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Pertinence économique de la stabilité des marchés agroalimentaires

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Academic year: 2021

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© Raphael Mbombo, 2019

Pertinence économique de la stabilité des marchés

agroalimentaires

Mémoire

Raphael Mbombo

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire (M. Sc.)

Maître ès sciences (M. Sc.)

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PERTINENCE ÉCONOMIQUE

DE LA STABILITÉ DES MARCHÉS AGROALIMENTAIRES

Mémoire

RAPHAËL MBOMBO

Maîtrise en Agroéconomie

Maître ès sciences (M. Sc.)

Sous la direction de :

Maurice Doyon, directeur de recherche Patrick Mundler, codirecteur de recherche

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iii RÉSUMÉ

Cette étude porte sur la pertinence économique de la stabilité des marchés agricoles. Pour ce faire, nous avons exploré les explications proposées par la littérature économique sur la dynamique des marchés agricoles, notamment les effets de la volatilité des prix sur l’allocation optimale des ressources au niveau du producteur et sur l’efficience des marchés. De plus, les effets de la stabilité des prix, associés particulièrement à la gestion de l’offre, sont évalués qualitativement à l’aide d’une enquête auprès d’acteurs du secteur agroalimentaire québécois.

Une certaine littérature économique considère que le risque et l’incertitude, liés à la volatilité des prix, impactent négativement l’atteinte d’un optimum économique théorique. De mini-études de cas et les résultats de notre enquête semblent confirmer ces effets.

Nos résultats suggèrent que les agriculteurs accordent une grande importance à la stabilité des prix en général. La prévisibilité des prix facilite l’optimisation de la production et la gestion financière des fermes. Des prix stables, qui reflètent le coût de production, contribuent à la pérennité de ces fermes dès lors qu’ils peuvent rémunérer suffisamment les exploitants ainsi que les actifs utilisés. Ils sont donc un incitatif aux investissements et aux projets de croissance, lesquels bénéficient aux fournisseurs d’intrants et de services, selon les principaux intéressés. Finalement, la stabilité des marges, associée à la gestion de l’offre, est perçue comme étant une contribution positive à la vitalité économique des villages québécois, ainsi qu’à la présence et la diversité des modèles de production agricole.

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iv ABSTRACT

This study focuses on the economic relevance of stable agricultural markets. To do this, we explored the explanations offered by the economic literature on the dynamics of agricultural prices, including the effects of price volatility on the optimal allocation of resources at the producer level and the efficiency of markets. In addition, the effects of price stability, associated for instance with supply management, are qualitatively assessed by surveying stakeholders of the Quebec's agri-food sector.

Some economic literature considers that the risk and uncertainty associated with price volatility negatively impact the economic optimum. Mini-case studies and the results of our survey seem to confirm these effects.

Our results also suggest that farmers attach great importance to price stability in general. Predictability of prices facilitates the optimization of production and the financial management of farms. Stable prices, which reflect the cost of production, contribute to the sustainability of farms as they adequately pay farmers and their assets. Hence, they are an incentive for investments and growth projects that, in turn, benefit input and service providers, according to key stakeholders. In the end, the stability of the margins associated with supply management is seen as a positive contribution to the economic vitality of Quebec villages, as well as to the presence and diversity of agricultural production models.

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v TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

TABLE DES MATIÈRES ... v

LISTE DES TABLEAUX ... ix

LISTE DES FIGURES... x

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES ... xii

ÉPIGRAPHE ... xiii

REMERCIEMENTS ... xiv

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE I. PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE ... 3

I.1. Problématique ... 3

I.2. Objectifs de l’étude ... 7

I.3. Intérêt de l’étude ... 7

I.4. Plan du travail ... 7

CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE ... 9

II.1. Clarification des concepts ... 9

II.1.1. Stabilité des prix et des marchés ... 9

II.1.2. Risque et Incertitude ... 11

II.1.3. Optimum économique ... 12

II.1.4. Vitalité économique ... 13

II.2. Théories explicatives de la fluctuation des marchés agricoles . 15 II.2.1. L’équilibre concurrentiel ... 15

II.2.2. Le déséquilibre des marchés agricoles ... 17

I.2.2.1. Modèle de Cobweb : anticipations erronées des prix futurs ... 17

I.2.2.2. Modèle du Farm problem ... 19

I.2.2.3. Approche complémentaire de l’offre agricole ... 21

I.2.2.4. Théorie économique de la complexité : ajustement complexe des comportements des agents hétérogènes ... 24

II.3. Théories explicatives des effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles ... 26

(6)

vi

II.3.1. Analyse en termes de localisation de la production ... 29

II.4. Choix des théories pertinentes ... 34

CHAPITRE III. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ... 35

III.1. Démarche multi-méthodes ... 35

III.2. Analyse et contribution de la littérature économique... 35

III.3. Choix et apport des mini-études de cas ... 36

III.4. Choix d’une étude exploratoire de type qualitatif... 38

III.5. Types, sources et méthode de collectes des données ... 40

III.5.1. Données primaires ... 40

III.5.2. Participants à l’étude ... 41

III.5.3. Outils de la collecte des données primaires ... 42

III.5.4. Données secondaires ... 42

III.3.5. Aspects éthiques et vérification de l’instrument de collecte d’information ... 43

CHAPITRE IV. SOURCES D’INSTABILITÉ DES MARCHÉS AGRICOLES ... 44

IV.1. L’approche des fluctuations exogènes des marchés agricoles 44 IV.2. L’approche de fluctuations endogènes des marchés agricoles 45 IV.3. Discussion ... 47

CHAPITRE V. EFFETS DE L’INSTABILITÉ DES MARCHÉS AGRICOLES ... 49

V.1. Effets sur la maximisation du profit ... 49

V.2. Effets sur le rôle signalétique du prix ... 51

V.3. Effets sur l’offre agricole ... 52

V.4. Effets sur les investissements ... 57

V.5. Effets sur l’innovation technologique ... 61

V.6. Mini-études de cas ... 62

V.6.1. Australie : effet de l’incertitude de la régulation sur les investissements et l’offre des œufs de consommation ... 63

V.6.2. États-Unis : impact d’une épizootie sur l’offre des œufs de consommation ... 70

V.6.3. Coopérative Organic Valley : gestion de l’offre, stabilité des prix et durabilité des fermes laitières familiales ... 77

V.7. Discussion ... 82

CHAPITRE VI. PERCEPTION DES EFFETS ÉCONOMIQUES DE LA STABILITÉ DE LA GESTION DE L’OFFRE ... 84

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vii

VI.1. État de l’agriculture au Canada et au Québec ... 84

VI.1.1. Indice des prix des produits agricoles (IPPA) ... 84

VI.1.2. Recettes monétaires agricoles du Québec ... 86

VI.1.3. Les investissements dans le secteur agricole du Québec . 89 VI.1.4. Évolution structurelle des entreprises agricoles du Québec ... 90

VI.2. Portrait des villages visités... 92

VI.2.1. Situation administrative des villages visités ... 92

VI.2.2. Situation agricole des villages visités ... 94

VI.2.3. État de la situation des secteurs agricoles dans les MRC des villages visités ... 97

VI.2.4. Services et autres organisations dans les trois villages .. 100

VI.2.5. Vitalité socio-économique des villages sous étude ... 102

VI.3. Portrait des participants ... 103

VI.4. Principaux constats issus des entretiens semi-dirigés ... 106

VI.4.1. Importance de l’agriculture et de la stabilité des marchés agricoles ... 106

VI.4.1.1. Importance économique de l’agriculture dans les trois villages ... 106

VI.4.1.2. Importance économique de la stabilité des marchés agricoles ... 108

VI.4.2. Impacts de la dynamique des marchés sur les investissements agricoles ... 110

V.4.2.1. Investissements agricoles : tendance dans les trois municipalités ... 110

VI.4.2.2. Les impacts de la dynamique des marchés sur les investissements agricoles ... 113

VI.4.2.3. Constat comparatif de la perception des investissements selon la proportion des fermes sous gestion de l’offre dans les villages ... 116

VI.4.3. Impacts de la dynamique des marchés sur l’évolution du nombre de fermes ... 120

VI.4.4. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur les revenus municipaux ... 122

VI.4.5. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur les services agricoles et non agricoles ... 124

VI.4.6. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur la gestion des entreprises ... 129

(8)

viii

VI.4.7. Effet asymétrique de l’instabilité des marchés ... 132

VI.4.8. Impacts de la dynamique des marchés sur l’implication communautaire des agriculteurs ... 133

VI.4.9. Impacts de la dynamique des marchés sur les clusters agricoles ... 134

VI.4.10. Limites de la coordination par la gestion de l’offre ... 135

VI.5. Qualification des constats ... 138

VI.5.1. Constats qualifiés au niveau des villages ... 138

VI.5.2. Constats qualifiés par type d’intervenants ... 144

VI.6. Limites de l’étude et perspectives de recherche ... 147

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 148

(9)

ix LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Critères de sélection des villages en lien avec la gestion de l’offre ... 41 Tableau 2. Quelques études sur l’effet de l’instabilité des prix agricoles ... 57 Tableau 3. Quelques études sur l’effet de l’instabilité du prix sur

l’investissement et l’innovation ... 61

Tableau 4. Variation des types de recettes agricoles au Québec (2007-2016) ... 87

Tableau 5. Situation administrative et agricole des villages agricoles 92 Tableau 6. Nombre total des fermes sous gestion de l’offre dans les villages (2016) ... 94 Tableau 7. Nombre d’entreprises par type de production et revenus bruts agricoles, ... 98 Tableau 8. Nombre d’entreprises par type de production et les revenus bruts agricoles ... 99 Tableau 9. Nombre d’entreprises par type de production et revenus bruts agricoles ... 100 Tableau 10. Description des participants ... 103 Tableau 11. Producteurs interviewés par secteur de production ... 105 Tableau 12. Répartition des fermes dans les villages visités selon la valeur des actifs ... 111 Tableau 13. Proportion des fermes au Québec selon la valeur des actifs (2011 – 2016) ... 113 Tableau 14. Qualification des constats au niveau des villages ... 139 Tableau 15. Quelques effets économiques de la stabilité des marchés agricoles ... 141 Tableau 16. Sources de stress chez les agriculteurs au Québec ... 143 Tableau 17. Constats qualifiés par type d’intervenants ... 145 Tableau 18. Degré des effets de l’instabilité des marchés par catégorie d’intervenants ... 146

(10)

x LISTE DES FIGURES

Figure 1. Évolution de l’indice des prix alimentaires internationaux ... 2

Figure 2. Évolution de l’IPPA pour quelques productions agricoles sans gestion de l’offre au Canada (1996-2016) ... 4

Figure 3. Évolution de l’IPPA pour les productions agricoles sous gestion de l’offre au Canada (1996-2016) ... 5

Figure 4. Surplus du producteur et du consommateur ... 13

Figure 5. Formation du prix d'équilibre dans le marché concurrentiel ... 16

Figure 6. Le modèle des clusters ... 32

Figure 7. Optimum du producteur à court terme ... 49

Figure 8. Équilibre instable du marché ... 50

Figure 9. Comportement du producteur agricole en présence du risque ... 53

Figure 10. Réduction de l’offre agricole dans un marché en présence du risque... 54

Figure 11. Stratégie d’investissement irréversible en présence d’incertitude ... 58

Figure 12. Évolution de la production des œufs et de sa valeur monétaire en Australie ... 63

Figure 13. Évolution du volume des œufs dans les épiceries et de sa valeur monétaire en Australie (2013-2017) ... 64

Figure 14. Évolution de la consommation des œufs par personne en Australie ... 64

Figure 15. Évolution de la part de marché selon les catégories des œufs de consommation en Australie (2005-2016) ... 65

Figure 16. Évolution du prix nominal moyen des catégories d’œufs vendues en Australie (2011-2015) ... 66

Figure 17. Évolution du volume de production d’œufs et de l’indice des prix des œufs à la ferme pour l’Australie (2012-2018) ... 67

Figure 18. Évolution des inventaires poules et poulettes en Australie (2013 – 2017) ... 69

Figure 19. Les comtés américains touchés par l’épizootie de l’influenza aviaire ... 71

Figure 20. Variation trimestrielle des prix des œufs et des produits alimentaires aux États-Unis (2000-2014)... 72

Figure 21. Évolution semestrielle des inventaires des poules et de la ponte journalière par poules aux États-Unis (janvier 2011 à novembre 2016) ... 73

Figure 22. Évolution de la production des œufs de consommation aux États-Unis ... 74

Figure 23. Évolution de l’indice mensuel des prix des œufs au détail aux États-Unis ... 75

(11)

xi

Figure 24. Évolution de l’indice des prix au producteur pour d’une douzaine d’œufs aux États-Unis (janvier 2014=100) ... 75 Figure 25. Localisation des membres d’Organic Valley sur le territoire américain ... 77 Figure 26. Évolution des prix annuels à la ferme pour le lait

conventionnel et le lait biologique ($/quintal) ... 78 Figure 27. Comparaison du prix du lait biologique entre Organic

Valley et Horizon ... 81 Figure 28. Évolution de l’IPPA des productions agricoles au Canada (1996-2016) ... 85 Figure 29.Évolution des recettes monétaires agricoles au Québec, dollars constants (2007 -2016) ... 87 Figure 30. Évolution de la part des recettes des cultures et des

recettes de bétail au Québec (2007-2010) ... 88 Figure 31. Évolution des paiements directs aux agriculteurs du

Québec (2007-2017) ... 89 Figure 32. Évolution des investissements agricoles au Québec (2007-2015) ... 90 Figure 33. Évolution de la proportion des fermes du Québec selon la valeur des actifs (2011 et 2016) ... 91 Figure 34. Évolution de la population dans les villages visités (2011 et 2016) ... 93 Figure 35. Superficie des villages ... 94 Figure 36. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de valeur du capital, Saint Ignace ... 95 Figure 37. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de valeur du capital, Sainte-Élizabeth ... 96 Figure 38. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de valeur du capital, Saint Marcel ... 97 Figure 39. Évolution de l’indice de vitalité économique des villages 102 Figure 40. Intervenants par type d’activité ... 104 Figure 41. Proportion des intervenants par secteur d’activité ... 105 Figure 42. Proportion des fermes dans les villages visités selon la

valeur des actifs ... 111 Figure 43. Perception des investissements suivant la proportion des fermes sous de la gestion de l’offre dans les villages ... 117 Figure 44. Nombre des exploitations agricoles dans les trois

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xii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

ABERES Australian bureau of Agriculture and Water

Resources

AECG Accord économique et commercial global

ALÉNA Accord de libre-échange nord-américain

ASRA Assurance stabilisation des revenus agricoles

BLS Bureau of labor statistics

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation

et l’agriculture

GQ Gouvernement du Québec

IPBM Indices des prix des matières brutes

IPC Indice de prix à la consommation

IPPA Indice des prix des produits agricoles

ISQ Institut de la statistique de Québec

MAMOT Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation

du territoire

MAPAQ Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de

l’Alimentation du Québec

MRC Municipalités régionales de comté

STATCAN Statistique Canada

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xiii ÉPIGRAPHE

Il n'y a rien de si variable que les prix, d'autant plus que ceux qui doivent être considérés ici ne sont pas simplement des prix observés sur des marchés […], mais des prix anticipés […] Ainsi, deux agriculteurs sur des fermes identiques, situées exactement dans le même environnement physique et économique, peuvent très bien prendre des décisions différentes à long terme, simplement parce que leurs anticipations de prix sont différentes, et que l'un est de nature pessimiste, tandis que l'autre est optimiste (Boussard, 1986, p. 8).

L'ouverture commerciale pratiquée depuis 1980 n'a pas modifié les caractéristiques temporelles des séries de prix de la plupart des matières premières agricoles : leurs fluctuations demeurent persistantes, asymétriques, irrégulières et marquées par de multiples ruptures de tendance (Delorme et al., 2007, p. 24).

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xiv REMERCIEMENTS

J’exprime toute ma reconnaissance à monsieur Maurice Doyon, professeur au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval. Je lui sais gré d’avoir accepté de diriger ce travail avec une approche d’apprentissage à la fois rigoureuse et sympathique.

Je remercie également monsieur Patrick Mundler, professeur au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval, pour la codirection. Ses remarques et directives de recherche ont bonifié ce travail. Je ne puis taire le professionnalisme et les échanges cordiaux dont j’ai bénéficié de la part de monsieur Renaud Sanscartier, Chargé de projets chez ÉcoRessources Inc.

Mes remerciements s’adressent aussi aux Producteurs d’œufs du Canada, à travers la Chaire de recherche économique sur l’industrie des œufs de l’Université Laval, pour le financement obtenu dans le cadre ce projet de recherche.

À tous mes amis jésuites de la Résidence Notre-Dame, merci beaucoup pour la fraction du pain et pour vos prières.

Aux membres de ma famille et à mes amis qui m’ont soutenu et encouragé de près ou de loin, je vous exprime toute ma gratitude.

(15)

1 INTRODUCTION

Au niveau international, la volatilité récente des cours agricoles et la surproduction chronique dans certains secteurs agricoles alimentent le débat sur la capacité des marchés à s’autoréguler et à assurer à long terme des prix qui couvrent les coûts de production (Gérard, 2011; Galtier, 2012). Certains s’interrogent sur l’efficacité des instruments de gestion des risques qui n’intègrent pas le caractère systémique de l’instabilité des marchés agricoles (Gérard, Piketty et Boussard, 2008; Gohin, 2011; Courleux, 2012a;). D’autres fustigent l’abolition des politiques de soutien et le questionnement néolibéral sur l’intervention de l’État en agriculture (Delorme et al., 2007; Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010a; Boussard et al., 2015). Ainsi, en dépit du plaidoyer dominant en faveur de la libéralisation des marchés agroalimentaires, les stratégies alternatives de régulation et de coordination collective de la production agricole continuent à faire valoir leur importance dans la réduction des effets de la volatilité des marchés agricoles (Galtier, 2009; Boussard, 2017; Graddy-Lovelace et Diamond, 2017). En effet, d’après ces différents analystes, les théories économiques, « visant à démanteler les politiques de stabilisation des prix agricoles, et à promouvoir les seuls instruments privés de gestion des risques [ont été] discréditées par les crises alimentaires [de dernières années] » (Courleux, 2012b, p.1). La figure 1 présente l’instabilité des prix alimentaires internationaux. On constate que les années 2008 et 2011 se démarquent par leur flambée de prix.

(16)

2

Figure 1. Évolution de l’indice des prix alimentaires internationaux

Source : Auteur, à partir des données de la FAO

Au Canada, les problèmes de surproduction et de mouvement erratique des prix agricoles ont été à l’origine des différentes politiques publiques visant la stabilisation du revenu des agriculteurs et la pérennité des entreprises agricoles (Brodeur et Clerson, 2015). La gestion de l’offre fait partie de ces politiques. Elle est en vigueur dans les industries du lait, de la volaille et des

œufs.1 Elle contingente la production à la ferme ; contrôle l’importation des

produits concurrents à ces industries ; contrains les agriculteurs et leurs acheteurs à négocier les prix suivant des conventions qui évoluent avec les conditions du marché. Cependant, dans la foulée de la ratification de l’Accord économique et commercial global (AÉCG) avec l’Union européenne et l’accord du Partenariat transpacifique (PTP), cette réglementation est de nouveau remise en question. De plus, la réouverture récente de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) vient de surcroît raviver cette controverse.

1 Le secteur du sirop d’érable au Québec a aussi son mécanisme de gestion de l’offre qui

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3

CHAPITRE I. PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

I.1. Problématique

Dans le cadre de récents accords commerciaux qui touchent également le secteur agroalimentaire canadien, la gestion de l’offre, d’un côté, et le libre-échange, de l’autre, passent au crible de la critique. Jusqu’ici, suivant les théories économiques mobilisées et les performances économiques estimées, les avis des intervenants et des analystes restent partagés au sujet des gains et des pertes liés à ces deux modes de coordination du marché.

D’une part, ceux qui soutiennent le démantèlement de la gestion de l’offre lui reprochent de favoriser la pérennité de monopoles inefficients (Veeman, 1982a et 1982b; Vercammen et Schmitz, 1992; Richards, 1996; Barichello, 1999). Il est également dit de cette politique qu’elle a un effet régressif sur la répartition des revenus (Cardwell, Lawley et Xiang, 2015; Dumais et Chassin, 2015). Ou encore, s’inspirant de la dérégulation du secteur laitier en Australie, en Nouvelle-Zélande et récemment en Europe, d’autres analystes pensent que les secteurs agricoles sous gestion de l’offre sont assez compétitifs et peuvent profiter du marché d’exportation (Vercammen et Schmitz, 1992; Colman, 2002; Petkantchin, 2006; The Conference Board of Canada, 2014).

Dans le même registre, le prix du droit à produire, dit quota de production, est critiqué à cause de la mobilisation des ressources financières qu’il impose ; et qui freinerait la croissance de ces trois industries en termes de volume de production, de baisse du coût de production et de relève agricole (Richards, 1996; Belzile, 2003; Findlay, 2012; Dumais et Chassin, 2015). D’autres critiques mettent l’emphase sur le fait que la gestion de l’offre rend dispendieux les produits laitiers et de la volaille à l’étalage (Petkantchin, 2006; Findlay, 2014a; 2014b; Busby et Schwanen, 2013). De même, on mentionne les obstacles à la compétitivité qu’aurait créés cette politique publique en défaveur des transformateurs (Findlay, 2012; The Conference

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4

Board of Canada, 2014; Cartel et Mérel, 2015). Cependant, on ne fait pas allusion à l’instabilité des prix qui caractérisent les marchés agricoles non contingentés. La figure 2 présente les fluctuations des prix à la ferme dans les secteurs des grains, des bovins et des porcs dans les deux dernières décennies.

Figure 2. Évolution de l’IPPA pour quelques productions agricoles sans gestion de l’offre au Canada (1996-2016)2

Source : Auteur, à partir des données de Stastique Canada, cansim 0020069 D’autre part, les avis favorables à la gestion de l’offre s’appuient sur l’argument de la spécificité du secteur agricole qui a été développé dans la théorie du Farm Problem. Les caractéristiques structurelles et économiques de l’agriculture justifieraient non seulement l’intervention de l’État, mais également la continuité de certains modes de coordination de la production (Gouin, 2004; Royer, 2008; Doyon, 2014; Brodeur et Clerson, 2015). Doyon (2011a; 2011b) aborde la question de la gestion de l’offre en soulignant la nécessité d’une coordination dans le secteur laitier au Canada et dans d’autres pays ayant déjà connu le démantèlement des quotas laitiers. Pour lui, même dans le contexte de dérégulation, le secteur laitier a besoin d’une coordination du marché sans laquelle les promesses théoriques du libre

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5

marché ne pourraient se matérialiser (Doyon, 2012). On soutient également que la gestion de l’offre, en minimisant l’incertitude grâce à la stabilité des prix, peut jouer un rôle positif en faveur des investissements et de la croissance économique des secteurs visés (McIsaac, 2008; Doyon, Tamini et Zan, 2014). Par ailleurs, comme mécanisme de soutien des prix, il est dit de cette régulation qu’elle assure une rémunération adéquate des facteurs de production, et ce, sans recourir aux subventions publiques (Gouin, 2005; Makungu, 2008). La figure 3 donne l’évolution des prix aux producteurs pour les industries agricoles sous gestion de l’offre.

Figure 3. Évolution de l’IPPA pour les productions agricoles sous gestion de l’offre au Canada (1996-2016)

Source : Auteur, à partir des données de Stastique Canada, cansim 0020069 Dans la même lancée, d’autres avis soutiennent que ce mécanisme a permis d’améliorer le pouvoir de négociation des agriculteurs tout en assurant aux transformateurs un approvisionnement prévisible grâce à une meilleure planification de la production et, le cas échéant, des contrats à risque partagés (Gouin, 2004; Royer 2009; Doyon, 2012). Sur le plan de la dynamique territoriale, Ruiz et Parcerisas-Benede (2017) pensent que par son système de transport, la gestion de l’offre dans le secteur laitier a permis à plusieurs fermes éloignées du marché d’occuper d’immenses pans du

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territoire québécois. Pour Boutin (1999), sur la base des travaux de Goldschmidt (1978a; 1979b), les entreprises laitières de petite taille jouent un rôle important dans les tissus économiques de plusieurs villages au Québec.

Tout bien considéré, le débat sur la gestion de l’offre semble principalement s’orienter sur l’analyse de ses performances économiques comparativement au libre-marché ou à d’autres modes de régulation des marchés agricoles au niveau international. A notre connaissance, dans le contexte canadien, il n’existe pas d’études qui aient exploité particulièrement la question de la pertinence ou de la non-pertinence de la stabilité des marchés agricoles en lien avec cette réglementation. Ou encore, en considérant les performances de cette politique, les résultats économiques, en termes de gains ou de pertes monétaires, sont souvent présentés de manière agrégée. Peu d’attention a été portée sur les effets de cette politique au niveau des villages où sont implantées les entreprises agricoles. Pourtant ces entités municipales bénéficieraient aussi des retombées économiques de la gestion de l’offre. Elles seraient les premières à être affectées par les impacts d’une éventuelle dérégulation.

Il s’en suit qu’une piste de réflexion intéressante, dans la contribution au débat actuel, serait aussi d’analyser les causes de l’instabilité des marchés et d’induire les connaissances de terrain en lien avec les effets de la stabilité des marchés agricoles en général et de ceux de la gestion de l’offre en particulier. C’est ainsi que ce travail aborde la question de la remise en cause de la gestion de l’offre sous l’angle de la pertinence ou de la non-pertinence de la stabilité des marchés agricoles. Il veut donner des éléments de réponse à ces deux questions de recherche :

1. Quelles sont les principales explications apportées par l’analyse économique sur les sources de l’instabilité des marchés agricoles ?

(21)

7

2. Selon la littérature économique, l’instabilité peut-elle empêcher l’atteinte de l’optimum économique ?

I.2. Objectifs de l’étude

Ce travail a pour objectif principal d’étudier la pertinence économique de la stabilité des marchés agricoles dans le contexte de la gestion de l’offre. Plus spécifiquement, il veut :

1. Identifier et décrire les sources de l’instabilité des marchés agricoles à l’aide de la littérature économique

2. Analyser les effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés sur l’optimum économique à l’aide de la littérature et de brèves études de cas.

3. Explorer auprès des intervenants agricoles et non agricoles la perception des effets de la stabilité des prix potentiellement associée à la gestion de l’offre et évaluer qualitativement sa contribution à leur tissu économique.

I.3. Intérêt de l’étude

Ce mémoire réactualise la question de l’instabilité des prix des marchés agricoles en lien avec la gestion de l’offre. Sa pertinence tient au contexte de la ratification des accords de libre-échange entre le Canada et ses partenaires internationaux. Son originalité porte sur les connaissances de terrain sur les effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles dans le contexte québécois.

I.4. Plan du travail

Le premier chapitre présente le cadre théorique et conceptuel de l’étude. Le second discute de la démarche méthodologique adoptée pour rencontrer chacun de nos objectifs. Le troisième traite des causes de l’instabilité des marchés agricoles tandis que le quatrième examine les effets de la stabilité et de l’instabilité des prix agricoles par la littérature et les mini-études de

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8

cas. Le cinquième est une étude exploratoire sur la contribution de la stabilité associée à la gestion de l’offre au niveau du tissu économique des trois villages québécois.

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CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

Ce chapitre clarifie les concepts et identifie les théories pertinentes quant à l’objet de ce mémoire. Il est subdivisé en quatre sections. La première définit les principaux concepts relatifs à la notion de la stabilité et de l’instabilité des marchés. La seconde aborde la notion de la stabilité sous l’angle de la théorie économique néoclassique à travers le modèle de l’équilibre concurrentiel. Elle discute également des quelques approches complémentaires à la théorie du marché concurrentiel en soulignant principalement les particularités des marchés agricoles, la volatilité des prix et le déséquilibre du marché. La troisième section discute des approches théoriques relatives à l’évaluation des effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles dans une perspective territoriale ou de la localisation de la production agricole. La dernière section est une discussion sur les cadres théoriques recensées.

II.1. Clarification des concepts

II.1.1. Stabilité des prix et des marchés

Les prix sont dits stables lorsqu’ils gardent quasiment le même niveau durant une longue période (Issing, 2002). Ainsi, leur variation dans le temps est faible et prévisible autour d’une moyenne (CAS, 2011; Su, Brown et Cook, 2015). En revanche, des prix instables sont ceux dont le niveau moyen fluctue régulièrement dans un intervalle de temps donné. Cette instabilité peut présenter plusieurs degrés, mais, en principe, les baisses et les hausses des prix devraient normalement être liées aux ajustements de l’offre et de la demande (Gérard, 1991). Lorsque la fluctuation d’un cours s’amplifie brusquement sur une courte période, on parle de volatilité (FAO, 2010; CAS, 2011). Dans le cadre de ce mémoire, la volatilité est comprise comme une forme d’accentuation de l’instabilité des cours agricoles. Elle peut aussi présenter plusieurs amplitudes (HLPE, 2011).

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Quant à la stabilité des marchés, elle est mesurée à partir de celle des prix. Néanmoins, Issing (2002) pense qu’un système de marché stable devrait produire un résultat économique efficace qui se traduit par les caractéristiques ci-après (Issing, 2002) :

• Les facteurs de production sont alloués à leur utilisation la plus productive.

• La quantité et la composition de l’offre s’ajustent aux changements dans la technologie de production et aux changements dans la demande.

• Les incitations pour les acteurs sont telles que des améliorations productives sont récompensées et donc le progrès technologique promu.

En revanche, dans un marché instable les prix fluctuent beaucoup et peuvent devenir volatils. En rapport avec les trois caractéristiques du marché stable susmentionnées, Issing (2002) soutient qu’un environnement d’échange instable est celui où :

• Les prix continuent à transmettre l’information de manière incomplète ou imparfaite en imposant aux agents économiques une interprétation supplémentaire avant de se décider. Il en résulte donc une aggravation du problème de l’asymétrie de l’information.

• L’ajustement de l’offre à l’évolution de la demande est perturbé à court ou à long terme en raison des signaux de prix qui sont voilés par les fluctuations.

• Le progrès technologique serait ralenti parce que l’effort entrepreneurial est détourné vers la correction des effets de la volatilité des prix.

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11 II.1.2. Risque et Incertitude

Le risque et l’incertitude influent sur « les comportements des agents économiques essentiellement en raison de l’incidence directe ou indirecte qu’ils exercent sur leurs décisions d’affectation de ressources » (Fraval, 2000, p. 30). Il y a incertitude lorsque la probabilité d’un évènement est non définie (Knight, 1921; Langlois et Cosgel, 1993). En agriculture, cette incertitude se joue à plusieurs niveaux : les rendements futurs au niveau de la production, les prix futurs, le niveau des marges, le changement technologique et le changement des politiques publiques (FAO et al., 2011). Quant au risque, il concerne la prédictibilité d’un évènement dont l’information est partielle ou incomplète (Langlois et Cosgel, 1993). On parle du risque objectif lorsque « les probabilités d’occurrence des différences conséquences possibles sont connues d’avance » (Asensio, 2017, p.1). On analyse alors la répétition des évènements ou les données statistiques (Brossier, 1989). Le risque subjectif dépend de la représentation que chaque individu se fait sur la réalisation ou la non-réalisation d’un événement (Brossier, 1989). Par exemple, « deux agriculteurs sur des fermes identiques, situées exactement dans le même environnement physique et économique, peuvent très bien prendre des décisions différentes à long terme, simplement parce que leurs anticipations de prix sont différentes, et que l'un est de nature pessimiste, tandis que l'autre est optimiste (Boussard, 1986, p. 8).

Les risques agricoles peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les risques de production et les risques de marché (Antón, Kimura et Martini, 2011). L’OCDE (2009) va plus en détail en distinguant cinq types de risques en agriculture :

Risque de la production lié aux conditions climatiques, aux maladies

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Risque de marché occasionné par les fluctuations des prix des intrants

et des extrants ;

Risque écologique ou environnemental lié aux changements

climatiques, la pollution de l’environnement et la rareté des ressources naturelles ;

Risque technologique lié aux gains et aux pertes futures des

investissements en lien avec de nouvelles techniques et technologies de production.

• Risques réglementaire, institutionnel et politique qui sont causés par l’intervention de l’État dans les marchés agroalimentaires. Ils apparaissaient avec les changements dans les normes, les réglementations et les politiques qui encadrent la production et la commercialisation des produits agroalimentaires.

II.1.3. Optimum économique

La notion optimum économique jouit d’un large usage en analyse économique, cependant elle a pris plusieurs connotations partant des travaux de Vilfredo Pareto (Cahuc, 1998; Gohin, 2011). Néanmoins, elle se réfère à l’efficacité d’un système d’échange concurrentiel du point de vue de l’allocation des ressources et permet d’apprécier les états sociaux possibles de l'économie (Cahuc et Zylberberg, 2005). Elle peut donc se définir comme étant une meilleure allocation des ressources dans un système de marché ou dans un système économique donné (Cahuc et Zylberberg, 2005).

Dans ce mémoire, l’optimum économique se réfère à l’allocation optimale des ressources au niveau du producteur, particulièrement de l’agriculteur. Puisque l’agriculteur en tant qu’agent économique est censé prendre ses décisions de production sur la base du prix, son allocation des facteurs de production en faveur de l’augmentation ou de la baisse de l’offre est déterminée par l’information véhiculée par ce prix. De ce fait, une

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surproduction ou une sous-production seront donc considérées comme des options non optimales de l’activité agricole. Dans la même logique, on peut dire qu’un marché qui est en sous-production ou en surproduction n’est pas à son niveau optimal. Dans le premier cas, le surplus du consommateur sera affecté et dans le second, celui du producteur. On peut l’analyser avec la figure 4. À l’équilibre, le coût marginal, la courbe d’offre, rencontre celle de la demande (Boussard, Gérard et Piketty, 2008). La somme du surplus du producteur (surface A) et du surplus du consommateur (surface B) est maximisée. Dans cette situation, le prix d’échange est P’ et la quantité Q’. Cet équilibre, d’après la théorie néoclassique, est un optimum de Pareto. Tout autre changement du prix (p1, p2) et de la quantité correspondante (q1, q2) affectera le surplus d’un des agents intervenant dans l’échange (Samuelson, 1972; Boussard, 2007).

Figure 4. Surplus du producteur et du consommateur

Source : Boussard, 2007

II.1.4. Vitalité économique

Selon Shaffer et Summers (1988), la vitalité économique d’un territoire se définit par la capacité de celui-ci à maintenir et à améliorer son niveau de vie économique d’une période à l’autre. Cela se matérialise à travers la création d’emplois, l’augmentation du revenu des individus, les nouveaux investissements, etc. Cette vitalité est aussi dépendante des facteurs

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sociodémographiques, institutionnels et organisationnels (ISQ, 2016a). Par exemple, la synergie de différents acteurs et des entreprises d’une communauté ainsi que l’interaction de celle-ci avec d’autres communautés environnantes (ISQ, 2016a).

Au Québec, le ministère des Affaires municipales et de l’occupation du territoire (MAMOT), par l’Institut de la statistique de Québec (ISQ), a créé un indice composite permettant de mesurer la vitalité économique relative des territoires : l’indice de vitalité économique (IVE). La valeur positive de cet indice pour un territoire donné signifie que son dynamisme économique est supérieur à la moyenne de l’ensemble des territoires québécois. Un IVE négatif indique que le territoire accuse un retard sur sa situation économique comparativement à la moyenne de l’ensemble des territoires du Québec. Les différentes valeurs positives et négatives de cet IVE permettent de classer les municipalités québécoises dans un rang allant de la plus forte vitalité à la plus faible. Cet indice est évalué sur une base annuelle en se référant aux principaux facteurs ci-après :

• le marché du travail (taux de travailleurs de 25 à 64 ans);

• le niveau de vie (revenu médian de la population de 18 ans et plus);

• le dynamisme démographique (taux d’accroissement annuel moyen

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II.2. Théories explicatives de la fluctuation des marchés agricoles II.2.1. L’équilibre concurrentiel

L’équilibre du marché est une des principales théories en économique en ce qui concerne le fonctionnement des marchés. Elle propose un cadre analytique de la formation des prix qui est fondé sur l’offre et de la demande (Pignol, 2017). Ce système de marché est formalisé par le modèle de la concurrence pure et parfaite qui obéit aux modalités suivantes :

• Un grand nombre de vendeurs et d’acheteurs. • Une homogénéité des produits,

• Une entrée et une sortie libres, mais aussi sans coût,

• Une transparence et une acquisition de l’information à coût nul, • Une mobilité des facteurs de production.

Ce modèle de marché suppose un comportement homogène des agents économiques. Ceux-ci sont rationnels et en permanence dans un processus d’optimisation (Pignol, 2017). Leurs décisions individuelles visent à maximiser leurs utilités ou leurs profits qui sont déterminés par l’information transmise par un système de prix (Pignol, 2017). Puisque cette information est parfaite, les agents économiques font des anticipations rationnelles c’est-à-dire des prédictions quasiment exactes sur les grandeurs économiques futures (Fraval, 2000, Gérard, Boussard et Piketty, 2013). Ainsi, ce jeu des décisions individuelles conduit naturellement à un équilibre entre l’offre et la demande (Guerrien, 2008). La figure 5 schématise la démarche de la formation du prix d’équilibre dans un marché concurrentiel.

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Figure 5. Formation du prix d'équilibre dans le marché concurrentiel

Source : Colman et Young, 1989

Par ailleurs, même s’il peut exister des situations de déséquilibre entre l’offre et la demande, elles ne peuvent être que temporaires. De plus, les fluctuations du prix sont toujours considérées de faible amplitude pour permettre au marché de revenir vite à son équilibre (Fraval, 2000). Ainsi, quand le prix change, le marché s’ajuste rapidement (Bornier, 1990a). Vu sous cet angle, le marché concurrentiel est capable de s’autoréguler en cas de dysfonctionnement, car le prix, qui transmet l’information fiable sur l’abondance ou la pénurie des biens échangés, assure toujours une allocation optimale des ressources de la part des agents économiques (Courleux, 2012a).

De ce qui précède, en analyse économique néoclassique, la stabilité est une des caractéristiques fondamentales du marché. Elle est un état durable de son fonctionnement. En revanche, l’instabilité n’est que passagère sinon négligeable. En d’autres mots, l’instabilité des prix ne pose pas un problème lorsque les marchés sont étudiés sur la base des hypothèses du marché concurrentiel. Elle ne constituerait donc pas un enjeu majeur en rapport avec l’optimum d’un marché. Cependant, en agriculture, les études empiriques « sur les variations de prix révèlent non seulement une grande [volatilité], mais de plus une évolution totalement imprévisible à long terme. [Les prix des produits agricoles se situent] donc

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foncièrement en univers incertain. » (Fraval, 2000, p. 61). De plus, les récentes crises alimentaires ont montré que dans les marchés agroalimentaires libres, l’amplitude de la fluctuation des prix pouvait être grande, et ce, à l’intérieur des courtes périodes (FAO et al., 2011). Boussard (2010) et Mitra et Boussard (2011) soutiennent qu’il est possible que les marchés agricoles présentent une instabilité des prix persistante plutôt que passagère. De la sorte, le modèle standard du fonctionnement du marché ne suffit pas à expliquer convenablement la dynamique des marchés agricoles.

II.2.2. Le déséquilibre des marchés agricoles

Contrairement au modèle du marché concurrentiel, les marchés agricoles ont leur spécificité et leurs contraintes propres. En effet, la loi de King avait déjà mis en regard la faible élasticité de la demande des produits agricoles par rapport au prix. D’autres approches théoriques se sont aussi penchées sur la structure des marchés agricoles et ont apporté des éléments complémentaires à l’analyse néoclassique du marché et du comportement des agents économiques. Elles permettent de rendre compte de l’instabilité des prix et de l’enjeu qu’elle peut représenter sur l’efficience des marchés.

I.2.2.1. Modèle de Cobweb : anticipations erronées des prix futurs

Par son modèle de Cobweb (toile d’araignée), Ezekiel (1938) a formalisé les cycles de l’offre et les variations des prix agricoles à partir des erreurs d’anticipation des agriculteurs. Celles-ci nourrissent le déséquilibre permanent des marchés agricoles. Ce phénomène de la toile d’araignée est observé dans un marché qui fonctionne suivant les conditions suivantes (Ezekiel, 1938) :

- la production est complètement déterminée par la réponse du

producteur au prix. L’agriculteur fixe sa production en anticipant le prix futur la base du prix actuel observé sur le marché. Il assume aussi que cette production n’affectera pas l’offre globale.

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- la production ne peut s’ajuster instantanément aux changements

dans la demande. Un délai d’attente est nécessaire entre le temps où le producteur déverse individuellement sa marchandise sur le marché et l’utilisation de ses ressources de production. L’offre agricole est donc moins élastique à court terme.

- le prix est fixé par l’offre actuelle. Ainsi, ni l’offre ni le prix ne sont déterminés par une institution coordinatrice.

Ces hypothèses s’accommodent bien au fonctionnement des marchés agricoles bien que Boussard (1985a, 1986 ; 1990) affirme que les agriculteurs ne répondent pas parfaitement au prix. Puisque les prix futurs ne sont pas connus, les agriculteurs planifient leur production sur base des prix anticipés (Butault, 2004). Ces anticipations peuvent être erronées et occasionner le déséquilibre du marché. Lorsque plusieurs marchés sont interconnectés, ces erreurs d’anticipation des prix et l’inélasticité de la demande des produits agricoles peuvent générer des fluctuations complexes voire chaotiques (Chavas et Holt, 1993 ; Gouel, 2010 ; Boussard et al., 2015) Le modèle Cobweb inscrit donc le déséquilibre des marchés agricoles non pas seulement dans le délai de la production, mais aussi dans le comportement des agents dont les décisions se prennent dans un environnement incertain (Gouel, 2010). En effet, les agriculteurs font face à une double incertitude : une sur les prix futurs et l’autre sur les quantités futures (Butault, 2004). Selon Ezekiel (1938), le marché d’un produit agricole peut connaître trois éventuels régimes de fonctionnement :

- les prix et les quantités peuvent converger vers leur valeur d’équilibre

(la demande est plus élastique que l’offre) ;

- les prix et les quantités peuvent diverger de leur valeur d’équilibre (la

demande est moins élastique que l’offre) ;

- les prix et les quantités peuvent fluctuer continuellement loin de

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Dans le premier régime, on peut aboutir à un équilibre stable avec des fluctuations périodiques des prix et dans le second, on aurait un équilibre instable avec des variations non périodiques des prix (Boussard, 2007). Celles-ci peuvent aussi être chaotiques dans le sens d’une dynamique des prix qui ne tend pas vers une stabilité et qui manque de périodicité (Chavas et Holt, 1993 ; Boussard, 2007). Sur les marchés agricoles, c’est le second régime qui est le plus vérifié à cause de la rigidité de la demande (Mitra et Boussard, 2011).

Par ailleurs, malgré les critiques faites à l’encontre de ce modèle, plusieurs travaux ont amélioré sa version linéaire construite par Ezekiel (1938). Avec la théorie des fluctuations chaotiques, les modèles dynamiques et non linéaires de Cobweb ont été développés en considérant d’abord les anticipations naïves des agents économiques (Gouel, 2010). Par la suite, d’autres développements ultérieurs ont intégré l’hétérogénéité des anticipations : naïves, rationnelles et adaptatives (Gouel, 2010). Sur la base des hypothèses avancées, ils arrivent à démontrer que les anticipations des agents économiques jumelés avec les caractéristiques de l’agriculture peuvent entraîner une dynamique chaotique des prix (Finkenstadt et Kuhbier, 1992 ; Chavas et Holt, 1993; Mitra et Boussard, 2011).

I.2.2.2. Modèle du Farm problem

La théorie du Farm problem (problème agricole) analyse aussi le fonctionnement des marchés agricoles à travers les caractéristiques de l’offre et de la demande des produits agricoles (Cochrane, 1958; Hathaway, 1966). Elle met en relief la spécificité technique et économique de l’agriculture qui a un impact direct sur l’instabilité des prix et des revenus des agriculteurs.

Au niveau de la demande agricole, on peut retenir ces principaux éléments pouvant favoriser le déséquilibre des marchés agricoles (Bonnen et

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Scheikhardt, 1998; Gouin, 2004; Dejean, 2014; Brodeur et Clerson, 2015) :

• L’inélasticité-prix de la demande : les fluctuations des prix agricoles entraînent généralement une fluctuation moins proportionnelle des quantités demandées. La loi de King montre que l’élasticité-prix de la demande est faible, inférieure à 1 en valeur absolue.

• L’inélasticité-revenu de la demande : les variations de revenus de ménages n’entraînent pas une variation égale au niveau des quantités demandées. Particulièrement dans les pays occidentaux, les consommateurs n’augmentent pas leur consommation alimentaire de manière importante advenant une hausse de revenus. Aussi, la part du budget allouée à l’alimentation est plus réduite pour les ménages de ces pays comparativement à ceux des pays en voie de développement.

• L’élasticité-prix de la demande au niveau du producteur individuel : en tant que preneur de prix, chaque producteur a la perception que l’augmentation de sa production n’a pas d’influence sur les prix. Il peut recevoir le même prix pour chaque unité supplémentaire qu’il vendra indépendamment du volume produit. Pourtant, l’agrégation des offres individuelles peut donner un résultat global contradictoire c’est-à-dire une surproduction.

Au niveau de l’offre, les caractéristiques suivantes peuvent avoir une influence sur la variabilité des cours agricoles (Bonnen et Scheikhardt, 1998; Gouin, 2004; Brodeur et Clerson, 2015) :

• L’offre agricole est inélastique par rapport au prix à court terme. La production agricole dépend d’un processus biologique étalé dans le temps. Il s’impose un délai entre les décisions de production et la mise en marché. Il n’y a donc pas un ajustement instantané de l’offre

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à la demande dans un délai réduit. Cette production agricole est marquée par des cycles; elle est dans la plupart de cas irréversible. • L’offre agricole a une structure compétitive ou concurrentielle. Les

agriculteurs sont généralement en grand nombre comparativement à leurs acheteurs.

• La productivité de certains facteurs de production peut augmenter significativement l’offre agricole grâce à un niveau rapide d’innovations technologiques.

• La mobilité des ressources est réduite à cause du taux important des actifs agricoles fixes et spécifiques.

• Les produits agricoles sont périssables. En dépit des progrès substantiels au niveau du stockage, de la chaîne de froid et du transport, il reste que les agriculteurs ne peuvent pas différer pendant longtemps l’écoulement de leurs produits dans le temps pour bénéficier des prix plus favorables.

La combinaison de ces propriétés de l’offre et de la demande des produits agricoles fait potentiellement de l’agriculture un secteur d’instabilité aussi bien dans les volumes de production que dans les prix (Boussard, 2017). Il est donc difficile d’assurer un équilibre de l’offre et de la demande au niveau d’un prix proche au coût de production (Courleux, 2012b). Aussi, « L'ampleur des variations de prix [peut être] sans commune mesure avec celle des ajustements qui seraient nécessaires pour parvenir doucement à une situation d'équilibre » (Boussard, 1986, p. 8).

I.2.2.3. Approche complémentaire de l’offre agricole

Cette approche s’inspire de deux théories présentées tantôt, cependant elle remet en question la capacité de la théorie microéconomique du producteur à prédire efficacement le comportement des agriculteurs face aux signaux du marché. Boussard (1985a; 1985b; 1985c; 1990; 2005c; 2015) démontre par des niveaux d’analyses variés, comment il est théoriquement possible

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d’envisager que la production agricole ne soit pas parfaitement une fonction linéaire ou une variation nécessairement croissante du prix courant. En effet, on observe par exemple que l’offre des produits agricoles croisse alors que les prix n’ont pas fluctué (Boussard, Gérard et Piketty, 2008). De plus, la production agricole peut également augmenter même quand les prix plongent (Boussard, Gérard et Piketty, 2008). Ou encore, l’offre agricole peut s’accroître l’année qui suit une baisse des prix (Doyon, 2012). Ainsi, dans l’agriculture moderne, le prix présent d’un bien n’est pas nécessairement le premier élément qui conditionne la variation de la production agricole (Boussard, 1985a).

Plusieurs travaux qui traitent de la réponse de l’offre agricole par rapport aux prix s’inscrivent dans la lignée de ceux de Nerlove (1958; 1979) et de Colman (1983). En appliquant généralement à l’agriculture la théorie standard du producteur, ils font l’hypothèse que les agriculteurs maximisent une fonction d’utilité uniforme à tous (Boussard, 1985a). En effet, il est généralement admis qu’ils maximisent individuellement leurs profits qui sont des fonctions linéaires des prix. Ces derniers seraient indépendants des contraintes techniques telles que les facteurs fixes ou la rotation des cultures (Boussard, 1985a; Boussard, Gérard, Piketty, 2005b). Dans ce contexte, les profits étant conçus comme la différence entre les recettes et les coûts, la quantité optimale de l’offre serait une relation non décroissante du prix de vente et non croissant du coût (Boussard, 1985a). Toutefois, la maximisation d’une fonction d’utilité n’est pas exclusivement synonyme de la maximisation de la marge brute pour un agriculteur. Cette fonction d’utilité peut intégrer des aspects hétérogènes suivant la structure des fermes et les objectifs de ceux qui les dirigent (Boussard, 1985a; 1990). Ainsi, la réaction des entreprises agricoles aux variations des prix peut dépendre du caractère biologique de la production, mais aussi de la contrainte de la fixité des actifs à court terme. Ce qui revient à dire que l’offre agricole n’est pas obligatoirement une fonction linéaire des prix courants.

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Pour renchérir cette complexité de la fonction d’utilité de l’agriculteur, Backus, Eidman et Dijkhuizen (1997) soulignent le fait que la viabilité à long terme de l'exploitation agricole dépend de sa rentabilité et de son avantage relatif en termes de taille, de dépenses familiales, de productivité, de coûts liés à la législation, de dette et de réserves financières. La position relative de la ferme est influencée par les buts et les objectifs personnels et commerciaux, la relation ferme-famille et les stratégies de gestion agricole (Backus, Eidman et Dijkhuizen, 1997). Il n’est pas possible d’atteindre ces objectifs en appliquant à la lettre la stratégie standard de la maximisation du profit. Chaque ferme nécessite des mesures spécifiques en fonction de son équipement, de sa structure, de ses capacités de gestion et des ambitions de ses exploitants (Boussard, 1990; Backus, Eidman et Dijkhuizen, 1997)

Par ailleurs, la contrainte de liquidité et celle du risque peuvent également conditionner les décisions de production chez les agriculteurs. Au sujet de la contrainte de liquidité, il est possible d’admettre que dans une économie de marché, le revenu d’une période précédente conditionne les dépenses courantes de l’exploitation agricole, la consommation et l’épargne nette de l’agriculteur (Boussard, 1990). Ainsi, une contrainte financière peut modifier les décisions des producteurs agricoles surtout quand les variations du prix des extrants à la ferme sont défavorables par rapport à celles des intrants (Burger, 1985). Par exemple, lorsque les prix baissent, le revenu global de la ferme s’amenuise. Cette difficulté de trésorerie peut faire baisser les investissements en faveur de la production dans la prochaine période. C’est pour cela qu’il n’est pas facile de produire à contre cycle ou de repousser l’activité de l’exploitation agricole après une période soutenue de faibles prix (Boussard, 1985a).

S’agissant du risque, les agriculteurs seraient moins incités à financer leurs dépenses courantes dans une situation de variabilité des prix qui est défavorable au revenu (Boussard, 1990). De plus, les variations du revenu

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peuvent augmenter le risque des défauts de paiement chez les agriculteurs (Boussard, 1985a). L’interaction de la contrainte financière et du risque peut amplifier les conséquences négatives sur la production agricole. À noter que l’instabilité du niveau d’épargne peut aussi avoir des effets sur la composition du capital dans la mesure où l’investissement est lié à l’épargne ou à la capacité de remboursement de l’entreprise agricole (Boussard, 1990). Somme toute, on retient de cette approche qu’il peut exister d’autres déterminants de l’offre agricole hormis le prix (Boussard, Gérard et Piketty, 2005a). L’interaction dynamique des contraintes de liquidité, du risque, de la fixité des actifs et d’autres objectifs de l’agriculteur peut empêcher celui-ci de répondre aux signaux du marché suivant les prédictions du comportement rationnel de la théorie économique néoclassique. Ainsi, quand la variation de l’offre par rapport au prix n’est pas forcément positive, le marché peut se retrouver dans des phases de déséquilibre sachant la faible élasticité-prix de la demande pour les produits agricoles (Boussard, 1985a). En outre, les agriculteurs étant généralement plus atomisés que les acheteurs, l’hétérogénéité de la taille de leurs entreprises et des techniques utilisées, peuvent aussi rendre complexe la réponse de l’offre globale à la fluctuation des prix (Boussard, 1986).

I.2.2.4. Théorie économique de la complexité : ajustement complexe des comportements des agents hétérogènes

La théorie économique de la complexité est un courant hétérodoxe qui part des intuitions de Frederick von Hayek soulignant le fait que les marchés sont des systèmes complexes (Holland, 2014; Bultler, 2016). Actuellement, les tenants de cette théorie soutiennent que l’économie est un mécanisme complexe dans lequel des nombreux agents continuent à s’ajuster et à réagir aux comportements des uns et des autres. Ainsi, les marchés sont souvent en recherche d’équilibre qui peut être multiple (Bultler, 2016). Cette situation est causée par l’hétérogénéité des comportements des agents et par la variabilité de leurs choix (Arthur, 1999; 2005).

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L’économie de la complexité considère les marchés comme des systèmes adaptatifs qui fonctionnent dans un vaste ensemble d'ajustement continuel. Il ne s’agit pas simplement de vendre et d’acheter, mais également de produire, de négocier, de spéculer, d’offrir des services, d’investir, d’élaborer des stratégies, de faire des prévisions, d’apprendre, de s'adapter, d’innover, etc. (Holland, 2014; Arthur, 2013). De plus, les agents n'agissent pas nécessairement de manière rationnelle, car ils ont des capacités cognitives limitées quant au traitement de l’information qui n’est pas la même pour tous (Beinhocker, 2006). Advenant que cette information soit la même, elle ne sera pas complète et tout le monde n’aura pas les outils adéquats pour son analyse (Arthur, 2013). En outre, les individus évoluent dans un environnement de risque et d’incertitude parce qu’ils prennent des décisions dont les résultats ne se produisent pas forcément dans l’immédiat (Arthur, 2013). Tous ces éléments pris en compte, il devient difficile de voir le marché tendre vers un équilibre unique et stable pendant une longue période (Helbing et Kirman, 2013). Le non-équilibre devrait donc être la règle du fonctionnement des marchés et l’équilibre, une exception (Arthur, 2005; 2013).

Les marchés agricoles n’échappent pas à la complexité développée par cette théorie. L’hétérogénéité des agents économiques est aussi effective en agriculture et peut poser plusieurs problèmes. La théorie du Farm

problem indique que l’offre agricole demeure atomistique au regard des

acheteurs de plus en plus consolidés (Ledent et Burny, 2002). Gouin (2004) et Brodeur et Clerson (2015) ajoutent que cette situation peut être à la base de la surproduction en agriculture, car chaque agriculteur, étant preneur de prix, fait face à une demande qui est parfaitement élastique. De plus, Boussard (1985b) a indiqué que l’hétérogénéité technique et structurelle des exploitations agricoles complexifie la réponse de l’offre face au changement des prix. Or, ceux-ci sont si variables et pas toujours

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observés sur des marchés puisqu’ils sont anticipés (Boussard, 1986; 2016).

Par ailleurs, Cochrane (1958) avait évoqué le changement technologique qui est continuel en agriculture en termes d’Agricultural treadmill, « cage d’écureuil », lequel influe sur l’offre des produits agricoles et sur la baisse du revenu des agriculteurs. Ceci pour montrer combien les entreprises et les marchés agricoles sont aussi des systèmes adaptatifs fonctionnant dans un mode d’ajustement continuel. De même, la théorie du Farm

Problem souligne le taux important de l’adoption des nouvelles

technologies qui est spécifique à l’agriculture et qui peut faire en sorte que l’offre soit abondante alors que la demande reste rigide. S’agissant de l’incertitude, du risque et des anticipations, il convient de noter que « les agriculteurs doivent combiner des facteurs de production sans savoir exactement quel volume de production et quels prix ils obtiendront ; de plus, ils ne savent jamais si les investissements qu’ils font ne vont pas devenir obsolescents dans un futur immédiat » (Petit, 1962, p. 6).

II.3. Théories explicatives des effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles

L’un des objectifs de ce mémoire est d’explorer auprès des intervenants

agricoles et non agricoles la perception des effets de la stabilité des prix potentiellement associée à la gestion de l’offre et évaluer qualitativement sa contribution à leur tissu économique. Deux approches théoriques peuvent

aider à analyser les effets de cette stabilité des marchés. L’une relève de la théorie du bien-être économique et l’autre de notions de l’économie spatiale et de l’économie industrielle.

II.3.1. Analyse en termes de bien-être économique

L’économie du bien-être s’appuie sur le modèle du marché concurrentiel où les prix et les quantités d’équilibre sont ceux qui maximisent le bien-être global des producteurs, des consommateurs et de la société (Clodic, 2006).

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En utilisant les outils de la microéconomie néoclassique, elle compare les utilités des agents économiques à travers la notion du surplus. Elle déduit de ses préférences individuelles le choix de la décision optimale pour une collectivité (Baujar, 2003).

Les estimations des effets de l’instabilité et de la stabilité des prix agricoles, sur le bien-être économique du consommateur et du producteur, commencent avec le modèle Waugh-Oi-Massell. En effet, Waugh (1944) a considéré le marché d’un seul bien en compétition parfaite. Il a construit son modèle avec une demande et une offre linéaires qui s’ajustent intensément aux variations des prix. Il est arrivé à la conclusion que le consommateur préférerait la variabilité des prix plutôt que leur stabilisation au niveau d’une moyenne arithmétique. À l’opposé, partant des mêmes hypothèses, Oi (1961) conclut que l’instabilité des prix profiterait au producteur par rapport à leur stabilisation au niveau d’une moyenne arithmétique. Massell (1969 ; 1970) a tenu compte du risque du producteur qui influence les décisions de production. Il estime que dépendamment de la pente de la courbe de l’offre et de celle de demande, la stabilité des prix bénéficierait soit au producteur soit au consommateur. En confirmant ces résultats de Massell (1969), Samuelson (1972) juge que l’instabilité des prix ne peut profiter à la fois au consommateur et au producteur, car dans un marché concurrentiel tout équilibre est un optimum de Pareto. De là, tout éloignement de cet équilibre diminuerait le bien-être du consommateur ou du producteur. Turnovsky (1974) a amélioré le modèle Waugh-Oi-Massell en y intégrant les paramètres du risque et de l’incertitude. Sous les hypothèses des anticipations rationnelles et adaptatives, avec des fonctions non linéaires de l’offre et de la demande, il conclut que la distribution des bénéfices de la stabilisation des prix entre le consommateur et le producteur dépend de l’élasticité de l’offre et de la demande. Si la demande est élastique et que l’offre ne l’est pas, le producteur serait gagnant. Si l’offre est élastique et que la demande reste inélastique, le consommateur gagnerait. Pour Newbery et Stiglitz (1981;

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1982), le producteur et le consommateur peuvent être perdants ou gagnants selon les conditions posées sur les caractéristiques de la fonction de production et sur les fonctions d’utilité. De plus, les effets de la stabilisation des prix varient à court et à long terme. D’autres travaux ont exploité le modèle Waugh-Oi-Massel, les conclusions dépendent largement des hypothèses avancées sur les propriétés de l’offre et de la demande, mais aussi sur le comportement rationnel ou non rationnel des agents économiques. On se retrouve donc avec des résultats forts variés et la question ne semble pas être résolue jusqu’ici (Gérard, Piketty et Boussard, 2013).

À part le modèle Waugh-Oi-Massel, des modèles d’équilibre (général ou partiel) sont également utilisés pour quantifier les effets des politiques de stabilisation des prix agricoles ou d’autres politiques agricoles. Ces modèles sont fondés sur les hypothèses des théories du consommateur et du producteur. Leurs résultats portent sur le bien-être économique des agents économiques et de la collectivité (Clodic, 2006). Les politiques agricoles sont souvent traitées comme des mécanismes de transfert entre producteurs, consommateurs et contribuables (Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010b). Des avancées ont été aussi réalisées afin de rendre compte du risque et de la concurrence imparfaite. Cependant, ces travaux de modélisation appliqués aux marchés agricoles peinent encore à considérer les anticipations non rationnelles des agents (Gohin, 2012; Mitra et Boussard, 2011; Boussard, Gerard et Piketty, 2013).

La littérature économique est dominée par l’estimation du surplus des agents économiques et du surplus collectif. Grâce aux outils de la microéconomie, l’intérêt est plus porté sur les prix et les quantités échangés. Les données et les résultats sont agrégés ; les gains et les pertes éventuelles sont monétaires ; (Bureau et Salvatici, 2003; Grant, Hertel et Rutherford, 2009). Ainsi, l’approche est essentiellement quantitative et agrégée (Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010b). Par exemple dans le cas des quotas de production qui sont considérés comme une rente pour les producteurs agricoles, la dérégulation

Figure

Figure 2. Évolution de l’IPPA pour quelques productions agricoles sans gestion de l’offre  au Canada (1996-2016) 2
Figure 3. Évolution de l’IPPA pour les productions agricoles sous gestion de l’offre au  Canada (1996-2016)
Figure 10. Réduction de l’offre agricole dans un marché en présence du risque
Tableau 2. Quelques études sur l’effet de l’instabilité des prix agricoles
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