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2. Le Laos : un État enclavé

2.2 La double vocation du Laos : entre un État tampon et un État carrefour

2.2.3 Du XVIII e siècle à 1954, la période coloniale

Durant la troisième période, identifiée par Taillard (1989) comme s’échelonnant du XVIIIe siècle à 1954, l’unité du Lane Xang est mise à rude épreuve. Cette période se caractérise par des influences extérieures qui se font persistantes. Dans le premier quart du XVIIIe siècle, la troisième guerre de succession a brisé l’unité du royaume (Pholsena, 2011 : 48). Le Laos s’est retrouvé au centre des ambitions territoriales de ses voisins, provoquant ainsi la division du territoire en trois royaumes distincts à partir de 1700 : Luang Prabang au nord, Vientiane au centre (1707) et Champassak au sud (1713). Progressivement, les trois entités se sont retrouvées sous la tutelle de Bangkok (ibid.). En 1827-1828, les armées siamoises ont procédé à une déportation de la population de Vientiane vers le plateau nord-est de Khorat (Pholsena, 2011 :49). La destruction du royaume de Vientiane a symbolisé la disparition de l’entité politique régionale et par le fait même de sa dynastie (ibid.). Cette intervention du Siam a été principalement initiée pour limiter l’influence vietnamienne sur le territoire de l’ancien Lane Xang. Toutefois, un traité a été signé plus tard entre le Siam et la France, le 3 octobre 1893 (Pholsena, 2011 :51). Celui-ci a obligé les Siamois à céder les territoires situés

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sur la rive gauche du Mékong à la France. Ces espaces ont été réclamés au prétexte que la France aurait hérité des droits de suzeraineté vietnamiens suite à sa conquête de l’ancien royaume du Dai-Viêt (ibid.).

Dans la poursuite de leurs stratégies d’expansion, les Français désiraient contrôler le fleuve Mékong. Ainsi, détenant les droits sur le territoire laotien, ils réussissaient à contenir l’expansion coloniale britannique. Au cours des années suivant la signature du traité, les frontières ont été modifiées au rythme des négociations et de la pression entre les Britanniques et les Français. Les frontières du Laos ont été officialisées par les traités de 1893, 1904 et 1907. Le Laos était d’ailleurs perçu commodément comme une extension du Vietnam, permettant à la France d’atteindre ses objectifs de colonisation de l’Indochine (Pholsena, 2006 : 6-8).

Malgré la victoire française sur le territoire laotien, l’influence siamoise est demeurée très présente. Pour créer une certaine distanciation, la France a tenté de développer une intégrité culturelle propre au Laos, principalement dans trois domaines critiques qui étaient la religion, l’histoire et la langue (Pholsena, 2011 : 54).

Toutefois, l’autorité coloniale française a connu son déclin à la décennie 1940, où plusieurs conflits ont éclaté. La défaite de la France en Europe en 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale, a favorisé l’émergence du nationalisme lao (Pholsena, 2011 : 54). D’ailleurs, les autorités françaises ont perdu les territoires lao de la rive droite du Mékong au profit de la Thaïlande en 1941 sous la pression des troupes japonaises (idem, 2011 : 55). Le Laos était une zone prioritaire puisque le Siam3 y visait son expansion. La France a déployé de nombreuses actions pour convaincre l’élite lao de poursuivre sa collaboration dans les structures de la Fédération indochinoise (idem : 56). Elle a mis en place un projet visant à restaurer l’identité et la culture lao pour unifier la population. Toutefois, les dirigeants lao de l’Indochine ont été encouragés par le Japon à proclamer l’indépendance de leur pays, suite à la prise de contrôle de l’administration française le 9 mars 1945. L’élite lao nationaliste et anticoloniale a utilisé ce projet pour combattre et ainsi créer un espace politique, qui est

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devenu l’État moderne souverain actuel. Dans la foulée des événements similaires qui se déroulaient au Vietnam (le 2 septembre 1945), le 15 septembre 1945, le prince Phetsarath a déclaré l’indépendance du Laos (Pholsena, 2011 : 57).

Différents conflits ont éclaté sur le territoire sud-est asiatique. Une guerre civile est survenue, en marge de ceux-ci au Laos, entre la fin de l’année 1945 jusqu’à 1975. Les efforts de la France pour unifier le territoire étant insuffisants, le Gouvernement Royal Lao a obtenu son indépendance en octobre 1953 (Pholsena, 2011 : 59). Le territoire a toutefois été scindé en deux. L’influence du Pathet Lao (communiste) s’est fait ressentir au nord du Laos et dans la zone montagneuse. Le Gouvernement Royal Lao, concentré dans la zone des plaines fluviales laotiennes, s’est pour sa part joint aux efforts de la Thaïlande et de ses alliés américains pour lutter contre l’émergence du communisme en Asie du Sud-Est (Taillard, 1983). Les États- Unis, dans leur combat contre le mouvement communiste, ont financé le Laos pour lutter contre l’idéologie et les deux partis qui la promouvait, le Viêt Minh et le Pathet Lao. Les Américains ont stratégiquement armé des tribus Hmong, situées dans les zones montagneuses laotiennes, afin de mener leur combat qui sévissait contre la partie nord du Vietnam (Pholsena, 2011 : 64). Le Laos servait de zone tampon pour les États-Unis entre la Thaïlande capitaliste et le Nord-Vietnam communiste (ibid.).

L’implication internationale sur le territoire laotien n’a pas permis de tempérer la guerre civile; au contraire elle l’a alimenté. Les tensions sont devenues de plus en plus vives entre le Gouvernement Royal Lao et le Pathet Lao. Les efforts pour mettre en place un gouvernement de coalition ont échoué à deux reprises : en 1957-1958 et en 1962-1963 (Pholsena, 2011 :61). L’Est du Laos a servi de territoire au Nord-Vietnam dans ses stratégies militaires, dans la lutte contre les Américains. La piste « Hô Chi Minh », qui transitait par le territoire laotien, a permis aux nord-Vietnamiens de rallier les populations locales vietnamiennes et laotiennes, vivant en zones montagneuses, et d’établir des stratégies militaires efficaces. Cette zone stratégique empruntée a fait en sorte que les États-Unis ont aussi bombardé le territoire laotien. Entre 1964 et 1973, 2 093 100 tonnes d’obus sont lancées sur le Laos par les Américains (Pholsena, 2011 : 66). Les bombardements ont cessé en 1973, suite à un cessez-le-feu décrété lors des accords de Paris sur le Vietnam (Taillard, 1989 : 53).

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Les Américains se sont alors retirés de la zone de conflit. Le gouvernement royal lao a, du même coup, perdu le soutien sur lequel il avait compté. Le Pathet Lao a réussi un coup d’État en 1975, où il obtint le contrôle politique du pays. Le 2 décembre 1975, la République démocratique populaire lao est fondée (Taillard, 1989 : 53 ; Pholsena, 2011 : 66).