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Constats qualifiés au niveau des villages

CHAPITRE VI. PERCEPTION DES EFFETS ÉCONOMIQUES DE LA

VI.5. Qualification des constats

VI.5.1. Constats qualifiés au niveau des villages

L’évaluation qualitative des constats au niveau des villages consiste à donner une appréhension des avis des répondants. Elle se fait ici à l’aide d’une échelle d’intensité qui s’inspire de l’échelle de Likert. Elle a pour but de quantifier, en dimensions et non en valeur, les informations des entrevues. Ainsi, les perceptions des répondants reçoivent un score d’intensité pouvant mesurer les principaux paramètres qui en sont tirés. Dans le tableau 14, nous qualifions les perceptions sur certains paramètres de la dynamique des marchés agricoles pour chaque village.

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Tableau 14. Qualification des constats au niveau des villages

Source : Auteur, à partir des entrevues

Ce tableau indique que la perception de l’importance économique de l’agriculture et de la contribution de celle-ci à la vitalité socio-économique des villages est très forte au niveau des trois villages. De plus, la perception de l’importance de la stabilité des prix et des revenus est aussi forte. Quant à la contribution de la gestion de l’offre à l’activité économique des villages, la perception est très forte à Sainte-Élizabeth suivie de Saint-Ignace. Cependant, à Saint-Marcel, elle est très faible. En effet, au niveau même du village, cette importance n’a pas été pertinente puisqu’il n’y reste qu’une seule entreprise sous gestion de l’offre (1 ferme laitière) comparativement à la production céréalière qui est dominante. Toutefois, certains intervenants de Saint-Marcel restent ouverts à l’idée que la contribution de la gestion de l’offre à la vitalité économique soit plus importante dans les villages où les productions laitières et avicoles sont présentes.

Sainte-Élizabeth Saint-Ignace Saint-Marcel

Importance économique de l'agriculture ***** ***** *****

Contribution de l'agriculture

à la vitalité socio-économique ***** ***** *****

Importance de la stabilité des prix/des revenus **** **** ****

Contribution de la gestion de l'offre

à la vitalité économique **** **** *

Impact négatif de l'instabilité

des prix sur les taxes municipales 0 0 0

Impact positif de la stabilité

des prix sur l'implication des agriculteurs 0 0 0

Impact négatif de l'instabilité

des prix sur les clusters/filières agricoles 0 ** ****

Visibilité et régularité des investissements

des productions sous gestion de l'offre **** **** **

Externalités positives des investissements agricoles **** **** **

Externalités positives des investissements

sous gestion de l'loffre **** **** **

Impact positif de la gestion de l'offre

sur la relève agricole *** *** **

Impact négatif de la gestion de l'offre

sur la relève agricole ** ** **

Villages visités Paramètres

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Dans les trois villages, l’instabilité des prix ne semble pas avoir un impact négatif sur les recettes municipales ou encore sur l’implication des agriculteurs aux activités communautaires. En effet, la propension à s’engager dans la communauté n’est pas déterminée par le volet économique ou financier des entreprises. Toutefois, pour les recettes municipales, il sied de souligner que même si les autorités municipales ont jugé que l’instabilité des prix n’affecte pas négativement leur finance, un fournisseur a fait savoir que c’est en grande partie grâce à la stabilité du secteur laitier que les entreprises qu’il dessert sont financièrement en santé. Cela permet d’avoir localement des acheteurs ou des repreneurs une fois que les fermes sont mises en vente.

En outre, l’instabilité des prix a un effet négatif sur le maintien des noyaux d’entreprises ou des services agricoles dans les villages. C’est à Saint- Marcel que cet impact s’est avéré fort avec l’affaiblissement de la filière des concombres. À Saint-Ignace, la conversion des producteurs porcins indépendants à la production sous contrat est aussi due au risque de l’instabilité des prix. S’agissant des externalités positives des investissements agricoles en général et ceux des productions sous gestion de l’offre en particulier, elles sont fortement perçues à Sainte-Élizabeth et à Saint-Ignace. À Saint-Marcel, les externalités positives des investissements agricoles paraissent faibles dans la mesure où la grande expansion des fermes céréalières n’améliore pas la vitalité économique du village en termes d’emploi ni des opérations subséquentes. De plus, à Sainte-Élizabeth et à Saint-Ignace, les intervenants considèrent que malgré les prix dispendieux des actifs agricoles, la stabilité de la gestion de l’offre favorise les emprunts bancaires pour la réalisation des projets d’expansion devant aider l’établissement des jeunes en production. Aussi, la stabilité des prix ou de revenu permet aux producteurs nouvellement établis de pérenniser leurs entreprises. Ainsi, bien que le mécanisme de la gestion de l’offre ait ses limites, les répondants trouvent que son impact négatif sur la

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relève est relativement faible. Notons que « de façon générale, les fermes laitières semblent confrontées aux mêmes défis que les autres types de production quant à la fixation de leur prix de vente, ce qui suggère que la problématique soit davantage une question de gestion plutôt qu’une question spécifique au secteur. » (Ouellet, 2016, iii).

Somme toute, en qualifiant les constats au niveau des villages, on arrive aux conclusions reprises dans le tableau 15 concernant quelques impacts économiques de la stabilité des marchés agricoles.

Tableau 15. Quelques effets économiques de la stabilité des marchés agricoles

Source : Auteur, à partir des entrevues

Ces différents effets ont été présentés dans les thèmes discutés plus haut en les soutenant par les propos des intervenants. Cependant, il importe de s’arrêter ici sur deux effets de la stabilité afin de mieux clarifier leur appréhension. Premièrement, le « stress de l’agriculteur » n’est pas en soi une dimension économique. Il nous a paru important de souligner cette dimension humaine de l’agriculteur parce que pour lui, il n’y a pas que les

Positif Négatif

Vitalité économique

+

Risque et incertitude

-

Investissements

et projets d'expansion

+

Diversité dans la taille

et la pérennité des fermes

+

Relève agricole

+

Gestion financière et rentabilité

+

Accès au financement

+

Stress chez l'agriculteur

-

Cluster et filière agricole

+

Diversité et volume d'affaires

des fournisseurs

+

Effets

Paramètres

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facteurs économiques qui comptent dans son quotidien. En plus du fait que son travail de tous les jours soit déjà prenant, un producteur des grandes cultures commerciales nous a fait savoir que son stress augmente au point de perdre sommeil lorsque les prix agricoles deviennent plus instables avec une tendance baissière. Lafleur et Allard (2006) a indiqué que 73.5 % des producteurs agricoles du Québec étaient plus souvent stressés. Dans cette proportion, 50.9 % présentaient un niveau élevé de détresse psychologique. Celle-ci concernait 66.6 % des producteurs de porcs, 36.4 % des producteurs de volaille et 48.1 % des producteurs laitiers. Cependant, selon les résultats de l’enquête sociale et de santé de 1998, le niveau élevé de détresse psychologique ne concernait que 20.1% des Québécois (Lafleur, 2006). Ceci pour dire que les agriculteurs semblent être plus stressés que le reste de la population québécoise. Par ailleurs, les principaux facteurs de stress chez les agriculteurs sont d’ordre financier. En effet, la situation financière des agriculteurs est fortement corrélée à leur niveau de détresse psychologique (Lafleur, 2006). Le tableau 16 indique que l’instabilité des marchés agricoles compte parmi les facteurs financiers à la base du stress chez les agriculteurs. La lecture des scores de stress est faite à l’aide d’une échelle de réponse en 5 points où 0 tient pour « pas du tout stressant» ; 1 pour «peu stressant »; 2 pour «moyennement

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Tableau 16. Sources de stress chez les agriculteurs au Québec

Source : Auteur, à partir de Lafleur (2006)

Pour ce qui est de l’effet positif de la stabilité de la gestion de l’offre sur la

diversité de la taille des exploitations laitières, les intervenants n’ont pas

voulu nier les changements qui adviennent dans le secteur agricole en termes de la baisse du nombre des fermes et de la concentration de la production dans certaines productions. L’idée exprimée est que plusieurs producteurs peuvent choisir de ne pas prendre de l’expansion lorsqu’ils ne jugent pas cela nécessaire. Il est vrai que la taille d’une ferme évolue avec le changement économique et technologique, mais il reste que les grosses entreprises ne sont pas plus avantagées que les petites ou les moyennes (Levallois, 2003; 2011), car l’efficacité technico-économique d’une entreprise agricole relève de la gestion du producteur (Léger, 2012). En effet, « les petites et moyennes entreprises agricoles peuvent être performantes sur le plan économique et financier […] Le maître mot, quelle que soit la dimension de l’entreprise, c’est l’utilisation rationnelle de toutes

Ordre d'importance Principaux facteurs de stress Niveau moyen de stress

1 Diminution des revenus 2.7

2 Augmentation des dépenses 2.6

3 Obligations environnementales 2.47

4 Instabilité des marchés 2.45

5 Bureaucratie 2.45

6 Maladie des animaux 2.40

7 Charge de travail 2.34

8 Coût et incertitude des quotas 2.31

9 Concurrence mondiale 2.27

10 Imprévisibilité de la météo 2.26

11 Endettement 2.25

12 Obligations de performance 2.19

13 Bris de la machinerie 1.97

14 Rareté de la main-d'œuvre agricole compétente 1.95 15 Conciliation travail/vie familiale ou personnelle 1.93

16 Transfert de la ferme 1.65

17 Difficulté à trouver de la relève 1.34

18 Relations avec les empoyés sur la ferme 1.07 19 Relations avec les associés sur la ferme 0.98

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les ressources de façon équilibrée » qui importe. (Levallois, 2003, p. 16). Hormis l’aspect de l’efficacité technico-économique, cette diversité dans la dimension des fermes peut aussi favoriser une bonne gestion de l’environnement parce que les ressources ne seront utilisées que pour produire des biens que les marchés peuvent absorber (Levallois, 2003).