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L'intégration de considérations socioéconomiques dans les décisions en matière de biotechnologie animale : une explication à partir de la culture organisationnelle des organismes fédéraux responsables de l'homologation des aliments dérivés de la biotechno

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Texte intégral

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L’intégration de considérations socioéconomiques dans

les décisions en matière de biotechnologie animale

Une explication à partir de la culture organisationnelle des

organismes fédéraux responsables de l’homologation des

aliments dérivés de la biotechnologie au Canada

Thèse

Olga Carolina Cardenas Gomez

Doctorat en droit

Docteur en droit (LL.D.)

Québec, Canada

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RÉSUMÉ

Malgré les demandes pour l’intégration de préoccupation sociétales dans les processus d’homologation des aliments dérives de la biotechnologie (ADB), la plupart des cadres réglementaires à l’échelle internationale s’identifient avec la représentation scientifique du risque. Cette représentation considère comme un risque tout événement négatif susceptible d’atteindre la santé humaine ou animale, ou l’environnement. Lors des processu d’homologation, les évaluateurs du risque et les décideurs se concentrent notamment sur ce trois types de risques. D’autres considérations comme la justice sociale, la sécurité alimentaire, les impacts économiques sur les agriculteurs sont, entre autres, négligées.

Nonobstant, les évaluateurs du risque ou les décideurs canadiens peuvent-ils se montrer ouverts à tenir compte d’une ou plusieurs de ces considérations et cela malgré le fait que le cadre réglementaire canadien s’aligne avec la représentation scientifique du risque? À partir d’une série d’entrevues, deux caractéristiques de la culture organisationnelle (CO) de ces fonctionnaires étaient identifiées. Il s’agit des rapports à l’autorité et à la vérité. Le rapport à l’autorité des évaluateurs du risque se caractérise pour un respect absolu du cadre réglementaire canadien. Ils se montrent ainsi pas ou peu disposés à agir en dehors des termes du cadre. Dissemblablement, les décideurs sont plus flexibles notamment en raison de son obligation de protéger d’autres objectifs en même temps que la santé humaine et animale, et l’environnement.

Le rapport à la vérité des évaluateurs du risque est constitué notamment par la science. Ainsi, l’existence d’un risque est déterminée uniquement à travers des preuves scientifiques. Le rapport à la vérité des décideurs est beaucoup plus large. En effet, ils établissent ce qu’est la vérité non seulement à l’aide de la science mais aussi avec d’autres informations fournies par les acteurs politiques.

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La CO de ces fonctionnaires fédéraux permet de conclure qu’au Canada, les évaluateurs du risque se concentreront uniquement dans l’identificacion des risques pour la santé humaine ou animale et pour l’environnement. Contrairement les décideurs se monteront ouverts à tenir compte de certaines préoccupations sociétales mais de manière indirecte. Ce faisant, le Canada peut encore se vanter de respecter ses engagements et obligations au niveau international.

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ABSTRACT

Despite calls for the integration of societal concerns in the approval process of genetically modified (GM) foods, most regulatory frameworks internationally identify with scientific representation of risk. This representation considers as a risk any negative event that could reach human or animal health or the environment. During approval process, risk assessors and decision makers focus especially on these three types of risk. Other considerations such as social justice, food security, economic impacts on farmers among others are neglected.

Nevertheless, can Canadian risk assessors or decision-makers be open to take into account one or more of these considerations and it despite the fact that the Canadian regulatory framework aligns with scientific representation of risk? From a series of interviews, two features of the organizational culture (OC) of these officials were identified: authority relationship and assumptions about truth. The authority relationship of risk assessors is characterized by an absolute compliance with the Canadian regulatory framework. They show little or no inclination to act beyond the powers conferred by the regulatory framework. Although decision-makers are also required to abide the Canadian regulatory framework, they are more flexible notably because of their obligation to protect other objectives at the same time that human and animal health and the environment.

The assumptions about truth of risk assessors are notably constituted by the science. Thus, the existence of a risk is determined solely through scientific evidence. For the decision-makers their assumptions about truth are much broader than that of risk assessors. Indeed, they establish what is the truth not only by means of the science but also with the other information provided by the political actors.

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concentrate only in the identification of risk for human or animal health and for environment. Contrary, the decision makers will amount open to take into account certain societal concerns in an indirect way. In doing so, Canada can still boast to meet its commitments and obligations at the international level.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... v

LISTE DES TABLEAUX ... xi

LISTE DES FIGURES ... xiii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES ... xv

REMERCIEMENTS ... xix

INTRODUCTION ... 1

A. La crise systémique de la relation entre la science et la politique : La difficulté d’opérationnaliser la participation du public ... 3

B. La relation entre la science et la politique dans sa dimension micro : les différences individuelles entre les critères de détermination des risques ... 10

1. La représentation du risque des scientifiques ... 11

2. La représentation du risque des profanes ... 16

C. Les initiatives réglementaires ... 24

1. Le cadre réglementaire norvégien : un cadre où des considérations éthiques sont prises en compte ... 25

2. Le cadre réglementaire argentin : un cadre où l’évaluation d’un OGM tient compte de son impact économique possible ... 31

3. Le cadre réglementaire australien : un cadre où une deuxième approbation tient compte de l’impact économique d’un OGM ... 36

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PARTIE PRÉLIMINAIRE – L’ÉTUDE DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE (CO) ... 49

A. Les fondements théoriques de la CO ... 51

1. Les éléments de la CO ... 51

a. Les artefacts ... 53

b. Les valeurs épousées ... 55

c. Les présomptions sous-jacentes ... 57

2. Les sous-cultures ... 59

3. L’influence de facteurs externes dans la CO : la macroculture ... 62

B. Les éléments méthodologiques de l’étude de la CO : le protocole de recherche ... 66

1. Introduction à l’étude de cas ... 67

a. Étude de cas ... 67

b. Intérêt et importance de l’étude de cas ... 70

c. Objectifs ... 72

2. Organismes fédéraux responsables de décider de l’homologation d’un ADB ou de ses sous-produits au Canada ... 72

a. Santé Canada (SC) ... 76

b. Environnement Canada (EC) ... 78

c. Pêches et Océans Canada (POC) ... 79

d. Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) ... 80

e. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) ... 81

3. Stratégie méthodologique ... 82

a. Type de recherche ... 83

b. Source des éléments de preuve ... 84

c. Les éléments de preuve ... 86

i. Le repérage documentaire ... 86

ii. Les entrevues semi-dirigées ... 87

d. Critères pour l’analyse des données ... 89

e. Généralisation des résultats de l’étude de cas ... 91

PARTIE I – LE RAPPORT À L’AUTORITÉ COMME TRAIT CARACTÉRISTIQUE DE LA CO DES ORGANISMES FÉDÉRAUX RESPONSABLES DE L’HOMOLOGATION DES ADB ... 93

A. Les composantes manifestes du rapport à l’autorité ... 96

1. Respect du cadre réglementaire canadien ... 98

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b. Regard sur les objectifs stratégiques poursuivis par le gouvernement canadien ... 120

2. Observance des traités et des engagements internationaux ... 144

a. Conformité aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : la primauté du commerce international ... 145

b. Intégration au cadre réglementaire canadien des directives ou recommandations de divers groupes de travail internationaux en matière d’ADB : vers une harmonisation des critères d’évaluation et de décision ... 155

B. Les éléments méconnus du rapport à l’autorité ... 169

1. Les autres pouvoirs en matière d’homologation des ADB ... 170

a. Les échanges habituels des organismes fédéraux canadiens avec les industries ... 170

b. La prise en compte de l’évolution des politiques publiques en matière de biotechnologie dans d’autres pays ... 175

2. Partisans de maintenir la compétitivité des producteurs canadiens ... 182

a. L’ouverture au rapprochement du gouvernement, des industries et des producteurs canadiens ... 187

b. Au service du maintien de la compétitivité des producteurs canadiens ... 192

PARTIE II – LE RAPPORT À LA VÉRITÉ COMME CARACTÉRISTIQUE DE LA CO DES ORGANISMES FÉDÉRAUX RESPONSABLES DE L’HOMOLOGATION DES ADB AU CANADA ... 201

A. Les traits publiquement reconnus comme faisant partie de la prise de décisions en matière d’homologation des ADB ... 203

1. Établissement de la vérité à travers les « faits » ... 205

a. La contribution des données scientifiques à l’évaluation des risques ... 206

b. Pourquoi la science est le meilleur choix ... 215

2. Manifestations d’un cadre réglementaire accueillant la science ... 226

a. Empêchement de tenir compte de considérations non scientifiques dans l’évaluation du risque ... 229

b. L’opérationnalisation d’un cadre réglementaire fondé sur la science ... 233

B. Les éléments inavoués de la prise de décisions fondée sur la science ... 249

1. Les considérations socioéconomiques « oui mais non » à l’intérieur du cadre réglementaire canadien ... 253

a. La prise en compte de CSE au moment de l’adoption des lois, des règlements ou des lignes directrices ... 259

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2. La prise en compte voilée des CSE ... 270

a. La gestion du risque ... 274

b. La possibilité de demander des renseignements supplémentaires pour compléter l’évaluation des risques ... 277

c. L’absence de critères contraignants pour décider de l’homologation d’un ADB ... 285

PARTIE III – LA MISE EN PLACE DES ÉLÉMENTS INAVOUÉS DE LA CO DES ORGANISMES FÉDÉRAUX RESPONSABLES DE L’HOMOLOGATION DES ADB AU CANADA DANS LA PRISE DE DÉCISIONS ... 295

A. L’utilisation de la flexibilité des décideurs canadiens au moment de choisir le critère pouvant justifier une décision : le cas de la STbr ... 305

1. Gestion de la PDN par Santé Canada ... 310

a. Un déroulement hors norme : les défaillances des évaluateurs du risque et des décideurs de SC ... 311

b. Intervention de tiers acteurs pour faciliter la gestion du dossier ... 316

2. Facteurs entourant la prise de la décision ... 328

a. Impacts économiques négatifs sur l’industrie laitière canadienne ... 329

b. Risques non connus pour la santé humaine ... 337

c. Risques pour le bien-être animal ... 339

B. Le libre exercice de la faculté de demander au promoteur des preuves supplémentaires : le cas du BRR ... 349

1. Arguments avancés au cours du débat ... 353

a. L’impact environnemental de la dissémination en milieu ouvert du BRR ... 353

b. Impacts économiques négatifs pour l’industrie canadienne du blé ... 358

2. Le gouvernement et la protection des intérêts des Canadiens : les Canadiens sont-ils vraiment le client des organismes fédéraux canadiens? ... 367

a. Pourquoi cacher de l’information à leurs clients? Le refus des organismes fédéraux de révéler les endroits des essais au champ ... 368

b. Travaillant main dans la main avec les industries biotechnologiques : la défection du gouvernement canadien ... 373

CONCLUSION ... 395

BIBLIOGRAPHIE ... 417

(11)

 

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Différences dans l'identification du risque de la part des scientifiques et des profanes ... 21

Tableau 2. Organismes fédéraux responsables de prendre des décisions lors d'une demande d'homologation d'un ADB ou de ses sous-produits au Canada ... 75 Tableau 3. Résumé des cadres réglementaires des pays tenant compte des CSE dans l'approbation d'un OGM ou de ses sous-produits ... 462 Tableau 4. Liste d'OGM approuvés par l'Union Européenne pour la consommation humaine ... 463 Tableau 5. Liste de semences résistantes à l'herbicide Roundup Ready approuvées au Canada ... 467

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(13)

 

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Les éléments de la CO et leur interaction ... 52

Figure 2. Étude des éléments de la CO ... 53

Figure 3. Résumé des éléments de la CO ... 59

Figure 4. Influence des facteurs externes sur la CO ... 62

Figure 5. Schématisation de notre étude de cas ... 69

Figure 6. Sections responsables de l'évaluation de l’innocuité alimentaire et de l’évaluation environnementale et bureaux responsables de la prise de décisions à SC ... 77

Figure 7. Section responsable de l'évaluation du risque et bureau responsable de l'approbation d'une SBA ... 78

Figure 8. Division responsable de réaliser l'évaluation du risque des AAIB à POC ... 79

Figure 9. Unité responsable de réaliser l'évaluation du risque des AEIB à l'ACIA ... 80

Figure 10. Unités d’intérêt à AAC ... 82

Figure 11. Schématisation du processus à travers lequel un ADB ou l’un de ses sous-produits est autorisé au Canada ... 94

Figure 12. Résumé du cadre réglementaire applicable aux ANDB ou à l'un de ses sous-produits ... 107

Figure 13. Arguments et critiques de la désignation de la science comme le meilleur choix pour soutenir les décisions en matière d'ADB ... 218

Figure 14. Les questions concernant la place pouvant être accordée aux CSE dans le processus de prise de décisions ... 254

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LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

AAC Agriculture et Agroalimentaire Canada AAIB Animal aquatique issu de la biotechnologie

AC Animal cloné

ACCS Association canadienne du commerce des semences ACIA Agence canadienne d’inspection des aliments AdAc Aliments dérivés d’animaux clonés

ADB Aliment dérivé de la biotechnologie ADN Acide désoxyribonucléique

AEIB Animal d’élevage issu de la biotechnologie

AGFO Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts AGM Animal génétiquement modifié

AGRI Comité permanente de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes

ANADB Aliments nouveaux provenant d’animaux dérivés de la biotechnologie ANVGM Aliments nouveaux provenant de végétaux génétiquement modifiés BBV Bureau de la biosécurité végétale

BECSN Bureau d’évaluation et du contrôle des substances nouvelles BMV Bureau des médicaments vétérinaires

BRR Blé Roundup Ready

CCA Commission du Codex Alimentarius CCB Commission canadienne du blé

CCCB Comité consultatif canadien de la biotechnologie CdC Conseil des Canadiens (Council of Canadiens)

CEE Certificat d’études expérimentales pour un médicament vétérinaire CIPV Convention internationale pour la protection des végétaux

CNILC Conseil national de l’industrie laitière du Canada (National Dairy Council of Canada)

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CO Culture organisationnelle

CONABIA Comisión Nacional Asesora de Biotecnología Agropecuaria (Commission nationale de conseil de biotechnologie agricole)

CRAE Centre de recherche sur l'aquaculture et l'environnement CSE Considérations socioéconomiques

CSTI Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation

CTAUAOGM Comité técnico asesor sobre el uso alimentario de organismosgenéticamente modificados (Comité consultatif technique sur l'utilisation d’aliments dérivés d’organismes génétiquement modifiés)

DA Direction des aliments

DANA Division des aliments nouveaux pour animaux

DGPSA Direction générale des produits de santé et des aliments

DGSESC Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs

DIH Division de l’innocuité pour les humains

DMA Dirección de Mercados Agrícolas (Direction des marchés agroalimentaires)

DMEASNC Division des médicaments endocriniens, antiparasitaires et du système nerveux central

DMV Direction des médicaments vétérinaires DRM Demande de renseignements mineurs

EC Environnement Canada

EEE Espace économique européen

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FDA Food and Drug Administration (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux)

FSANZ Food Standards Australia New Zealand (Agence des normes alimentaires d’Australie et de Nouvelle-Zélande)

GARZPA Groupe d’analyse des risques zoosanitaires, phytosanitaires et alimentaires GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

GEE Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies GTA-A Australian Gene Technology Act

GTA-N Norwegian Gene Technology Act

IC Industrie Canada

ICSA Institut canadien de la santé animale

IGF-1 Facteur de croissance analogue à l’insuline-1 LAD Loi sur les aliments et les drogues

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LCPE Loi canadienne sur la protection de l’environnement

LES Liste extérieure des substances LIS Liste intérieure des substances

LRR Luzerne Roundup Ready

LSA Loi sur la santé des animaux

NBAB Norwegian Biotechnology Advisory Board (Conseil consultatif norvégien de la biotechnologie)

NDNM Norwegian Directorate for Nature Management (Direction norvégienne pour la gestion de la nature)

NSCFS Norwegian Scientific Committee for Food Safety (Comité scientifique norvégien pour la sécurité des aliments)

NSW New South Wales (Nouvelle-Galles du Sud)

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OGM Organisme génétiquement modifié

OIE Organisation mondiale de la santé animale OMC Organisation mondiale du commerce OMS Organisation mondiale de la santé ORD Organisme de règlement de différends

OTC Accord sur les obstacles techniques au commerce OVGM Organisme végétal génétiquement modifié

OVM Organisme vivant modifié PDN Présentation de drogue nouvelle PES Principe d’équivalence substantielle

PLC Producteurs laitiers du Canada (Dairy Farmers of Canada) POC Pêches et Océans Canada

PoGM Poissons génétiquement modifiés

PRRA Programme de recherche sur la réglementation de l’aquaculture QMM Quota de mise en marché

RAD Règlement sur les aliments et drogues R-D Recherche et développement

RRSN–O Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes)

SAGyP Secretaría de Agricultura, Ganadería y Pesca (Secrétariat de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche)

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SC Santé Canada

SCB Stratégie canadienne de la biotechnologie

SENASA Servicio Nacional de Sanidad y Calidad Agroalimentaria (Service national de santé et de qualité agroalimentaire)

SIC Stratégie d’innovation du Canada

SNC Syndicat national des cultivateurs (National Farmers Union) SPS Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires STbr Hormone somatotropine bovine recombinante

TAMP Techniques d’assistance médicale à la procréation TNCS Transfert de noyaux de cellules somatiques TRCV Tables rondes sur la chaîne de valeur UBA Unité de biotechnologie animale

UE Union européenne

UEE Unité d’évaluation environnementale USDA United States Department of Agriculture VCN Végétal à caractère nouveau

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont accompagnée lors de cette étape de ma vie. Vous toutes m’avez donné de bonnes raisons de persévérer dans l’accomplissement de ce projet. À tous et à toutes, mille mercis…

À Dieu, qui m’a donné la force et l’enthousiasme de me lever chaque matin avec les meilleures intentions pour faire avancer mon travail et surmonter tous les défis qui se sont présentés en cours de route;

À Mme Lyne Létourneau, dont les conseils et critiques ont toujours été appropriés, qui s’est montrée disponible pour discuter avec moi, qui m’a mise au défi continuellement et qui m’a soutenue tout au long de mon doctorat. Merci de votre enseignement, de vos grandes qualités humaines et de vos mots d’encouragement et de soutien;

À M. Steve Jacob, pour m’avoir orientée. Vos conseils m’ont permis d’améliorer ce travail;

À M. Georges Azzaria et Mme Marjolaine Caron, pour votre collaboration et votre accompagnement, qui ont permis d’assurer le bon déroulement de mes études;

À ma mère, pour son amour inconditionnel;

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À Philippe Chang, pour son amour, sa gentillesse et toutes ces heures où il a renoncé à lui-même pour m’aider à mener ce travail à bon port;

À Elisabeth Chang, Marie-Thérèse et Gérard Lemay, pour votre encouragement continu, votre compagnie et votre intérêt pour ce travail;

À Marinella Valencia pour son amitié et toute son affection, pour m’envoyer tous les jours des bénédictions et pour prendre le temps de me souhaiter chaque semaine des jours remplis de joie et de beaux moments;

À tous mes collègues de l’ancien « Bunker » et du nouveau « Bunclair », pour leurs conseils, leur soutien, pour s’être toujours montrés disponibles pour discuter et me faire part de leurs opinions les plus sincères. Vous serez toujours dans mes pensées et mes prières.

Aux fonctionnaires fédéraux qui ont accepté de nous rencontrer et de partager avec nous leur expérience ;

Aux réseaux EmbryoGÈNE et Aquaculture Québec ainsi qu’à l’Institut d’éthique appliquée de l’Université Laval, pour leur confiance et leur soutien financier et pour m’avoir permis de profiter de cette expérience universitaire interdisciplinaire ;

Enfin, à mes amis d’ici et de la Colombie, pour m’avoir accompagné le long de ce chemin avec leurs prières et leurs bons vœux.

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INTRODUCTION

Les connaissances scientifiques contribuent à la prise de décisions publiques à travers l’expertise scientifique et cette contribution a été reconnue depuis longtemps en science et en philosophie politique1. Beck signale à cet égard que la rationalité de la science « a toujours su trouver des solutions à tous les problèmes2 ». Les décideurs publics3 se sont ainsi servis du savoir et de la légitimité de ces connaissances « pour fonder des décisions sur des questions discutées dans le champ politique4 », notamment lorsque un choix s’impose dans le but de résoudre un problème technique qualifié de public. Toutefois, la relation entre la science et la politique, et plus particulièrement la contribution de la science à la prise de décisions, fait actuellement face à une crise qui peut être étudiée de deux angles différents. D’abord, d’un point de vue systémique ou « macro », l’incertitude liée à l’identification des risques à long terme des nouvelles découvertes technoscientifiques a déclenché une demande de participation accrue du public dans la prise de décisions. L’objectif visé par une telle participation est notamment de faciliter la prise en compte des préoccupations sociétales5 de manière concomitante aux considérations scientifiques. Toutefois, à

1 Jasanoff signale à ce sujet que « Regulatory problems demanding cooperation between scientists and public

officials have been part of the political agenda in the industrialized countries for well over a century. The industrial revolution brought in its wake a variety of health, safety and environmental problems that required legislative or judicial

2 U. BECK, La société du risqué. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Flammarion, 2008, p. 83.

3 Dans l’introduction, le terme « décideur » sera utilisé pour nommer de manière générale les fonctionnaires

responsables de décider de l’encadrement des nouvelles avancées technoscientifiques ainsi que les fonctionnaires responsables d’appliquer un cadre réglementaire à l’homologation ou à l’approbation d’une application ou d’un produit dérivé de ces avancées. De même, les expressions « décideur » et « fonctionnaire gouvernemental » seront employées indistinctement.

4 P.-B. JOLY, « La sociologie de l’expertise : Les recherches françaises au milieu du gré », dans O. BORRAZ, C.

GILBERT et P.-B. JOLY, Risques, crises et incertitudes : Pour une analyse critique, Cahiers du GIS Risques collectifs et situation de crise, no 3, Grenoble, MSH Alpes, mars 2005, p. 118.

5 L’expression « préoccupations sociétales » (societal concerns) réfère à l’ensemble des considérations éthiques,

sociales, économiques et démocratiques que suscitent dans nos sociétés les progrès récents de la science et de la technique. Elles sont aussi désignées à l’occasion sous le nom de « considérations non scientifiques ». S’ajoute la dénomination « considérations socioéconomiques » qui, tout en excluant les dimensions démocratiques de la

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  2  

ce jour, une telle demande n’a pas trouvé écho dans les cadres réglementaires6. De surcroît, ces préoccupations sociétales ne sont pas considérées par les fonctionnaires gouvernementaux comme un des éléments à tenir compte dans la prise de décisions – que celles-ci portent sur l’élaboration ou l’application d’un cadre réglementaire. Un des obstacles rencontrés pour y arriver est la philosophie enracinée dans la pensée des décideurs à l’effet que toutes les décisions doivent être fondées sur des faits scientifiques objectifs et neutres7.

Ensuite, d’un point de vue individuel ou « micro », un affrontement continuel existe entre les scientifiques et les profanes en ce qui concerne les critères d’identification de ce qui constitue un risque. Alors que les scientifiques associent le risque à tout événement négatif susceptible d’être mesuré empiriquement à travers des outils de prédiction, les profanes envisagent le risque comme tout fait susceptible de mettre en danger les valeurs sociales ou culturelles. L’affrontement concernant la représentation du risque entre ces deux groupes d’acteurs possède une autre facette. Il s’agit de la sphère à l’intérieur de laquelle se déploie le risque. Si pour les scientifiques le risque se réduit aux impacts négatifs pour la santé humaine et animale ainsi que l’environnement, les profanes élargissent la définition du risque à tous les domaines de la vie humaine, animale et environnementale susceptibles d’être affectés. Mentionnons à titre d’exemples, l’économie, l’égalité intergénérationnelle, la diversité génétique, la sécurité alimentaire et la justice sociale. De ce fait, les profanes considèrent que le risque ne doit pas être perçu de manière abstraite mais réelle, car « ils doivent s’[en] accommoder dans leur existence quotidienne »8. Devant l’impossibilité de réconcilier ces deux représentations opposées du risque, les fonctionnaires gouvernementaux se retrouvent contestation entourant le développement technoscientifique, est néanmoins utilisé par souci de concision en référence aux préoccupations éthiques, sociales et économiques. Pour les fins de ce document, nous utiliserons ces trois termes comme des termes synonymes.

6 K. W. ABBOTT, « Introduction: The Challenges of Oversight for Emerging Technologies » dans G. E. MARCHANT,

K. W. ABBOTT et B. ALLENBY (dir.), Innovative Governance – Models for Emerging Technologies, Cheltenham (UK), Edward Elgar, 2013, p. 11.

7 Jasanoff signale que le problème est que « modern institutions still operate with conceptual models that seek to

separate science from values, and that emphasize prediction and control at the expense of reflection and social learning. Not surprisingly, the real world continually produces reminders of the incompleteness of our predictive capacities […] ». Dans S. JASANOFF, « Technologies of Humility: Citizen Participation in Governing Science », Minerva, vol. 41, no 3

(2003), p. 243.

8 P.-B. JOLY, « Les OGM entre la science et le public? Quatre modèles pour la gouvernance de l’innovation e des

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devant une impasse difficile à résoudre.

Les dimensions systémique et individuelle de la relation entre la science et la politique correspondent aux deux côtés d’une même médaille. Alors que le premier aspect réclame la création d’espaces facilitant une participation accrue du public dans la prise de décisions, le deuxième requiert la prise en compte de considérations autres que scientifiques au moment de décider de ce qui constitue un risque. Or, comme nous l’avons mentionné, la participation du public vise justement à élargir la discussion à un ensemble de considérations autres que strictement scientifiques. Cependant, ces deux dimensions et les tensions qu’elles soulèvent dans leur sillon respectif mettent en évidence l’existence d’un problème beaucoup plus important : l’incapacité du système réglementaire et du gouvernement à gérer de manière appropriée les préoccupations sociétales qui accompagnent la prise de décisions dans des domaines où l’incertitude empêche de connaître les risques à long terme et où le pouvoir de transformation de la science et de la technique soulève des enjeux éthiques, sociaux, économiques et démocratiques. Cette incapacité a trait tant à l’élaboration d’un cadre réglementaire qu’à son application. Les fondements à l’origine de chacune de ces dimensions seront expliqués en détail dans la partie suivante.

A. La crise systémique de la relation entre la science et la politique : La difficulté d’opérationnaliser la participation du public

Dans le processus décisionnel, les connaissances scientifiques ont été utilisées couramment comme un mécanisme pour légitimer une décision déjà prise ou encore comme un mécanisme pour déterminer la décision à prendre. Dans ces deux cas, la science est présentée comme objective, neutre et libre de l’influence du contexte social ou politique dans lequel elle est utilisée. La science est en outre perçue comme l’élément capable de livrer « a conclusive solution to our knotty policy

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  4  

problems »9. De ce fait, le public est resté en marge du processus décisionnel en raison de ses connaissances limitées ou insuffisantes pour contredire ou proposer des solutions différentes de celles formulées par les experts scientifiques10. De même, les préoccupations du public ont été maintenues en dehors de ce processus en raison de l’impossibilité de les démontrer à traves des preuves empiriques. Jasanoff mentionne en effet qu’un processus administratif « structured according to the rule of law depreciates views that cannot be supported by legally accepted forms of proof, such as empirical observations or published scientific authorities »11.

Le fait d’avoir recours à la science pour légitimer une décision déjà prise est reconnu comme modèle décisionnel. Ce modèle se distingue par le fait que la prise de décisions ne se réalise pas nécessairement à partir d’un fondement rationnel, mais qu’elle est d’abord et avant tout guidée par la volonté du décideur. Les connaissances scientifiques sont alors subordonnées à l’atteinte d’objectifs politiques poursuivis par les décideurs, qui peuvent librement accepter ou refuser les recommandations des experts scientifiques12. En fait, le recours à l’expertise scientifique peut ici être qualifié d’instrumental, car il est utilisé comme un mécanisme de légitimation servant à justifier, grâce aux recommandations scientifiques, une décision préalablement prise au niveau politique13. Ce modèle est à l’origine de l’expression « politisation du scientifique ».

Dans le deuxième cas, c’est-à-dire lorsque l’expertise détermine la décision à prendre, le modèle est qualifié de technocratique. Dans ce modèle, les connaissances techniques des experts justifient ce qui doit être fait14. À la différence du modèle décisionnel précédent, dans le modèle technocratique, les décideurs cèdent leur pouvoir de décision aux experts scientifiques et adoptent

9 S. F. HALLER et J. GERRIE, « The Role of Science in Public Policy: Higher Reason, or Reason for Hire », Journal of Agricultural and Environmental Ethics, vol. 20, no 2 (2007), p. 140.

10 L. MANNOYER, « La légitimité par la science : Un défi pour la démocratie », HERMÈS, vol. 21 (1997), p. 161. 11 S. JASANOFF, loc. cit., note 1, p. 197.

12 P. HASSENTEUFEL, Sociologie politique: L’action politique, Paris, A. Collin, 2008, p. 202.

13 Id., p. 214; R. ENCINAS DE MUNAGORRI, « Quel statut pour l’expert? », Revue française d’administration publique, vol. 3, no 103 (2002), p. 380; P. LASCOUMES, « L’expertise : de la recherche d’une action rationnelle à la

démocratisation des connaissances et des choix », Revue française d’administration publique, vol. 3, no 103 (2002), p.

371.

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en conséquence un rôle plus secondaire dans la mesure où celui-ci se limite à entériner et exécuter les recommandations des experts15. Quant aux experts, ils franchissent la frontière du domaine de la science pour aller jouer un rôle prépondérant dans la sphère politique en s’appropriant la fonction des fonctionnaires gouvernementaux de déterminer les décisions qui doivent être prises16. Nonobstant ce rôle dans la sphère politique, il n’en reste pas moins que les recommandations des experts sont formulées en marge de toute influence politique et qu’elles agissent comme une contrainte à l’exercice politique qui s’ensuit17. Ce modèle est identifié par l’expression « scientifisation du politique ».

Dans les années 1990, la relation entre la science et la politique a commencé à être questionnée. Il en va de même des décisions fondées sur la science18. Cette interrogation est née dans la foulée de différentes crises scientifiques ayant eu des conséquences politiques notables. En effet, à diverses occasions, les recommandations des experts ont négligé ou ignoré les risques, d’où l’apparition de conséquences nuisibles pour la santé humaine ou l’environnement. Mentionnons à titre d’exemple les effets radioactifs de l’explosion de Tchernobyl, l’exposition à l’amiante, la transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) par du sang contaminé ainsi que la transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine (plus connue comme la « maladie de la vache folle ») par la consommation de viande contaminée. Lemaux signale plus particulièrement, dans le cas de la maladie de la vache folle, que « [t]he decisions made during [the bovine spongiform encephalopathy] controversy appeared to many to be based on political expediency rather than on

15 C. GRANJOU, « L’expertise scientifique à destination politique », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 114, no

1 (2003), p. 178; P. HASSENTEUFEL, op. cit., note 12, p. 203.

16 J. MEYNAUD, « Les techniciens et le pouvoir », Revue française de science politique, vol. 7, no 1 (1957), p. 27.

Voir aussi C. GRANJOU, loc. cit., note 15, p. 176; U. BECK, op. cit., note 2, p. 385.

17 S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 224 et 225.

18 En effet, la contribution de la science à la prise de décisions a été remise en question par les décideurs, le public

ainsi que certains experts scientifiques. Les décideurs affirmaient que les recommandations des experts les avaient conduits à prendre de mauvaises décisions, notamment en raison de l’impossibilité pour les scientifiques de fournir des réponses claires. Le public se questionnait à son tour sur la manière dont la compétence des experts était déterminée en même temps qu’il se méfiait du fait que les recommandations des experts pouvaient être compromises par des intérêts économiques et de pouvoir. Finalement, des experts scientifiques eux-mêmes argumentaient que les connaissances scientifiques servant de fondement aux recommandations n’étaient pas, dans plusieurs cas, homogènes ou acceptées à l’unanimité. Dans P. LASCOUMES, loc. cit., note 13, p. 369 et S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 229.

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public safety concerns19 ». Cette situation a entraîné une prise de conscience du fait que la science n’est pas apolitique et que sa contribution à la prise de décisions exige que des réponses claires soient fournies aux décideurs. Or, ces réponses ne proviennent pas de recherches scientifiques plus poussées mais du simple jugement des experts20. Haller et Gerrie soulignent ainsi que « [w]hen science is called upon to serve political or legal ends, it must adapt itself to the requirements of the political process, which requires decisive judgements »21. Il en résulte que la division proposée traditionnellement entre la production de connaissances scientifiques, neutres et objectives, et la prise de décisions en tenant compte de ces connaissances n’est qu’une fiction22.

Les crises scientifiques pointées ci-dessus ont également mis en lumière le fait que la science ne peut fournir que des réponses partielles23 en raison de l’incertitude qui empêche de préciser les conséquences à long terme d’une activité. Pensons par exemple à l’identification des risques à long terme des nouvelles avancées technoscientifiques telles que le développement d’une résistance aux antibiotiques, la disparition d’espèces indigènes ou l’augmentation du taux de différents types de cancer. Même si la réalisation de recherches plus avancées a été proposée pour pallier cette incertitude, des questions sans réponse claire subsistent à ce jour. De ce fait, trois limites à l’utilisation des connaissances scientifiques dans la prise de décisions ont été identifiées24. Tout d’abord, comme les experts concentrent leur attention sur ce qui est connu en présentant aux décideurs leur analyse comme étant rigoureuse et complète, ils occultent tous les autres aspects (sociaux, économiques ou éthiques) qui font partie du risque, mais qui n’appartiennent pas à leur domaine d’expertise. L’argument le plus utilisé pour justifier une telle approche consiste à dire que ces « autres aspects » dépassent les limites de leurs compétences. Deuxièmement, les experts obstruent la discussion sur les questions normatives en créant des barrières à l’encontre de toute

19 P. G. LEMAUX, « Impact of Public Perception on Regulatory Policy for Agricultural Biotechnology », présenté lors

du Scientific Session au Nara International Symposium, Nara, novembre 1998. En ligne http://ucbiotech.org/ resources/biotech/talks/regul/NARASCI.HTML [Consulté le 14 janvier 2014].

20 S. F. HALLER et J. GERRIE, loc. cit., note 9, p. 144. 21 Id., p. 143.

22 Id.

23 A. M. WEINBERG, « Science and Trans-Science », Minerva, vol. 10, no 3 (1972), p. 209. 24 S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 238 et 239.

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position qui ne s’exprime pas en termes scientifiques, et ce, même si une telle discussion est légitime. Finalement, les experts sont difficilement capables de tirer des leçons de situations de crise sur des aspects autres que ceux en lien avec leurs hypothèses scientifiques. Autrement dit, les experts sont incapables d’internaliser les « challenges that arise outside their framing assumptions »25.

Le fait que la science ne soit pas apolitique et qu’elle ne puisse fournir que des réponses partielles réside à la source du problème auquel fait face l’approche traditionnelle de la prise de décisions fondée sur la science. Tel que Jasanoff l’explique : « [i]f it is seen that science cannot provide definitive answers to questions about risk, then policy-makers cannot fall back on unassailable technical justification of their regulatory choices »26. Dès lors, les décideurs doivent recourir à d’autres éléments pour prendre une décision. Ils peuvent par exemple s’appuyer sur la mission et les objectifs qui justifient l’existence même de l’organisme gouvernemental auquel ils appartiennent. Toutefois, cette option n’est pas libre des critiques. Comme Jasanoff le mentionne « the administrative discretion leaves decision-makers vulnerable to charges of using science in arbitrary and capricious ways »27.

Il est de plus en plus reconnu que même les décisions techniques doivent devenir plus politiques28 et que, pour ce faire, des considérations autres que scientifiques doivent être prises en compte au moment de définir le risque29. Ces autres considérations prennent une valeur considérable en matière d’aliments dérivés de la biotechnologie (ADB). Comme Fischler l’indique : «nous ne consommons pas tout ce qui est biologiquement comestible, [ou, en d’autres mots,

25 Id., p. 239.

26 S. JASANOFF, loc. cit., note 1, p. 225. 27 Id.

28 S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 225. Jasanoff ajoute sur ce point que : « Across a widening range of policy

choices, technological cultures must learn to supplement the expert’s preoccupation with measuring the costs and benefits of innovation with greater attentiveness to the politics of science and technology ».

29 C. MARRIS, « OGM : comment analyser les risques? », Biofutur, vol. 195 (1999), p. 44. Cette affirmation est de

plus en plus vraie si l’on tient compte du fait que le progrès dans nos sociétés comporte inéluctablement la production de risques. Dans U. BECK, op. cit., note 2, p. 35. Dans des tells conditions, Jasanoff considère que le problème qui se pose est donc de savoir comment vivre démocratiquement et en paix avec la connaissance que nos sociétés sont inévitablement « en risque ». Dans S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 223.

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sécuritaire de manger parce que] tout ce qui est biologiquement mangeable n'est pas culturellement comestible30 ». L’idée que les expériences, les connaissances et les préoccupations du public doivent jouer un rôle dans la prise de décisions a ainsi commencé à gagner en pertinence et en popularité. Devant les risques incertains et inconnus, la prise de décisions doit tenir compte des « valeurs sociales qui s’avèrent irréductibles à toute expertise scientifique »31.

Cette incertitude soulève en outre un ensemble de questions normatives qui peuvent difficilement être résolues par les experts scientifiques32 : « How to live democratically and at peace with the knowledge that our societies are inevitably “at risk”? » « Is it sufficient […] to assess technology’s consequences, or must we also seek to evaluate its aims? » « How should we act when the values of scientific inquiry appear to conflict with other fundamental social values? » « Has our ability to innovate in some areas run unacceptably ahead of our powers of control? » « Will some of our most revolutionary technologies increase inequality, promote violence, threaten cultures, or harm environment? »

En réponse aux critiques ci-dessus présentées, un nouveau modèle de la contribution de l’expertise scientifique à la prise de décisions a vu le jour. Il s’agit du modèle pragmatique. Ce modèle envisage le rôle des experts comme n’étant plus celui de justifier ou d’imposer les décisions à prendre, mais celui de faciliter la discussion entre les différents acteurs politiques. Par la discussion, il est admis que ce qui peut être considéré comme un risque sera identifié et qu’il en va de même du type de mesures devant être mises en place pour réduire ou minimiser le risque advenant son avènement. Le rôle des experts contribuant à la prise de décisions change ainsi de communicateurs de faits vérifiables ou fournisseurs d’information spécialisée à un groupe de personnes avec l’habilité de soupeser différents types de connaissances, et de juger de l’incertitude qui accompagne les nouvelles avancées technoscientifiques en tenant compte du meilleur intérêt du public. Dans un tel contexte, Jasanoff mentionne que ce qui devient important n’est plus de savoir

30 C. FISCHLER, L’Homnivore – Le goût, la cuisine et le corps, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 31.

31 P. VAN GRIETHUYSEN, « Le principe de précaution : quelques éléments de base », Les Cahiers du RIBios, vol. 4

(2004), p. 40.

32 S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 224 et 225. Dans le même sens F. RUDOLF, « Deux conceptions divergentes de

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quelles connaissances scientifiques sont acceptables ou mieux fondées d’un point de vue technique, mais de savoir quelles recommandations le public devrait accepter comme crédibles et fiables33.

Ce modèle pragmatique s’apparente dans ses grandes lignes, avec ce que Jasanoff dénomme les « technologies de l’humilité » (technologies of humility). En effet, le modèle pragmatique insiste sur la nécessité « to come to grips with the ragged fringes of human understanding – the unknown, the uncertain, the ambiguous, and the uncontrollable »34. Jasanoff souligne à cet égard ce qui suit :

Acknowledging the limits of prediction and control, technologies of humility confront “head-on” the normative implications of our lack of perfect foresight. They call for different expert capabilities and different forms of engagement between experts, decision makers, and the public than were considered needful in the governance structures of high modernity. They require not only the formal mechanisms of participation but also an intellectual environment in which citizens are encouraged to bring their knowledge and skill to bear on the resolution of common problems35.

L’expertise scientifique perd ainsi le monopole qu’elle a détenu au cours des dernières décennies pour devenir un critère dont il faut tenir compte parmi beaucoup d’autres. À cet égard, la participation accrue du public est envisagée comme un outil fondamental dans la détermination de ce qu’est un risque et la gestion de l’incertitude en matière d’avancées technoscientifiques36. Toutefois, les systèmes réglementaires, et plus concrètement les fonctionnaires gouvernementaux, semblent avoir de la difficulté à opérationnaliser en pratique ce qui a été reconnu comme étant un besoin important au plan théorique. Différentes considérations peuvent expliquer cette difficulté ou, à tout le

33 S. JASANOFF, « Judgement Under Siege: The Three-Body Problem of Expert Legitimacy », dans S. MASSEN et

P. WEINGART (ed.), Democratization of Expertise? Exploring Novel Forms of Scientific Advice in Political

Decision-Making – Sociology of the Sciences, vol. 24 (2005), p. 211. 34 S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 227.

35 Id. Jasanoff affirme également que les « technologies of humility » peuvent compléter l’information provenant des

connaissances scientifiques en rendant apparente la possibilité de conséquences imprévues, en explicitant les questions normatives qui se dissimulent parmi les aspects techniques et en reconnaissant dès le début l’importance de tenir compte de différents points de vue et d’apprendre collectivement. Pour ce faire, elle identifie quatre points focaux sur lesquels les « technologies of humility » doivent se concentrer : l’encadrement du problème, un meilleur ciblage des groupes ou personnes vulnérables à travers des indicateurs socioéconomiques plutôt que des indicateur physiques ou biologiques, la manière dont la distribution des conséquences éthiques, sociales et économiques d’une nouvelle avancée technoscientifique peut se produire dans une société et la création d’espaces à travers lesquels les sociétés puissent collectivement refléter leurs différentes expériences et évaluer les faiblesses et les points forts de diverses explications relatives à un sur un événement. Dans S. JASANOFF, loc. cit., note 7, p. 240-242.

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moins, le manque d’enthousiasme observé vis-à-vis la participation du public. Par exemple, le moment qui est généralement établi en vertu de la loi pour la participation du public ne facilite guère celle-ci. Dans certains cas, tel qu’il sera démontré dans le chapitre portant sur les composantes manifestes du rapport à l’autorité, ce moment est extrêmement tardif, la décision ayant en fait déjà été prise. Il s’ensuit dans ce cas que la participation du public ne reste que « formelle » ou apparente puisqu’aucune opinion ou considération de sa part ne pourra pas être intégrée de manière réelle à la décision. Dans un autre ordre d’idées, Jasanoff mentionne que la participation du public n’implique pas nécessairement l’amélioration de la prise d’une décision. En effet, il est possible que des positions fortement opposées polarisent le débat ou que les tensions existant entre les différents acteurs soient exacerbées. Dans ce cas, le débat est susceptible de rester enfermé dans un cercle vicieux, sans possibilité d’avancer vers la construction d’une position concertée37.

En sus de la difficulté d’opérationnaliser la participation du public dans la prise de décisions, un autre problème se soulève. Il s’agit de l’impossibilité de matérialiser la prise en compte des préoccupations sociétales, et ce, que ce soit lors de l’élaboration d’un cadre réglementaire ou lors de son application, c’est-à-dire au moment de l’approbation ou de l’homologation d’une application ou produit dérivé de la biotechnologie. S’ajoute enfin, advenant malgré tout la prise en compte de telles préoccupations, l’obstacle consistant en la difficulté de trouver un accord entre les différences individuelles existant entre les scientifiques et les profanes au moment de déterminer les critères pour identifier ce qu’est un risque et les domaines d’activité où les risques doivent être analysés.

B. La relation entre la science et la politique dans sa dimension micro : les différences individuelles entre les critères de détermination des risques

Le modèle pragmatique ouvre la voie, du moins en théorie, à la considération des préoccupations sociétales. D’une manière générale, celles-ci reflètent en effet différentes perceptions

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de ce qui peut être considéré comme un risque. Lorsque nous parlons de risque, il faut tenir compte du fait que la perception du risque et de ses conséquences varie significativement selon la personne qui l’évalue. L’approche psychométrique développée par Slovic38 avance qu’une dichotomie de pensées ou un affrontement de rationalités existe particulièrement au moment où les « scientifiques » et les « profanes » doivent se prononcer sur un risque concret. Cette tension est à l’origine de deux représentations vis-à-vis du risque : la représentation du risque des scientifiques et la représentation du risque des profanes. Cette dernière tend à contester l’identification des risques faite par les scientifiques.

1. La représentation du risque des scientifiques

Les scientifiques perçoivent le risque comme un événement négatif ou non voulu, dont la probabilité d’occurrence peut être quantifiée à l’aide d’outils statistiques39. Le rôle du scientifique est donc de quantifier les risques d’une manière objective, c’est-à-dire indépendamment de facteurs subjectifs ou sociaux40, ainsi que de déterminer les mécanismes les plus appropriés pour les réduire autant que possible41.

38 P. SLOVIC, « Perception of Risk », Science, vol. 236 (1987), p. 280-285; P. SLOVIC, « Perception of Risk:

Reflections on the Psychometric Paradigm », dans S. KRIMSKY et D. GOLDING (dir.), Social Theories of Risk, Westport, CT, Londres, Praeger, 1992, p. 117-152; P. SLOVIC, « Trust, Emotion, Sex, Politics, and Science: Surveying the Risk-Assessment Battlefield », Risk Analysis, vol. 19, no 4 (1999), p. 689-701.

39 N. MÖLLER, « The Concept of Risk and Safety », dans S. ROESER et col. (dir.), Handbook of Risk Theory,

Springer, Dordrecht, 2012, p. 57.

40 P. THOMPSON, Food Biotechnology in Ethical Perspective, The International Library of Environmental, Agricultural

and Food Ethics, vol. 10, 2e éd., Dordrecht, Springer, p. 93-94; J. O. ZINN (dir.), Social Theories of Risk and Uncertainty. An Introduction, Malden, MA, Blackwell Publishing Ltd., 2008, p. 29, p, 4-5; N. MÖLLER, op. cit., note 39, p. 57; G.

GASKELL et N. ALLUM, « Sound Science, Problematic Public? Contrasting Representations of Risk and Uncertainty »,

Notizie di politeia, vol. 17, no 63 (2001), p. 13-25. En ligne http://old.lse.ac.uk/Depts/lses/restricted/

literature/politeia/gaskell.pdf [Consulté le 10 janvier 2013].

41 J. HANSEN et col., « Beyond the Knowledge Deficit: Recent Research into Lay and Expert Attitudes to Food

Risks », Apetite, vol. 41, no 2 (2003), p. 112; N. MÖLLER, op. cit., note 39, p. 57; G. GASKELL, « Lessons from the

Bio-Decade: A Social Scientific Perspective », dans D. KENNETH et P. THOMPSON (dir.), What Can Nanotechnology Learn

from Biotechnology? Social and Ethical Lessons for Nanoscience from the Debate over Agrifood Biotechnology and GMOs, Food Science and Technology, International Series, 1re éd., Burlington, Academic Press, 2008, p. 243; J.-P.

POULAIN, Sociologies de l’alimentation. Les mangeurs et l’espace social alimentaire, Paris, Quadrige/Presses Universitaires de France, 2005, p. 81.

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La représentation du risque des scientifiques se concentre notamment sur l’évaluation des risques réels et actuels42. En matière d’ADB, ces risques se limitent principalement à la probabilité d’atteinte à la santé humaine ou animale (par exemple, l’atteinte des fonctions d’organes vitaux, ou la cause de maladies, d’infirmités, de blessures ou de la mort43), ainsi qu’à l’environnement (comme la dissémination non voulue de matériel génétique ou la disparition d’espèces sauvages ou indigènes). Lorsqu’un scientifique doit évaluer un nouvel ADB, il compare l’ADBet l’aliment conventionnel qui se trouve déjà sur le marché. La comparaison se fait à partir de différents tests scientifiques évaluant spécifiquement les caractéristiques toxicologiques et allergènes ainsi que la composition nutritionnelle des deux aliments. Elle tient également compte des conséquences nuisibles possibles que l’ADB ou ses résidus peuvent avoir une fois qu’ils sont disséminés dans l’environnement, et ce, selon les impacts déjà connus d’aliments équivalents. À partir des résultats, les scientifiques sont en mesure de conclure si l’ADB est aussi sécuritaire que son équivalent. Ce processus d’évaluation, connu sous le nom de principe d’«équivalence substantielle », se concentre donc sur le produit et non sur le processus de production44, comme l’a mentionné McHughen :

[S]cientists assert that hazards are associated with products, and that the process used to generate the product is irrelevant, that is, there may be several different processes that generate the same or very similar products. All of those similar products will carry the same risk and hazards profile even if the processes used to create the products are distinct45.

Une autre caractéristique de la représentation du risque des scientifiques est le fait que l’évaluation du risque est toujours liée au contexte. Celui-ci est composé de tous les faits établis objectivement à travers les preuves scientifiques, lesquelles prises ensemble permettent de décider des conditions d’utilisation d’une nouvelle avancée et de ses bénéfices46. Prenons l’exemple de l’utilisation de pesticides dans l’agriculture. Lorsque le scientifique est appelé à faire une telle

42 A. MCHUGHEN, « Learning from Mistakes: Missteps in Public Acceptance Issues with GMOs », dans D.

KENNETH et P. THOMPSON (dir.), What Can Nanotechnology Learn from Biotechnology? Social and Ethical Lessons

for Nanoscience from the Debate over Agrifood Biotechnology and GMOs, Food Science and Technology, International

Series, 1re éd., Burlington, Academic Press, 2008, p. 45. 43 P. THOMSPSON, op. cit., note 40, p. 94. 44 A. MCHUGHEN, op. cit., note 42, p. 45. 45 Id., p. 46.

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évaluation, il prendra en considération non seulement les bienfaits pour les agriculteurs, mais aussi les bénéfices que l’utilisation de pesticides peut apporter à la santé humaine et à l’environnement. Par exemple, sans l’utilisation de pesticides, les agriculteurs pourraient difficilement contrôler les insectes, les mauvaises herbes et certaines maladies propres aux plantes. En plus, l’agriculture, en général, pourrait être exposée à des risques importants comme l’invasion d’insectes47.

Le scientifique, lors de son évaluation du risque, considère ainsi que l’utilisation de pesticides en faibles doses peut contribuer à maîtriser les risques mentionnés et, en même temps, à rendre les aliments plus sécuritaires. En effet, l’utilisation de pesticides peut aider à diminuer les effets négatifs de la contamination à partir de vecteurs infectieux provenant d’insectes ainsi que l’infiltration de résidus chimiques toxiques provenant de sols contaminés, entre autres48. La prise en compte du contexte dans l’évaluation du risque de l’utilisation de pesticides dans l’agriculture a permis aux scientifiques de démontrer les effets positifs par rapport à sa non-utilisation et les effets en comparaison d’autres agents chimiques utilisés en agriculture ou avec des pesticides biologiques. L’analyse du contexte a également permis de fixer la dose la plus appropriée pour garantir que les pesticides n’auront pas d’effets nuisibles sur la santé humaine et animale ou sur l’environnement, tout en assurant leur efficacité.

Malgré la contribution de la représentation du risque des scientifiques, des critiques et des limites ont été soulevées. Mentionnons, à titre d’exemple, les contestations en lien avec la présumée « objectivité de l’évaluation ». Slovic signale, par exemple, que la probabilité du risque estimée par les ingénieurs nucléaires ou la probabilité sur le potentiel cancérigène d’un produit chimique est calculée à travers des modèles théoriques dont la structure est subjective. Les conclusions résultent d’un jugement lui aussi subjectif quant à la situation qui doit être considérée comme un risque, aux conséquences à inclure dans l’évaluation, aux conditions de l’exposition au risque et à la manière de

47 Id., p. 48.

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calculer les conséquences dans une population, entre autres49. Voici ce que Shrader-Frechette souligne à ce sujet :

[T]he assessment of probabilities is itself a value-laden procedure. […] Decisions about the reference population, the treatment or uncertainty and statistical procedures will affect the assessment of probability. [...] It is impossible to make such decisions apart from value judgements50.

Pendant longtemps, la représentation scientifique du risque a été perçue comme la plus indiquée pour guider la prise de décisions en matière d’évaluation des risques, comme il a été mentionné précédemment. Les partisans de cette approche considéraient que l’« objectivité» et la « neutralité » propres des sciences pures empêchaient que d’autres arguments « bidons » gagnent une place dans l’évaluation du risque. Comme le souligne Gaskell, « without a criterion of acceptable evidence and a basis for judging expertise, any claim from whatever source, including malicious sources, would have equal weight. And if this were the case then society could be at the mercy of Luddites and other fringe opinions »51.

La représentation scientifique du risque a posé le manque de connaissances scientifiques comme le problème à la base des divergences entre les scientifiques et les profanes52. Cette approche, connue comme le modèle du déficit de connaissances (knowledge deficit model53) permet d’accomplir deux objectifs. D’une part, les décideurs parviennent à prendre des décisions sur la base de l’évaluation du risque. D’autre part, les industries agroalimentaires peuvent considérer les craintes des consommateurs en matière d’organismes génétiquement modifiés (OGM) comme le résultat de leur incapacité à soupeser objectivement les bénéfices par rapport aux risques probables. Du point

49 P. SLOVIC, loc. cit., note 38, p. 690-691.

50 P. THOMPSON et W. DEAN, « Competing Conceptions of Risk », Risk: Health, Safety & Environment, vol. 7, no 4

(1996), p. 373.

51 G. GASKELL, op. cit., note 41, p. 245.

52 J. HANSEN et col., loc. cit., note 41, p. 111-112, 120.

53 Voir E. F. EINSIEDEL, « Understanding “Publics” in the Public Understanding of Science », dans M. DIERKES et

C. VON GROTE (dir.), Between Understanding and Trust. The Public Science and Technology, Amsterdam, Harwood Academic Publishers, 2000, p. 205-216; S. HILGARTNER, « The Dominant View of Popularisation: Conceptual Problems, Political Uses », Social Studies of Science, vol. 20 (1990), p. 519-539; A. IRWIN et B. WYNNE,

Misunderstanding Science? The Public Reconstruction of Science and Technology, Cambridge, Cambridge University

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de vue des décideurs et des industries agroalimentaires, les risques entourant les OGM, si risque il y a, sont insignifiants en comparaison aux bénéfices escomptés. La seule explication possible à la controverse publique soulevée par la commercialisation et la consommation des OGM réside alors dans une mauvaise compréhension des risques de la part du public54.

Pour pallier cette « déficience cognitive », les tenants de ce modèle ont justement proposé d’entreprendre des campagnes éducatives vis-à-vis des consommateurs. L’un des buts recherchés de ces campagnes est d’instruire les consommateurs en leur transmettant les connaissances nécessaires pour mieux comprendre les risques entourant une nouvelle avancée technoscientifique. Ces campagnes cherchaient également à encourager les consommateurs à accepter les évaluations des risques faites par les scientifiques en arguant qu’elles sont objectives, précises et correctes55.

Récemment, la contribution pratique du modèle du déficit de connaissances a été remise en question. De plus en plus, l’objet d’étude des recherches sur le risque a été déplacé de l’analyse des divergences entre les connaissances des scientifiques et celles des profanes vers une deuxième représentation du risque, que l’on qualifie de représentation du risque des profanes56. Cette nouvelle perspective de recherche est orientée non pas sur l’évaluation, mais plutôt sur la perception du risque par les profanes. Le but est donc de mieux comprendre comment les profanes perçoivent les risques et les arguments qui sous-tendent cette perception, étant donné qu’ils peuvent être en désaccord avec les scientifiques et les recommandations fondées sur la science pour des raisons différentes du manque de connaissances57. En fait, il est de plus en plus accepté que ce que chaque personne considère comme étant un risque « depends not just on knowledge but on sociocultural and individual values as well58 ».

54 G. GASKELL et col., « GM Foods and the Misperception of Risk Perception », Risk Analysis, vol. 24, no 1 (2004), p.

186.

55 J. HANSEN et col., loc. cit., note 41, p. 111. 56 Id.

57 H. P. PETERS, « From Information to Attitudes? Thoughts on the Relationship between Knowledge about Science

and Technology and Attitudes towards Technologies », dans M. DIERKES et C. VON GROTE (dir.), Between

Understanding and Trust. The Public Science and Technology, Amsterdam, Harwood Academic Publishers, 2000, p. 267,

279-282.

(36)

 

2. La représentation du risque des profanes

En vertu de la représentation du risque des profanes, la perception de ce qui constitue un risque se fait à travers une analyse qualitative orientée notamment par les valeurs sociales et culturelles préconisées par chaque personne, en plus de différents facteurs sociaux et économiques59. Le risque est alors un concept qui permet aux personnes de comprendre et de faire face à l’incertitude de la vie de tous les jours60. De même, lors de la construction de ce que les profanes perçoivent comme un risque, un poids important est accordé à la perception que la personne se fait des conséquences que l’avancée sous analyse peut causer61. Cette perception est appelée « risque perçu ».

En matière d’ADB, les profanes ne perçoivent pas les risques à travers une comparaison entre les risques de l’aliment conventionnel et ceux de l’ADB62. L’identification d’un risque, et du même coup l’absence de risque, se fait plutôt à travers leurs valeurs personnelles, leur vision du monde, leurs expériences, leur perception de ce qui est acceptable et inacceptable ainsi que de leurs croyances sur ce qui est mangeable. Cette identification ne repose pas nécessairement sur des fondements théoriques63. Thompson signale de fait que « [s]cientists tend to look and think along pragmatic, science-driven lines while non-scientists tend to think along ethereal, values-driven lines64 ».

La perception du risque des profanes, davantage subjective, est aussi plus sensible à la nature des conséquences qu’au calcul probabiliste d’occurrence des événements65. Gaskel et Allum affirment que « [f]or the public, the idea of reducing the potential dangers of biotechnology to known

59 J.-P. POULAIN, op. cit., note 41, p. 81; G. GASKELL, op. cit., note 41, p. 245. 60 P. SLOVIC, loc. cit., note 38, p. 690.

61 N. MÖLLER, op. cit., note 39, p. 60; P. SLOVIC, loc. cit., note 38, p. 691. 62 A. MCHUGHEN, op. cit., note 42, p. 47.

63 P. THOMPSON et W. DEAN, loc. cit., note 50, p. 361; G. GASKELL et col., loc. cit., note 54, p. 186; J. O. ZINN, op. cit., note 40, p. 26.

64 A. MCHUGHEN, op. cit., note 42, p. 45.

Figure

Tableau 1. Différences dans la représentation du risque de la part des scientifiques et des profanes
Figure 1. Les éléments de la CO et leur interaction
Figure 2. Étude des éléments de la CO
Figure 3. Résumé des éléments de la CO
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(1985) étudient 53 enfants hémiplégiques divisés en 3 groupes selon que la lésion est survenue dans la période prénatale, dans les 2 premiers mois de vie ou après 5 ans

Des approches plus « boîte noire » et statiques que les modèles épidémiologiques mécanistes dynamiques, mais typiquement dédiés à la gestion, telles que les budgets partiels

Capacité intrinsèque d’une substance à produire des effets délétères (toxiques) dans des conditions d’administration définies (espèce, voie d’administration, sexe,..)

En effet, non seulement l’”Essai sur les éléments de philosophie” n’est pas un ouvrage à proprement parler, puisqu’il constitue le quatrième volume