• Aucun résultat trouvé

Nature des rapports de confiance ou du « contrat de communication » entre un usager et son média

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Nature des rapports de confiance ou du « contrat de communication » entre un usager et son média"

Copied!
134
0
0

Texte intégral

(1)

Nature des rapports de confiance ou du « contrat de

communication » entre un usager et son média

Mémoire

Aline Vancompernolle

Maîtrise en communication publique - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Nature des rapports de confiance ou

du « contrat de communication » entre

un usager et son média

Maîtrise en Communication publique avec mémoire

Aline Vancompernolle

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Les radios parlées conservatrices, nées aux États-Unis, ont servi de modèle aux radios d’opinion de Québec dans le but de capter une audience et la maintenir à l’écoute le plus longtemps possible. Ce modèle économique à succès, basé sur le spectacle et la provocation, compte de fidèles adeptes à Québec mais aussi des détracteurs qui les accusent de favoriser les divisions. Notre étude se penche sur le public de ces deux radios, CHOI Radio X et FM93. Nous avons cherché à établir, grâce à nos entretiens avec 16 auditeurs, la nature de la confiance qui les unit à leur station et à définir le type de contrat de communication qui se met en place, à savoir, le système relationnel basé sur des règles et des attentes réciproques entre les acteurs. Les recherches théoriques sur l’exposition sélective et le biais de confirmation, la confiance et le contrat de communication nous ont permis de formuler des propositions de recherche combinant l’adhésion forte des auditeurs au discours de la radio, leur grande fidélité, leur engagement fort et la confiance importante qu’ils ont dans la station qu’ils écoutent. Notre analyse nous a permis d’identifier trois profils d’auditeurs de ces radios qui montrent une prise de recul plus importante vis-à-vis du discours de la radio que ne le suggéraient les recherches.

(4)

Abstract

Conservative talk radio, born in the US, served as a model for talk radio in Quebec City in order to capture the audience and maintain it as much as possible. This successful economic model, based on entertainment and provocation, has loyal listeners in Quebec City but also opponents accusing the radio of fostering divisions. Our study examines the public of the two most popular radio stations, CHOI Radio X and FM93. We aimed to draw up, thanks to our interviews with 16 listeners, the nature of trust uniting them with their station and to define the type of “communication contract”, which designates a relational system based on rules and reciprocal expectations between the actors. Theorical research on selective exposure and confirmation bias, trust and communication contract helped us to build research proposals combining audiences’ strong adhesion to the radios’ content, loyalty, strong engagement and great trust they have in the radio station they listen to. Our analysis led us to identify three profiles of listeners showing more distance toward the radio content than suggested by previous research.

(5)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures, tableaux, illustrations ... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 Problématique ... 4

1. Problématique générale de la recherche : différenciation médiatique et cadrages idéologiques ... 4

1.1. L’hyperconcurrence et l’obligation de différenciation ... 4

1.2. L’adhésion idéologique ... 7

2. Problème spécifique : le rapport de confiance des usagers avec leur média ... 8

2.1. Définition des radios parlées ou radios d’opinion ... 9

2.2. Les médias alternatifs opposés aux médias grand public ... 9

2.3. L’exemple américain : des messages partisans et négatifs pour capter l’audience ... 10

2.4. L’exemple québécois inspiré du style américain ... 11

2.5. Le contexte de méfiance ... 11

2.6. Adhésion, influence et polarisation ... 12

3. Objectif de recherche ... 13

4. Question de recherche ... 14

5. Contributions attendues de la recherche ... 15

Chapitre 2 Cadre théorique et état des connaissances ... 16

1. L’exposition sélective et le biais de confirmation à la base du choix médiatique .... 16

1.1. Diversité des sources et exposition sélective ... 16

1.2. Théorie de la dissonance cognitive et biais de confirmation ... 17

1.3. Le biais de confirmation critiqué ... 18

2. Le rôle de la confiance dans les relations médias-usagers ... 19

2.1. Qu'est-ce que la confiance ? ... 19

2.1.1. La confiance dans les médias ... 20

2.1.2. À travers la confiance, la crédibilité ... 21

2.2. Confiance égale consommation ... 22

2.2.1. Vers l’influence ... 22

2.3. Scepticisme égale consommation alternative ... 23

2.4. Rejet des médias grand public ... 23

2.5. La confiance dans les médias associée à la confiance dans les institutions politiques ... 24

2.6. Confiance égale sélection de l'information ... 24

2.6.1. Aux États-Unis, Limbaugh choisit son actualité ... 25

2.6.2. Des ressemblances entre les radios d’opinion américaines et celles de Québec 25 3. Le contrat de communication associé aux talk-shows politiques ... 26

(6)

3.2. Application aux médias ... 27

3.3. Le contrat de lecture, modèle du contrat de communication ... 27

3.4. Application aux talk-shows politiques ... 28

3.4.1. Trois composantes ... 28

3.4.2. La création d’une communauté à travers les interactions ... 29

3.5. Application à la radio ... 30

3.5.1. La proximité ... 30

3.5.2. Temps et distribution de parole ... 30

3.6. L’exemple américain ... 30

3.7. L’exemple québécois... 31

3.8. La place du code d’éthique ... 35

3.8.1. Les règles aux États-Unis ... 35

3.8.2. Le cadre réglementaire canadien ... 35

4. Vers la polarisation ... 37

5. Propositions de recherche ... 38

Chapitre 3 Méthodologie de recherche ... 40

1. Échantillon et méthode d’échantillonnage ... 40

1.1. Explication du choix ... 40

1.2. Description de la population de référence de la recherche ... 41

1.2.1. Caractéristiques des auditeurs américains ... 41

1.2.2. Caractéristiques des auditeurs québécois ... 42

1.3. Le recrutement ... 43

1.4. Des incitatifs et conditions favorables ... 44

2. Rappel des objectifs et méthode retenue pour la recherche ... 44

2.1. Exploration et comparaison ... 44

2.2. L’approche qualitative ... 45

2.3. Technique principale de collecte des données ... 46

2.3.1. La technique des entretiens individuels ... 46

2.3.2. Les entretiens semi-dirigés ... 46

2.3.3. Le nombre de participants ... 47

2.3.4. Schéma d'entrevue ... 47

2.3.5. Des questions en lien avec les propositions de recherche ... 48

3. Recrutement et déroulement des entrevues ... 49

3.1. Le recrutement ... 49

3.2. Le déroulement des entrevues ... 50

Chapitre 4 Présentation et analyse des résultats ... 51

1. Démarche initiale d’analyse ... 52

1.1. Analyse thématique ... 52

1.1.1. La compilation des données ... 52

1.1.2. La recherche de thèmes... 53

1.1.3. La liste des thèmes ... 54

1.2. La recherche de profils ... 57

2. Analyse des résultats par thèmes... 57

2.1. Fidélité à la station ... 57

2.1.1. Le choix de l’exposition à un média ... 58

2.2. Les motivations ... 61

2.2.1. Principales raisons d’écoute de la radio de Québec ... 62

(7)

2.4.1. Les moyens de l’interaction ... 66

2.4.2. Les raisons de l’interaction ... 67

2.4.3. Les raisons de la non-interaction ... 69

2.4.4. Les types d’opinions exprimées ... 69

2.4.5. Les discussions en dehors des ondes ... 71

2.5. Adhésion ... 72

2.5.1. L’adhésion à travers la confiance accordée aux animateurs ... 73

2.5.2. L’adhésion remise en question ... 75

2.5.3. L’adhésion à travers l’attitude vis-à-vis des autres journaux ... 77

2.5.4. Une adhésion mitigée : confiance mitigée dans la radio et dans les autres médias 79 2.6. Engagement ... 80

2.6.1. Changement d’avis : un engagement mitigé... 80

2.6.2. Davantage d’engagement en termes d’actions ... 81

2.6.3. Vote : 100% de participation ... 82

2.6.4. À la défense de la radio... 83

2.7. Résumé des principaux résultats ... 85

2.7.1. Vision d’ensemble : points communs et différences ... 86

3. Interprétation des résultats ... 88

3.1. L’échelle d’Hofstetter : attention et engagement ... 88

3.2. Des profils d’usagers ... 89

3.2.1. À la recherche de profils... 89

4. Discussion ... 94

Conclusion ... 100

Bibliographie ... 107

Annexe A Courriel de recrutement Université Laval ... 114

Annexe B Affiche de recrutement... 116

Annexe C Message de recrutement plateforme Reddit ... 118

Annexe D Certificat d’éthique ... 119

Annexe E Questionnaire d’entretien ... 122

Annexe F Questionnaire de données personnelles ... 124

(8)

Liste des figures, tableaux, illustrations

(9)

Remerciements

J’aimerais adresser un énorme merci à ma directrice de recherche, Colette Brin, pour avoir accepté de superviser cette maîtrise, pour le suivi qu’elle a effectué, pour ses conseils avisés et son temps que je sais précieux.

J’aimerais ensuite remercier tous ceux et celles qui se sont intéressés à mon sujet et m’ont apporté leurs conseils et soutien. Mes études ont également reçu un soutien financier pendant cette maîtrise grâce à un Prix d’excellence des professeurs et professeures du Département d’information et communication et au programme de bourse La Capitale.

Enfin, cette maîtrise n’aurait pas été possible sans la participation des auditeurs qui ont accepté de prendre de leur temps pour répondre à mes questions. Je les en remercie.

Pour terminer, j’adresse mes remerciements à ma famille, mes amis et mon compagnon pour leur soutien sans faille et sans qui je n’aurai pu accomplir ce travail.

(10)

Introduction

Les radios d’opinion de Québec font depuis des décennies l’objet de controverses et de critiques. Leurs détracteurs les appellent « radios poubelles » ; dans son ouvrage récent, Les brutes et la punaise, la chercheuse Dominique Payette parle plutôt de « radios de confrontation ». Depuis leur création il y a 40 ans, les deux principales stations de radio parlée à Québec, CHOI Radio X et FM93, font couler beaucoup d’encre. En 2004, la cause de CHOI Radio X et de son animateur vedette Jeff Fillion a même déplacé des foules au nom de la défense de la liberté d’expression.

Malgré une offre médiatique abondante à Québec notamment depuis l’apparition d’internet, les radios parlées continuent à attirer des auditoires importants. Leur recette est un mélange de spectacle, d’opinion et de provocation et ce, dans le but de maintenir l’audience le plus longtemps à l’écoute pour récolter des parts de marché et faire du profit (Marcoux et Tremblay, 2005 : 9 ; Giroux et Sauvageau, 2009 : 5 ; Payette, 2015 : 13). Cette recette gagnante suscite des critiques, notamment quant au contenu diffusé en ondes accusé d’être « haineux et raciste » (Payette, 2019 : 34).

Ces radios se sont inspirées d’un format existant aux États-Unis, dans lequel un animateur-vedette présente ses opinions, le plus souvent très conservatrices, à des auditeurs fidèles qui expriment leur assentiment à travers une prise de parole en direct pendant les périodes réservées aux lignes ouvertes. Selon certains chercheurs, une relation de confiance se bâtit entre les auditeurs et ces radios sur la base d’un rejet des médias traditionnels (Tsfati et Cappella, 2003). Ces médias « alternatifs » veulent offrir un contenu différent, à la fois dans les nouvelles qu’ils diffusent, mais aussi dans les points de vue exprimés. Les messages diffusés s’en prennent souvent directement aux journalistes des médias traditionnels, les présentant comme indignes de confiance, et salissant leur réputation (Ibid. : 521). Le plus écouté de ces animateurs de radio américaine est Rush Limbaugh qui enregistre chaque semaine, selon les chiffres de juillet 2019, 15,5 millions d’auditeurs. Il est suivi de près par Sean Hannity qui en compte 15 millions par semaine (Talkers Magazine, 2019).

Ces médias alternatifs évoluent désormais dans un contexte général de méfiance vis-à-vis des médias traditionnels et de la politique, surtout depuis le déferlement de fausses

(11)

nouvelles durant les élections présidentielles américaines de 2016. À cette période, aux États-Unis, les chiffres de la confiance des Américains dans les médias traditionnels sont d’ailleurs tombés au plus bas, avec un taux de 32% (Swift, Gallup News, 2016). Si au Canada, cette méfiance vis-à-vis des médias est un peu moins grande, les Canadiens se disent toutefois préoccupés par la prolifération des fausses nouvelles (Sauvageau, Thibault et Trudel, 2018) et confus quant à leur capacité à faire la distinction entre l’information et la désinformation (Turvey, Fondation pour le journalisme canadien, 2019).

Certains chercheurs (Hollifield, 2006 ; Payette, 2015 et 2019) s’inquiètent de la décision consciente de ces organisations médiatiques d’orienter leurs contenus vers une idéologie politique. Selon Hollifield, les nouvelles teintées idéologiquement peuvent faire pencher les audiences vers des idées plus extrêmes et augmenter les divisions dans la société (2006 : 65). Les recherches effectuées sur les radios d’opinion montrent qu’à la suite d’une écoute prolongée, le public construit de mauvaises perceptions politiques du fait d’une exposition à des idées biaisées qui seraient néfastes, notamment pour le processus démocratique et la qualité des débats publics (Garrett, Weeks et Neo, 2016 : 332 ; Giroux et Sauvageau, 2009 : 43).

Notre étude se penche sur le public des radios d’opinion à Québec dans le but de contribuer à la connaissance et à la compréhension de la relation qui le lie à son média, grâce à une série d’entretiens auprès d’auditeurs de CHOI Radio X et FM93. Elle s’intéresse à leurs habitudes de consommation mais aussi aux liens qui se créent entre eux et leur station pour mesurer la place qu’elle prend dans leur vie. Nous nous interrogeons également sur les raisons qui poussent les auditeurs à faire le choix de se brancher sur ces stations jour après jour. Nous cherchons à savoir si des liens de confiance se sont tissés au fil du temps et si la relation entre les auditeurs et leur radio à Québec correspond au portrait qu’en fait la recherche aux États-Unis. Nous nous inspirons du concept du contrat de communication, qui définit les termes de la relation entre un média et son public, ce que l’un propose et ce que l’autre est en mesure d’attendre (Jeanneret et Patrin-Leclère, 2004). Notre étude s’appuie également sur les recherches précédentes menées sur les radios de Québec (Giroux et Sauvageau, 2009 ; Payette, 2015 et 2019 ; Marcoux et Tremblay, 2005 ; Lemieux, 2012 ; Vincent, Laforest et Turbide, 2007 ; Couture et Fiset, 2005).

(12)

Dans le premier chapitre, nous présentons notre objet de recherche et notre problématique générale sur les radios d’opinion : qui sont-elles, comment fonctionnent-elles, dans quel contexte médiatique concurrentiel évoluent-elles, de quoi est composé leur message mais aussi pourquoi font-elles autant polémique?

Le deuxième chapitre fait état des recherches théoriques effectuées, tout d’abord sur l’exposition sélective et le biais de confirmation entrant en jeu dans le choix d’un média, puis sur la manière dont s’établissent les liens de confiance entre les auditeurs et le type de média spécifique que sont les radios parlées d’opinion et, enfin sur le contrat de communication qui se met en place dans un talk-show radiophonique entre le média et son usager, système structuré de relations basé sur des règles connues et des attentes réciproques. À la fin de ce chapitre, nous formulons trois propositions de recherche combinant l’adhésion forte des auditeurs au discours de la radio, leur grande fidélité, leur engagement fort et la confiance importante qu’ils ont dans la station qu’ils écoutent.

Le troisième chapitre est consacré à la présentation de la méthodologie mise en place pour effectuer cette recherche. Notre étude veut s’inscrire dans le domaine des études qualitatives, c’est-à-dire qu’elle cherche à étudier en profondeur un phénomène à travers les propos des personnes interrogées, plutôt que de fournir une mesure générale de l’écoute et des attitudes de l’ensemble de l’auditoire. C’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à un petit nombre d’auditeurs de ces radios et pris le temps de les interroger individuellement sur leurs pratiques et leurs perceptions.

Le quatrième et dernier chapitre présente l’analyse des données recueillies lors des entretiens. Celle-ci se base sur les propositions théoriques émises à la suite de la compilation de la revue de littérature. Notre étude établit trois profils d’utilisateurs des radios d’opinion de Québec à travers les relations que ces derniers ont avec leur station.

En conclusion, nous revenons sur les résultats obtenus et la contribution de cette recherche. Nous proposons également des pistes pour d’autres études sur le sujet.

(13)

Chapitre 1 Problématique

1. Problématique générale de la recherche : différenciation médiatique et cadrages idéologiques

Les médias se définissent comme des entreprises différentes des autres. « Les fabricants de l’information prétendent mettre l’intérêt général au-dessus de leur propre intérêt économique : informer est une mission, le lecteur n’est pas envisagé comme consommateur mais comme citoyen » (Jeanneret et Patrin-Leclère, 2004 : 138). Toutefois, malgré cette mission de service public, les médias doivent, depuis plusieurs décennies déjà, répondre à une logique économique pour exister et, ainsi, se positionner dans un univers de concurrence (Véron, 1985). Selon Véron, qui évoque la tension entre service public et impératif économique dans son « contrat de lecture », les médias doivent également recueillir la confiance de leurs usagers pour qu’ils leur restent fidèles le plus longtemps possible.

1.1. L’hyperconcurrence et l’obligation de différenciation

La croissance exponentielle de l’offre d’information, notamment due à la pénétration rapide d’internet depuis 25 ans, a créé une situation de forte concurrence entre les entreprises médiatiques (Brin, Charron et de Bonville, 2004). Hollifield établit une relation entre le niveau de concurrence et la performance des médias, de même que la manière dont les changements dans la structure du marché médiatique peuvent affecter le public (2006). En effet, les usagers des médias peuvent, grâce aux moyens techniques contemporains, passer d’un média à un autre, d’une information à une autre, par un simple clic ou encore en appuyant sur le bouton d’une télécommande. Ils ne prennent le temps de lire que les articles qui les intéressent et balaient le reste de l’actualité en mode « zapping ». Brin, Charron et de Bonville voient, à travers ces changements et la bataille concurrentielle que se font les différents médias, une transformation forcée des pratiques journalistiques (2004 : 26). Ainsi la concurrence, qui se jouait depuis la fin du 19e siècle entre les entreprises de

presse, s’est déplacée vers les messages produits par les journalistes. « L’enjeu de cette concurrence est la captation de l’attention de plus en plus volatile d’un public extrêmement

(14)

sollicité et qui dispose des moyens techniques et culturels pour exercer ses choix librement et instantanément » (Charron et de Bonville, 2004 : 276).

Hollifield propose une mesure de la concurrence, définie par la compétition pour les ressources du marché, à partir de six variables : les utilités et opportunités de gratification du consommateur, le temps des consommateurs, leur argent, le contenu des nouvelles, la publicité et la force de travail que sont les journalistes professionnels (2006 : 66). En termes économiques, la concurrence peut être vue comme une force positive qui améliore le service dans l’intérêt du public : l’accroissement de la compétition amène davantage de choix et par la force, une baisse des prix tout en produisant des produits de meilleure qualité. L’économie des médias diffère, cependant, du modèle économique classique car elle ne peut ni créer de marge, ni se différencier de ses concurrents par les coûts de production ou les prix de vente (Ibid. : 61). C’est ainsi que cette explosion de l’offre d’informations a produit un effet négatif. Elle a renforcé la concurrence à l’extrême, à la fois en termes de recherche d’audience et de revenus publicitaires. La distinction entre les médias a été de plus en plus floue, d’autant que les avancées technologiques ont effacé les frontières géographiques entre les marchés, ce qui a élargi le champ dans lequel se livre la bataille de la concurrence (Brin, Charron et de Bonville, 2004 : 26). Cela a créé une situation d’hyperconcurrence où les profits sont devenus quasi nuls (Hollifield, 2006 : 60).

Dans ce contexte, les médias, ainsi que les journalistes, voient leur capacité de retenir l’attention du public diminuer. Ils doivent alors constamment innover pour adapter leur discours à cette situation d’hyperconcurrence. Il en va de la survie des entreprises médiatiques (Charron et de Bonville, 2004 : 292). Ils n’ont d’autre choix que de se distinguer, se diversifier ou se spécialiser. Ils doivent proposer des contenus perçus comme uniques aux yeux de chaque usager et serrer au plus près de ses préférences de manière à accroître l’attraction du discours (Hollifield, 2006 : 61). En effet, chacun voit le média qu’il consomme d’un point de vue personnel, selon ses propres idées et ainsi, le consomme suivant une utilité qui sera la sienne (par exemple, le divertissement, l’interaction sociale, la surveillance de l’environnement, la compréhension de soi ou encore la prise de décision) (Ibid.). Cela rend la pertinence des médias très variable selon chaque usager. La différenciation permet alors à chaque média de capter la loyauté d’un segment spécifique de consommateurs et ainsi réduire la concurrence directe (Ibid. : 63).

(15)

L’un des leviers sur lequel les organisations médiatiques peuvent jouer pour augmenter leur audience et ne pas subir négativement la concurrence est l’investissement dans des informations de qualité (Ibid.). Cependant, dans un contexte d’hyperconcurrence, il est très difficile, voire impossible pour les organisations médiatiques d’investir un montant important dans des articles de qualité car cela signifierait augmenter la force de travail pour laisser le temps au journaliste de fournir un contenu de qualité, selon Hollifield (Ibid. : 62).

Dans ce contexte, les organisations médiatiques n’ont pas d’autre alternative que de choisir des stratégies de différenciation à bas coûts, ce qui produit un contenu de mauvaise qualité. Elles se focalisent sur les nouvelles qui attirent le public et sont rapides à produire comme le sport, les scandales, le sexe, les nouvelles sensationnelles ou les célébrités (Ibid. : 64). La dramatisation, l’humour ou la polémique mais aussi le langage populaire et le ton de la conversation sont d’autres procédés utilisés, toujours dans le but d’attirer l’attention (Brin, Charron et de Bonville, 2004 : 27). Ce constat est repris par Payette concernant le type spécifique d’émission examiné dans la présente étude : « Le coût d’un talk show de radio, une émission avec un seul ou un petit nombre d’animateurs, coûte en effet infiniment moins cher à produire que la mise sur pied d’une infrastructure permettant de rapporter et de traiter de l’information, comme une salle de nouvelles et un réseau de correspondants » (2015 : 13).

L’autre stratégie à bas coût choisie par les médias est de différencier la production des nouvelles sur la base de l’idéologie (Hollifield, 2006 : 64), la mise en valeur d’un certain « point de vue » (Brin, Charron et de Bonville, 2004 : 27). Il ne s’agit plus de « montrer le monde » mais de projeter un certain regard sur le monde. Le public ne chercherait plus l’information brute mais « une ‘’perspective’’ structurée et, de préférence, familière et largement redondante » (Brin, Charron et de Bonville, 2004 : 27). Hollifield cite en ce sens les idées de Festinger (1957) sur le fait qu’un usager rechercherait la satisfaction à travers des nouvelles qui sont en accord avec ses idées préexistantes (nous reviendrons sur ce point dans notre chapitre 2). Une stratégie de différenciation basée sur l’idéologie permettrait ainsi de rassembler un segment spécifique de consommateurs qui seraient adeptes des idées du média et lui seraient loyaux.

(16)

1.2. L’adhésion idéologique

Hollifield s’inquiète cependant de la décision consciente de certaines organisations médiatiques d’orienter leurs contenus selon une idéologie politique, ethnique ou religieuse. À son avis, les nouvelles teintées idéologiquement peuvent faire pencher les usagers vers des idées plus extrêmes et augmenter les divisions entre les différents groupes de la société (2006 : 65). L’auteure rappelle également qu’il existe un lien possible entre la réception de nouvelles idéologiquement biaisées et la mauvaise information ou les perceptions erronées des usagers (Ibid. : 66).

En effet, si les nouvelles et les commentaires sur l’actualité sont basés sur une idéologie qui ne présente qu’un seul point de vue, les usagers qui consomment ces médias n’ont accès qu’à une certaine gamme de perspectives sur l’actualité. Si un média choisit une ligne éditoriale spécifique et un positionnement politique unidirectionnel, sa manière de présenter l’information offrira une vision incomplète et biaisée des idées et des enjeux politiques existants aux usagers de ces médias. Et il est possible de supposer qu’en choisissant un média et en lui accordant sa confiance, un usager accepte le point de vue présenté par ce média ; car accorder sa confiance aux médias signifie accepter l'image du monde qu'ils présentent (Tsafi, 2002). Si cette vision est incomplète et biaisée, les usagers l’accepteront telle quelle, ce qui pourrait les conduire à des perceptions politiques erronées (Garrett, Weeks et Neo, 2016 : 332). Et, selon les chercheurs, ces mauvaises perceptions peuvent avoir des incidences sur la démocratie : « Misperceptions pose a fundamental challenge to democracy. A democratic state cannot ensure well-informed decision making when citizens are unable to agree about the political realities to which they must respond » (Ibid.).

Cet aspect prend toute son importance du fait que les médias jouent un rôle central dans la société : ils informent le public des événements et des grandes questions sociales et assurent une fonction de surveillance vis-à-vis du gouvernement. Si ces rôles ne pouvaient plus être remplis, cela serait préjudiciable pour la société (Hollifield, 2006 : 60). L’hyperconcurrence qui conduit à une différenciation excessive, incluant la différenciation idéologique, va donc à l’encontre de l’intérêt des usagers (Ibid. : 67).

(17)

radios que nous avons choisi d’étudier : « La démocratie serait bien servie si, en période électorale par exemple, ces stations [de radio] permettaient la confrontation d’opinions variées. Les auditeurs de ces stations pourraient soupeser la valeur de ces arguments divergents et faire leur choix de manière avisée » (2009 : 43).

2. Problème spécifique : le rapport de confiance des usagers avec leur média

Nous avons choisi de nous pencher sur l’étude d’un format médiatique spécifique qui reprend les caractéristiques décrites plus haut, à savoir, se différencier à travers une idéologie. Il s’agit des radios parlées ou radios d’opinion. Elles sont présentes à la fois aux États-Unis et dans la ville de Québec et sont souvent comparées les unes aux autres, la radio québécoise s’inspirant du style américain (Payette, 2015 et 2019 ; Lemieux, 2012). Ces radios sont politisées. Les idées qu’elles diffusent penchent essentiellement vers un bord du spectre politique. Aux États-Unis, la talk radio conservatrice est apparue dans les années 1980. Ses émissions ont été conçues par les leaders politiques conservateurs pour contourner les médias traditionnels et diffuser leur message directement aux citoyens (Mort, 2012 : 103). À Québec, les radios parlées existent depuis 40 ans mais se sont développées encore plus depuis ces dix dernières années en premier lieu pour répondre à une logique financière : elles visent la rentabilité en mettant l’accent sur l’aspect spectaculaire favorisant des positions polarisées (Payette, 2015 : 13).

Nous avons choisi de baser nos éléments théoriques sur les recherches et données existantes concernant les radios parlées américaines dans le but d’examiner la situation telle qu’elle existe dans la ville de Québec. Nous voulons mettre en parallèle les résultats pour savoir s’il est possible de retrouver certaines caractéristiques communes entre les pratiques radiophoniques et les perceptions des auditeurs dans les deux pays en ce qui concerne les rapports de confiance mis en place avec leur média. De tels rapprochements n’ont pas été effectués dans de précédentes recherches et permettraient d’enrichir les connaissances sur les relations existantes entre les radios d’opinion de Québec et leurs usagers. Cette recherche pourrait orienter d’autres études futures sur le phénomène.

(18)

2.1. Définition des radios parlées ou radios d’opinion

Les radios parlées ou radios d’opinion présentent les informations selon un format bien défini qui met en avant l'opinion. Lyons en donne une première définition : « First, talk radio is relatively unfiltered, with few gatekeepers. Second, talk radio allows ordinary people to be heard (...) Third, talk radio is interactive. It is an ongoing conversation between the host and his/her audience » (2008 : 151). Pour Turow, Cappella et Jamieson : « Talk radio is an intimate medium in which the caller is generally anonymous and in which callers and hosts participate in spontaneous interaction » (1996 : 5). Barker et Knight y intègrent la composante politique : « Political talk radio may be defined as call-in shows that emphasize discussion of politicians, elections, and public policy issues » (2000 : 151).

Dans leur activité, les radios parlées commentent l’information tout en transmettant des faits. Parler de radio d'opinion équivaut ainsi à parler de points de vue diffusés sur les ondes. The Cable and Broadcasting Yearbook classe la talk radio notamment conservatrice dans le genre hybride de l'infotainment. Le genre mélange des éléments de hard news avec de l'humour, de la dérision et du sarcasme, tout en sachant que l'élément primaire et explicite est la politique (Mort, 2012 : 103). Tsfati et Cappella incluent la political talk radio (PTR) et les informations politiques sur internet dans un type de médias appelés en anglais non-mainstream (2003 : 509), que nous traduisons ici par l’expression « médias alternatifs ».

2.2. Les médias alternatifs opposés aux médias grand public

Les médias alternatifs ont été dénommés ainsi par opposition aux médias dits mainstream ou grand public. Cardon et Granjon opposent, eux, les expressions « médias dominants » et « médias alternatifs » (2010). Ces médias veulent proposer, comme leur nom l’indique, une option différente de celle des médias grand public, une critique (Ibid.). Il s’agit là de la première des différences qu’ils mettent en avant : se présenter comme une alternative aux institutions médiatiques grand public. « People who seek non-mainstream news would probably find it not in USA Today but rather on the Limbaugh Show » (Tsfati et Cappella, 2003 : 510).

(19)

le public par l’option des appels à l’animateur. La différence est aussi perceptible en termes de contenu : les médias alternatifs présentent un contenu différent des médias traditionnels, que ce soit dans l'information elle-même ou dans les points de vue. « Talk radio can be seen as serving the public’s need for different forms of news » (Cappella et Jamieson, 1997 : 212). La recherche des nouvelles est d'ailleurs la première raison de consommation avancée par les auditeurs de la PTR avant le divertissement selon l’étude menée par Hofstetter et al. auprès d’auditeurs de la radio parlée américaine (1994 : 473). Autre point de différenciation, les médias alternatifs critiquent les médias grand public pour leur couverture des nouvelles, à leur avis déficiente. Ils considèrent que les informations qu’ils diffusent sont biaisées et ne penchent que vers un bord politique. Le plus écouté de ces critiques à la radio américaine, Rush Limbaugh, a fait l’objet de nombreuses études (Turow, Cappella et Jamieson, 1996 ; Bennett, 2009 ; Barker, 1998 ; Lee et Cappella, 2001 ; Mort, 2012 ; Barker et Knight, 2000 ; Jones, 1998). Avec 15,5 millions d’auditeurs par semaine, il rassemble la plus forte audience de la PTR aux États-Unis (Talkers Magazine, 2019).

2.3. L’exemple américain : des messages partisans et négatifs pour capter l’audience

Dans son émission, Rush Limbaugh prétend que les médias sont biaisés et manquent d'équité dans leur traitement des candidats, qu'ils ne couvrent pas les Démocrates et les Républicains de la même manière (Tsfati et Cappella, 2003 : 521). Il présente les journalistes des médias traditionnels comme n'étant pas dignes de confiance : il les salit, attaque leur crédibilité et leur réputation. Il ridiculise l'éthique du journalisme (Ibid.). Il remet directement en question les faits présentés par les journaux ou les orientent pour qu'ils correspondent à ses objectifs idéologiques (Tsfati, 2002 : 121). Les messages sont clairs, partisans et unidirectionnels (Jones, 2002 : 161). Ils sont également volontairement négatifs, car l'effet d'arguments négatifs serait plus important que celui des arguments positifs (Barker et Knight, 2000 : 164). Des mécanismes de sélection de l’information et de sensibilisation à la politique sont utilisés, le but étant davantage de maximiser l'audience et de divertir que de servir un forum d'expression publique (Hofstetter et al, 1999 : 355). À l'inverse, les médias traditionnels ne sont pas tendres avec les PTR. L'analyse de Turow, Cappella et Jamieson montre une couverture médiatique négative des PTR par les médias grand public, se focalisant sur les propos les plus extrêmes ce qui, pour les auditeurs, ne reflète pas leur expérience et pourrait attiser leur cynisme envers ces médias (1996 : 4).

(20)

2.4. L’exemple québécois inspiré du style américain

Les stations de radio parlée commerciales de Québec ont très souvent été comparées aux radios parlées américaines, à la fois par les chercheurs (Marcoux et Tremblay, 2005 ; Turbide, Vincent et Laforest, 2010) et par les animateurs de ces radios eux-mêmes (Bilefsky, New York Times, 2018). De la même manière que les radios américaines, elles s’opposent, dans leurs méthodes et leurs propos, aux médias grand public. Pour ce qui est du contenu du message diffusé et de la manière dont ce dernier est diffusé, Payette utilise à Québec le terme de « confrontation » pour décrire les radios dans son livre Les brutes et La punaise, évoquant « un phénomène de peur existant à Québec » et un « climat de haine » (2019 : 28). La chercheuse fait également le lien avec les radios américaines :

Aux États-Unis, des chercheurs soutiennent que les auditeurs des radios de confrontation s’équipent non seulement en opinions publiques, mais aussi de tout un vocabulaire, d’une armature intellectuelle. Les radios mettraient ainsi des mots dans la bouche de bon nombre de leurs adeptes, qui y trouvent un prêt-à-penser pour habiller leur ressentiment, leur colère ou leur anxiété (Ibid. : 34). 2.5. Le contexte de méfiance

Les médias alternatifs ne sont pas nouveaux dans le paysage médiatique. Ce qui a changé en revanche est leur nombre et, en partie, leur mode de diffusion. L’émergence d’internet comme source principale d’information politique a, en effet, transformé l’exposition aux nouvelles des Américains, notamment parce qu’elle a donné de la voix à des mouvances politiques auparavant marginalisées et créé des espaces faisant la promotion de contenu explicitement idéologique (Stroud, 2011). Ce contenu biaisé peut conduire à des perceptions politiques erronées (Garrett, Weeks et Neo, 2016 : 332).

De plus, les médias alternatifs évoluent désormais dans un contexte général de méfiance à l’égard des médias d’information traditionnels (Swift, Gallup News, 2016). Nye et Zelikow ont noté un lien entre la baisse de confiance dans le système politique et l'apparition d'un nouveau type de médias, « more independent, negative, and assertive » (1997). Ces médias plus critiques présentent, comme nous l’avons expliqué, une alternative à la manière dont les nouvelles politiques sont présentées par les médias traditionnels. En ce sens, leurs usagers sélectionnent un certain type d'opinion, « a certain way of framing politics »

(21)

américaine a accentué, côté américain, l’intérêt porté à ces médias alternatifs positionnés très à droite car ils soutenaient et diffusaient les idées présentées par le candidat républicain.

Si la confiance à l’égard des médias semble meilleure au Canada et au Québec qu’aux États-Unis (Papineau, Le Devoir, 2018), il reste que « les Québécois se sentent souvent comme le dindon de la farce. 58 % des répondants locaux estiment que les organisations médiatiques s’inquiètent davantage de leur lectorat ou de leurs cotes d’écoute que de la transmission d’information de qualité » (Ibid.). À cela s’ajoute une inquiétude face à la diffusion des fausses nouvelles (Sauvageau, Thibault et Trudel, 2018). Les Canadiens ont affirmé « avoir de la difficulté à distinguer la vérité de la désinformation dans les nouvelles » (Turvey, Fondation pour le journalisme canadien, 2019). Cette confusion conduit, pour 85% des 2300 Canadiens interrogés en 2019 par la Fondation, à ne pas savoir à qui accorder sa confiance.

2.6. Adhésion, influence et polarisation

Dans ce contexte de méfiance, les médias doivent tout de même parvenir à rallier un public et susciter sa confiance. L’existence même des radios tient à l’adhésion de leurs auditeurs. Les fans de Rush Limbaugh, par exemple, montrent leur coopération et résument leur adhésion unanime par un « ditto » (« idem ») en réponse à l'auditeur précédent ou aux propos de l'animateur. Cela se faisant systématiquement dans son émission, une expression caractérisant ses auditeurs-admirateurs est née, ce sont les « dittoheads ».

Les usagers qui ont fait le choix de consommer ces radios les ont choisies parmi toutes les options médiatiques existantes. Rush Limbaugh, engagé comme animateur de divertissement, est devenu un meneur pour ses auditeurs dévoués qui se retrouvent dans ses idées et les suivent. Il ne cache pas son intention d'influencer politiquement ses auditeurs (Barker et Knight, 2000 : 151). Les chercheurs reprennent les termes de Limbaugh en juillet 1996 : « “I think you people can be persuaded. . . I believe that the most effective way to persuade people is not to wag a finger in their face, but to speak to them in a way that makes them think that they reached certain conclusions on their own” » (Ibid. : 152).

(22)

Le but de la political talk radio est de stimuler l'attention des auditeurs et de fait, de les engager politiquement (Hofstetter et al, 1999). Lyons définit d'ailleurs le fait même d'écouter la PTR comme une activité politique (2008 : 162). En écoutant ce type de radio, les choix politiques ne sont jamais contredits : ils sont, au contraire, renforcés. Rush Limbaugh positionne intentionnellement les autres médias à gauche de l’échiquier politique pour justifier l’équilibre qu’il dit créer en ne diffusant que des idées de droite (Mort, 2012 : 104). L'exposition à la PTR soutient les penchants idéologiques et partisans. Elle est liée à des attitudes radicales vis-à-vis de la politique et du gouvernement (Jones, 2002 ; Pfau et al., 1998). Hofstetter et al. ont montré que l’écoute de la PTR contribue à informer mais aussi à désinformer, notamment dans le cas de la radio conservatrice (1999 : 353).

Les craintes émises par les chercheurs à propos de l’exposition à un seul point de vue et la critique des autres concernent la démocratie mais aussi les débats politiques. Les usagers des radios parlées d’opinion voudront-ils participer à des débats qui induisent la confrontation d’idées et éventuellement la recherche d’un terrain d’entente entre les différentes positions? Ces partisans pourraient rester campés sur leurs positions, ce qui engendrerait une plus forte polarisation et rendrait ces débats impossibles. Notre étude, même si elle ne pourra certainement pas proposer une réponse définitive à cette question, va chercher à décrire les perceptions des usagers des radios d’opinion à Québec, ainsi qu’à caractériser les relations qu’ils entretiennent avec leur station et la place que cette dernière tient dans leur vie. Sauf erreur, cette recherche n’a jamais été faite pour ces radios à Québec.

3. Objectif de recherche

Notre recherche s’attachera à étudier une partie du phénomène de la radio parlée, soit la confiance qu’elle suscite auprès de ses auditeurs. Nous chercherons à comprendre la nature de cette confiance.

La consommation médiatique de tout type de média, grand public ou alternatif, est basée sur un rapport de confiance entre le média et ses usagers. Ces derniers font le choix de chaque média qu'ils consomment dans l’idée qu’il répondra à leurs attentes. Pour générer de la confiance, un média doit formuler la promesse d'une offre d'information à ses usagers,

(23)

selon des critères qu’il saura conserver dans le temps et qu'il aura définis à travers un « contrat » tacite (c’est-à-dire le format, le contenu, l'angle de traitement, la ligne éditoriale ou encore la périodicité). Cette attente confortée, théoriquement, l'usager pourra rester fidèle à ce média et lui accorder sa confiance. Cette confiance pourra sans cesse être renouvelée dans le temps. Un « contrat de communication » sera créé entre l'usager et son média.

4. Question de recherche

Au regard de ces informations, nous examinerons la consommation des radios d’opinion à Québec, notamment dans la manière dont s’établit le rapport de confiance et le « contrat de communication » entre les usagers et leur média. Nous chercherons à déterminer si les radios d'opinion de Québec ressemblent aux talk radio américaines, dans la manière dont la confiance leur est accordée par leurs auditeurs, selon les recherches présentées à ce sujet. Dans le show de Rush Limbaugh par exemple, l’approbation systématique recherchée par l’animateur vise à créer une relation de confiance pour influencer politiquement les auditeurs (Barker et Knight, 2000 ; Mort, 2012).

Notre question générale de recherche est la suivante :

Les rapports de confiance et, par extension, le « contrat de communication » passé entre les usagers des radios d'opinion de Québec et leur média sont-ils similaires à ceux des auditeurs d’émissions de talk radio conservatrices américaines, tels que décrits dans les travaux de recherche ?

Nous nous appuierons sur le concept du biais de confirmation, sur les recherches effectuées sur la confiance dans les médias et les théories du « contrat de communication » ainsi que sur les résultats d’études réalisées au Québec et aux États-Unis sur les effets des radios parlées pour formuler les propositions de recherche à évaluer dans le cadre de cette étude.

(24)

5. Contributions attendues de la recherche

Les résultats de notre recherche permettront d'apporter une meilleure compréhension des mécanismes qui entrent en jeu dans le choix d'une source d'information jugée crédible et donc digne de confiance par un usager, ainsi que la manière dont elle est acceptée pour susciter la confiance sur le long terme. L'étude permettra d’apporter des éléments de connaissance concernant les perceptions des auditeurs des radios d’opinion de Québec vis-à-vis de leur média et la place que ces radios occupent dans leur vie au quotidien. Elle vise à enrichir la connaissance dans ce domaine et apporter des éléments de complément à la compréhension du phénomène des radios d’opinion dans la ville de Québec. Elle permettra également d’examiner les perceptions d'auditeurs québécois en lien avec celles des usagers américains, telles que nous les avons observées dans la littérature scientifique.

En termes d'applications sociales, cette étude vise à contribuer à la réflexion sur l'état de la sphère publique actuelle dans un contexte de diversification et de différenciation des sources médiatiques, ainsi que de forte polarisation polarisation et de fragmentation des audiences. Ce dernier phénomène pourrait menacer l'idée même du vivre ensemble à partir d’une participation de chacun au débat démocratique. La compréhension du phénomène lui-même peut amener les professionnels des médias à s'interroger sur leurs pratiques et la manière dont elles touchent le public mais aussi les auditeurs à se poser la question de leurs choix médiatiques dans un univers saturé de médias et d’information.

(25)

Chapitre 2 Cadre théorique et état des

connaissances

La talk radio ou radio d'opinion est un format d'émission médiatique qui répond à certains critères, que ce soit vis-à-vis de son médium, la radio ; du type d'émission lui-même, le format parlé ; de la manière dont il s'adresse à ses auditeurs ; ou du temps de parole qui est donné à chacun des acteurs. Dans la première partie de ce chapitre, nous partirons du principe que les usagers choisissent un média en fonction de leurs propres idées et orientations politiques. Dans la deuxième partie, nous parlerons du lien de confiance qui lie l’usager et le média qu’il a choisi, notamment le lien spécifique qui pourra être créé dans le cas des émissions de radio parlée. Enfin, dans la troisième partie du chapitre, nous présenterons la talk radio au travers du concept de « contrat de communication » qui définit les caractéristiques de la communication médiatique entre deux participants à un acte de communication.

1. L’exposition sélective et le biais de confirmation à la base du choix médiatique

1.1. Diversité des sources et exposition sélective

L’exposition aux médias, qu’ils soient grand public ou alternatifs, ne se fait pas de manière aléatoire. Elle est choisie par les usagers. Le but de ceux qui s’exposent aux médias est d’obtenir une certaine connaissance du monde. Tsfati et Cappella pensent qu'il est impossible de ne pas sélectionner l’exposition médiatique, « because we are not physically capable of paying continuous attention to information, political or otherwise » (2003 : 508). De plus, comme nous l’avons évoqué dans notre chapitre précédent, le développement de l’offre médiatique depuis les années 1970 et son explosion depuis l’apparition d’internet, ont dispersé l’attention et réduit le temps que le public porte aux nouvelles. Les usagers reçoivent un nombre infini d’options médiatiques et n’ont pas d’autre possibilité que de faire un choix. Ils choisissent donc de s’exposer à tel ou tel média. Puisqu’un choix doit se faire, il convient de déterminer le mécanisme qui motive le choix des usagers.

(26)

Déjà en 1948, Lazarsfeld et al. ont montré que l'exposition est toujours sélective. Ils ont établi une relation positive entre les opinions des individus et ce qu'ils choisissent d'écouter ou de lire (Ibid. : 164). Lipset et al. évoquent le fait que la plupart des gens s’exposent, la plupart du temps, à une sorte de propagande avec laquelle ils sont dès le départ d’accord (1954).

Les recherches ont également tenté de comprendre les conséquences de l’exposition sélective aux médias. Elles envisagent aujourd’hui deux options : la première verrait la réduction des différends du fait de l’exposition à des choix variés ; la seconde envisage au contraire, du fait d'une grande diversité de choix en ligne, que les usagers seraient éloignés des perspectives qui diffèrent des leurs, soit par choix, soit par sélection des moteurs de recherche (Garrett, Weeks et Neo, 2016 : 333). Cette deuxième perspective s’inspire en partie de la théorie de la dissonance cognitive et du concept de biais de confirmation.

1.2. Théorie de la dissonance cognitive et biais de confirmation

La théorie proposée par le chercheur en psychologie sociale Leon Festinger en 1957 décrit l’inconfort mental subi par une personne qui se trouve exposée à des idées, des croyances ou des valeurs qui sont en contradiction avec les siennes. Cette personne cherche alors, par ses actions, à réduire cet inconfort, autrement appelé dissonance cognitive, pour aligner ses perceptions du monde avec ses actions. Pour faire face à une idée qui le met mal à l’aise, un individu peut choisir d’agir de différentes manières : il peut choisir de nier ou d’ignorer l’information qui a créé la dissonance, il peut justifier son comportement en modifiant l’information conflictuelle, il peut justifier son comportement en se basant sur une nouvelle information en accord avec ses idées ou changer son comportement pour être en accord avec l’information entendue.

Pour éviter tout inconfort mental cependant, un autre comportement a été identifié à travers cette théorie. Il est décrit par le concept du biais de confirmation. Un individu peut choisir de ne s’exposer qu’à des messages qui s'alignent sur ses attitudes préexistantes plutôt que des messages qui vont à l'encontre de celles-ci. Il sélectionne les informations qui réduisent la dissonance en évitant l'information en contradiction avec ses pensées ou ses croyances et recherche des messages qui le confortent.

(27)

Appliquée à l’exposition médiatique, cette théorie montre les usagers comme cherchant à s’exposer à des médias qui diffusent des idées et des opinions se rapprochant des leurs plutôt qu’à des médias publiant des idées opposées aux leurs. Ils recherchent ainsi la confirmation de leurs idées dans leurs choix de consommation médiatique et évitent l'exposition à des idées opposées ; ce comportement induit un biais de confirmation. Suivant la théorie, l'exposition médiatique sélective permet aux usagers de défendre leurs attitudes, leurs croyances et leurs comportements en cherchant une information qui les soutienne et en évitant l'information qui pourrait les remettre en question (Hart et al., 2009 : 556). Pour Iyengar et Hahn, les usagers pensant fermement que leurs idées sont correctes chercheront à les voir soutenues par le média qu'ils consomment (2009 : 20). Pour sa part, Stroud avance que l'attitude partisane engendre la consommation d'un certain type de médias et que l’exposition sélective augmente avec le temps (2011).

La sélection ne serait pas tournée uniquement vers les nouvelles politiques (p. ex : la guerre en Irak) mais aussi vers des nouvelles qui le sont moins, par exemple le système de santé ou les voyages, à un degré moindre cependant (Iyengar et Hahn, 2009 : 23). Les chercheurs ont constaté cette orientation auprès des usagers conservateurs vis-à-vis de Fox News, média lui aussi conservateur, et prédisent l'amplification de ce type d'attitude par la force de l'habitude dans le temps, peu importe le sujet (Ibid. : 34). L’étude de Westerwick, Johnson et Knobloch-Westerwick (2017) montre que l’important, au moment de la réception de l’information par les usagers, est de voir leurs idées confirmées, peu importe la qualité perçue de la source. La qualité de la source ne prend de l’importance qu’au moment du traitement de l’information.

1.3. Le biais de confirmation critiqué

Malgré la popularité du concept de biais de confirmation (Knobloch-Westerwick, Mothes et Polavin, 2017, Hart et al., 2009), ce dernier a été remis en cause, notamment par Sears et Freedman en 1967 qui, après évaluation de différentes recherches empiriques effectuées, ne retiennent que l'hypothèse d'exposition sélective. Certaines études indiquent que le processus d'évitement de l'exposition à d'autres types de nouvelles n'est pas systématique (Garrett, Weeks et Neo, 2016 : 333). Nous reviendrons sur cette idée plus loin dans le chapitre en abordant le sujet de la consommation médiatique des usagers des radios d’opinion. D’autres encore précisent que certains usagers peuvent ajuster leur attitude après

(28)

avoir été exposés à un contenu qui ne reflète pas leurs idées (Westerwick, Johnson et Knobloch-Westerwick, 2017).

Sears et Freedman mettent en avant d'autres facteurs, comme l'éducation et la classe sociale des usagers consommateurs des différents médias, ainsi que l'utilité perçue de l'information reçue et l'exposition antérieure à un sujet donné, renvoyant aux connaissances et opinions acquises sur le sujet. Sears et Freedman concluent que si l'exposition sélective n'est pas toujours avérée, c'est peut-être au moment de l'évaluation de l'information reçue qu'une résistance peut opérer et la sélection s'effectuer (Ibid.).

2. Le rôle de la confiance dans les relations médias-usagers

En matière de consommation médiatique, les usagers font des choix. Outre la volonté de réduire la dissonance, les recherches ont également montré un lien positif entre la consommation d'un média et la confiance accordée à celui-ci (Hopmann, Shehata et Strömbäck, 2015). Des chercheurs (Tsfati, 2002 et 2008 ; Hopmann, Shehata et Strömbäck, 2015 ; Tsfati et Cappella, 2003 ; Lucassen et Schraagen, 2012) se sont penchés sur la manière dont la confiance est donnée à un média mais aussi sur les conséquences éventuelles d'un manque de confiance des usagers dans les institutions médiatiques. Ils montrent que ces conséquences sont directement liées aux raisons de la consommation de la talk radio.

2.1. Qu'est-ce que la confiance ?

Le concept de confiance est utilisé en sciences sociales pour désigner les relations qui se mettent en place dans le temps entre une personne qui place sa confiance et une autre en qui la confiance a été placée. La confiance émerge quand les deux parties en présence peuvent évaluer la fiabilité de l'autre au fil du temps (Guerrero, 2007). Les deux parties se basent sur la croyance que la personne à qui ils donnent leur confiance n'en abusera pas. La confiance est perçue comme centrale dans la production de l’ordre social. Au sens économique du terme, les deux parties doivent avoir l'objectif de satisfaire leurs intérêts (Coleman, 1990 : 96). La confiance est supposée rapporter plus qu'elle ne ferait perdre (Ibid.). Il s'agit d'une question de perception, cependant, liée à une certaine dimension

(29)

un minimum de crédibilité1 aux yeux de celui qui la place. Tsfati place la crédibilité comme

élément central dans l'accord de la confiance. Le chercheur voit également la confiance comme un acte volontaire créant des relations dans le temps (2002).

2.1.1. La confiance dans les médias

La confiance est la raison d'être de la profession de journaliste (Tsfati, 2008). Cette dernière est également associée à la crédibilité, sous-phénomène de la confiance. L'influence des médias d'information est plus importante quand ils sont perçus comme crédibles. La confiance se définit comme une croyance en la fiabilité de l'autre, centrale pour l'ordre social comme pour le journalisme. La notion de confiance dans les médias a été souvent discutée dans les recherches. Certaines études associent la confiance au respect de l'impartialité dans la couverture médiatique, d'autres à la crédibilité en se focalisant sur le contenu factuel, d'autres encore se basent directement sur l'indice de confiance envers le média (Hopmann, Shehata et Strömbäck, 2015 : 779).

Tsfati et Cappella ajoutent l'exactitude, l'absence de biais, la fiabilité et le fait de raconter l’entièreté des faits parmi les composantes de la confiance dans les médias (2003 : 507). Trois notions sont essentielles pour eux : l'exactitude, la crédibilité et l'objectivité (Ibid. : 519).

Tsfati (2002) distingue, d’un côté, la relation individuelle des usagers à leurs médias et, de l’autre, l'intérêt des professionnels des médias quant à l’exercice de leur métier. D’un côté, les intérêts sont diversifiés et variables selon les usagers : ils peuvent chercher à s'informer, à se divertir, à passer le temps ou encore à se sentir connectés avec les autres. De l’autre, les intérêts des professionnels des médias à exercer leur métier sont aussi diversifiés que la question financière, la réputation, l'accomplissement personnel mais aussi l'acquisition de l'influence. Dans cette relation, les intérêts des deux sont mis en interaction. Du côté des usagers cependant, il existe une incertitude à propos du contenu des nouvelles car il est difficile de vérifier leur validité ou encore l'équité produite après l'interprétation de la réalité

(30)

faite par les professionnels des médias. « Hence, the uncertainty feature of mistrust applies to audience-media relations » (Ibid. : 17).

Lucassen et Schraagen voient, eux, la confiance par paliers. Selon leur modèle testé sur les recherches des usagers de Wikipédia, la confiance dans l'information (ici, au sens large) est influencée par la confiance dans sa source ; celle-ci est influencée par la confiance dans le moyen de diffusion (journal, TV, radio, internet), elle-même influencée par la propension générale à la confiance (2012). Pour eux, les usagers ne passent pas leur temps à vérifier la crédibilité de l'information mais s'appuient plutôt sur celle de la source qui était un indicateur solide de crédibilité, avant l'ère d'internet (Ibid. : 566). L'évaluation de la crédibilité est présentée comme essentielle pour réduire le risque associé au fait de faire confiance (Ibid. : 567). En effet, un usager qui recherche une information veut en apprendre davantage sur un sujet qu'il ignore en partie. Il ne pourra donc pas vérifier par lui-même la véracité de ce qu'il apprend. Il se fiera donc à la source lui ayant déjà fourni des expériences positives auparavant pour obtenir cette nouvelle information. L'opposé s'avère aussi vrai avec une source ayant offert une expérience négative. Pour Lucassen et Schraagen, la notion de temps est essentielle : la crédibilité perçue de la source doit l'être dans la durée (Ibid. : 568).

2.1.2. À travers la confiance, la crédibilité

En ce qui concerne la crédibilité, les différentes tentatives de lui apporter une définition montrent qu'il s'agit d'un concept complexe et multidimensionnel (Gaziano, 1988 : 269). La chercheuse trouve tout de même des caractéristiques récurrentes dans les questions des sondages pour évaluer la crédibilité d’un média comme, par exemple, la présence perçue d’un biais, une couverture trop basée sur les mauvaises nouvelles, la manière dont le média traite certains groupes, dont il traite les gens en général, l’attitude de surveillance du média envers le gouvernement, la comparaison du média avec d’autres institutions et enfin le type de personnes qui sont les plus critiques envers ce média (Ibid.).

Lucassen et Schraagen considèrent que la manière la plus traditionnelle de vérifier la crédibilité est la considération apportée aux sources d'information. Elles doivent avoir la connaissance appropriée, l'expertise pour donner la bonne information mais aussi être fiables, et avoir l'intention de fournir la bonne information (2012 : 568).

(31)

Sachant que l'utilisation des médias est liée aux opportunités, aux motivations et aux capacités des usagers, cette relation avec un média ou les médias en général ne pourra qu'être individuelle et l'expérience propre à chacun des usagers.

2.2. Confiance égale consommation

Le lien positif entre la consommation d’un média et la confiance qui lui est accordée est illustré par le fait que les usagers consomment uniquement des médias auxquels ils font confiance (Tsfati, 2010). S'ils ne faisaient pas confiance à un média au départ, ils devraient logiquement moins avoir tendance à le consommer. Ainsi, pour le chercheur, la corrélation entre l'utilisation d'un média et la confiance dans ce média devrait être comprise comme un effet de sélection (Ibid.). Un usager sélectionne un média car il a confiance en ce média.

L'hypothèse inverse est également valable selon Hopmann, Shehata et Strömbäck : la corrélation entre la consommation d'un média et la confiance dans ce média pourrait être comprise comme un effet des médias (2015 : 779). Pour les chercheurs, la relation au temps serait la plus importante en termes de confiance envers les médias car l'utilisation continue d'un type spécifique de média conduirait à davantage de confiance dans ce média (Ibid.). Les médias ne cessent d’ailleurs de déclarer qu’ils sont dignes de confiance et tentent constamment d’en convaincre les usagers qui les consomment.

2.2.1. Vers l’influence

Une fois la confiance et la crédibilité obtenues, une influence peut alors s'opérer. Les travaux incontournables de Hovland et Weiss sur la persuasion ont montré que le changement d'opinion à la suite de la réception d'une information provenant d'une source jugée crédible était bien supérieur à celui constaté avec une source jugée non crédible (1951 : 650). Mais ils ont aussi montré que les opinions préalables d'un usager sur un sujet de société donné ont un impact sur le jugement de la crédibilité d'une source (Ibid. : 641). Le même constat est repris par Flanagin et Metzger (2017) qui soulignent l'importance de la crédibilité de la source, de même que l'autorité qui lui est conférée dans le processus de persuasion. La persuasion est efficace quand l'énonciateur partage les mêmes valeurs et attitudes que le récepteur, et que sa position est cohérente avec ces valeurs.

(32)

2.3. Scepticisme égale consommation alternative

Les raisons qui poussent les usagers à choisir un média et à lui accorder leur confiance sont étroitement liées à la crédibilité qu'ils accordent à ce média (Tsfati, 2002 : 19). À l’inverse, Tsfati et Cappella (2003) ont montré que le manque de crédibilité perçu peut être la cause du rejet d’un média. Les chercheurs définissent cette attitude comme le scepticisme vis-à-vis des médias, notamment des médias grand public :

For example, media skepticism is the feeling that the mainstream media are neither credible nor reliable, that journalists do not live by their professional standards, and that the news media get in the way of society rather than help society. Media skepticism is the perception that journalists are not fair and objective in their reports, that they do not always tell the whole story, and that they would sacrifice accuracy and precision for personal and commercial gains. (Ibid. : 506).

Les sceptiques, qui s'identifient à partir de perceptions privées et subjectives, se tournent alors vers d'autres médias que les médias traditionnels, à la recherche d'alternatives. S'ils ne font pas confiance aux médias, ces usagers consommeront moins de médias grand public, et davantage de médias alternatifs que les usagers qui font confiance aux grands médias (Ibid. : 504). Ainsi, les médias grand public et alternatifs s'opposent. Tsfati et Cappella incluent la political talk radio (PTR) et les informations politiques sur internet dans les médias alternatifs (Ibid. : 509).

2.4. Rejet des médias grand public

Ce serait donc le manque de confiance dans l'un qui pousserait à la consommation et la confiance dans l'autre. Les sceptiques chercheront davantage de médias alternatifs, notamment la PTR, que les usagers qui ont confiance dans les médias (Tsfati et Cappella, 2003 : 518). Même si Hopmann, Shehata et Strömbäck sont davantage partagés sur les causes (à savoir si ces usagers se tournent vers les médias alternatifs simplement parce qu’ils ne font pas confiance aux médias traditionnels ou pour d'autres raisons), ils en arrivent à la même conclusion : l’exposition aux médias alternatifs conduit à moins de confiance dans les médias grand public (2015 : 780). En conséquence, ces usagers les consomment moins (Tsfati, 2002). Une exposition aux médias alternatifs pourrait donc attiser et amplifier le manque de confiance déjà existant puisque les propos qui y sont tenus vont les conforter

(33)

et les renforcer dans leurs positions. La PTR est directement pointée du doigt : « In sum, talk radio shows such as Limbaugh’s are yet another easily accessible and very popular media outlet for anti-media and counter-media materials. The growth of PTR in recent year is thus potentially related to the dramatic increase in public media skepticism » (Ibid.: 121). Le chercheur précise tout de même que la consommation des médias alternatifs est, pour le moment, le fait d’une minorité d’usagers.

2.5. La confiance dans les médias associée à la confiance dans les institutions politiques

Selon Cappella et Jamieson, médias et politique sont si fortement liés que la confiance dans l'une des institutions va influencer la confiance donnée à l'autre (1997). La façon dont les médias présentent la politique pourrait donc avoir des effets sur la perception du public à leur égard.

Si certains chercheurs trouvent un lien positif entre la consommation des médias et la confiance dans le système politique, Cappella et Jamieson (1997) ont conclu à une tendance contraire : les médias d'information contribuent à une baisse de confiance dans le système politique, qui conduit à ce qu'ils ont nommé le cynisme politique. Ce dernier est notamment relié à une perception du média se focalisant sur des stratégies et des éléments de conflits politiques (Strömbäck, Djerf-Pierre, Shehata, 2016 : 90). Des sondages publiés aux États-Unis par Gaziano montrent qu'une majorité de répondants pense que les journaux ne peuvent diffuser des nouvelles équitables s'ils soutiennent une idéologie politique (1988). L'attitude des médias traditionnels envers le politique devrait, pour ne pas être vue comme partisane, rester neutre ou agir comme chien de garde. De même, un sensationnalisme jugé trop important ou trop de mauvaises nouvelles sont perçus comme négatifs pour le média.

2.6. Confiance égale sélection de l'information

Que les usagers soient sceptiques ou non, leur exposition médiatique suivra un schéma qui les conduira vers des médias auxquels ils ont confiance dans le but d'obtenir une connaissance du monde. Car l'accès à un média plutôt qu’à un autre et à la connaissance qu’il apporte reste un facteur déterminant permettant de prédire les conséquences des choix de l’usager. En effet, nombre des attitudes et opinions sont basées, non pas sur l'expérience

(34)

directe, mais sur ce qui est entendu à la radio ou lu dans les journaux (Hovland et Weiss, 1951 : 639).

2.6.1. Aux États-Unis, Limbaugh choisit son actualité

En ce qui concerne les sujets discutés par Limbaugh dans son émission, ils sont différents de ceux des autres programmes du même type ainsi que de ceux des médias grand public dans ce sens où ils sont sélectionnés en fonction d'intérêts choisis par l'animateur. Ils concernent surtout la politique et l’économie nationales. Les critiques sont fréquentes et intenses contre les leaders politiques nationaux (Yanovitzky et Cappella, 2001 : 394). De plus, il insiste auprès de ses auditeurs sur leur responsabilité et le fait qu'ils peuvent faire une différence. Les priorités de Limbaugh ont été identifiées comme aussi différentes de celles des médias grand public qu'elles le sont des autres talk-shows radio conservateurs (qui se focalisent sur la politique étrangère et militaire) (Turow, Cappella et Jamieson, 1996 : 3). Pour ces chercheurs, les auditeurs de Limbaugh s'opposent davantage que d'autres groupes à l'intervention gouvernementale dans les affaires et ne font pas confiance au gouvernement. Ce sont les plus critiques contre le gouvernement. Ces positions sont liées aux sujets choisis par l'animateur (Ibid. : 4). Limbaugh promeut une forme de pureté conservatrice caractérisée par une foi absolue dans les principes économiques du laissez-faire (Jones, 2002 : 162).

2.6.2. Des ressemblances entre les radios d’opinion américaines et celles de Québec

À Québec, les radios d'opinion sont également politiquement empreintes de conservatisme. Le contenu de leurs propos est donc à tendance conservatrice ou néo-conservatrice. Ils favorisent les libertés individuelles et l'expressivité sans la contrainte d'instances de régulation comme cela existe aux États-Unis. Ils sont pour le libre marché, critiquent l'intervention gouvernementale ainsi que l'existence des services publics et des syndicats (Marcoux et Tremblay, 2005 : 6). La radio d'opinion de Québec a officiellement reçu, par le passé, l'appui des partis politiques conservateurs. Comme Limbaugh, les animateurs s'adressent à leurs auditeurs en les décrivant comme des acteurs qui, en agissant, peuvent faire la différence (Lemieux, 2012 : 4).

Figure

Tableau 1 : Grille d’analyse des thèmes et du sous-thème

Références

Documents relatifs

Et la jurisprudence admet l’annulation d’une vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue lorsque cette chose est inapte à remplir l’usage auquel on

La réponse à la onzième épidémie d’Ebola devra être également adaptée au contexte local afin d’identifier les langues et les formats efficaces pour la communication des risques

Afin d'éviter l'échec des élèves fragiles tout en évitant que ceux qui ont un bon niveau ne s’ennuient ni ne régressent, une nouvelle forme d’évaluation pour les contrôles

En effet, si la communication de l’État laisse voir que l’exécutif français conçoit le système politique comme tendant en partie vers ce

The use of larval isolated in vitro and semi-intact fixed head preparations revealed that spinal locomotor networks driving the rostral portion of the tail set the precise timing of

Rappelons qu’une EPCC pourra être allégée durant l’épreuve pour certains élèves comme il est souhaitable de concevoir des EPCC d’un niveau supérieur pour les élèves

• Tracez le spectre de S[f] en utilisant la transformée de Fourier de Matlab/Octave en fonction de la fréquence sur le deuxième graphe de la figure. • Affichez

• Calculez la valeur que prend le polynôme d’interpolation en α=1 par la méthode de Lagrange en utilisant le tableau ci-dessus. Quelle méthode proposez-vous pour calculer