• Aucun résultat trouvé

Dans cette première partie du protocole de recherche, nous présenterons le cas qui fait l’objet de l’étude, en soulignant son importance et les objectifs que nous nous étions fixés.

a. Étude de cas

La CO des organismes fédéraux responsables de décider de l’homologation d’un ADB ou de ses sous-produits en vue de la consommation humaine au Canada constitue notre cas à l’étude. Ce cas est composé d’une unité d’analyse, soit les aliments nouveaux provenant d’animaux dérivés de la biotechnologie (ANADB) pour la consommation humaine. Lorsque nous parlons d’animaux dérivés de la biotechnologie, il faut comprendre les animaux suivants, sans s’y limiter :

(i) Les animaux issus du génie génétique ou génétiquement modifiés dans lesquels du matériel génétique a été ajouté, enlevé, neutralisé ou modifié pour influer sur l'expression de leurs gènes et de leurs caractères génétiques; (ii) Les clones d'animaux issus du transfert du noyau de cellules embryonnaires ou somatiques; (iii) Les animaux chimériques dans lesquels on a transplanté des cellules provenant d'un autre animal; (iv) Les hybrides interspécifiques obtenus par des méthodes in vitro; (v) Les animaux issus de techniques de culture in vitro, comme la maturation ou la manipulation d'embryons258.

Notre unité d’analyse est à la fois composée de deux sous-unités, à savoir les poissons génétiquement modifiés (PoGM) et les aliments dérivés d’animaux clonés (AdAc) (voir la figure 5). Les PoGM sont d’un intérêt spécial pour les organismes fédéraux en raison de la demande qu’AquaBounty Technologies a déposée auprès de la U.S. Food and Drug Administration (FDA) dans le but de commercialiser le saumon AquAdvantageMD259 à des fins de consommation humaine.

258 AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS, Directives de déclaration pour l'évaluation environnementale de l'usage de la biotechnologie animale chez les animaux d'élevage. Ces directives ont été archivées

par Bibliothèque et Archives Canada. Leur contenu peut toutefois être consulté en ligne à l’adresse suivante :

http://epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/cfia-acia/2011-09-21/www.inspection.gc.ca/francais/anima/biotech/guidedirect f.shtml [Consulté le 12 mars 2013].

259 U.S. FOOD AND DRUG ADMINISTRATION, Genetically Engineered Salmon, Animal & Veterinary, Development

& Approval Process, Genetic Engineering. En ligne http://www.fda.gov/AnimalVeterinary/DevelopmentApprovalProcess/ GeneticEngineering/GeneticallyEngineered Animals/ ucm280853.htm [Consulté le 30 janvier 2013].

 

Actuellement, au Canada, Environnement Canada (EC) et Santé Canada (SC) ont autorisé la production et l’exportation d’œufs du saumon de l’Atlantique génétiquement modifié depuis le 23 novembre 2013260. Cette décision a été contestée auprès de la Cour fédérale par Ecology Action Centre et Living Oceans Society le 23 décembre 2013261. Toutefois, à ce jour, aucune décision n’a été prise de la part de SC en ce qui concerne la commercialisation des œufs de ce saumon ou du saumon génétiquement modifié lui-même pour la consommation humaine262. Quant aux AdAc, tout semble indiquer qu’aucune demande n’a été présentée jusqu’à ce jour au Canada. Cependant, cela ne pose pas de problème pour étudier cette sous-unité, car nous ne sommes nullement intéressées par la décision finale qui serait prise, mais plutôt par les facteurs susceptibles d’être retenus pour procéder à l’évaluation du risque et à la prise d’une décision le moment venu.

Le saumon AquAdvantage est un saumon génétiquement modifié qui atteint la taille requise pour sa mise en marché deux fois plus vite que son équivalent non génétiquement modifié, soit le saumon sauvage de l'Atlantique. Ce potentiel de croissance rapide provient de l’introduction de deux gènes : le premier gène lui confère une résistance au froid (antifreeze

protein), tandis que le deuxième, provenant du saumon Chinook, augmente la production de l'hormone de croissance en

hiver (growth hormone). Dans U.S. FOOD AND DRUG ADMINISTRATION, AquAdvantage Salmon – Draft Environmental

Assessment, préparé par le Center for Veterinary Medicine, mai 2012, p. 1, 5. En ligne http://www.fda.gov/downloads/ AnimalVeterinary/DevelopmentApprovalProcess/GeneticEngineering/GeneticallyEngineeredAnimals/UCM333102.pdf?so urce=govdelivery [Consulté le 27 mai 2013].

260 GAZETTE DU CANADA, Avis de nouvelle activité no 16528 – ministère de l’Environnement, vol. 147, no 47 du 23

novembre de 2013. En ligne http://gazette.gc.ca/rp-pr/p1/2013/2013-11-23/html/notice-avis-fra.html [Consulté le 28 janvier 2014].

261 RÉSEAU CANADIEN D’ACTION SUR LES BIOTECHNOLOGIES, Non au saumon OGM. En ligne http://rcab.ca/

Ressources/Topics/Non-au-saumon-OGM [Consulté le 28 janvier 2014].

262 B CHEADLE, « La production d’oeufs de saumon OGM contestée en cour », La Presse, 20 janvier 2014. En ligne

http://www.lapresse.ca/environnement/consommation/201401/20/01-4730601-la-production-doeufs-de-saumon-ogm- contestee-en-cour.php[Consulté le 28 janvier 2014]; RADIO-CANADA, « Des groupes contestent en cour la production d’œufs de saumons OGM », 20 janvier 2014. En ligne http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2014/01/20/ 001-groupes-environnementaux-contestent-production-oeufs-saumons-ogm.shtml [Consulté le 28 janvier 2014].

Figure 5. Schématisation de notre étude de cas

Les PoGM et les AdAC ont été retenus dans le cadre de ce projet en raison de leur actualité. Les PoGM ont été les tous derniers animaux génétiquement modifiés dont une demande a été présentée auprès des organismes fédéraux afin d’obtenir l’autorisation pour leur production. Bien que la demande formelle a été présentée seulement le 30 avril 2013263, certains évaluateurs du risque rencontrés lors des entrevues réalisées ont signalé qu’ils avaient rencontré auparavant des représentants d’AquaBounty afin de discuter sur l’information scientifique qui devait accompagner leur demande264. Avant cette demande, l’attention était sur les AdAc. De fait, comme il sera présenté postérieurement, SC a travaillé depuis quelques années à l’élaboration de lignes directrices qui pourraient être applicables à l’évaluation de l’innocuité de ces aliments. S’agissant de dossiers ayant récemment réclamé l’attention des organismes fédéraux, ils sont donc encore très présents dans la pensée des évaluateurs du risque et des décideurs ayant participé aux discussions relatives à l’homologation éventuelle de ces ADB. Or, comme nous l’expliquerons ci-après, nous avons mené, à titre de partie intégrante de ce projet, une série d’entrevues auprès d’évaluateurs du risque, de décideurs et d’interlocuteurs privilégiés, et ce, dans la perspective de mieux cerner la CO des

263 PÊCHES ET OCÉANS CANADA, Résumé de l’évaluation des risques pour l’environnement et des risques indirects pour la santé humaine posés par le saumon AquAdvantageMD. En ligne http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-

sccs/Publications/ScR-RS/2013/2013_023-fra.html [Consulté le 14 février 2014].

264 Entrevues 1 et 6.

Sous-unité d’analyse

Les aliments dérivés d’animaux clonés (AdAc)

Sous-unité d’analyse

Les poissons génétiquement modifiés (PoGM)

Étude de cas

Les organismes fédéraux responsables de décider de l’homologation d’un ADB ou de

ses sous-produits en vue de la consommation humaine au Canada

Unité d’analyse

Les aliments dérivés de la biotechnologie et leurs sous-produits

 

organismes fédéraux. Le caractère récent de ces dossiers a facilité notre collecte de données probantes, puisque la mémoire de ces personnes n’a pas été érodée par le passage du temps, ce qui nous a permis de cerner l’influence de certains facteurs qui auraient pu devenir relatifs ou évasifs au fil du temps.

b. Intérêt et importance de l’étude de cas

Ce projet de recherche s’aligne avec les réflexions actuelles portant sur l’intégration de considérations non scientifiques comme l’un des critères nécessaires au moment de décider de l’homologation d’un ADB ou de ses sous-produits. Différentes recherches en matière de politiques publiques relatives à la biotechnologie animale ont été menées. Cependant, les recherches à ce jour n’ont pas examiné quels sont les facteurs susceptibles d’agir comme catalyseurs ou inhibiteurs par rapport à l’intégration de CSE lors de l’évaluation des risques ou de l’homologation d’un ADB ou de ses sous-produits. Une révision approfondie de la littérature savante relative aux ADB permet de constater ce fait. En effet, les études se sont concentrées notamment sur des analyses comparatives qui tentent d’expliquer les différences entre les réglementations de différents pays265; les problèmes de compétence et de chevauchement entre les organismes responsables de décider de l’homologation de ces aliments266; l’historique des réglementations en vigueur267; l’application du principe de précaution268; les considérations environnementales et de santé humaine et animale dont les réglementations devraient tenir compte269; les approches réglementaires adoptées en matière de

265 À titre d’exemple : T. BERNAUER et E. MEINS, « Technological Revolution Meets Policy and the Market:

Explaining Cross-National Differences in Agricultural Biotechnology Regulation », European Journal of Political Research, vol. 42, no 5 (2003), p. 643-683; S. JASANOFF, « In the Democracies of DNA: Ontological Uncertainty and Political Order

in Three States », New Genetics and Society, vol. 24, no 2 (2005), p. 139-155.

266 À titre d’exemple : G. MANDEL, « Gaps, Inexperience, Inconsistencies and Overlaps: Crisis in the Regulation of

Genetically Modified Plants and Animals », William & Mary Law Review, vol. 45, no 5 (2004), p. 2167-2259.

267 À titre d’exemple : E. ABERGEL et K. BARRET, « Putting the Cart before the Horse: A Review of Biotechnology

Policy in Canada », Journal of Canadian Studies, vol. 37, no 3 (2002), p. 135-161.

268 À titre d’exemple : R. H. RICHMOND, « Environmental Protection: Applying the Precautionary Principle and

Proactive Regulation to Biotechnology », Trend in Biotechnology, vol. 26, no 8 (2008), p. 460-467.

269 À titre d’exemple : T. H. HOWARD, E. J. HOMAN et R. D. BREMEL, « Transgenic Livestock: Regulation and

Science in a Changing Environment », Journal of Animal Science, vol. 79, E. Suppl. (2001), p. E1-E11; H. P. S. KOCHHAR, G. ADLAKHA-HUTCHEON et B. R. EVANS, « Regulatory Considerations for Biotechnology-Derived Animals in Canada », Revue scientifique et technique (International Office of Epizootics), vol. 24, no 1 (2005), p. 117-125; H. P. S.

biotechnologie (réglementation sur le processus comparée à réglementation sur le produit)270; la perception du risque et les attitudes des consommateurs envers les OGM271; l’étiquetage obligatoire ou volontaire des produits ou sous-produits contenant des OGM272.

De plus, les recherches n’ont jamais exploré de front le rôle que la CO des organismes gouvernementaux responsables peut jouer dans la dynamique d’inclusion ou de mise à l’écart des CSE au moment de décider de l’homologation d’un ADB ou de ses sous-produits. En effet, à notre connaissance, c’est la première fois que le cadre théorique de la CO, utilisé principalement pour la compréhension de la culture des entreprises privées, a été appliqué au niveau gouvernemental dans le but d’identifier ou de mieux comprendre les traits caractéristiques de la CO des organismes fédéraux. Cela dit, certaines études réalisées sur la manière dont les fonctionnaires peuvent KOCHHAR, G. A. GIFFORD et S. KAHN, « Regulatory and Biosafety Issues in Relation to Transgenic Animals in Food and Agriculture, Feeds Containing Genetically Modified Organism (GMO) and Veterinary Biologics », Applications of

Gene-Based Technologies for Improving Animal Production and Health in Developing Countries, (2005), p. 479-498; P.

MOREAU et L. T. JORDAN, « A Framework for the Animal Health Risk Analysis of Biotechnology-Derived Animals: A Canadian Perspective », Revue scientifique et technique (International Office of Epizootics), vol. 24, no 1 (2005), p. 51-60. 270 À titre d’exemple : S. JASANOFF, « Product, Process, or Programme: Three Cultures and the Regulation of

Biotechnology », dans M. BAUER, Resistance to New Technology: Nuclear Power, Information Technology and

Biotechnology, Londres, London School of Economics and Political Science, 1995, p. 311-332; D. A. KYSAR,

« Preferences for Processes: The Process/Product Distinction and the Regulation of Consumer Choice », Harvard Law

Review Association, vol. 118, no 2 (2004), p. 525-642; C. RAMJOUÉ, « The Transatlantic Rift in Genetically Modified

Food Policy », Journal of Agricultural and Environmental Ethics, vol. 20, no 5 (2007), p. 419-436.

271 À titre d’exemple : C. POHL-NIELSEN, K. THIERFELDER et S. ROBINSON, « Consumer Preferences and Trade

in Genetically Modified Foods », Journal of Policy Modeling, vol. 25 (2003), p. 777-794; B. ROE et M. F. TEISl, « Genetically Modified Food Labelling: The Impacts of Message and Messenger on Consumer Perceptions of Labels and Products », Food Policy, vol. 32 (2007), p. 49-66; M. COSTA-FOND, J. M. GILL et W. B. TRAILL, « Consumer Acceptance, Valuation of and Attitudes Towards Genetically Modified Food: Review and Implications for Food Policy »,

Food Policy, vol. 33 (2008), p. 99-111.

272 À titre d’exemple : K. P. RIPPE, « Novel Foods and Consumer Rights: Concerning Foods Policy in a Liberal

State », Journal of Agricultural and Environmental Ethics, vol. 12, no 1 (2000), p. 71-80; P. B. THOMPSON, « Risk,

Consent and Public Debate: Some Preliminary Considerations for the Ethics of Food Safety », International Journal of

Food Science & Technology, vol. 36, no 8 (2001), p. 833-843; A. PASCALEV, « You Are What You Eat: Genetically

Modified Foods, Integrity, and Society », Journal of Agricultural and Environmental Ethics, vol. 16, no 6 (2003), p. 583-

594; K. HANSEN, « Does Autonomy Count in Favor of Labelling Genetically Modified Food? », Journal of Agricultural and

Environmental Ethics, vol. 17, no 1 (2004), p. 67-76; A. RUBEL et R. STREIFFER, « Respecting the Autonomy of

European and American Consumers: Defending Positive Labels on GM Foods », Journal of Agricultural and

Environmental Ethics, vol. 18, no 1 (2005), p. 75-84; C. MACDONALD et M. WHELLAMS, « Corporate Decisions about

Labelling Genetically Modified Foods », Journal of Business Ethics, vol. 75, no 2 (2007), p. 181-189; H. SIIPI et S.

UUSITALO « Consumers Autonomy and Sufficiency of GMF Labeling », Journal of Agricultural and Environmental Ethics, vol. 21, no 4 (2008), p. 353-369; V. BEEKMAN, « Consumer Rights to Informed Choice on the Food Market », Ethic Theory Moral Practice, vol. 11, no 1 (2008), p. 61-72.

 

répondre aux demandes de différents acteurs politiques constituent une source importante en raison notamment de la mise en lumière de certaines caractéristiques pouvant être assignées aux évaluateurs du risque ou aux décideurs273.

c. Objectifs

Ce projet de recherche poursuit deux objectifs principaux :

1. Identifier les traits caractéristiques les plus importants de la CO des organismes fédéraux responsables d’évaluer les risques et de prendre les décisions relatives à l’homologation d’un ADB (d’origine animal) ou de l’un de ses sous-produits au Canada.

2. Qualifier les caractéristiques identifiées de la CO des organismes fédéraux canadiens comme des facteurs susceptibles de promouvoir l’intégration de CSE ou d’y faire obstacle au moment de réaliser l’évaluation du risque d’un ADB ou de décider de son homologation.

2. Organismes fédéraux responsables de décider de l’homologation d’un ADB ou de