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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Sous les spots, l'essence de la terre

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Academic year: 2021

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SOUS LES SPOTS, L'ESSENCE DE LA TERRE

Hervé jACQUEMIN École des Mines de Saint-Étienne L.A.R.M.U.R.A.L., Université de Lyon 1

MOTS-CLÉS: GÉOLOOIE - COLLECTIONS - VALORISATION - MISE EN SCÈNE

RÉSUMÉ: Dans de vastes salles des instituts universitaires ou des Grandes Écoles sommeillent aujourd'hui des collections naturalistes. Collections de référence, collections didactiques, leur caractère exhaustif est leur richesse. Une démarche de valorisation et de mise en spectacle sous deux orientations différentes et complémentaires est entreprise par l'École des Mines de Saint-Étienne.

SUMMARY : Inside large rooms of sorne universities or sorne "Grandes Écoles", naturalist collections are dozing. Reference or didactic collections, their richness results from their exhaustive feature. Two different and complementary orientations have been undertaken by the "École des Mines" of Saint-Étienne to enhance their value and to living them into exhibition.

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1. INTRODUCTION

Les collections naturalistes, objets d'étude et base de travail pour les étudiants, les élèves et les chercheurs des instituts universitaires ou des Grandes Écoles, font aujourd'hui l'objet de réflexion quantàleur mise en valeur.À la notion de banques de données spécifiques, envisagée par certains laboratoires, répondent des préoccupations de vulgarisation scientifique au sein d'autres structures. La relecture de ces associations d'objets, objets minéraux par exemple, nous conduit à proposer plusieurs schémas directeurs de mise à disposition vers des publics divers mais où le point commun apparaît être une réflexion autour d'une scénographie adaptéeàchacun des discours.

2. OBJETS ET COLLECTIONS

2.1 La magie des collections

02023, Calamites du puits Lacroix, bassin de la Loire... 03456 Belemnitae gigantae... 02678, ancien numéro 78 A, Stromatolites, Mauritanie... la liste des objets recencés s'est allongée et s'allonge au cours des années...

Vous avez traversé le long couloir d'une École des Mines, gravi un étroit escalier pour vous retrouver dans une salle de 600 m2, lieu des collections du département de géologie. 30000 échantillons, minéraux du monde entier, fossiles retraçant 650 millions d'années d'histoire de la planète, roches, se serrent sous les glaces des vitrines, cercueils du XIXème siècle. Écritureàla plume des étiquettes jaunies et racornies, poussières noires, les empreintes d'un passé industriel houiller, et classement systématique: entre le rejet ou le charme, le choix est affaire personnelle.

Les collections ont leur raison d'être. Une présentation systématique des pièces - arsénates, céphalopodes ou granitoïdes - permet au chercheur ouàl'étudiant de passage d'approfondir un sujet d'étude.

Les collections ont leur charme par la magie de l'alignement des vitrines ou les découvertes insolites d'objets parfois si bien cachés, si bien fondus dans la masse. L'ensemble, pour peu spectaculaire qu'il soit, envoûte. Dans ces galeries, le sensationnel est nullement recherché. Juste un souci d'engranger, de classer, d'ordonner, animait les conservateurs. Un monde minéral, où tout est

àsa place, s'est créé le long des travées.

Mais, au cours des années, lors du passage des divers responsables des collections, ou en raison de leur absence, l'ordre s'est parfois transformé en une pagaille où les petites boîtes se mêlent, ou leurs contenus s'échangent...

2.2 La benne ou la valorisation

Mais un jour, la question se pose : Que faire de ces collections autrefois réservées à des élèves qui n'étudient plus la minéralogies, la pétrographie? Que faire de collections d'échantillons alors que la recherche géologique ne porte le plus souvent qu'un œil condescendant vers ces fossiles poussièreux ? Alors la benne est tentante ou, lorsque des scrupules subsistent, les caves de

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l'établissement, qu'il soit privé ou public, universitaire ou non, semblent toutes prêtes à accueillir les pièces entassées.

Les collections des Grandes Écoles ou des instituts universitaires ont un caractère exhaustif en raison de leur vocation didactique. Leur lecture se faisait et se fait encore à travers les ordres, sous-ordres ou familles. La rigueur s'associe obligatoirementà ce mode de présentation(?)ou plutôt de classement.

Cette façon de voir les collections est aujourd'hui l'affaire de quelques-uns, chercheurs passionnés, amateurs souvent âgés des sociétés érudites locales. TI nous faut donc envisager un tout autre décodage afin que ces collections s'ouvrent à un plus large public. La valorisation doit trouver des voies, pas forcément nouvelles dans le domaine de la muséologie, mais neuves dans la démarche d'un institut de recherche et d'enseignement.

3. DEUX MISES EN SCÈNE POUR UNE COLLECTION 3.1 Un thème fédérateur

Une collection exhaustive peut vous entraîner sur de nombreuses pistes. Voyage initiatique à travers les temps, parcours dans les chaînes alpines mondiales ou suivi des recherches métallogéniques dans les colonies françaises du début de ce siècle, les chemins de traverse sont riches.

Ilapparaît donc qu'un thème fédérateur et transversal est un moyen d'ouvrir ces collections et de les faire vivre aux yeux du public. Elles deviennent alors le vivier dans lequel on recherchera les objets de notre propre projet muséologique.

3.2 Des collections, une recherche

L'exemple présenté ici concerne les collections d'une École des Mines, celle de Saint-Étienne. Au XIXème siècle, Saint-Étienne fut le site industriel français majeur, fortement liéà la houille. La région a conservé les traces de cette activité qui se poursuivit pleinement jusqu'à la fin des années 1960.

Une École des Mineurs, puis des Mines, s'installa donc en 1816 dans le bassin de la Loire. Le déploiement industriel était alors important et, en 1828, la première voie ferrée française fut construite, permettant l'évacuation du charbon vers le fleuve Loire. C'estàpanir de 1850 que les nombreuses études géologiques, effectuées par des professeurs et ingénieurs des Écoles des Mines sur l'ensemble du Massif Central Français, contribuèrentàune meilleure connaissance des bassins houillers intramontagneux. Ces recherches en mine etàl'affleurement conduisirentàcréer en 1893 un niveau géologique de référence, situé dans le bassin de Saint-Étienne, lestéphanien,compris entre -305 et - 300 millions d'années.

3.3 Au Carbonifère, le stéphanien

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géologique qu'est le stratotype dustéphanien. Ce niveau, sommet de la période Carboniîere, est fortement chargé d'histoire géologique mais aussi d'une histoire des sciences attachée à une Grande École ainsi qu'à un bassin houiller. Ce fonds de référence redevient aujourd'hui un objet d'étude, vu sous un angle beaucoup plus global, moins tributaire de la matière première qu'est le charbon. Sa conservation au sein de l'École est un devoir vis-à-vis de la communauté scientifique, actuelle et future.

Informatisées, associées à une abondante bibliographie référencée, les collections réclament donc une valorisation particulière, une mise en scène adaptée.

3.4 Dichotomie d'une collection

Àce stade de réflexion, on s'interroge sur le type de valorisation approprié puis sur le pourquoi d'une valorisation éventuelle par le spectacle puisque, semble-t-il, la magie des collections fonctionne.

En effet, le souffle court, la voix étouffée, le visiteur traverse les allées, se penche sur quelques vitrines mais aucun message scientifique ne lui parvient. Là domine le passé historique de l'Ecole ainsi que celui des collections. Le visiteur imagine quelques garçons de laboratoire en blouse blanche recopiant sur le registre des noms d'ammonites ou classant les sulfures à la demande de Monsieur le Professeur du Laboratoire de Géologie. La photo de Charles Jacob, professeur de stratigraphie à la Sorbonne, prise par Robert Doisneau au Muséum de Paris, les dessins duPtérodactyle du Jardin des Plantes de Tardy ou encore les images du paléontologue, nécessairement distrait, de la comédie de Hawks,L'impossible Monsieur Bébé, lui viennent à l'esprit.

La réalité historique, les images du domaine du fantasme se mèlent.

L'association de l'histoire d'une science d'une part et de l'histoire d'un temps géologique révolu d'autre part, permet de s'adresser à des publics différents ou à deux sensibilités d'un même public. Les alignements de vitrines permettrontàl'un de s'immerger totalement dans une découverte patiente, érudite d'une science. C'est le propos de la présentation des échantillons au sein de l'École et de la mise en place d'un "Conservatoire duStéphanien". Un autre public souhaitera par contre saisir les diverses facettes d'un environnement particulier, vieux de 300 millions d'années... tandis qu'un troisième n'attendra peut-être que magie, rêve éveillé.

4. DES SPOTS SUR LE CARBONIFÈRE

4.1 Le Carbonifère, un espace pour le rêve

Afin de présenter à un large public une part des collections, il nous est apparu nécessaire de retenir un thème général suffisamment vaste afin qu'il puisse être décliné sous les formes les plus variées possibles lors d'expositions permanentes et temporaires ou de manifestations diverses, telles que conférences, excursions, rencontres avec des artistes...

Le projet fut initié avec le musée de la Mine de Saint-Étienne. Partant de l'élément minéral fédérateur, le charbon, nous avons souhaité ne pas nous focaliser uniquement sur sa formation. Son

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onglne résulte de l'accumulation d'éléments végétaux lors de la période stéphanienne, au Carbonifère. Ce niveau géologique correspondà l'un des paysages du passé des plus représentés dans l'iconographie scientifique. En effet, la découverte de nombreux fossiles de paléoflore, frondes de fougères, troncs de calamites ou larges feuilles de cordaÏles, parfois en place, ont permis, dès le XIXème siècle, de représenter celle flore en position de vie (Figure 1).

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En complétant le tableau avec des libellules géantes(Méganeura) de 70 cm d'envergure, des mille pattes(Arthropleura) de deux mètres de long, des araignées et des blattes,ilest aisé d'esquisser un paysage où s'engouffre le rêve mais aussi les fantasmes d'une végétation gigantesque. Les faits scientifiques nous conduisent pourtant à une nature moins débordante d'imagination ou de spectaculaire. Malgré une production végétale importante, les arbres n'atteignaient que quelques 20 à 30 mètres de hauteur. Cependant Saint-Étienne se situait, il y a 300 millions d'années, sous l'équateur...

Avec de tels éléments, l'événementstéphanien est un spectacleàpart entière devenant le poumon de notre projet intituléGéothèque.

4.2 Géothèque, un projet muséologique

Issu d'une collection rattachéeàun laboratoire de recherche, le projetGéothèque ne peut se détacher d'un vécu scientifique, celui d'une communauté qui travaille sur le Massif Central et qui a donné une démarche d'étude originale, créant des liens transverses entre les composantes des sciences géologiques, ces dix dernières années.

Du charbon, le propos s'est élargiàl'environnement tropical qui contribueàla genèse de cette matière minérale.Decet environnement, le scientifique muséologue est passéàla notion de genèse de chaînes de montagnes continentales. C'est en effet dans une telle chaîne que se sont mis en place les bassins houillers. Deux éléments complémentaires permettent d'entraîner et de séduire le visiteur: d'une part le fait qu'une chaîne de type Himalaya se soit mis en place entre - 400 et - 300 millions d'années dans l'Europe occidentale et que des sommets de 5 à 6 000 mètres ceinturaient les bassins houillers, d'autre part l'actualité des travaux qui permet de situer le thème dans une science en progression, dans une science nécessairement en interrogation. Le doute entre alors en scène et s'intègre au discours. Des éléments d'exposition particuliers situés dans le secteur concernant la genèse des montagnes (orogenèse) feront, pour le visiteur, le point sur les recherches en cours.

La figure 2 présente l'organigramme de notre projet à partir de la remontée du temps par le visiteur de l'Actuel jusqu'à l'ère Primaire, temps primordial pour l'enquête que nous menons avec lui sur la formation et le devenir d'un fragment de continent.

5. DANS L'INTIMITÉ DU SPECTACLE

5.1 Le muséographe, le scénographe et le conservateur

Sous les spots, la libellule traverse, vrombissante, l'enceinte du Carbonifère. Des volcans crachent le magma mantellique...TImanque peu de choses pour basculer de la mise en scène servant une "bonne cause", les sciences géologiques, vers un spectaculaire digne des présentations de reptiles dinosauriens des parkings de centres commerciaux.

Face à une montée croissante de l'utilisation de moyens audio-visuels et des astuces informatiques, le conservateur des collections est tenté par une mise en spectacle de grande ampleur avec, parfois, en arrière pensée l'idée qu'une machinerie lourde engendrera une rentabilité

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économique de même gabarit. L'évaluation du produit s'exprime en rentrée financière. Le spectacle prend alors le pas surlediscours et rapidement le scientifique se sent désinvesti de "son" exposition par le scénographe. Ce dernier deviendra bien vite le concurrent à abattre...

de l'ère Quaternaire àl'ère Primaire Massif central. histoire d'une collision la serre carbonifère, un instantané Dynamique d'un bassin houiller

stéphanien, roches et fossiles

Collections

minéraux et minerais

jardin des granites

Figure 2 : Parcours muséologique deGéothèque 5.2 Abaissez les spots !

ÀGéothèque,depuis le couloir des temps, où le visiteur s'imprègnera de la notion d'immensité temporelle, au marais houiller où dans la chaleur tropicale,ilassistera à une journée stéphanienne d'il y a 300 millions d'années, les propos géologiques certes complémentaires seront variés et pourraient engendrer des problèmes de compréhension. Notre démarche n'étant pas de perdre notre visiteur ou d'étaler nos connaissances selon un mode nombriliste, les propos scientifiques seront conduits, associés, ou réactivés par des passages aux connotations beaucoup plus sensibles.

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se fera par la découverte de petits objets du monde minéral dans le long couloir des temps, par un lever de soleil sur un marécage ou par de petites "boîtes spectacles", issues d'un monde proche de celui de Georges Méliès, là où le rêve était encore réalité. Mais avant que le projet Géothèque ne devienne lui aussi réalité, il nous faut encore réfléchir à une présentation particulière des pièces minérales afin de s'extraire si possible de la présentation digne des bijouteries et devenue bien classique ces dernières années. Un regard vers notre grande salle de l'École des Mines aux meubles de bois cirés ne sera peut-être pas inutile.

Alors, diminuons l'intensité des spots et des amplis aux effets stéréophoniques sophistiqués, pour êtreà l'écoute du discours scientifique, de l'homme de science, de celui qui fait la science... avant de focaliser de nouveau l'halogène sur un témoin d'un océan disparu dans l'ouest limousin et d'entendre la pureté des bruissements d'ailes des insectes qui nous emportera vers le Carbonifère.

6. CONCLUSION

Une collection d'objets naturalistes réunis au sein d'un institut de recherche et d'enseignement recouvre des domaines d'investigations variés. De cette richesse, il apparaît intéressant d'utiliser de multiples pistes pour une ou plutôt des valorisations où la mise en scène soigneusement adaptée répondra à l'attente des publics. Une collection ne s'adresse pas à un public, elle est à la disposition des publics, qu'il soit érudit ou qu'il n'ait aucune base scientifique, doté seulement d'une curiosité naturaliste. Pour celui que le terme de "science" rebute à priori, il nous faut stimuler sa curiosité, son émotion pour le conduire vers une approche d'un monde dit scientifique. Le spectaculaire n'apparaît pas être la démarcheàretenir en raison de son emprise sur le message que l'on souhaite délivrer. Par contre nous adoptons, pour notre projet de centre des sciences de la Terre Géothèque, une mise en scène où se mèlent le sensible et la connaissance. L'élément spectacle permet de renouveler l'intérêt du visiteur mais aussi d'expliciter simplement certains phénomènes complexes. C'est alors que scénographe, muséographe et responsable scientifique du projet peuvent travailler de concert.

BIBLIOGRAPHIE

DOUBINGER (J.) et al., Le bassin houiller de Saint-Étienne: nouvelles approches géologiques et paléobotaniques,IVème Conf. Int. Paléobotanique, Paris, 1992.

DOISNEAU (R),LaScience de Doisneau,Hobecke éd. 1990.

GRAND'EURY (C.), Flore carbonifère du département de la Loire, Paris: Lib. Polytechnique, 1877.

VEYRON (T.), JACQUEMIN (H.), Couriot, 2ème tranche et Géothèque, Éd. du Musée de la Mine, 1992.

Figure

Figure 1 : Reconstitution paléofloristique de C. Grand'Eury (1877)
Figure 2 : Parcours muséologique de Géothèque 5.2 Abaissez les spots !

Références

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