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Chapitre 4 Présentation et analyse des résultats

2. Analyse des résultats par thèmes

2.1. Fidélité à la station

Ce premier thème regroupe toutes les habitudes de consommation des participants, du choix de la station au moment d’écoute dans la journée, en passant par la fidélité en nombre d’années. Il vise à connaître les relations que les participants entretiennent avec leur station, la fréquence avec laquelle ils la consomment et la manière dont ils la laissent entrer dans leur vie. Ce thème a été créé en lien avec les questions posées dans le questionnaire.

2.1.1. Le choix de l’exposition à un média

• FM93 et CHOI Radio X à parts égales

Le hasard du recrutement a divisé les interviewés en parts pratiquement égales : six auditeurs de CHOI Radio X, six auditeurs de FM93 et quatre auditeurs des deux stations. Aucune sélection n’a été anticipée dans ce sens lors du recrutement. Les participants à l’étude ont tous fait le choix de s’exposer aux radios d’opinion parmi le choix de stations de radio proposé dans la ville de Québec et ses alentours. Rappelons que Tsfati et Cappella pensent qu'il est impossible pour un usager de ne pas sélectionner l’exposition médiatique : « because we are not physically capable of paying continuous attention to information, political or otherwise » (2003 : 508). Un des participants a cependant mentionné l’absence d’options, jugeant le choix trop restreint à Québec : « On n’a pas grand choix à Québec, il y en a pas tant que ça » (auditeur E), tandis qu’un autre a comparé Québec avec les autres villes en affichant son enthousiasme devant l’existence des radios d’opinion, absentes ailleurs, et en soulignant que :

C’est unique. J’en parle avec d’autres gens qui viennent d’ailleurs et ce genre de personnes-là (les animateurs des radios de Québec) se feraient censurer. Juste ça, on est choyés. Ces personnes-là ont essayé d’aller à Montréal et il se sont fait écraser. Les gens trouvent ça agressant, quelqu’un qui a une opinion qui diverge de leur opinion mais moi j’aime ça : t’as une opinion différente, je t’écoute (auditeur B).

• Des heures d’écoute classiques : le matin et au retour du travail

Les habitudes de consommation des médias radiophoniques ont fait l’objet de multiples études et sondages. Les auditeurs des stations ont tendance à les consommer le matin, en se rendant au travail, et en fin de journée, au retour. Les plages horaires du matin s’étendent entre 6h et 10h, et le retour entre 14h et 18h (Charlton, Giroux et Lemieux, 2016 : 56). Généralement cette consommation se fait dans la voiture et ce, pour 60% des auditeurs de la radio au Québec (Ibid.). Les radios s’adressent donc majoritairement aux propriétaires de véhicules motorisés.

Les participants à notre étude, auditeurs des radios d’opinion de Québec, rejoignent en grande partie les statistiques d’écoute enregistrées par les sondages, même si trois d’entre

eux (moins d’un quart) ont déclaré essentiellement écouter la radio à d’autres moments de la journée, comme le soir ou pendant la journée et dans d’autres lieux, comme à la maison et au travail. Au Québec, la consommation de la radio à la maison représente 31% des auditeurs contre 7% au travail ou en étudiant (Ibid.). Un tiers des participants (5 sur 16) profitent également de la possibilité de réécouter les émissions qu’ils auraient ratées en podcasts, à d’autres moments de la journée.

• Une fidélité importante dans le temps

Le contrat de lecture tel que défini par Véron (1985) présente la fidélité comme étant une composante essentielle des relations qui lient un usager à son média. Elle est associée à la création de relations de confiance durables et à la reconnaissance d’une compétence professionnelle de l’énonciateur qu’est, ici, l’animateur.

Les participants interrogés écoutent, pour la majeure partie, la radio depuis plusieurs années. Moins d’un quart (3 sur 16) a déclaré écouter sa station depuis moins de 5 ans, tous sont âgés entre 18 et 34 ans. Trois écoutent leur radio depuis 5 à 9 ans, quatre depuis 10 à 14 ans, cinq depuis 15 à 20 ans et un depuis plus de 20 ans. Les deux tiers des participants, âgés en majorité de plus de 35 ans, écoutent ainsi la radio depuis 10 ans ou plus. Plus des trois quarts l’écoutent depuis plus de 5 ans. Les participants sont donc de fidèles auditeurs dans la durée. Ils connaissent bien la radio, ses animateurs et son discours puisque certains ont même évoqué les discours d’anciens animateurs ou les ont comparés à travers le temps :

(André) Arthur soulevait des points que personne ne soulevait et qui, par la suite, se vérifiaient, en dépit de toute la polémique que ça pouvait créer. Effectivement, il soulevait la poussière, il y avait des conséquences et ce que j’ai trouvé dommage, c’est que personne ne l’a jamais admis. Or si quelqu’un écoute la radio tout le temps, il se rend compte que ses informations étaient à 99% vérifiables et vérifiées, confirmées. Et pourtant, ils disent le ‘’controversé Arthur’’ (auditeur F).

« Je pense qu’ils (les animateurs) ont une éthique de travail, par rapport à ce que j’écoute là, parce que je sais que dans les années 90, c’était pas nécessairement le cas. Mais je trouve qu’on s’est éloigné de ce qu’on appelait les radios poubelles » (auditeur L).

« Bouchard en 10 ans a changé complètement. (...) Il est capable de passer outre son idéologie de façon à élargir son auditoire » (auditeur Q).

« J’ai une certaine appartenance, c’est clair, ça fait tellement longtemps, tellement d’années » (auditeur N).

• La durée moyenne d’écoute

À la fidélité en nombre d’années, s’ajoute la durée moyenne d’écoute par jour et par semaine. Plus un auditeur choisit d’écouter d’un média, plus il sera exposé au message véhiculé par ce dernier. Et le but des radios de Québec est de maintenir les auditeurs à l’écoute le plus longtemps possible, jour après jour (Giroux et Sauvageau, 2009 : 5), ceci dans le but d’augmenter leurs revenus dans un contexte concurrentiel. Limbaugh, aux États- Unis, a lui aussi ce souci lorsqu’il utilise intentionnellement un discours conflictuel et négatif (Barker et Knight, 2000 : 153, 164).

Turow, Cappella et Jamieson (1996) considèrent les auditeurs écoutant au moins deux fois par semaine la radio comme étant des auditeurs réguliers. C’est la raison pour laquelle nous avions retenu cette mesure dans nos critères de recrutement. Dans son étude, Lyons définit les membres de l’audience de la PTR conservatrice comme étant des auditeurs qui écoutent n’importe quel animateur de PTR conservateur aux États-Unis au moins 15 minutes chaque semaine (2008 : 155).

Les auditeurs interrogés n’écoutent, pour la majorité, pas la radio tous les jours de la semaine : 9 sur 16, soit un peu moins des deux tiers, écoutent la radio du lundi au vendredi contre 5 sur 16 tous les jours et un trois fois par semaine. Pour certains, malgré nos relances par courriel concernant la durée exacte de l’écoute, l’information n’a pu être obtenue précisément. Un auditeur n’a pas répondu sur la fréquence et un n’a pas répondu sur le nombre d’heures. Pour les autres, trois sur 16 écoutent une heure ou moins par jour, cinq écoutent entre 1h30 et 2h, quatre autres écoutent entre 3 et 5h, un écoute 6h et un autre écoute entre 1 et 6h. Ces chiffres sont donc largement plus importants que les audiences mesurées dans les études américaines mais aussi au Québec. En effet, dans le rapport du Centre d’études sur les médias, les usagers québécois passent 24,1 minutes par jour à écouter la radio (Charlton, Giroux et Lemieux, 2016). Dans notre présente étude, le

minimum de temps cité (d’après les réponses données seulement et non les données manquantes) se rapproche d’une heure d’écoute par jour. Cela se justifie cependant compte tenu des critères de recrutement qui voulaient interroger des auditeurs réguliers. Les participants sont donc de grands consommateurs de la (ou les) station(s) qu’ils ont choisie(s). La majorité des auditeurs sont donc à la fois fidèles et assidus dans l’écoute.

Stroud a fait le constat qu’avec le temps, l’exposition continue à des arguments renforce les opinions et la polarisation (2010). Tsfati, Stroud et Chotiner, font le même constat (2014 : 8), de même que Jones (2002). Les positions des auditeurs peuvent ainsi évoluer dans le temps. La question de l’évolution des positions idéologiques n’était, dans cette étude, pas mesurée et, à deux exceptions près, les participants ne se sont pas exprimés sur ce point. Nous avons tout de même jugé utile de noter la position de ces deux auditeurs. D’origine étrangère, les deux participants qui se sont branchés, chacun depuis 8 ans, sur les radios FM93 et CHOI Radio X par curiosité à l’égard du phénomène dont ils avaient entendu parler ont, semble-t-il, évolué dans leur perception. Ils ont fini par s’habituer au discours, sans particulièrement y adhérer ou changer d’avis. Ils rapportent tous les deux des changements d’attitude vis-à-vis du discours entendu au fil du temps :

« Il y a longtemps, dans les premiers temps, je m’offusquais. Mais avec le temps, d’être offusqué, je suis parti à rire, je dis ok, non, t’as vraiment dit ça, tu penses vraiment ça? » (auditeur J).

À propos de la fréquence du désaccord, « Il y a quelques années (...), ça arrivait souvent. Moins actuellement, je trouve qu’actuellement il (Sylvain Bouchard) met vraiment de l’eau dans son vin » (auditeur Q).