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C. Les initiatives réglementaires

1. Le cadre réglementaire norvégien : un cadre où des considérations éthiques sont prises en

En Norvège, le processus d’évaluation et d’homologation d’un OGM est encadré par l’Act No.

38 of April 2, 1993 relating to the Production and Use of Genetically Modified Organisms, etc., (Gene Technology Act, cité ci-après GTA-N97) ainsi que par les Regulations relating to impact assessment

pursuant to the Gene Technology Act (cités ci-après règlements concernant le GTA-N98). Ces deux dispositions normatives ont pour but de faire en sorte que la production, l’utilisation ou la dissémination d’OGM ou d’animaux clonés soient éthiquement justifiables et acceptables socialement99. Toutes les demandes d’homologation d’un ADB ou de ses sous-produits sont présentées auprès du ministère de l’Environnement100, qui dispose de 90 jours après la présentation de la demande pour prendre une décision101. Pour avoir un dossier complet, le promoteur est alors obligé de fournir au ministère toute l’information qu’il possède sur les cinq critères suivants : les risques probables ou conséquences négatives sur la santé humaine et animale; les risques probables ou conséquences négatives pour l’environnement; les conséquences favorables ou défavorables pour la société; les conséquences relatives au développement durable et les considérations éthiques relatives à l’utilisation de l’OGM.

L’annexe 4 des règlements concernant le GTA-N inclut une liste d’informations à fournir pour répondre aux cinq critères mentionnés précédemment102. Toutefois, selon les caractéristiques du produit qu’il cherche à faire homologuer, le promoteur n’est pas forcé d’apporter l’information pour

97 The Act Relating to the Production and Use of Genetically Modified Organisms (Gene Technology Act), Act No. 38

of 2 April 1993 (ci-après GTA-N). En ligne http://www.regjeringen.no/en/doc/laws/Acts/gene-technology-act.html? id=17303 [Consulté le 17 octobre 2012].

98 Regulations relating to impact assessment pursuant to the Gene Technology Act. Laid down by Royal Decree of 16 December 2005 pursuant to section 11, cf section 8, of the Act of 2 April 1993 No. 38 relating to the production and use of genetically modified organisms, etc (ci-après règlements concernant le GTA-N). En ligne http://www.regjeringen.no/en/ dep/md/documents-and-publications/acts-and-regulations/regulations/2005/regulations-relating-to-impact-assessmen.ht ml?id=440455 [Consulté le 17 octobre 2012].

99 GTA-N, sections 1, 10 et 11.

100 Règlements concernant le GTA-N, section 3. 101 Id., section 8.

 

chacun des items listés à l’intérieur des cinq critères énoncés dans cette annexe. En fait, l’annexe 4 précise que l’information à fournir dépend du type et de la nature de l’OGM ou de l’ADB, du type de dissémination demandée, de l’utilisation proposée, ainsi que des impacts possibles sur l’environnement au cas où la dissémination soit autorisée103.

Dans le cas des évaluations relatives à la santé humaine et à l’environnement, l’information que le promoteur doit fournir ne diffère pas grandement de l’information demandée dans d’autres pays. C’est pourquoi nous présentons ici les détails généraux de l’information que le promoteur doit fournir aux organismes gouvernementaux norvégiens en soulignant que le même type d’information est exigé dans les grandes lignes par les organismes gouvernementaux argentins et australiens. De manière générale, le promoteur doit mettre à la disposition du ministère de l’Environnement toute l’information dont il dispose sur les effets directs, indirects, immédiats, différés ainsi que cumulatifs que l’OGM peut causer sur la santé humaine ou sur l’environnement. Plus particulièrement, en matière de santé humaine, le promoteur est obligé de fournir les informations sur les risques probables que l’OGM ou ses sous-produits peuvent causer en raison de leur caractère pathogène; leur potentiel allergénique; la toxicité des nouvelles protéines que l’OGM exprime ou peut exprimer; la composition et la valeur nutritionnelle de l’OGM qui fait l’objet de la demande. Le promoteur doit également soumettre l’information disponible sur la stabilité génétique de l’OGM ainsi que les mesures adoptées ou pouvant être adoptées pour la maintenir; la possibilité de transfert des caractéristiques génétiquement modifiées à d’autres OGM ou à d’autres organismes; la possibilité que l’OGM active des virus endémiques ou puisse agir sur des agents pathogènes capables de répandre des maladies infectieuses; la possibilité que l’OGM développe une résistance aux antibiotiques104.

Quant à l’information sur les effets environnementaux, le promoteur est dans l’obligation de mentionner les écosystèmes susceptibles d’être affectés par la dissémination de l’OGM; les impacts que l’OGM aura sur la flore et la faune indigènes; les relations que l’OGM peut établir avec les

103 Id., annexes 1 et 2. 104 Id.

espèces végétales ou animales natives; l’impact que l’OGM peut avoir sur la fertilité et la dégradation des matériels organiques du sol; l’évaluation de la possibilité que des protéines toxiques ou allergènes soient produites en raison de la modification génétique. Le promoteur est également tenu d’accompagner sa demande de toute l’information dont il dispose sur le fait que la dissémination de l’OGM végétal ou animal n’aura pas un impact environnemental significativement différent ou plus important que celui causé par l’organisme homologue non génétiquement modifié105.

À la différence d’autres pays, la Norvège exige, en plus des informations scientifiques, d’autres informations sur l’impact que l’OGM peut avoir sur le développement durable, le bénéfice pour la société et sa convenance éthique106. Pour satisfaire au critère du développement durable, le promoteur doit joindre à sa demande des informations sur les bénéfices potentiels pour les grandes et petites fermes, les conséquences nuisibles probables sur la santé humaine et sur l’environnement des pays où l’OGM est cultivé, mais aussi dans les pays où il sera consommé107, ainsi que les effets sur les ressources renouvelables et non renouvelables108. Une importance spéciale doit aussi être accordée au fait que la satisfaction des besoins fondamentaux présents ne doit pas compromettre la possibilité des générations futures de satisfaire leurs propres besoins109.

Pour le critère du bénéfice pour la société, le promoteur doit considérer si l’OGM ou ses sous- produits offrent une solution à un problème social que les produits existants n’ont pu résoudre efficacement ou s’ils présentent des caractéristiques plus avantageuses que celles des produits équivalents qui se trouvent déjà sur le marché. De plus, le promoteur devra démontrer si la culture ou

105 Id.

106 L. LÉTOURNEAU, C. CARDENAS et V. RICHARD, « GM Foods Regulation: Coming to Terms with the Lay

Conception of Risk », Food Studies: An Interdisciplinary Journal, vol. 2, no 2 (2013), p. 18.

107 G. K. ROSENDAL, « GMO assessment in Norway: Societal utility and sustainable development », European Molecular Biology Organization, vol. 10, no 9 (2009), p. 940.

108 Règlements concernant le GTA-N, annexe 4, no VI.

109 NORWEGIAN DIRECTORATE FOR NATURE MANAGEMENT, The Norwegian Gene Technology Act and socio- economic considerations, Fact Sheet, 2011. En ligne http://www.biosafety-info.net/file_dir/17756658114f 0414b90724f.pdf

 

la commercialisation de l’OGM ou de ses sous-produits peuvent constituer une source de création de richesse ou d’emploi, notamment dans les zones rurales et dans d’autres pays110.

Aux fins de l’évaluation de la convenance éthique, le promoteur est tenu d’observer comment l’OGM ou ses sous-produits sont perçus au sein de la société norvégienne selon ses croyances, ses normes éthiques, ses valeurs sociales ainsi que ses idéaux de solidarité et d’équité111. L’information à fournir doit aussi faire état des conséquences nuisibles de l’approbation de l’OGM ou de ses sous- produits sur les communautés autochtones et les groupes vulnérables (tels que les femmes, les enfants et les personnes âgées)112. Finalement, l’évaluation de la convenance éthique exige du promoteur de prendre en compte les impacts que l’OGM ou ses sous-produits peuvent avoir sur la valeur intrinsèque donnée aux animaux, l’intégrité des espèces, le respect des barrières génétiques entre les espèces ainsi que la prévention de toute souffrance animale.

Le transfert d’informations correspondant à ces trois derniers critères au ministère de l’Environnement est obligatoire. En cas d’omission, les organismes gouvernementaux norvégiens peuvent demander au promoteur de les fournir ou de présenter des informations supplémentaires si celles qui avaient été présentées sont insuffisantes pour prendre une décision113. Cela a été le cas pour la demande d’homologation du maïs T25 résistant au glufosinate-ammonium de Bayer CropScience. Lors du processus d’approbation de ce produit, le ministère de l’Environnement et d’autres ministères ont demandé à Bayer CropScience d’apporter d’autres informations sur les effets du maïs T25 en matière de développement durable, d’avantages pour la société et de convenance éthique afin de compléter l’évaluation114. Dans la lettre envoyée à la compagnie, les organismes gouvernementaux norvégiens lui ont suggéré, afin de satisfaire à ces trois critères, de consulter les orientations consignées dans le rapport Sustainability, benefit to the community and ethics in the

110 Règlements concernant le GTA-N, annexes 1 et 2.

111 L. LÉTOURNEAU, C. CARDENAS et V. RICHARD, loc. cit., note 106, p. 19. 112 Règlements concernant le GTA-N, annexe 4,

113 Id., section 7.

114 DET KONGELIGE, MILJØVERNDEPARMENT, Carte dirigée à Bayer CropScience GmbH et signée par Birthe Ivars, Deputy Director General, and Birgitte Valen, Senior Adviser. En ligne http://www.bygdekvinnelaget.no/sites/.../2009 12brevmdtilba yer. docx [Consulté le 17 octobre 2012].

assessment of genetically modified organisms : The implementation of the concepts set out in Section 1 and 10 of the Norvegian Gene Technology Act, préparé par le Conseil consultatif norvégien

de la biotechnologie (Norwegian Biotechnology Advisory Board – NBAB).

Une fois que les organismes gouvernementaux ont vérifié que le dossier contient l’information nécessaire pour les cinq critères à évaluer, l’évaluation se fait individuellement et par étapes. Par exemple, si l’évaluation n’identifie pas de conséquences nuisibles pour la santé humaine, le processus d’évaluation continue à l’étape suivante, c’est-à-dire l’évaluation environnementale, et ainsi de suite. Si des conséquences défavorables sont identifiées à une étape en particulier, le processus s’arrête et le produit est refusé, comme le prévoit la section 9 des règlements concernant

le GTA-N115.

Différents organismes gouvernementaux sont responsables de faire chacune des évaluations. Le Comité scientifique norvégien pour la sécurité des aliments (Norwegian Scientific Committee for Food Safety – NSCFS) est responsable de l’évaluation des effets que l’OGM peut avoir sur la santé humaine et animale. Le NSCFS est aussi responsable de l’évaluation des risques des ADB, des aliments du bétail génétiquement modifiés ainsi que des produits dérivés ou contenant des OGM116. La Direction norvégienne pour la gestion de la nature (Norwegian Directorate for Nature Management – NDNM) réalise l’évaluation des impacts que la dissémination d’un OGM peut avoir dans l’environnement117. Finalement, le NBAB assume l’évaluation de l’impact que l’OGM peut avoir sur le développement durable, les bénéfices envisageables que la société pourrait en retirer et l’impact en matière d’éthique118.

115 Règlements concernant le GTA-N, section 9.

116 DIREKTORATET FOR NATURFORVALTNING, GMO Assessment in Norway as Compared to EU Procedures: Societal Utility and Sustainable Development, Utreding, mai 2009, p. 13.

117 NORWEGIAN DIRECTORATE FOR NATURE MANAGEMENT. En ligne http://english.dirnat.no/content/ 5000404

26/ About-us [Consulté le 27 novembre 2012].

118 BIOTEKNOLOGIMEMNDA. En ligne http://www.bion.no/english/ [Consulté le 27 novembre 2012]; NORWEGIAN

BIOTECHNOLOGY ADVISORY BOARD, Sustainability, Benefit to the Community and Ethics in the Assessment of

Genetically Modified Organisms: Implementation of the Concepts set out in Sections 1 and 10 of the Norwegian Gene Technology Act, 2e éd. révisée, 2009, p. 7. En ligne http://www.bion.no/filarkiv/2010/07/2009_11_18_ diskusjonsnotat_

 

La décision finale contient les éléments qui suivent : les conditions d’homologation; la période pour laquelle l’homologation est donnée; les conditions pour que le produit soit mis en marché; les conditions à respecter pour assurer la protection de certains écosystèmes ou zones géographiques; les conditions d’étiquetage à respecter; l’obligation pour le promoteur d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de surveillance et de contrôle119.

La GTA-N est étroitement lié aux directives et règlements de l’UE. Ainsi, tous les OGM approuvés par l’UE peuvent, initialement, entrer automatiquement sur le marché norvégien120. Toutefois, la Norvège, comme membre de l’Association européenne de libre-échange121, est autorisée à évaluer les OGM approuvés par l’UE avant leur arrivée au pays. En application du GTA- N et des réglementations concernant le GTA-N, la Norvège peut alors interdire ou limiter la commercialisation des OGM déjà approuvés non seulement s’ils représentent un risque pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement, mais aussi si le produit ne respecte pas les critères particuliers ayant trait à la convenance éthique, au bénéfice pour la société et au développement durable122.

En 1997, les dispositions communautaires permettaient aux ministres norvégiens de l’Environnement, de la Santé, des Affaires Sociales et de l’Agriculture de recommander la non- dissémination en milieu ouvert de quatre plantes génétiquement modifiées123. Les ministres

119 Règlements concernant le GTA-N, section 19. 120 GTA-N, section 10.

121 The European Free Trade Association. En ligne http://www.efta.int/about-efta/the-european-free-trade-associa

tion.aspx [Consulté le 3 mai 2012].

122 GTA-N, section § 10; The Convention establishing the European Free Trade Association, article 13. En ligne

http://www.efta.int/~/media/Documents/legal-texts/efta-convention/efta-convention-texts/efta-convention-consolida ted.pdf

[Consulté le 7 novembre 2012]; Agreement on the European Economic Area, article 73 et annexe 20, paragraphe 25 (c). En ligne http://ec.europa.eu/world/agreements/prepareCreateTreatiesWorkspace/treatiesGeneralData.do?step=0&re direct=tru e&treatyId=1 [Consulté le 7 novembre 2012]; Directive 2001/18/CE, paragraphe 9 du préambule. En ligne

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2001:106:0001:0038:EN:PDF [Consulté le 2 mai 2012].

123 Les plantes dont la dissémination n’était pas recommandée étaient les suivantes : le maïs Bt (ligne CG00256-176)

de la compagnie Ciba-Geigy, avec des propriétés pesticides et une tolérance augmentée à l’herbicide glufosinate- ammonium; la variété de tabac ITB 1000 OX de la Société nationale d'exploitation des tabacs et allumettes, résistante aux herbicides bromoxynil et ioxynil; l’endive ou chicon (lignes RM3-3, RM3-4 et RM3-6) de la compagnie Bejo Zaden BV, partiellement tolérant à l’herbicide glufosinate-ammonium; le colza (lignes Ms8, Rf3 et Ms8xRf3) de Bayer CropScience, avec contrôle de la pollinisation et tolérance à l’herbicide glufosinate-ammonium.

considéraient, en application du principe de précaution, que les risques étaient plus grands que les bénéfices124. En effet, les organismes gouvernementaux norvégiens craignaient la possibilité de développer une résistance aux antibiotiques si la dissémination de ces plantes était autorisée. En conséquence, le manque de bénéfices directs et l’existence d’autres possibilités plus appropriées sur le marché permettaient de conclure qu’il n’y avait pas de justification raisonnable pour accepter le risque125.

2. Le cadre réglementaire argentin : un cadre où l’évaluation d’un OGM tient compte