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Chapitre 4 Présentation et analyse des résultats

2. Analyse des résultats par thèmes

2.2. Les motivations

Ce thème aborde les raisons qui sont liées à l’écoute de la radio d’opinion. Cette partie présente également un sous-thème comportant les réactions émotionnelles suscitées par l’écoute de cette radio. Pour permettre l’analyse des données relatives aux raisons de l’écoute, nous allons d’abord présenter quelques éléments théoriques qui n’apparaissent pas dans notre chapitre 2 sur le cadre théorique. La position de ces éléments dans le

les éléments présentés par les auditeurs lors des entrevues n’avaient pas été envisagés ou développés dans notre présentation théorique. Il nous semble donc logique de faire intervenir ici ces éléments aidant à l’interprétation dans cette partie plutôt qu’au préalable, dans le but de rendre la démarche d’analyse la plus transparente possible. Le thème de la motivation est, lui, apparu à la suite des réponses données par les participants.

2.2.1. Principales raisons d’écoute de la radio de Québec

• La théorie des usages et gratifications

Nous présentons ici cette théorie car sa pertinence, qui n’avait pas été considérée au moment d’élaborer le cadre théorique, est apparue au moment de l’analyse des données. La théorie des usages et gratifications pose, en effet, la question, non de l’effet des médias sur les usagers, mais de l’utilisation des médias par les usagers et des besoins psychologiques et sociaux qu’ils cherchent à satisfaire. Les chercheurs Katz, Blumler et Gurevitch ont tenté d’expliquer le phénomène en interrogeant des individus sur la façon dont ils utilisent certains médias, au lieu d’autres ressources dans leur environnement, afin de satisfaire leurs besoins et atteindre leurs objectifs (1974). Ainsi, ils voyaient l’auditoire comme étant plus actif que passif, un auditoire qui est capable de choisir le média qu’il consomme. L’étude avait pour but de décrire les motivations des individus dans leur usage du média qu’ils avaient choisi.

La théorie des usages et gratifications s’inscrit dans le courant fonctionnaliste. Ce courant de pensée de la communication attribue des fonctions aux médias. Les motivations individuelles sont ainsi associées aux quatre fonctions principales des médias, telles que définies par Lasswell - la surveillance de l’environnement sociopolitique, soit la fonction informative ; la coordination, soit la fonction éditoriale qui doit interpréter l’information et formuler des recommandations face aux événements rapportés ; la transmission, soit la fonction éducative ; et enfin les loisirs, soit la fonction de divertissement qui sert à distraire et à amuser (Wright, 1960). McQuail, Blumler et Brown (1972) choisissent, eux, quatre catégories : la distraction pour changer la routine, se changer les idées, ne pas penser aux problèmes et évacuer des tensions ; l’interaction sociale pour remplacer les relations amicales et pour socialiser ; l’identification personnelle pour développer et maintenir une identité, explorer la réalité et renforcer les valeurs ; et la surveillance pour rechercher,

partager des informations et apprendre. Katz, Blumler et Gurevitch (1974) définissent pour leur part les sources de gratification des médias. Ils en identifient trois : le contenu des médias, l’exposition aux médias et l’influence du contexte social sur l’exposition aux médias. Chaque média offrirait ainsi une combinaison unique de contenu caractéristique.

En ce qui concerne la PTR, les usages identifiés par les chercheurs, notamment concernant l’écoute du show de Rush Limbaugh, évoquent entre autres l’appréciation du contenu, notamment en termes de points de vue. L’animateur et l’auditeur qui appelle disent à l’auditoire ce qu’il a envie d’entendre (Jones, 2002 : 160). Les chercheurs évoquent également la recherche de l’information (près de la moitié des motivations données par les interviewés de l’étude américaine de Hofstetter et al,. 1994 : 473) ou encore le divertissement, l’intérêt personnel, passer le temps, le contact social. Kohut, Zukin, et Bowman (1993) y ajoutent le fait de rester au courant des questions de société et événements en cours, d’apprendre la manière dont les autres se sentent concernant ces questions. La motivation de la recherche de l’information reste, dans les deux cas, plus citée que le divertissement. Cette recherche d’information peut être effectuée pour plusieurs raisons, comme la surveillance qui permettrait de connaître les positions de personnes ayant des opinions opposées aux siennes ou le renforcement des opinions existantes (Atkin, 1973). L’exposition sélective et la dissonance cognitive qui veut que l’usager cherche à réduire la dissonance liée à l’écoute d’opinions contraires sont aussi mentionnées comme étant d’autres raisons pouvant conduire au choix de tel ou tel média (Lyons, 2008 : 151).

• Les résultats enregistrés

Dans le but de déterminer les usages de la radio des participants, la question des raisons du choix de l’écoute des radios FM93 et CHOI Radio X a été posée aux participants. Ces derniers pouvaient citer autant de réponses qu’ils le souhaitaient. Celles citées par les chercheurs américains se retrouvent dans les propos recueillis auprès des participants de Québec mais pas dans le même ordre. D’autres raisons, qui n’avaient pas été évoquées dans les précédentes recherches, apparaissent également.

Voici toutes les réponses en commençant par les plus souvent citées :

• l’affection pour les opinions et le débat (citée par 12 participants sur 16) ;

• l’appréciation du contenu et des sujets traités (11 participants sur 16) ;

• la détente, l’humour, le divertissement (9 participants sur 16) ;

• l’écoute de points de vue différents pas entendus ailleurs (8) et le franc-parler des animateurs (2) ;

• le partage de l’opinion et des points de vue des animateurs (7) ;

• la réflexion que permet l’écoute (7) et l’apprentissage (6) ;

• l’information (6) et la possibilité de se tenir au courant de l’actualité (5) ;

• l’affection pour les animateurs (6) ;

• l’écoute de points de vue diversifiés (5) ;

• l’habitude (4) ;

• la curiosité (4) ;

• la possibilité de comprendre un discours opposé au sien (4) et de confronter ses opinions (2) ;

• entendre la vérité, l’heure juste (2) et des propos objectifs (1)

• la proximité que permet la radio (2) et briser l’isolement (1) ;

• le manque de confiance dans les autres médias (1).

Il est également à noter qu’en répondant à la question sur les raisons de l’écoute, 10 participants sur 16 ont déclaré avoir été introduits à l’écoute de la radio pour la première fois par un tiers (famille, amis, collègues). Dans la majorité des cas, il s’agissait de membres de la famille, notamment des parents.

Les participants ont également fait un parallèle entre leur radio et les radios concurrentes, qu’ils n’écoutent pas. Ces informations pourraient être ajoutées aux raisons pour lesquelles les participants ont choisi leur radio. Six auditeurs ont déclaré que les concurrents ne les rejoignaient pas, trois ont exprimé leur souhait de recevoir davantage d’options anglophones qu’ils écouteraient volontiers, deux ont évoqué le côté trop solennel, sérieux et ennuyeux de Radio Canada qui ne diffuse que des nouvelles pures sans opinions et enfin, un que la radio « tout info » n’était pas bonne ici au Québec et n’offrait pas assez de fond. Il n’a donné aucun nom de station en particulier mais faisait une comparaison avec la France.

• L’opinion et le débat, contenu spécifique de la radio, et l’humour mis en avant

Ainsi, la spécificité du contenu de la radio, à savoir la diffusion d’opinion et de débat, de même que le contenu et les sujets traités par la radio arrivent en tête des motivations, cités par trois quarts des participants ou presque. L’idée renvoie à l’étude de Jones (2002 : 160) et à l’une des sources de gratification des médias définies par Katz, Blumler et Gurevitch (1974). Il est également intéressant de noter que la motivation de la recherche de l’information apparaît dans un position différente ici de celle des études américaines sur la consommation de la PTR où elle arrivait en tête (Hofstetter et al,. 1994 : 473 ; Kohut, Zukin, et Bowman, 1993). La détente et l’humour recueillent, ici, un peu plus de la moitié des raisons de l’écoute, sans qu’elle soit systématiquement reliée à l’information. Le concept d’infotainment, associé, entre autres, à la talk radio et son fonctionnement est cependant revenu quelquefois dans les propos des auditeurs interrogés.

Il semble donc que les auditeurs des radios de Québec écoutent la radio davantage pour l’aspect opinion et débat mêlé à l’humour et au divertissement que pour l’information qui vient en tête des raisons données par les auditeurs de la PTR américaine. L’aspect différencié des radios d’opinion qui apportent des points de vue différents des autres médias est également apprécié par la moitié des auditeurs. Ceci revient donc là encore à la spécificité du contenu de la radio d’opinion.

De même, le partage des opinions diffusées à la radio a été évoqué par 7 des participants sur 16. Cette idée se rapproche de l’exposition sélective et du biais de confirmation que nous évoquerons à la fin de ce point. De plus, le fait de rester au courant des questions de société, évoqué dans l’étude de Kohut, Zukin, et Bowman (1993) arrive après l’information et a été cité par 5 participants sur 16. La fonction de surveillance décrite par Atkin (1973), est, elle, exprimée sous la forme de « l’apprentissage », cité 6 fois et « la possibilité de comprendre un discours opposé au sien » (4 fois). Nous reviendrons également sur ce dernier point dans notre analyse.