestry Research Institute (Institut national de recherche en agriculture et foresterie – Laos)

NASA National Aeronautics and Space Administration (Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace)

NGPES National Growth and Poverty Eradication Strategy (Stratégie nationale d’éradication de la pauvreté et de la croissance)

NME Nouveau Mécanisme Économique

NUoL National University of Laos (Université nationale du Laos)

NZE Nouvelle zone économique

ODOP One district, one product (Un district, un produit)

OECD Organization for Economic Co-operation and Development (Organisation de coopération et de développement économique)

ONU Organisation des Nations Unies

OTASE Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est PAS Programme d’ajustements structurels

PIB Produit intérieur brut

PMA Pays moins avancés

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement (UNPD – United Nations Development Program)

PPIAF Public-Private Infrastructure Advisory Facility

PRF Poverty Reduction Fund (Fonds pour la réduction de la pauvreté)

RN 13 Route nationale 13

UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

(Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) UNICEF United Nations International Children’s Fund (Fonds des Nations unies pour

l’enfance)

(12)

xii

Liste des annexes

Annexe 1: Questionnaire d’entrevue –version longue ... 135

Annexe 2: Questionnaire d’entrevue –version courte ... 142

Annexe 3: Extrait de la grille d’analyse des données de l’enquête-terrain ... 148

Annexe 4: Fonctionnaires du gouvernement rencontrés et personnes ressources ... 150

Annexe 5: Grille d’observation – Enquête-terrain ... 151

(13)

xiii

Remerciements

Je tiens à offrir mes plus sincères remerciements à mon directeur de recherche, M. Steve Déry. Tout d’abord, merci d’avoir cru en mon potentiel et mon profil scolaire atypique. Je vous remercie pour votre confiance, votre patience et le temps que vous m’avez dédié lors de mes nombreuses remises en question, lors de l’enquête-terrain ou tout simplement pour répondre à mes innombrables courriels. Vous avez rapidement compris quel type d’étudiante que je suis et vous avez sans cesse mis à contribution mes compétences afin que je me surpasse et que j’accomplisse ce que je croyais inaccessible. Merci de m’avoir transmis votre passion pour les sciences géographiques et pour la région de l’Asie du Sud-Est. La passion ne s’apprend, ni se transmet dans les livres. Elle se vit et elle nous guide vers les plus grands accomplissements. Aujourd’hui, je remets ce mémoire et je peux enfin respirer! Merci!

Je tiens également à exprimer ma reconnaissance au Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), pour le financement de mon enquête-terrain au Laos et de mes travaux de recherches, par l’entremise du programme de recherche du professeur Steve Déry. Je tiens également à remercier mesdames Nathalie Gravel et Danièle Bélanger, toutes deux professeures au département de géographie de l’Université Laval, qui ont accepté de siéger sur mon comité d’évaluation et de me transmettre leur passion de même que leur rigueur pour le domaine de la recherche. Merci également à Messieurs Étienne Berthold et Guy Dorval, respectivement professeur et chargé d’enseignement au département de géographie, avec qui j’ai eu l’opportunité de collaborer et d’avoir plusieurs discussions enrichissantes. Vous m’avez amené à développer de nouvelles compétences, tout en mettant à profit mon parcours scolaire et professionnel.

Cette étude n’aurait pu être possible sans la collaboration de mes collègues de l’Université nationale du Laos, Dr. Saithong Phoumavong, Dr. Somkhith Bouridam et Mme Maliphone Douagchangran, «Khop chai deu»! Merci énormément pour tous ces échanges de connaissance et pour votre précieuse aide sur le terrain. Merci également à mes collaborateurs, M. Amphone Monephachan et M. Chansouk Vampheangphan.

(14)

xiv

Un merci tout spécial à mon collègue et ami, Vincent Rolland, avec qui j’ai partagé de nombreuses heures de rédaction, d’analyse et de discussion. Merci pour ton aide, ton écoute et les fous rires. Je m’excuse encore pout tout le stress que je t’ai transmis. L’équipe incroyable que nous formions me manque!

Je ne peux passer sous silence la reconnaissance que j’ai pour mes collègues et amis François-Xavier Drapeau et Marc-Élie Adaïmé. F.-X., merci pour tous ces conseils, ces questions répondues et nos discussions enflammées! Marc-Élie, je ne te remercierai jamais assez pour toute l’aide et que tu m’as apportée, que ce soit avec ArcGIS, ma rédaction ou simplement pour ta présence. Je te dis soixante-quatorze fois merci (74)!

Un merci particulier à mes amies, Joanie L., Janie, Frédérique, Fanny et Joanie T. Chacune à votre façon, vous contribuez à m’inspirer un peu plus à tous les jours. Vous m’amenez à pousser mes limites plus loin et à m’embarquer dans de nouveaux défis avec naïveté et détermination. Merci pour ces nombreuses heures à me soutenir et m’encourager.

Finalement, merci à ma famille et mes amis, qui avez cru en moi lorsque moi, je n’y croyais plus, qui vous êtes montrés intéressés par ma nouvelle passion et mes projets fous. Vos encouragements inconditionnels et votre soutien m’ont été précieux, je vous en remercie.

(15)

1

Introduction

Le Laos : entre transformation et adaptation

Au cours du 20e siècle, l’Asie du Sud-Est continentale a connu des mutations considérables. Le Laos, État enclavé et le moins populeux de la région, connaît également des transformations qui se répercutent sur son territoire et auprès de sa population. Tout comme les États voisins, le Laos garde des marques profondes des conflits qui ont sévi au cours du XXe siècle. La prise du pouvoir en 1975 par le Pathet Lao, parti communiste laotien, a marqué la transition vers un nouveau régime. Soucieux d’unifier son territoire après des années conflictuelles, le parti a défini de nombreuses politiques et mis en œuvre plusieurs programmes, dont la collectivisation agricole en 1977, qui s’est avérée un échec. Parmi les raisons évoquées pour expliquer cet échec, un manque de structure et de ressources et aussi, une population encore divisée (Taillard, 1989; Rigg, 1995, 2005; Pholsena, 2006). Il est important de mentionner que le Laos est riche de la pluriethnicité qu’on retrouve sur son territoire. Alors que le gouvernement reconnait quarante-neuf groupes ethniques depuis 2007, la question ethnique demeure aussi une source constante de tension (Pholsena, 2009 : 59). Celle-ci s’explique, entre autres, par le fait que « lesdites minorités ethniques représentent près de 50% de la population [alors que la] majorité théorique [représente] à peine 40% » (Goudineau, 2000 : 18).

S’ajoute également à ces difficultés la perte du soutien financier de l’Union soviétique à partir de 1986, occupée à se recentrer sur elle-même. Cette même année, le Laos adopte une politique économique, le Chin Thanakaan Mai (nouveau mécanisme économique) qui vise une plus grande ouverture économique sur le marché mondial. Les frontières du Laos s’ouvrent aux investisseurs et il bénéficie alors d’un soutien financier d’un plus grand nombre de pays, investissements utilisés par les autorités pour « se développer ». L’étude des politiques d’intégration des régions marginales et des plans de développement stratégique du Laos permet d’affirmer que le gouvernement, par la mise en œuvre de ses stratégies et ses plans quinquennaux, fournit des efforts visant à promouvoir sa modernisation et son industrialisation. Cependant, des défis de taille se posent et plusieurs paradoxes surgissent des plans de développement. Le Laos souhaite se défaire de son statut de pays en

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2

développement (NGPES (MFA), 2003 :2). Pour y parvenir, le gouvernement laotien mise sur le développement rural comme axe central à sa stratégie de réduction de la pauvreté (Doliguez, 2005 : 63). Les nombreux projets dépendent toutefois de l’aide financière octroyée par les diverses agences et banques (Chareunsy, 2012; Guttal, 2011 :92; Usher, 1996 : 125). De plus, l’État promeut les investissements étrangers sur son territoire (Sisouphanthong, 2014 :181; MPI, 2011; CPI, 2006; MFA, 2003). Cependant, les multinationales s’approprient les terres fertiles, ce qui amène des milliers d’habitants à être dépossédés de leurs terres (Hall, 2013 : 1596; Oakland Institute, 2013; Baird, 2011 : 10-26; Guttal, 2011 : 93). Conséquemment, des pressions immenses sont exercées sur les peuples des régions montagneuses, pressions qui contribuent à modifier leur mode de vie, à les intégrer au système économique mondial et à faciliter le développement rural tel que voulu par l’État (Lestrelin, 2011 :312; Baird et Shoemaker, 2007; Evrard et Goudineau, 2004). Plusieurs qualifient le rythme de ces développements de rapide (Hall, 2011 : 840 ; Murray Li, 2011 : 193 ; Baird, 2010 ; Rigg, 2006). Les individus qui ne réussissent pas à suivre le rythme des transformations et à s’adapter seraient marginalisées (Déry et al., 2012). Des facteurs externes plus larges fragilisent également la capacité interne des populations des montagnes à y faire face, à savoir les crises économiques et environnementales actuelles (Pham, 1994; Rigg et Jerndal, 1996 :151). Alors que le gouvernement souhaite favoriser une union nationale des différentes communautés, plusieurs indices montrent qu’un clivage entre les habitants des plaines et ceux des montagnes se creuse.

La province de Champassak, au sud du pays, traversée par le fleuve Mékong et caractérisée par la présence du plateau des Bolovens, connaît des transformations significatives. Ses terres fertiles, où la caféiculture occupe une place prépondérante dans l’agriculture provinciale, sont de plus en plus livrées à des pressions considérables pour la pratique de la monoculture et la culture de rente. Le développement d’axes routiers majeurs, qui lui permettent d’être connectée avec ses voisins, la Thaïlande et le Cambodge, stimule son économie, qui repose principalement sur l’agriculture. Cette croissance importante, transforme, d’une part, le mode de vie des populations et, d’autre part, l’environnement bâti et le paysage. Les investissements directs étrangers sont nombreux, tout comme les projets de développement. Les bassins hydrographiques favorables à l’hydroélectricité engendrent de plus en plus de projets d’infrastructures qui nécessitent des déplacements de population. Finalement, le pôle

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3

urbain de la province, Paksé, se densifie et le gouvernement tente d’amener les populations vivant en lieux plus enclavés à s’installer à proximité des axes routiers. Ces changements se répercutent sur les communautés.

Plusieurs questions découlent de ces constats. Tout d’abord, qu’est-ce qui motive l’intégration de ces régions au système économique national et international, et quels en sont les objectifs? Quels sont les facteurs qui contribuent à faire varier la durée de l’adaptation à de tels changements socioéconomiques? Quel rôle joue l’État laotien par ses interventions dans des domaines tels que l’éducation ou la santé sur les capacités individuelles et collectives dans la province de Champassak? Celles-ci leurs permettent-elles d’améliorer leurs conditions de vie ou, au contraire, contreviennent-elles à l’adaptation des populations des régions montagneuses? D’où proviennent les savoirs mobilisés pour l’adaptation ? Qu’est-ce qui fait qu’un individu ou une communauté s’en tire mieux qu’un(e) autre? Quels sont les facteurs qui engendrent un processus de marginalisation?

Ces questions et cette recherche s’inscrivent dans le cadre du programme de recherche sur l’intégration des régions montagneuses d’Asie du Sud-Est (IRMA, 2003-2017), dirigé par le professeur Steve Déry, au département de géographie de l’Université Laval.

Cette recherche documente, entre autres, le processus d’intégration des régions montagneuses du Laos et les impacts locaux qui en découlent. À l’aide d’une étude de cas dans la province de Champassak, au sud du Laos, elle contribue à mieux comprendre les transformations socioéconomiques qui s’inscrivent dans la transition agraire et les stratégies de développement national qui en découlent. Elle contribue également à documenter les processus d’adaptation auxquels ont recours les communautés montagnardes.

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4

Dans cette optique, cette recherche vise à contribuer à la vérification de l’hypothèse générale selon laquelle les politiques d’intégration du Laos, dictées par les ambitions socioéconomiques et idéologiques nationales, créent des conditions qui modulent la capacité d’adaptation des populations locales.

L’objectif général de la recherche est de contribuer à mieux comprendre le processus d’intégration territoriale et socioéconomique des régions montagneuses du Laos de 1981 à 2015: 1) par une analyse multiscalaire, et 2) à l’aide d’une étude de cas réalisée dans la province de Champassak, au sud du Laos. Pour parvenir à l’atteinte de l’objectif général, deux objectifs spécifiques sont visés par l’étude :

1) Dresser un portrait général et analyser les interventions aux différentes échelles appropriées (locale, nationale, régionale, internationale) qui contribuent à l’intégration socioéconomique et territoriale des régions montagneuses au Laos. 2) Illustrer et analyser les dynamiques multiscalaires des processus d’adaptation par

le biais d’une étude de cas dans la province de Champassak, dans les districts de Bachiang Chaleunsouk et Pathoumphone. Cette étude comporte deux volets : 2.1. Dresser un portrait général de l’évolution de l’utilisation du sol dans la

province de Champassak entre 1981 et 2015, en s’intéressant plus spécifiquement aux districts de Bachiang Chaleunsouk et Pathoumphone. 2.2. Dresser un portrait et analyser le processus d’adaptation des populations.

Dans ce portrait, une attention particulière est portée aux interventions de l’État qui visent à faciliter l’adaptation notamment en matière d’éducation, de santé et de vulgarisation agricole.

Afin de répondre à ces objectifs, seront présentés dans un premier temps le cadre conceptuel, la méthodologie, de même que la démarche globale utilisée pour mener la recherche.

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1. Cadre de la recherche

1.1 Cadre conceptuel

Le cadre conceptuel se construit autour de la notion de « travail » et ses liens avec le temps et l’espace.

Raffestin et Bresso (1979) ont étudié la variable temps dans leurs analyses géographiques. Dans leur conception de l’espace et du territoire, ils affirment que :

L’espace est distance et pour le parcourir, le contrôler, l’intégrer, il faut du temps. Si le nombre des hommes s’effondre, il y a moins de temps humain à disposition. […] C’est pourquoi un paysage peut être défini comme une enveloppe spatio-temporelle qui se contracte ou se dilate sous l’effet des mouvements démographiques (idem : 45).

Cette conception est intéressante dans la mesure où elle permet de comprendre comment un espace occupé, connu, devient un territoire (Raffestin, 1980). Ce territoire forme un système dont la dynamique est variable dans le temps, entre autres du fait qu’une acquisition constante d’information et d’énergie le modifient et motivent une adaptation de ses éléments. Le paysage est un construit, car on y a mis du travail; c’est « [une] projection, dans l’espace et dans le temps, d’actions sociales que le groupe réalise par son travail » (p.44). Raffestin et Bresso (1979 : 45) affirment que « le paysage est donc un système intégré de relations, patiemment élaboré, entre les hommes, l’espace et le temps ». Ils affirment aussi que les rapports d’échelle « homme-espace-temps » (p.46) ont une signification différente qui s’est transformée par « le travail qui a changé, [qui est devenu] quelque chose qui se produit et se consomme » (p.32). Selon les auteurs, « l’invention d’un paysage est [donc] la combinaison d’une quantité de travail et d’une surface donnée » (p.44).

À cet égard, Raffestin et Bresso définissent la territorialité en référant à une expression de Leroi-Gourhan qui la qualifie de « domestication du temps et de l’espace ». Cette « domestication » évoque chez Raffestin et Bresso « le lent travail de l’homme sur son environnement, sur le donné naturel qui ne sera pas moins naturel après l’intervention humaine mais qui sera une interface nature-culture » (1979 : 32).

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1.1.1 La question du travail

Toujours selon Raffestin et Bresso (1979), le travail se mesure par l’addition d’énergie investie et d’information disponible. Selon les auteurs, « le travail, en tant que couple énergie-information, est complexe puisque les deux éléments de cet ensemble sont distincts mais sont [indissociables] » (1979 :10). Le travail permet d’innover et de réagir aux changements qui sont induits. Il est un enjeu constant, pour lequel les hommes compétitionnent et luttent. Raffestin et Bresso ajoutent que « […] le fondement du pouvoir politique n’est pas dans la nécessité naturelle mais la capacité qu’ont les hommes de transformer par leur travail à la fois la nature qui les entoure et leurs propres rapports sociaux » (1979 : 11). Les auteurs affirment que « le fondement du pouvoir c’est l’innovation, […] la capacité d’inventer, seule garantie de faire face aux modifications qui surviennent dans l’environnement physique et social. Dès lors, le travail devient l’enjeu d’une compétition, d’une lutte qui, au cours du temps, a pris des allures implacables » (Raffestin et Bresso, 1979 : 11).

Toujours selon ces auteurs, les différents acteurs ont le pouvoir de manipuler l’information disponible à l’homme et ainsi de jouer sur sa capacité de travail. Ils affirment que : « le pouvoir économique dominant peut rendre obsolète l’information de l’homme en ne lui achetant que son énergie et en lui fournissant une information parcellarisée sous forme de schèmes inutilisables en dehors de l’organisation où ils sont distribués. Dans ce cas, le couple fondamental qui sous-tend le travail est dissocié » (1979 : 12). À titre d’exemple, Raffestin et Bresso citent l’élimination relative de la pauvreté dans les sociétés industrielles qui, au lieu de libérer le travail, y a amené « une corrélation négative entre l’explosion de la production et la réduction de l’autonomie dans le travail » (1979 : 13). Alors que le travail et l’augmentation du niveau de vie en découlant étaient perçus comme une situation qui permettrait d’éliminer la pauvreté relative, la manipulation de l’information disponible à l’homme par les diverses formes de pouvoir l’amène à demeurer dans une situation de précarité.

1.2 Variables à l’étude

Dans cette recherche, sont étudiés les processus d’intégration et d’adaptation des régions montagneuses du Laos. Les contributions conceptuelles tirées d’une part de Lacoste

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7

(approche multiscalaire) et d’autre part de Raffestin et Bresso (approche par le travail) nous fournissent un cadre, permettant de mieux comprendre l’articulation des variables à l’étude qui sont trois processus, en plus de l’État : donc, l’intégration, l’adaptation, la marginalisation et l’État. La présente recherche documente et analyse l’intégration de la province de Champassak aux systèmes socioéconomiques nationaux et internationaux, par l’étude de cas des districts de Bachiang Chaleunsouk et de Pathoumphone. L’organisation des variables entre elles est d’abord présentée, avant de les examiner chacune séparément.

L’intégration constitue la variable indépendante du projet (Tableau 1). Sont étudiées les populations locales qui sont nouvellement intégrées à des systèmes politiques, économiques et sociaux, qui influencent et changent leurs conditions de vie. Un système dans lequel certains éléments sont mal intégrés peut développer des vulnérabilités, voire contribuer à la marginalisation de certains de ses éléments. Les indicateurs d’intégration qui sont pris en compte concernent les infrastructures modernes telles que l’accès à l’électricité ou aux réseaux routiers, les productions agricoles et leurs débouchés, ainsi que la présence d’institutions nationales, comme des établissements scolaires et de santé à proximité. L’analyse de la variable dépendante du projet, l’adaptation, permet de comprendre quels sont les facteurs qui facilitent l’adaptation des ménages aux transformations induites par le processus d’intégration. Les transformations vécues par l’intégration territoriale et socioéconomique conduisent les ménages à devoir s’adapter à de nouvelles réalités.

La capacité d’adaptation peut être modifiée par les expériences, les habiletés et les connaissances acquises. Elle peut également être influencée par le filtre de l’État, considéré comme la variable intermédiaire de la recherche. L’inadaptation peut engendrer une précarisation des populations ou encore leur marginalisation. Des travaux de recherche sur la marginalisation comme ceux de Déry et al. (2012) ont démontré que certaines populations locales perdent du pouvoir et deviennent vulnérables par leur intégration dans le système économique mondial qui se fait de plus en plus dominant. D’où l’importance d’étudier le rôle de l’État.

L’État, pris d’une manière générale, constitue la variable intermédiaire dans cette recherche. Certes, l’État contribue aussi directement au processus d’intégration des populations. Il est

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8

d’ailleurs souvent le déclencheur des politiques d’intégration, que ce soit par les politiques adoptées, la mise en œuvre de projet de développement ou la promotion des investissements étrangers sur son territoire. Mais l’État peut également agir comme un filtre dans le processus (Déry, 2010 : projet CRSH). La variable « État » permet de comprendre la contribution qu’elle apporte aux population afin de faciliter l’adaptation aux changements ou, dans le cas contraire, comment peuvent être marginalisées certaines communautés.

Afin de mieux comprendre les concepts auxquels l’analyse réfèrera, sera clarifiée la définition de ceux-ci dans la prochaine section.

Tableau 1 : Concepts et variables de la recherche

Concepts

Type de variable

Intégration (Baud, Bourgeat et Bras,

2013; Brunet, 2009)

Variable indépendante

État (Venne, 1992; Raffestin et Bresso,

1979; Duverger, 1962)

Variable intermédiaire (filtre)

Adaptation (Raffestin et Bresso, 1979;

Head, 2010; O’Keefe et al., 2010; Déry,

2010)

Variable dépendante

1.2.1 L’intégration

La signification précise du concept d’intégration varie en fonction du processus étudié et du domaine d’étude. Dans le cas de la présente étude, nous référons aux définitions d’intégration territoriale et d’intégration géographique. Baud, Bourgeat et Bras (2013 : 493) définissent l’intégration territoriale comme étant : « [le] processus d’association sur le long terme et à toutes les échelles, d’espaces disjoints et disparates à l’origine, dans un ensemble politique, économique et parfois culturel commun » (2013: 493). Brunet (2009 :281) affirme que l’intégration géographique « se mesure à la relation des lieux, entre eux ou par l’intermédiaire d’un chef-lieu; un espace mal intégré est un espace dont les liens fonctionnent mal, dont les parties ont éventuellement plus de relations avec l’extérieur qu’entre elles » (2009 : 281).

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Ces deux définitions constituent le cadre auquel nous nous référerons puisqu’elles abordent l’intégration d’une manière systémique. Afin de mieux comprendre par quoi les actions de l’État sont guidées et comment elles s’actualisent dans un système, on réfère à la définition de Brunet qui explique l’intégration socioéconomique par : « un système dans lequel les éléments entretiennent des rapports et des rétroactions de même nature et concourent de la même façon à un résultat » (2009 : 281). Ainsi, il sera question des relations entre les différents paliers étatiques et la répartition du pouvoir sur le territoire laotien. Seront aussi analysées les relations avec les acteurs à l’échelle régionale ou encore internationale.

1.2.2 L’adaptation

Par ailleurs, Raffestin et Bresso (1979) réfèrent à l’adaptation comme étant la capacité de faire des choix, l’autonomie qui « […] permet à cet homme de décider, pour assurer son existence, d’utiliser sa force, son habileté et son savoir-faire dans l’espace et dans le temps, sans entrave particulière » (p.11). Selon Head (2010) et O’Keefe et al. (2010), quatre options sont possibles pour définir le champ d’analyse de l’adaptation : la culture et le climat; les pratiques quotidiennes; l’espace-temps à plusieurs niveaux; et la nouvelle écologie et les relations au-delà des humains. Le degré d’adaptation varie selon la capacité de la personne à acquérir et maîtriser de nouveaux outils, de nouvelles habiletés ou les connaissances qui sont nécessaires à son bon fonctionnement dans le nouveau système auquel elle participe (Déry, 2010). Dans cette recherche, le champ d’analyse de l’adaptation se situe au niveau des pratiques quotidiennes avec une approche spatiotemporelle.

1.2.3 La marginalité

Dans la même veine, la marginalité doit aussi s’étudier avec une perspective multiscalaire (Leimgruber, 2004; Déry, 2010a). Selon ces auteurs, certaines observations ne sont valides qu’à certaines échelles. La marginalité est également une question de perspective, elle est donc subjective et dépend du point de vue sous lequel elle est analysée. Leimgruber affirme qu’il est difficile d’identifier clairement une délimitation entre la marginalité et la non-marginalité (Leimgruber, 2004 : 59). Déry et al. (2012) ajoutent que la non-marginalité est toujours partielle puisque personne n’est jamais totalement marginal ou totalement non-marginal. Pour Déry (2010a) la marginalité représente une zone grise. L’utilisation d’une approche multiscalaire permet de considérer les phénomènes autant dans le temps que dans l’espace. Cela permet entre autres d’observer les relations de pouvoir à travers les

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sous-10

systèmes et ainsi comprendre qu’un individu qui est marginalisé dans un système peut ne pas l’être dans un autre (Déry et al., 2012). Selon Déry, Leimgruber et Zsilincsar (2012), « some marginalization processes have been triggered by the integration of the targeted population into larger systems, systems within which their decision power has diminished, thus augmenting their level of marginality. What is clear enough now is that, paradoxically, integration may signify marginalization ». Au-delà des capacités individuelles, l’adaptation est aussi modelée par les capacités collectives. Conséquemment, la manière dont l’intégration se produit influence le processus d’adaptation. L’intégration engendre des transformations qui demanderont aux populations et aux ménages de s’y adapter pendant une période de temps, sans quoi ils pourraient s’inscrire dans un processus de marginalisation.

Dans cette veine, les concepts d’adaptation et de marginalisation sont liés. Selon Brunet (2009 :18),

les inadaptations et décalages entre une structure ou un réseau existants et la transformation du système qui s’en sert se nomment chez Marx « contradiction entre les moyens de production et l’état des forces productives »; ils se marquent par une crise, des tensions, des transformations, parfois même une révolution, car ils ne concernent pas que les aspects matériels des réseaux et des équipements, mais aussi les structures sociales elles-mêmes.

Pour Brunet (2009 : 320), la marginalisation est « une mise en marge, autant dire à l’écart et en situation dominée, dépendante, hors du « centre » des décisions […] ». Déry et al. (2012: 10) affirment que « the globalisation, integration and commoditisation processes have all contributed to diminish the power of local people even in the sub-systems close to them ». L’étude de cas présentée permet d’identifier quels sont les facteurs qui favorisent l’adaptation des populations et quels sont ceux qui engendrent un processus de marginalisation.

1.2.4 L’État

L’État est considéré comme étant le « centre décisionnel, du pouvoir organisationnel souverain qui s’exerce sur un territoire et une population au sein d’une société » (Gosselin et Filion, 2012 : 7). Plus spécifiquement, Duverger (1962) affirme que l’État peut être interprété de deux manières. D’une part, il peut définir « l’ensemble des gouvernants d’une nation souveraine » (Duverger, 1962 : 57). Dans ce cas-ci, on réfère à l’État-gouvernement. La deuxième interprétation du terme État a une portée plus large. Identifiée comme État-nation, celle-ci se définit comme étant constituée d’un « groupement humain, une communauté qui

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11

se distingue des autres par plusieurs critères : liens de solidarité particulièrement intenses [et en une] organisation puissante » (Duverger, 1962 :58). L’État-nation suppose « l’existence préalable de l’unification politique d’un territoire contrôlé par un pouvoir centralisé » (Venne, 1992 : 38). Cette unification précède ou concourt au développement d’un sentiment d’identité nationale. Selon Venne (1992 : 38-39), le sentiment de l’identité nationale, appelé « nationalisme », occupe une double fonction : « une fonction de cohésion et d’intégration [qui permet] aux sociétés de résister aux effets désarticulants des rivalités d’intérêts [et une] fonction disciplinaire qui permet au pouvoir politique d’agir et d’imposer son autorité au nom de la légitimité nationale ». Un manque de sentiment d’appartenance, voire son inexistence, peuvent engendrer des difficultés, la contestation du pouvoir central et de l’instabilité politique (Venne, 1992 : 39). Dans certains pays, on assiste au processus inverse, appelé « nation-État » où la mobilisation nationale ou l’existence d’un mouvement nationaliste est à la source de l’émergence d’un État souverain (Venne, 1992 :39).

Dans le cadre d’un pays où règne un régime communiste, comme c’est le cas au Laos, la principale fonction du parti est le « centralisme démocratique », où le cadre organisationnel doit assurer l’unité tant idéologique que politique (Leroy, 2003 : 39). Cette centralisation du pouvoir s’exerce par « [la] direction centrale [imposée et la ratification des] nominations des dirigeants locaux [et par] les instructions qui sont relayées suivant une discipline de fer à tous les échelons de la chaîne de commandement, […] renforcée par le système de liaisons verticales mis en place » (Gosselin et Filion, 2012 : 264). Le fondement d’une société socialiste s’appuie sur l’appropriation collective des moyens de production. Les éléments tels que l’État, les institutions politiques, la culture et la science sont considérés comme une superstructure, qui se définit comme étant « un simple reflet engendré par ce qui se passe au niveau de la réalité première et fondamentale, qui réside dans la pratique économique complète » (Duverger, 1978 : 472-486). Il faut se rappeler que l’État du Laos est issu du processus de décolonisation et il n’avait jamais existé sous une telle forme auparavant. Pour survivre sous ce modèle, une bonne intégration, au sens de Brunet, de toutes les parties du territoire s’avérait essentielle.

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12 1.3 Méthodologie

1.3.1 Démarche scientifique

Dans cette section sera décrite la démarche scientifique utilisée. Se basant sur le modèle de recherche hypothético-déductive, la réalisation de la présente recherche s’est divisée en plusieurs étapes. Dans un premier temps, sera présentée l’approche privilégiée pour mener la recherche. Par la suite, seront présentées les étapes préalables et ayant mené à l’enquête-terrain. Suivront les détails relatifs à la collecte de données et aux difficultés rencontrées lors du séjour au Laos. Finalement, le traitement de données et la méthode d’analyse seront présentés.

1.3.2 Un travail multiscalaire dans l’espace et dans le temps

L’approche multiscalaire a été privilégiée pour mener le processus de recherche. Ce choix se justifie par l’importance que chaque échelle d’analyse représente pour l’objet d’analyse. Tel que le mentionne Lacoste (2012 : 120), « la taille de l’espace [étudié et] représenté [amène] des différences tant quantitatives que qualitatives ». La prise en compte d’un phénomène ne sera pas représentée de la même manière d’une échelle à l’autre. Sa signification variera également. Alors qu’il est question de mieux comprendre les rouages de l’intégration socioéconomique et territoriale aux systèmes national et international et les différentes interventions qui la favorisent, il est primordial d’analyser les acteurs à différentes échelles et de comprendre comment les interactions se produisent. L’analyse de ces interactions permet de mieux connaître quels sont les impacts du marché mondial sur les paysans ou encore comment les grandes institutions influencent-elles l’adoption de nouvelles politiques au Laos.

Le travail à plusieurs niveaux géographiques favorise une meilleure compréhension d’une situation vécue sur un territoire donné et permet de mieux comprendre les spécificités propres à chacune des échelles. À cet égard, Lacoste (2012 :122) affirme que « l’opération intellectuelle qu’est le changement d’échelle transforme, et parfois de façon radicale, la problématique que l’on peut établir et les raisonnements que l’on peut former ».

Lacoste (2012 : 123) souligne que « [la prise en considération d’un espace] comme champ d’observation va permettre d’appréhender certains phénomènes et certaines structures, mais

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va entraîner la déformation ou l’occultation d’autres phénomènes et d’autres structures dont on ne peut a priori préjuger du rôle et qu’on ne peut donc négliger ». Par exemple, dans le cas qui nous concerne, il est nécessaire de considérer la capacité des ménages locaux à s’adapter aux transformations induites par l’intégration de leur économie domestique dans des ensembles divers liés aux échelles régionale et internationale. Il est aussi impératif de prendre en compte les outils mis en place par les différents acteurs tels que l’État, les organisations ou les compagnies, afin d’établir un portait global du processus d’adaptation. L’acquisition de nouveaux savoirs ou d’outils, de même que la capacité à s’adapter aux changements nécessitent du temps.

1.3.3 Collaboration avec la NUoL et autorisations gouvernementales

L’enquête-terrain s’est déroulée sur une période de onze semaines, à l’été 2015. Depuis 2012, le professeur Steve Déry entretient une collaboration avec le professeur Saithong Phommavong de la National University of Laos (NUoL) à Vientiane. La contribution de M. Phommavong, de même que la professeure Somkhit Bouridam et des étudiants de la NUoL s’est avérée essentielle au déroulement de l’enquête-terrain. La collaboration des membres de la NUoL a facilité les contacts auprès des autorités, qui se montrent méfiants face à la communauté scientifique. À cet égard, Petit (2013:146) souligne que: « the attitude of Laotian authorities towards scientific research is in no way permissive ». Il enrichit son propos en affirmant que: « officials remain suspicious of foreigners who ‘’pretend’’ to conduct research about social issues […] (ibid.) ». Les partenariats entre les chercheurs lao et étrangers permet une plus grande accessibilité au sujet d’étude et c’est d’ailleurs un moyen privilégié par la plupart des chercheurs (Petit, 2013 : 150; McAllister, 2013 : 175

Une première autorisation de recherche terrain a été sollicitée auprès du doyen de la faculté des sciences sociales de la NUoL, M. Bounmark Inthiphone. Il a autorisé la présente étude et a rédigé une lettre qui a par la suite été présentée aux instances gouvernementales de la province et des districts. Les professeurs de la NUoL ont tenu les entrevues avec les autorités et ont négocié avec eux notre présence sur le terrain. Dans certains cas de recherche terrain, les entrevues peuvent être biaisées par la présence de fonctionnaires gouvernementaux, qui justifient leur présence par le prétexte de la sécurité des étrangers à assurer. Cependant, leur

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présence s’inscrit plutôt dans le contexte d’un État communiste, où le gouvernement tente à la fois de contrôler l’information diffusée aux chercheurs et aux autres acteurs sociaux, et celle qu’ils peuvent aussi transmettre eux-mêmes. Petit (2013: 149) affirme que: « researchers in Laos have often been confronted with the unexpected presence of ‘’sleeper’’ agents, who pop up whenever something goes wrong in the state’s opinion ». L’expérience et l’expertise des professeurs collaborateurs de la NUoL nous ont permis de circuler librement dans les villages, sans rencontrer d’entraves majeures. Une fois les autorisations obtenues, nous les présentions aux chefs de villages, qui ont toujours accepté notre présence.

En plus de cette aide inestimable, les collaborateurs de la NUoL m’ont permis d’avoir accès aux données d’enquête-terrain. Ils ont traduit en anglais les entrevues réalisées à partir du lao, la langue officielle nationale. Cette traduction ne s’est pas faite sans difficulté considérant que, pour la majorité des ménages rencontrés, le lao était la deuxième langue parlée. Ceux qui ont agi comme auxiliaires de recherche ou superviseur selon les cas ont également traduit quelques documents recueillis suite aux rencontres avec les instances gouvernementales. Finalement, leur contribution s’est avérée enrichissante puisqu’elle a fait place à diverses discussions, que ce soit sur le plan culturel ou scientifique, ce qui a permis un échange d’informations pertinentes à l’analyse des données. Les collaborateurs étaient des professeurs et des étudiants doctorants.

1.3.4 Collecte de données

Les données obtenues pour atteindre les objectifs de la recherche proviennent de sources variées (Tableau 2). Nous avons eu recours aux données issues de source primaire, collectées lors de l’enquête-terrain qui s’est déroulée du 26 mai au 9 août 2015. Lors de ce séjour, trois méthodes principales ont été utilisées : l’observation directe des paysages; la collecte de documents locaux; et des entrevues semi-dirigées de différents types. Ces méthodes ont permis de recueillir des données sur les dynamiques socio-économiques de la région d’étude. Pendant les deux premières semaines de l’enquête-terrain, des entrevues tests ont été réalisées afin de s’assurer que le choix du vocabulaire, dans ses différentes traductions (français, anglais, lao), l’organisation du questionnaire, de même que les stratégies étaient adéquates.

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Le questionnaire utilisé avait été préalablement élaboré dans le cadre du programme de recherche Intégration des régions montagneuses de l’Asie du Sud-Est (IRMA) dirigé par Steve Déry au département de géographie de l’Université Laval et a été adapté au cas spécifique du Laos. Deux versions ont été utilisées, une version longue, plus ouverte (Annexe 1) pour les entrevues avec les chefs de villages et une version courte (Annexe 2) pour les entrevues avec les villageois. De plus, tout au long du séjour et afin de compléter la cueillette de données primaires, l’observation directe a été pratiquée. Elle a été guidée par des grilles d’observations et d’information (Annexes 5 et 6).

Tableau 2 : Sources, méthodes et collecte de données

Objectifs Méthodes Outils

1) Portrait des interventions contribuant à l’intégration socioéconomique et territoriale des régions montagneuses au

Laos

Analyse de la littérature

scientifique Documents statistiques

Analyse de documents Enquête-terrain

Observation

Questionnaire d’enquête Entrevue avec les

fonctionnaires Grille d’observation

Recensements Sources secondaires 2) Illustrer les dynamiques multiscalaires

des processus d’adaptation par le biais d’une étude de cas dans la province de

Champassak

2.1) Portrait de l’évolution de l’utilisation du sol Analyse cartographique cartographiques Documents 2.2) Portrait du processus d’adaptation des

populations

Un total de soixante entrevues semi-dirigées a été réalisé dans les districts de Bachiang Chaleunsouk et de Pathoumphone, tous deux situés dans la province de Champassak (Figure 6). Des entretiens ont été tenus avec des personnes clés : ONG Sai Nyai Eco-School, un cadre de la coopérative des producteurs de café du plateau des Bolovens (CPC), des personnes en autorité, comme les responsables des bureaux de l’agriculture, des ressources naturelles et de la planification et du financement dans deux districts et au palier provincial, et enfin les chefs de chaque village visité (voir la liste des personnes rencontrées en Annexe 4). Des entrevues ont aussi été réalisées avec les habitants des communautés locales. Ces entrevues visaient à obtenir des données sur comment les ménages s’adaptent au quotidien aux changements induits par l’intégration socioéconomique des régions montagneuses et marginales. Cinquante-quatre ménages, issus de dix villages différents, situés dans les districts de Pathoumphone et Bachiang Chaleunsouk, ont été rencontrés. Le choix des villages et des

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districts visités a d’abord été fait en fonction de leur positionnement, situés en marge du plateau des Bolovens, à une altitude variant entre 102 mètres et 552 mètres. Des considérations logistiques et de sécurité ont aussi contribué au choix final. Les axes routiers n’étant pas tous très développés, il était plus risqué d’emprunter les sentiers boueux alors que la saison des pluies battait son plein. De plus, les collègues de la NUoL m’ont exprimé une certaine réticence face aux distances à parcourir puisqu’ils percevaient comme étant dangereux de conduire les motocyclettes sur de longues distances à tous les jours. Les distances parcourues entre notre lieu d’hébergement (la ville de Paksé) et les villages se situaient entre 28 et 61,6 kilomètres. Afin de visiter des villages un peu plus éloignés du centre, nous avons convenu, mon assistante et moi de dormir au village, en prévision des destinations à visiter. Ainsi, lors des trois derniers jours d’entrevues, nous avons dormi dans deux villages différents. Les chefs ont accepté de nous héberger. Nous avons sauvé énormément de temps, en plus de l’expérience que cela nous a permis de vivre.

L’échantillonnage des ménages rencontrés s’est fait selon une méthode boule de neige, en concertation avec les chercheurs de la NUoL. L’objectif n’était de construire un échantillon représentatif, mais plutôt, via une compréhension qualitative de l’intérieur, d’obtenir des informations significatives. Lors des visites d’autorisation de recherche dans les bureaux gouvernementaux, nous demandions aux personnes rencontrées quels villages pourraient correspondre à nos critères : villages constitués de minorités ethniques, vivant principalement d’agriculture, profils socioéconomiques mixtes. Les informations recueillies nous ont permis de cibler les villages à visiter. Afin de respecter la hiérarchie établie, nous rencontrions en premier le chef du village visité. Suite à cette entrevue, nous lui demandions de nous guider vers des personnes disponibles à répondre à nos questions. Nous avons porté une attention particulière à la composition ethnique des villages et demandé au chef de rencontrer des ménages de différentes ethnies. Nous avons également demandé au chef de rencontrer des ménages présentant différents profils socioéconomiques. À noter que nous parlons de ménages pour parler du mari ou de la femme car le choix des personnes à rencontrer variait en fonction des disponibilités des personnes présentes à la maison lors de nos passages dans les villages. Chacune des entrevues a duré entre quarante minutes et deux heures. De manière générale, le nombre d’entrevues réalisées dans un village a été fixé approximativement en

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fonction du nombre total de ménage. Ainsi, dans les plus petits villages, moins d’entrevues ont été réalisées que dans ceux plus populeux.

Les sources secondaires de données proviennent d’abord de la littérature grise (documents gouvernementaux, rapports d’organismes, etc.). À noter que des recensements ont été tenus en 1995, 2005 et qu’un nouveau recensement s’est tenu en 2015. Des informations ont aussi été tirées de recensements agricoles publiés en ligne sur le portail de LaoDECIDE1. Aussi, le corpus de littérature scientifique qui aborde ces questions au Laos et dans les pays voisins est en croissance rapide depuis les années 1990, années qui correspondent à une plus grande ouverture du pays. Le centre national de cartographie du Laos a également été visité afin d’obtenir des cartes documentant l’évolution de l’utilisation du sol pour la région d’étude.

Les précédentes études, dont celles réalisées par des étudiants supervisés par M. Déry, dans le cadre du programme de recherche sur l’Intégration des régions montagneuses en Asie du Sud-Est (IRMA), ont permis de recueillir des informations pertinentes sur la région et les processus d’intégration (Vanhooren, 2006; Tremblay, 2007; Dubé, 2010; Boisclair, 2014). Ma recherche servira à compléter ce qui a déjà été récolté, en particulier au Laos (Dubé, 2010; Rolland, 2017). Le travail de recherche ici présenté sera enrichi des travaux de effectués par plusieurs chercheurs, notons entre autres Ducourtieux (2004; 2008; 2009), Baird (2007; 2010; 2012; 2013; 2014), Fortunel (2007; 2013).

Les informations couvrant la période d’étude (1981-2015) ont été privilégiées, de même que celles provenant de sources valides et critiques. En ce qui concerne l’objectif qui vise à dresser un portrait de l’utilisation du sol, il a été pertinent d’avoir recours aux outils visuels tels que des photographies et la cartographie. Ce volet a été réalisé en collaboration avec l’Université Nationale du Laos.

1.3.5 Difficultés rencontrées lors de l’enquête-terrain

Les enquêtes ont été facilitées par la collaboration avec des étudiants laotiens. Cette approche a connu beaucoup de succès dans d’autres contextes comme au Vietnam, depuis les années 1990 (Steve Déry, communication personnelle, 2015). Tout au long de mon séjour, j’ai

1 Lao DECIDE est un portail du gouvernement du Laos qui vise à faciliter l’accès aux données et l’information concernant la planification et le développement traduction libre (http://decide.la/en/)

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travaillé avec trois collaborateurs différents; un étudiant gradué, un professeur de la NUoL et une étudiante doctorale qui travaillait également sur la province de Champassak. Cette réalité, qui a parfois été très riche pour l’obtention d’informations et en expérience, s’est aussi avérée difficile. Travailler avec trois collaborateurs différents à recueillir des données demande énormément d’adaptation et de lâcher prise. Cette particularité a influencé la dynamique et la tenue des entrevues puisque j’ai dû m’adapter au mode de fonctionnement de chacun. Parmi les difficultés rencontrées, notons les relations genrées et hiérarchisées, de même que les différences culturelles. McAllister (2013: 167) soulignait que:

[the] gender is recognized as an important axis of identity that influences and informs fieldwork, both constraining and facilitating field access and rapport with potential informants. The impact of gender relations during fieldwork intersects the gender of the researcher and research assistant, and the relative positions and expected roles of women and men in the society in which research is being conducted.

Dans le cas du travail avec mon premier collaborateur, une certaine hiérarchie s’était installée entre lui, qui cumulait plusieurs années d’expérience en entrevues sur le terrain, et moi-même qui en était à ma première expérience. La différence d’âge, de même que le niveau d’éducation et nos genres respectifs ont eu des répercussions sur notre relation de travail. Bien que j’étais sensibilisée à cette réalité, mon manque d’expérience a joué en ma défaveur et j’ai choisi de me plier aux préférences de ce collaborateur, plutôt que de tenter de trouver un compromis. Cette décision de ma part a eu quelques répercussions sur les données recueillies. Toutefois, cette différence entre nous deux a eu des bénéfices lors des entrevues sur le terrain avec les différents ménages. J’ai toujours été bien accueillie et j’ai eu l’opportunité d’avoir accès aux espaces culturellement et traditionnellement réservés aux hommes. À cet égard, McAllister (2013: 168) appuie les propos de Warren (1988) et de Schwandner et Sievers (2009), ces derniers affirmant que: « in patriarchal contexts, female researchers are often placed in an ambiguous ‘’liminal’’ category, in which they are recognized as women but because of their foreigness and perceived higher social status are treated as ‘’honorary men’’ ».

Ma deuxième collaboration a été fort différente. J’ai eu la chance de travailler avec le professeur Saithong Phommavong, qui maîtrisait très bien les enjeux du projet de recherche. J’ai bénéficié de son expertise et de son expérience pour mener les entrevues auprès des

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instances gouvernementales en sa présence. Ce dernier s’est montré très ouvert. Par souci de temps et de concision, il m’a demandé de ne traduire les entrevues qu’à la fin de ces dernières. Bien que cette méthode permettait de sauver un temps précieux aux fonctionnaires rencontrés, il en résultait quelques difficultés. Lors de la traduction des entrevues, certaines questions surgissaient et il était difficile d’y répondre. Aussi, des informations sont demeurées incomplètes, en raison de l’impossibilité de relancer des questions aux fonctionnaires. M. Phommavong pouvait me renseigner sur des détails techniques mais quelques questionnements n’ont pu être éclaircis.

La troisième collaboration s’est déroulée dans un tout autre climat. J’ai travaillé avec une étudiante au doctorat qui venait tout juste de terminer son enquête-terrain dans le district de Paksong, dans la province de Champassak. Notre relation était plus égalitaire et elle démontrait une sensibilité à ma compréhension du mode de vie des gens rencontrés. Elle s’assurait d’obtenir des réponses complètes de la part des personnes interviewées et elle suggérait des pistes de réflexion pour la suite du processus de recherche. Nous avons été bien accueillies dans les villages et aucune discrimination genrée ne s’est ressentie. Nous avons eu accès aux espaces réservés habituellement aux hommes et les chefs de villages se sont montrés très accueillants et ouverts. Nous avons dormi deux nuits consécutives dans deux villages différents, ce qui a bonifié l’expérience terrain en permettant de vivre le quotidien des gens.

Bien que les trois expériences avec les collaborateurs aient été totalement différentes, ces dernières m’ont permis d’obtenir des informations variées et d’apprendre les complexités de l’enquête-terrain dans un contexte culturel qui m’était inconnu. La préparation du terrain, de même que les nombreuses lectures préalablement réalisées m’ont permis de m’y préparer.

1.3.6 Traitement des données

La collecte de données a été riche. Afin de faciliter le traitement des données, une table Excel a été créée, où les données d’enquêtes menées avec les villageois ont été répertoriées par catégorie. Parallèlement, un plan de classification (Annexe 3) a été élaboré. Inspiré de la démarche de classification de Ghiglione et Matalon (1982), le plan de classification a pris forme en différentes étapes. Tout d’abord, un échantillon du questionnaire a été analysé. Cette première étape a permis de saisir l’ampleur des données et du type de réponses

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recueillies. Par la suite, chacune des parties du questionnaire a été décortiquée, de sorte à classer les informations recueillies en fonction des variables indépendante (intégration), dépendante (adaptation) et du filtre (État). De plus, les éléments ont été classifiés selon chacun des objectifs de la recherche afin de mieux orienter le traitement des données (Figure 1). Un type de codage a également été établi pour chacune des questions pertinentes à l’analyse. Le traitement des données sera explicité dans chacune des sections respectives, dans la partie résultat.

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