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Étude exploratoire de l'incidence de l'intimidation sur le parcours scolaire et la construction identitaire d'étudiants universitaires

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Academic year: 2021

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Étude exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur le

parcours scolaire et la construction identitaire

d’étudiants universitaires

Mémoire

Suzy Patton

Maîtrise en sciences de l’orientation – recherche et intervention

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

Étude exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur le

parcours scolaire et la construction identitaire

d’étudiants universitaires

Mémoire

Suzy Patton

Sous la direction de :

France Picard, directrice de recherche

Nancy Gaudreau, codirectrice de recherche

(3)

III

Résumé

Ce mémoire a pour but d’examiner la façon dont s’est opérée la construction identitaire d’étudiants et d’étudiantes universitaires ayant subi de l’intimidation à l’école secondaire. Il vise en outre à mieux cerner le processus de résilience qui a conduit à la persévérance jusqu’à l’université. L’intimidation est une problématique sociale d’importance, qui touche entre 16,5 % et 36 % des élèves durant leur parcours scolaire (Beaumont, Leclerc, Frenette & Proulx, 2014; Conseil canadien sur l’apprentissage, 2008; Institut de la statistique du Québec, 2012). Sur le plan scientifique, cette problématique a été examinée sous différents angles, mais peu d’études se sont intéressées à la façon dont elle peut influencer le parcours scolaire et la construction identitaire des adolescents et adolescentes qui en ont été victimes. Pour réaliser ce mémoire, dix-huit étudiants universitaires ont été rencontrés dans le cadre d’entretiens individuels s’inspirant de l’approche biographique du récit de vie. L’angle d’approche choisi a permis de mettre en lumière « la vie après l’intimidation » et d’en dégager une typologie comprenant trois types de parcours. Le premier type, le parcours où la persévérance scolaire a été compromise, est caractérisé par le fait que l’intimidation a agi comme un frein à la poursuite d’un parcours scolaire positif. Le deuxième type, le parcours axé sur la transition, met en lumière des répercussions d’ordre contextuel. Puis, pour le parcours axé sur la réussite, l’intimidation a poussé les étudiants à s’investir davantage sur les plans scolaire et professionnel et à vivre des réussites. Par ailleurs, cette étude apporte un éclairage descriptif quant aux répercussions de l’intimidation sur la persévérance scolaire et le choix de carrière. Les résultats ont également permis d’appliquer un nouvel éclairage théorique à la construction identitaire des élèves qui subissent de l’intimidation, soit la théorie de contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1997).

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IV

Table des matières

Résumé ... III Table des matières... IV Liste des tableaux ... VII Liste des figures ... VIII Remerciements ... X

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 4

1.1 L’intimidation en milieu scolaire : un enjeu plus actuel que jamais ... 5

1.2 Trois composantes recensées d’une problématique scolaire et identitaire ... 7

1.2.1 L’intimidation et la persévérance scolaire ... 7

1.2.2 L’intimidation et le choix de carrière ... 10

1.2.3. L’intimidation et la résilience ... 11

1.3 La structuration identitaire : l’école comme environnement social et agent structurant ... 13

1.3.1 La nature relationnelle de la construction identitaire à l’adolescence ... 14

1.3.2 L’expérience d’intimidation : entre construction et fragilisation identitaires . 15 1.4 Une description de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire ... 17

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 20

2.1 Présentation de la théorie de contrôle identitaire ... 20

2.2 Présentation des concepts à l’étude ... 28

2.2.1 L’intimidation ... 28

2.2.2 Le parcours scolaire ... 32

2.2.2.1 La persévérance scolaire ... 32

2.2.2.2 Le choix d’orientation scolaire et professionnelle ... 34

2.2.2.3 La résilience ... 36

2.3 Présentation des objectifs de recherche ... 38

Chapitre 3 : Méthodologie ... 39

3.1 L’orientation méthodologique privilégiée : la recherche qualitative ... 39

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V

3.3 Le recrutement... 43

3.4 Les caractéristiques des participants ... 44

3.5 La méthode de collecte de données ... 46

3.5 L’analyse des données ... 49

Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats ... 52

4.1 Une typologie descriptive... 52

4.1.1 Les parcours où la persévérance scolaire a été compromise ... 53

4.1.2 Les parcours axés sur la transition ... 54

4.1.3 Les parcours axés sur la réussite ... 55

4.2 Les répercussions sur la persévérance scolaire et l’aspiration aux études post-secondaires ... 57

4.2.1 L’aspiration aux études post-secondaires ... 58

4.2.2. La persévérance scolaire : abandon, absentéisme et résultats scolaires ... 59

4.2.3 Problématiques associées et répercussions sur le parcours scolaire ... 62

4.3 Les manifestations sur le choix de carrière ... 64

4.3.1 Un intérêt nouveau ou renouvelé pour la relation d’aide ... 64

4.3.2 Un manque de confiance envers sa capacité à réaliser son choix de carrière .. 67

4.3.3 Le besoin de s’éloigner des intimidateurs lors d’un choix d’études... 68

4.3.4 Un projet d’avenir occulté par l’intimidation ... 69

4.3.5 Une généralisation des répercussions à d’autres sphères de vie ... 70

4.4 Les répercussions sur la construction identitaire... 71

4.4.1 Estime de soi et perception de soi ... 72

4.4.2 La construction identitaire et le regard des autres ... 74

4.4.3 Un changement dans la façon de percevoir les autres et d’interagir avec eux . 76 4.5 La résilience ... 78

4.5.1 Les facteurs de protection ... 78

4.5.1.1 Du soutien ... 78

4.5.1.2 Des attentes personnelles élevées de succès ... 79

4.5.1.3 Des activités intéressantes et valorisantes ... 80

4.5.1.4 Des relations familiales et amicales positives ... 81

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VI

4.5.2 Le développement de la résilience en fonction des types de parcours ... 82

Chapitre 5 : Discussion ... 84

5.1 Trois types de parcours, mais des points d’ancrage communs ... 84

5.1.1 Une construction identitaire qui se module en fonction de l’intimidation ... 86

5.1.2 Des parcours de résilience porteurs d’espoir ... 87

5.2 Les retombées potentielles ... 89

5.2.1 Des retombées théoriques ... 89

5.2.1 Des retombées pour la pratique professionnelle de l’orientation ... 90

5.3 Les critères de rigueur scientifique et les limites observées ... 92

5.3.1. Les critères de crédibilité et de transférabilité ... 92

5.3.1. Les limites de l’étude ... 93

Conclusion ... 95

Références ... 100

Annexe A : Courriel de recrutement ... 109

Annexe B : Recrutement sur les réseaux sociaux ... 110

Annexe C : Formulaire de consentement ... 112

Annexe D : Questionnaire pré-entrevue ... 115

Annexe E : Guide d’entrevue ... 116

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VII

Liste des tableaux

Tableau 1: Caractéristiques des participants ... 45 Tableau 2: Les types de parcours recensés ... 57 Tableau 3: L’intimidation et la persévérance scolaire : manifestations selon les différents types de parcours... 64 Tableau 4: L’intimidation et le choix de carrière : manifestations selon les types de

parcours ... 71 Tableau 5: Le développement de la résilience, selon les types de parcours ... 83

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VIII

Liste des figures

Figure 1: La problématique de l'intimidation en milieu scolaire ... 4 Figure 2: Les composantes du parcours scolaire prises en compte dans cette étude ... 18 Figure 3: Les cinq composantes de la théorie de contrôle identitaire (adaptée à partir de Kerpelman et coll., 1997) ... 22 Figure 4: Processus de contrôle non-activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997) ... 23 Figure 5: Processus de contrôle activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997) ... 23 Figure 6: La théorie de contrôle appliquée au phénomène de l’intimidation en milieu scolaire ... 27 Figure 7: Résumé de l’étude exploratoire……….98

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IX

Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours.

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X

Remerciements

La réalisation de ce mémoire marque la fin de mes études universitaires, mais aussi l’aboutissement d’un projet qui m’a profondément habitée, tant sur le plan académique que sur le plan humain. Je tiens donc à prendre le temps d’exprimer ma plus sincère gratitude aux personnes qui ont su m’entourer pendant cette étape de ma vie.

Tout d’abord, je tiens à remercier ma directrice de mémoire, France Picard, pour sa grande disponibilité et son accompagnement humain. Merci également d’avoir cru en mes capacités et d’avoir mis sur mon chemin des opportunités d’apprentissages exceptionnelles, et ce, tant sur le plan des études que du travail. Je souhaite en outre remercier ma codirectrice Nancy Gaudreau, pour son encadrement stimulant et ses rétroactions riches et constructives. À vous deux, vous avez réellement fait de la réalisation de mon mémoire une expérience positive, où j’ai beaucoup appris. Je tiens aussi à adresser mes plus sincères remerciements aux 18 étudiants qui ont généreusement accepté de partager leurs récits de vie avec moi, ainsi qu’à Claude-Hélène Soucy pour son excellent travail de retranscription. Puis, je souhaite souligner l’appui financier de la Chaire de recherche sécurité violence en milieu éducatif, qui m’a permis de m’investir à temps plein pendant plusieurs sessions sur l’élaboration de ce mémoire.

Enfin, je tiens à remercier mon conjoint Larry, pour ses encouragements, son optimiste et pour m’avoir fait rire lorsqu’il le fallait. Je souhaite aussi remercier mes merveilleux parents Ginette et Peter, ainsi que toute ma famille, de m’avoir soutenue dans mes choix scolaires et professionnels et pour avoir cru en moi même lorsque je doutais. Merci aussi à mes précieux amis pour votre support, votre compréhension et vos bons mots.

À vous tous, je vous dis merci d’avoir partagé le bonheur de mes réussites et d’avoir été présents lors de moments plus difficiles. Terminer la réalisation de ce mémoire en étant si bien entourée est une grande richesse pour moi, et j’en suis extrêmement reconnaissante. Bonne lecture!

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1

Introduction

Ce mémoire porte sur le parcours scolaire d’étudiants universitaires qui ont vécu de l’intimidation lorsqu’ils étaient à l’école secondaire. Trois composantes du parcours scolaire ont été étudiées, soit la persévérance scolaire, le choix de carrière et la résilience. Dans le cadre de cette recherche, l’intimidation renvoie à « tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées et ayant pour effet de léser, blesser, opprimer, exclure intentionnellement d’un groupe ou ostraciser la victime » (Éditeur officiel du Québec, 2014, p. 13). Pour que ces comportements, paroles ou actes soient considérés comme de l’intimidation, il faut qu’ils aient engendré des sentiments de détresse chez la victime. En plus d’être une problématique sociale d’importance qui porte préjudice à de nombreux élèves au cours de leur parcours scolaire, touchant entre 16,5% et 36% d’entre eux (Beaumont, Leclerc, Frenette & Proulx, 2014; Conseil canadien sur l’apprentissage, 2008; Institut de la statistique du Québec, 2012), l’intimidation a été étudiée sous différents angles au sein du corpus scientifique.

D’une part, de nombreuses recherches affirment que les élèves victimes d’intimidation sont sujets à vivre des difficultés scolaires telles qu’une diminution de la performance scolaire (Beran, Hughes & Lupart, 2008; Juvonen, Wang & Espinoza, 2010) ou du sentiment d’efficacité personnelle (Rayle, Moorhead, Green, Griffin & Ozimek, 2007) et un risque plus élevé de décrocher (Cornell, Gregory, Huang & Fan, 2013). Plusieurs études révèlent également que le fait de vivre de l’intimidation affecterait l’expression identitaire (Graham, Bellmore & Mize, 2006; Yang, Kim, Kim, Shin & Yoon, 2006). D’autre part, une étude canadienne met en lumière une réalité différente : certaines personnes ayant vécu de l’intimidation parviennent, en dépit de cette expérience, à entreprendre des études postsecondaires et à poursuivre leur passion sur le plan professionnel (Roberge, 2008). Cependant, rares sont les études qui se sont intéressées à la façon dont l’intimidation peut marquer le cheminement scolaire et professionnel des adolescents et adolescentes qui en ont été victimes.

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2

Ce constat a mené à explorer l’intimidation sous un nouvel angle, soit en examinant le parcours scolaire ainsi que la construction identitaire d’étudiants universitaires qui ont vécu de l’intimidation afin de décrire « la vie après l’intimidation ». Ainsi, la présente recherche vise à analyser des parcours d’exception. En ce sens, l’incidence de l’intimidation est étudiée sous un angle diachronique, ou autrement dit en considérant ce qui est survenu après l’intimidation.

Pour réaliser cette étude, le concept de la résilience en milieu scolaire a été mobilisé, afin de rendre compte de la capacité de ces étudiants à rebondir de l’expérience d’intimidation vécue et de poursuivre leur parcours scolaire. Le postulat qui sous-tend ce choix conceptuel est de considérer le fait de subir de l’intimidation comme étant une expérience traumatisante pour les adolescents qui en sont victimes. Plus précisément, le processus de résilience qui s’est opéré, les facteurs de protection et le moment où cette résilience se construit ont été considérés, tout comme les conséquences liées à la construction identitaire, à la persévérance scolaire et au choix de carrière. La présente étude s’intéresse donc aux facteurs de risque et aux facteurs de protection relatifs à l’intimidation, et à la façon dont les étudiants rencontrés ont pu les moduler afin d’en arriver à poursuivre leur parcours scolaire de façon positive.

Ce mémoire vise donc à répondre à la question suivante : Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a-t-il influencé la construction identitaire d’étudiantes et d’étudiants universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire? Pour répondre à cette question, dix-huit étudiants ont été rencontrés dans le cadre d’entrevues individuelles inspirées de l’approche biographique du récit de vie. Une analyse qualitative « entretien par entretien » a été réalisée, ce qui a donné lieu à l’élaboration d’une typologie où trois différents types de parcours sont présentés.

Le mémoire est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre traite des composantes de la problématique, en plus de mettre en lumière la pertinence sociale et scientifique d’une telle recherche. Le cadre théorique, incluant la définition des concepts, et les objectifs de la recherche sont exposés au chapitre 2. Le troisième chapitre aborde la méthodologie de la recherche, la population ciblée et la façon dont le recrutement a été effectué. On y retrouve

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aussi les caractéristiques des participants et la méthode de collecte de données utilisée. L’analyse des données, qui a été réalisée « entretien par entretien » (Blanchet & Gotman, 2007), est également explicitée dans ce chapitre. Le chapitre 4 expose les résultats de la recherche. La typologie, qui met en lumière trois types de parcours scolaires qui peuvent être vécus à la suite d’un épisode d’intimidation à l’école secondaire, est présentée. Les répercussions de l’intimidation sur la persévérance scolaire, sur le choix de carrière et sur la construction identitaire sont également décrites dans ce chapitre. Puis, le développement de la résilience et les facteurs de protection au regard de l’intimidation sont abordés. Enfin, le chapitre 5 contient une discussion des principaux résultats, en plus de présenter les retombées potentielles et de mettre en lumière les limites de l’étude. En conclusion, une brève synthèse du mémoire et de ses résultats est présentée, ainsi que des pistes pour de futures recherches sont suggérées.

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Chapitre 1 : Problématique

En raison de son taux élevé de prévalence et parce qu’elle porte préjudice à de nombreux élèves chaque année, l’intimidation est une problématique sociale d’importance. Engendrant des coûts individuels et sociaux notables pour le Québec, l’intimidation est devenue un enjeu de taille pour plusieurs acteurs. Les établissements scolaires et les instances gouvernementales déploient de plus en plus d’efforts pour lutter contre ce phénomène, dans un contexte où les moyens mis en place ne suffisent pas. Toutefois, rares sont les études qui se sont intéressées à la façon dont l’intimidation peut marquer le cheminement scolaire et professionnel des adolescents qui en ont été victimes. Ces jeunes vivent des interactions sociales dégradantes, méprisantes ou humiliantes à répétition au sein de leur école, le lieu même où ils devraient pouvoir développer leur plein potentiel et s’épanouir dans un environnement sain et sécuritaire pour tous. Être confronté à de telles interactions sociales pendant l’adolescence, période cruciale du développement identitaire, laisse présager des manifestations au regard de la construction identitaire des victimes. Les interactions sociales sont un puissant vecteur de la construction identitaire en raison de la nature relationnelle qui lui est inhérente (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Subir de l’intimidation pourrait donc entraver le développement d’une identité saine et positive et ainsi compromettre la réalisation d’un parcours scolaire positif, tant sur le plan de la persévérance scolaire que du choix de carrière. La problématique exposée peut s’articuler comme suit :

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Le présent chapitre se divise en cinq parties et a pour but de situer la problématique. La première partie visera à cerner la portée de l’intimidation en milieu scolaire au regard de son taux de prévalence, de la mise en œuvre de nouvelles lois s’y rattachant et du développement identitaire. La deuxième section portera sur la nature relationnelle de l’identité et sur la façon dont les interactions sociales constituent un vecteur de la construction identitaire chez les adolescents. Puis, les trois composantes de la problématique seront présentées, soit l’intimidation au regard de la persévérance scolaire, du choix de carrière et de la résilience. Dans le cadre de cette étude, ces trois aspects seront regroupés sous le vocable « parcours scolaire ». Les répercussions de l’intimidation seront ainsi explorées à partir de ce regroupement de concepts, comme présenté dans la quatrième partie de ce chapitre. Finalement, la question de recherche qui sous-tend cette étude sera présentée. Étant donné que la façon dont est conceptualisée et opérationnalisée l’intimidation tend à varier selon les chercheurs et selon le contexte culturel dans lequel le phénomène prend place, les termes utilisés par les auteurs dans chacune des études présentées seront définis tout au long de ce chapitre.

1.1 L’intimidation en milieu scolaire : un enjeu plus actuel que jamais

L’intimidation est un problème de taille, comme le démontre son taux élevé de prévalence au sein des écoles. Par exemple, en 2008, des adultes ont été interrogés sur leur expérience scolaire passée. Le constat est éloquent : « 38% des hommes et 30 % des femmes déclarent avoir été victimes d’intimidation à l’école, occasionnellement ou fréquemment » (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2008, p. 4). Dans le cadre de cette enquête, l’intimidation se définissait à partir des critères généralement utilisés dans le corpus scientifique, soit la fréquence importante des agressions, l’intention de blesser ou de faire du tort et l’inégalité des forces entre agresseurs et agressés. Elle incluait autant les manifestations physiques, relationnelles, verbales qu’électroniques. De plus, en comparaison avec 35 pays, le Canada se situe au neuvième rang à l’égard de l’intimidation chez les adolescents âgés de 13 ans (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2008).

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Par ailleurs, l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 révèle que plus du tiers des élèves fréquentant l’école secondaire (36%) affirment avoir subi de la violence « à l’école ou sur le chemin de l’école au cours de l’année scolaire » (Institut de la statistique du Québec, 2012, p. 44). Cinq pourcent (5%) des élèves qui ont participé à cette enquête ont mentionné avoir été victimes de cyberintimidation. Toutefois, dans cette enquête, la violence et l’intimidation ne sont pas différenciées et sont considérées comme faisant partie du même phénomène, regroupé sous le terme « victimation » répétée. Une enquête nationale a également été réalisée dans le cadre du Plan d’action pour contrer la violence à l’école du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Elle a porté sur la violence à l’école et a été menée dans 204 écoles québécoises, dont 79 écoles secondaires. Les élèves, le personnel scolaire et les parents ont pris part à cette enquête. Cette étude met en lumière que les élèves du secondaire sont plus souvent insultés ou traités de nom que tout autre type d’agression. Les résultats révèlent que 31% des élèves se feraient insulter ou traiter de nom d’une à deux fois par année, alors que 16,5% d’entre eux subiraient ce type d’agression « souvent ou très souvent », soit un minimum de 2 à 3 fois par mois et pouvant aller jusqu’à une fois et plus par semaine (Beaumont, Leclerc, Frenette & Proulx, 2014). Il est possible d’affirmer que 16,5% des jeunes du secondaire vivraient de l’intimidation psychologique, tandis que 31% d’entre eux vivraient des agressions isolées. Par ailleurs, l’enquête révèle qu’« autant d’élèves du primaire que du secondaire rapportent être victimes de harcèlement à l’école et subir 2 à 3 fois par mois les agressions de leurs pairs » (Beaumont, et coll., 2014, p. 148-149). La différence qui existe entre les écoles primaires et secondaires se situe davantage au niveau des comportements d’agressions qui sont vécus sur une base occasionnelle, où les élèves du primaire sont davantage touchés; sur une base récurrente, il ne semble pas y avoir de différence significative.

L’intimidation constitue donc une problématique d’envergure, ce qui a récemment amené le Québec à se doter de mesures pour contrer ce phénomène dès le primaire jusqu’au secondaire (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport/MELS, 2014). Adoptée le 12 juin 2012, la Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école, découlant du projet de loi 56, a contribué à modifier et à bonifier la Loi sur l’instruction

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publique ainsi que la Loi sur l’enseignement privé en matière d’intimidation. Cette loi, qui

fait office de référence auprès du personnel scolaire québécois, définit l’intimidation, à l’article 13, comme étant « tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l'inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d'engendrer des sentiments de détresse et de léser, blesser, opprimer ou ostraciser » (Éditeur officiel du Québec, 2013). Cette loi a notamment instauré l’obligation, pour tous les établissements scolaires, « [d’] adopter et [de] mettre en œuvre un plan de lutte contre l’intimidation et la violence » ainsi que « d’obliger chaque directeur d’école à désigner une personne chargée de coordonner les travaux d’une équipe qu’il doit constituer en vue de lutter contre l’intimidation et la violence » (MELS, 2014). La présente étude prend place dans un contexte où l’intimidation est réellement devenue un enjeu de société, comme le démontre le nombre important de jeunes touchés ainsi que les énergies mobilisées afin de lutter contre cette problématique.

1.2 Trois composantes recensées d’une problématique scolaire et identitaire

L’intimidation et ses manifestations au regard du parcours scolaire ont été étudiés, au sein du corpus scientifique, à la lumière de trois concepts pertinents pour cette étude : la persévérance scolaire, le choix de carrière et la résilience.

1.2.1 L’intimidation et la persévérance scolaire

Sur le plan scolaire, Rayle, Moorhead, Green, Griffin et Ozimek (2007) se sont intéressés à l’intimidation relationnelle, qu’ils définissent comme étant des formes plus vicieuses d’agressions qui se produisent surtout chez les filles. Des comportements comme exclure une personne d’un groupe, répandre des rumeurs à son sujet, faire des commentaires verbaux cruels ou envoyer des messages sur Internet en sont des exemples. Ils ont observé que subir de l’intimidation entrainait une diminution du sentiment d’efficacité personnelle

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liée à la performance scolaire. Le sentiment d’efficacité personnelle réfère à des croyances propres à l’individu et décrites comme étant « les jugements que les personnes portent sur leurs propres capacités d’organisation et de réalisation des activités qui permettent d’atteindre des types de résultats déterminés » (Bandura, 1986, p. 391). Dans ce cas-ci, il s’agit des jugements que l’élève victime d’intimidation porte sur ses propres capacités à entreprendre et à réaliser des activités liées à la performance scolaire telles que les devoirs, les travaux ou les examens. Cette diminution du sentiment d’efficacité personnelle n’est pas sans conséquence sur le parcours scolaire des victimes. En effet, le sentiment d’efficacité personnelle joue un rôle déterminant pour le comportement humain, « notamment au sujet des activités que les personnes choisissent de réaliser ou d’éviter » (Lent, 2008, p. 3). Comme l’élève victime d’intimidation est susceptible de sentir que sa sécurité est menacée à l’intérieur des murs de l’école, il pourrait ressentir des états physiologiques et émotionnels négatifs. Or, le sentiment d’efficacité se construit à partir de ces états physiologiques et émotionnels, qui s’avèrent être la quatrième source de la construction du sentiment d’efficacité personnelle d’un individu (Bandura, 2003). En raison de ces expériences scolaires négatives et des états physiologiques et émotionnels qui lui sont rattachés, l’élève victime d’intimidation pourrait être porté à éviter l’école. Ces comportements d’évitement ainsi que l’état physiologique et psychologique dans lequel se trouve l’élève lorsqu’il est à l’école pourraient nuire à sa capacité à livrer la performance attendue.

Dans le même sens, Beran, Hughes et Lupart (2008) se sont intéressés au lien entre l’expérience d’intimidation et la performance scolaire. Ils définissent l’intimidation comme étant « l’utilisation de comportements blessants ciblés envers un pair qui n’est pas en mesure de se défendre lui-même » de façon directe ou indirecte (traduction libre, p. 26). La performance scolaire a été mesurée en posant trois questions à l’enseignant, soit « Comment noteriez-vous la performance scolaire actuelle de cet étudiant en lecture? En écriture? En mathématiques? » (Traduction libre, p. 11). La performance scolaire a été mesurée à partir de la définition d’Ebel et Frisbie (1986). Pour ces auteurs, la performance scolaire se définit comme étant « la compréhension d’informations particulières et la compétence liée à des habiletés spécifiques » (traduction libre, p. 26). Il a été observé que

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les élèves intimidés seraient susceptibles de livrer une performance scolaire plus basse, particulièrement s’ils sont confrontés à d’autres facteurs de risque tels que le manque de soutien parental, la non-appréciation de l’école et ne pas être consciencieux dans leurs travaux scolaires.

Juvonen, Wang et Espinoza (2010) ont également décelé une association directe entre l’intimidation, qu’ils considèrent être de la victimisation par les pairs, et une performance scolaire compromise chez les élèves. La performance scolaire a été mesurée à l’aide de la moyenne cumulative des étudiants. Selon ces auteurs, un haut niveau d’intimidation est aussi lié au désengagement scolaire, tel que mesuré à l’aide du Teacher Report of

Engagement Questionnaire (Wellborn & Connell, 1991).

Cornell, Gregory, Huang et Fan (2013) arrivent à des conclusions similaires dans une étude menée dans 276 écoles secondaires de Virginie qui portait principalement sur les effets de l’intimidation et des moqueries sur le décrochage scolaire. À l’instar du Conseil canadien sur l’apprentissage (2012), leur définition de l’intimidation repose sur les trois critères les plus utilisés au sein du corpus scientifique, soit la fréquence des agressions, l’intention de blesser ou de faire du tort et l’inégalité des forces entre agresseurs et agressés. Les moqueries seraient des conduites dégradantes envers la victime, telles que critiquer son apparence physique. Ils ont découvert que la prévalence des moqueries et de l’intimidation prédisait une augmentation du taux de décrochage scolaire quatre ans plus tard, dans des proportions variant entre 10,8% et 16,5%. En se basant sur ces résultats, les auteurs appuient l’hypothèse qu’un climat d’intimidation et de moqueries au sein d’une école aurait une influence négative sur les élèves. Ce type de climat pourrait contribuer à la décision d’interrompre les études et ainsi avoir une influence importante pour la poursuite de leur parcours scolaire et professionnel.

Les élèves victimes d’intimidation peuvent aussi utiliser des stratégies d’évitement telles que choisir d’éviter l’école et ne pas se présenter en classe, affichant un taux plus élevé d’absentéisme scolaire (MELS, 2010). Entre 6% et 8% des élèves ne se présenteraient pas en classe pour éviter de se faire intimider (Attwood & Croll, 2006; Kumpulainen et coll., 1998; O'Moore, 2000; Rigby, 1998), parfois en réaction à un fort sentiment d’insécurité

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(MELS, 2010). Le risque d’échec et d’abandon scolaires augmente, et leur engagement ainsi que leur motivation peuvent diminuer (MELS, 2010).

1.2.2 L’intimidation et le choix de carrière

Outre les manifestations observées sur le plan scolaire, l’intimidation aurait également un lien avec le choix professionnel. Plusieurs études révèlent que le fait de vivre de l’intimidation affecterait l’expression identitaire (Graham, Bellmore & Mize, 2006; Yang, Kim, Kim, Shin & Yoon, 2006). Plus précisément, les élèves ayant vécu de l’intimidation, « présenteraient des conceptions de soi plus affaiblies que les autres » (Houbre et coll., 2012, p. 2). Ces individus se percevraient comme socialement incompétents et « plus la victimation serait élevée, plus l’autoperception de la compétence scolaire, de l’acceptation sociale, de la compétence athlétique, de l’apparence physique et de l’estime de soi globale serait faible » (Houbre et coll., 2012, p. 4). Pour arriver à ces résultats, le terme intimidation (bullying) faisait référence à la définition proposée par Roland et Idsoe (2001) qui renvoie à « toutes formes de violences physiques ou mentales répétées, effectuée par un ou plusieurs individus sur une personne qui n’est pas capable de se défendre elle-même » (Houbre et coll., 2012, p. 1). La victimation réfère au fait d’être victime de ce type de violence.

Toujours sur le plan du choix de carrière, Roberge (2008) a réalisé une étude auprès de 10 participants âgés entre 26 et 42 ans. Ils avaient tous été victimes d’intimidation dans leur enfance. Sur ces 10 participants, huit exerçaient dans un domaine qui les passionne alors que deux d’entre eux se sont conformés aux avis de figures d’autorité en lien avec leur parcours scolaire ou professionnel, et n’ont donc pas exercé un véritable choix. Quatre des participants ont également été enclins à poursuivre leur vraie passion sur le plan professionnel plus tard dans leur vie.

Rayle et coll., (2007) suggèrent qu’une bonne estime de soi aide les adolescents à gérer leur développement de carrière et leur processus de prise de décision tout en leur permettant

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de bien s’adapter. Cependant, les victimes d’intimidation sont susceptibles de souffrir d’une plus faible estime de soi (Casey-Cannon, Hayward & Gowen, 2001; Grills & Ollendick, 2002; Ministère de l'Éducation, 2010). L’estime de soi globale peut être définie comme étant la perception qu’une personne entretient à l’égard de soi-même et de sa propre valeur (Rosenberg, 1979). Il peut s’agir d’une perception positive ou dépréciative de soi (Rosenberg, Schooler & Schoenbach, 1995). En ce sens, elle « est généralement considérée comme la composante évaluative et affective du concept de soi » (Dorarda, Bungenera & Berthozb, 2013). À cet égard, on remarque que le développement personnel et social global des élèves victimes d’intimidation s’en trouve affecté (Casey-Cannon et coll., 2001). Cette diminution de l’estime de soi ouvrirait la porte à une planification de carrière retardée chez les victimes, si on les compare à d’autres élèves n’ayant pas vécu d’intimidation (Rayle et coll., 2007). Rayle et coll. (2007) ont aussi observé une diminution du sentiment d’efficacité personnelle liée à la planification du futur chez les victimes, dans une étude américaine effectuée auprès d’adolescentes ayant été victimes d’intimidation.

Mais qu’en est-il des six autres participants qui ont poursuivi et réussi dans un domaine d’intérêt, alors que de nombreuses études associent l’intimidation et les difficultés sur le plan du parcours scolaire? La question de la résilience, également étudiée par Roberge (2008), semble éclairante à cet égard.

1.2.3. L’intimidation et la résilience

Dans la majorité des études, plusieurs composantes du parcours scolaire et du choix de carrière des élèves victimes d’intimidation sont considérés comme des facteurs de risques quant à la poursuite d’un parcours scolaire positif. Dans le cadre de cette étude, un parcours scolaire positif, ou réussi, est considéré comme un parcours qui permet à la personne de poursuivre dans un domaine d’intérêt pour elle, de s’y accomplir et de bien réussir sur le plan académique. Pourtant, certaines de ces personnes parviennent à entreprendre des études postsecondaires et à poursuivre leur passion sur le plan professionnel, comme c’est le cas dans l’étude de Roberge (2008). De fait, cette étude met en perspective un constat

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qui étonne : neuf des 10 participants rencontrés, tous victimes d’intimidation, ont poursuivi des études à un niveau postsecondaire, et huit d’entre eux ont obtenu plus d’un diplôme. Les contrecoups de l’intimidation scolaire semblent donc pouvoir se moduler différemment d’une personne à l’autre. En ce sens, vivre de l’intimidation en milieu scolaire constitue un facteur de risque à la poursuite d’un parcours scolaire positif. Toutefois, des facteurs de protection (ex., le fait d’avoir une famille à l’écoute) présents chez les victimes pourraient permettre de diminuer les répercussions négatives entrainées par l’intimidation, ces deux types de facteurs jouant un rôle similaire dans le cheminement de l’individu. Lessard et coll. (2007), qui ont étudié les facteurs de risque dans le contexte de décrocheurs et de décrocheuses, affirment d’ailleurs que « ces facteurs n’influencent pas tous les élèves de la même façon, mais ils s’accumulent et contribuent à augmenter le risque » (p. 649). Janosz, Leblanc, Boulerice et Tremblay (2000) affirment d’ailleurs que les facteurs de risque sont des indicateurs « probabilistes ». Alors que l’étude de Roberge (2008) met en lumière que la résilience semblerait être un facteur de protection qui pallie aux facteurs de risque entraînés par l’intimidation, les propos de Lessard et coll. (2007) et de Janosz et coll. (2000) nous permettent d’avancer que de tels facteurs se modulent différemment d’une personne à l’autre. Être victime d’intimidation s’avèrerait alors être une condition qui prédisposerait à certaines difficultés, sans toutefois entraîner une relation directe de cause à effet. Cela met au jeu une question importante : qu’est-ce qui fait que certaines personnes qui subissent de l’intimidation accèderont à un parcours scolaire réussi, alors que d’autres vivront davantage de répercussions négatives sur leur parcours?

Selon Roberge (2008), un élément à prendre en considération pour expliquer cette différence serait la résilience. Dans son étude, un deuxième constat émerge : les participants affichaient un nombre élevé de conditions favorisant la résilience au sein de leur environnement, ce qui leur aurait permis de diminuer les répercussions potentielles de l’intimidation sur leur parcours scolaire et professionnel. Ces conditions de résilience peuvent être vues comme étant des facteurs de protection qui viennent contrebalancer l’influence possible des facteurs de risque identifiés dans les recherches. Les cinq conditions qui ont été mesurées étaient 1/ le soutien reçu et la capacité à prendre soin de

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soi-même, 2/ des attentes élevées de succès, notamment au niveau de la carrière, 3/ des possibilités de participer à des activités parascolaires ou à des groupes communautaires, où les participants avaient le sentiment d’y contribuer positivement, 4/ les relations positives avec des personnes de l’entourage professionnel, social et familial et 5/ la conscience de ses forces et ses limites personnelles. Ces conditions exerceraient une influence sur les conséquences possibles de l’intimidation (Roberge, 2008), contrant ainsi les manifestations potentielles des facteurs de risque liés à cette problématique. La résilience serait donc la résultante de ce processus. Il s’agit d’une piste d’explication intéressante concernant la variance dans les difficultés rencontrées par les victimes à la suite d’un épisode d’intimidation, d’où l’intérêt de prendre en compte ce concept dans ce mémoire.

1.3 La structuration identitaire : l’école comme environnement social et agent structurant

Les études recensées mettent en lumière que vivre de l’intimidation pendant son parcours scolaire augmente les risques d’en subir les contrecoups. Sur le plan de la persévérance scolaire, la motivation à l’égard des études ainsi que la réussite scolaire auraient tendance à diminuer, tandis que l’absentéisme et le risque de décrochage auraient tendance à augmenter. En ce qui concerne le choix de carrière, le processus de choix lui-même semble se présenter différemment chez les victimes, en plus d’affecter certaines caractéristiques individuelles telles que l’expression identitaire et l’estime de soi. Cependant, certaines personnes ayant été victimes d’intimidation poursuivent tout de même un parcours scolaire et professionnel positif, en évoluant dans un domaine pour lequel ils ont de l’intérêt et en parvenant à décrocher un ou plusieurs diplômes. Devant cette variance, le concept de résilience gagnerait à être étudié comme piste d’interprétation au regard des manifestations de l’intimidation sur les choix scolaires et professionnels des victimes. En somme, avoir été victime d’intimidation à l’école pourrait être considéré comme un facteur de risque quant à l’aboutissement d’un parcours scolaire réussi, tandis que la résilience pourrait être considérée comme un facteur de protection. L’expérience scolaire de ces jeunes est donc susceptible d’être compromise, entraînant d’importants coûts personnels, économiques et sociaux.

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Des efforts importants sont donc déployés afin de lutter contre cette problématique et de nombreuses recherches ont été réalisées sur le sujet au cours des dernières années. Les études qui se sont penchées sur les conséquences à long terme de ce phénomène et sur la façon dont elles peuvent s’articuler lors d’un choix professionnel demeurent toutefois limitées (Roberge, 2008). Pourtant, dans le cas des élèves qui subissent de l’intimidation à l’école secondaire, cette expérience se vit au moment même où l’identité se construit. La construction identitaire serait même de l’enjeu le plus important à cette période de la vie (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Les élèves qui subissent de l’intimidation se retrouvent donc dans un environnement où les contacts avec leurs pairs deviennent extrêmement difficiles à vivre, laissant présager des répercussions quant à la construction identitaire. Ces répercussions semblent se moduler autour de deux aspects centraux, soit la nature relationnelle inhérente à la construction identitaire à l’adolescence et la vision structurante du cheminement scolaire quant au développement de l’identité.

1.3.1 La nature relationnelle de la construction identitaire à l’adolescence

La construction identitaire « s’ancre dans des sentiments identitaires élaborés précédemment à l’occasion d’interactions avec des personnes significatives dans des contextes variés » (Cohen-Scali & Guichard, 2008, p. 13). En ce sens, « la nature relationnelle de l’identité – le processus d’adaptation réciproque personne-contexte – doit être centrale à tous débats relatifs aux processus de développement identitaire » (Kunnen & Bosma, 2006, p. 252). Il y a donc lieu de se demander ce qui se produit lorsque cet aspect relationnel, central au développement de l’identité, se traduit par des interactions sociales dégradantes et répétées lors de la période cruciale qu’est l’adolescence pour la construction identitaire et pour les choix scolaires qui en découlent.

Plusieurs modèles du développement identitaire positionnent les interactions sociales au cœur même du processus de construction identitaire chez l’adolescent. Depuis Erikson (1959/1994), qui a mis au jour que les interactions entre la personne et son environnement social sont partie prenante du développement de l’identité et qui a positionné l’adolescence

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comme étant une période centrale pour ce développement (Cohen-Scali & Guichard, 2008), plusieurs chercheurs et théoriciens se sont succédé et poursuivent dans cette direction, en reprenant les fondements de sa théorie. De nombreuses études concluent que la construction de l’identité est un enjeu majeur pendant l’adolescence et que les interactions sociales ont comme effet d’ancrer les sentiments identitaires qui se développent pendant cette période (Cohen-Scali & Guichard, 2008).

Kunnen et Bosma (2006), instigateurs d’un modèle de construction identitaire reposant sur les processus émotionnels, relationnels et dynamiques qui composent la construction de l’identité, affirment que :

« Pour que la stabilité du soi soit menacée, il faut qu’une discordance soit vécue, de façon suffisamment consistante et durable dans l’émotion qui l’accompagne, entre ce à quoi la personne tient fortement (une idée de soi, des valeurs majeures) et les données de la réalité. Face à une telle menace, des individus différents mettent en place des modalités de réponse différentes (assimilation, accommodation, évitement). Le conflit, expérience cognitive et surtout émotionnelle, est ainsi posé comme le moteur de changement » (Kunnen & Bosma, 2006, cité dans Cohen-Scali & Guichard, 2008, p. 9).

Dans le cas de l’intimidation, l’exclusion, les menaces, les regards méprisants ou les remarques dénigrantes peuvent mettre à mal une idée positive de soi. Cette perception positive de soi peut être grandement remise en question par de telles expériences. L’intimidation pourrait ainsi s’avérer une menace pour la construction identitaire des élèves du secondaire qui subissent de l’intimidation, car la stabilité du soi serait menacée.

1.3.2 L’expérience d’intimidation : entre construction et fragilisation identitaires

En plus d’être un enjeu de nature relationnelle central lors de l’adolescence, le développement identitaire fait également partie des préoccupations en ce qui concerne la

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scolarité secondaire québécoise. Tout est mis en œuvre sur un plan formel afin que les élèves du secondaire, en pleine construction de leur identité, évoluent dans un environnement scolaire sain et sécuritaire qui favorise le développement de l’identité professionnelle. Or, l’expérience est tout autre lorsqu’un élève subit de l’intimidation à l’adolescence, période critique pour le développement de l’identité.

Sur un plan formel, le Programme de formation de l’école québécoise vise à structurer et à encadrer le développement professionnel des élèves. Le domaine axé sur le développement professionnel est l’un des six domaines d’apprentissages de ce programme, au même titre que les mathématiques, la science et les technologies. Son objectif est d’amener l’élève à gérer son insertion socioprofessionnelle et se centre sur une démarche permettant à l’élève de « poursuivre le développement de son identité personnelle et professionnelle » en mettant en valeur ses intérêts et ses talents (Ministère de l'Éducation, 2013, p. 1). Par ailleurs, l’une des trois visées du Programme de formation de l’école

québécoise, au deuxième cycle du secondaire, est la structuration de l’identité elle-même.

Les actions des milieux scolaires en ce sens visent à amener l’élève à « à clarifier et à approfondir ses choix d’orientation, à développer son estime de soi et à s’affirmer comme personne, comme travailleur et comme citoyen » (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2013, p. 8).

Alors que l’école tente d’accompagner les élèves dans le développement de leur identité personnelle et professionnelle en définissant des objectifs et des visées qui s’y rapportent, elle se retrouve confrontée à une problématique de taille : pour certains élèves victimes d’intimidation, leur développement identitaire est miné par des interactions sociales négatives et répétées qui peuvent devenir destructrices pour la construction d’une image de soi positive.

Les élèves victimes d’intimidation sont alors brimés dans le développement de leur identité. D’un côté, le programme vise à structurer leur identité personnelle et professionnelle, mais, de l’autre côté, leur expérience scolaire est parsemée d’interactions sociales négatives qui compromettent cette structuration. Dans cette optique, il parait

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probable que leur parcours scolaire et les choix scolaires et professionnels qui en découlent s’en trouvent influencés.

1.4 Une description de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire

À la lumière de ce qui précède, l’intimidation est un enjeu bien réel au sein des écoles secondaires québécoises, comme le démontrent les nouvelles politiques mises en vigueur récemment ainsi que les statistiques appuyant l’importance du phénomène. Or, les élèves du secondaire sont susceptibles d’y être confrontés dans la période même où ils réaliseront d’importants choix sur le plan professionnel et où l’identité sera au cœur de leur développement. Ils devront s’orienter vers un parcours de formation (générale, générale appliquée ou axée sur l’emploi), en plus de faire le choix d’une séquence de mathématiques, d’une discipline artistique et de cours optionnels (Ministère de l'Éducation, 2007). En ce sens, le lien entre l’intimidation et la construction identitaire ainsi que ses répercussions sur le parcours scolaire méritent d’être explorés davantage. Toutefois, les recherches dans ce domaine demeurent limitées.

Afin de mieux saisir l’ampleur de cette problématique et de rendre compte des types de cheminement qui peuvent s’ensuivre, une étude qui tient compte du parcours scolaire antérieur d’étudiants universitaires ayant été victimes d’intimidation à l’école secondaire est de mise. Une telle étude permettra de mieux comprendre comment l’incidence de l’intimidation sur la persévérance scolaire et le choix de carrière peut s’articuler autour d’une construction identitaire et d’un cheminement de vie qui mène à la poursuite d’un parcours scolaire en voie de réussite. Ainsi, les parcours scolaires d’étudiants universitaires ayant été victimes d’intimidation à l’adolescence seront étudiés, tout en accordant une attention particulière aux liens qu’ont eu les rétroactions sociales sur leur construction identitaire.

Pour y arriver, la persévérance scolaire, le choix de carrière et les facteurs de résilience seront pris en considération afin de comprendre comment le parcours scolaire global de ces élèves s’est modulé en fonction de l’expérience d’intimidation, comme illustré dans la Figure 2.

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Figure 2: Les composantes du parcours scolaire prises en compte dans cette étude

Le parcours scolaire sera donc vu comme un ensemble intégré de choix scolaires et professionnels. Il sera exploré d’un point de vue subjectif, en s’appuyant sur le sens donné au vécu d’intimidé sur le parcours global de l’étudiant.

En ce qui concerne la persévérance scolaire, les interruptions effectives seront considérées, tout comme le désir d’interrompre l’école et l’absentéisme. Le choix professionnel, quant à lui, sera exploré à partir de la réalisation du choix de carrière proprement dit, mais également à partir du processus de choix qui s’est opéré depuis l’école secondaire.

En somme, sur le plan de la persévérance scolaire tout comme sur le plan du choix de carrière, il est intéressant de se demander comment certains étudiants ont réussi à construire leur identité et à moduler leurs parcours afin d’éviter de subir trop de contrecoups et en arriver à entreprendre des études postsecondaires.

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La présente recherche permettra donc de répondre à la question suivante: Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire est-il associé à la construction identitaire d’étudiantes et d’étudiants universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire?

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Chapitre 2 : Cadre théorique

Ce deuxième chapitre a pour objectif de présenter la théorie sur laquelle cette recherche s’appuie ainsi que les concepts qui seront abordés. La première partie visera à présenter la théorie du contrôle identitaire (Identity Control Theory approach) de Kerpelman, Pittman et Lamke (1997), tandis que la deuxième partie sera consacrée à définir les concepts à l’étude. Le concept d’intimidation sera d’abord présenté. Puis, le concept de parcours scolaire sera défini à partir de trois composantes, soit la persévérance scolaire, le choix professionnel et la résilience. Finalement, les objectifs spécifiques de l’étude seront exposés.

2.1 Présentation de la théorie de contrôle identitaire

La théorie de contrôle identitaire (Identity Control Theory approach) a été élaborée par Kerpelman et ses collaborateurs en 1997. Ces chercheurs ont échafaudé leur théorie en réaction au modèle des processus de formation identitaire (Model of Identity Formation

Processes) de Grotevant (1987). Le modèle des processus de formation identitaire met

l’accent sur le processus d’exploration et l’intention comme fondements de l’engagement permettant la suite de l’exploration pour expliquer si un individu est enclin ou non à s’engager dans un travail identitaire. Kerpelman et ses collaborateurs (1997) ont ainsi émis certains questionnements quant au modèle de Grotevant (1987), ce qui leur a permis de mettre au jour leur théorie de contrôle identitaire. Ils se sont notamment interrogés sur la façon dont se déclenche le comportement d’exploration d’une personne et de ce qui fait en sorte que ce comportement se maintient pendant une certaine période de temps. Ils se sont également demandé dans quelle mesure les comportements d’exploration pouvaient affecter l’état cognitif ou affectif de la personne. Puis, ils se sont interrogés sur ce qui se produit pendant la construction identitaire. Finalement, ils se sont questionnés sur ce qui amène la personne à faire une évaluation de son identité, et ce qui se produit pendant ce processus d’évaluation. Ces questionnements ont mené Kerpelman et ses collaborateurs

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(1997) à positionner le besoin de congruence entre les rétroactions sociales et les définitions personnelles de l’individu au cœur de leur théorie.

Pour y arriver, ces auteurs ont choisi d’appliquer la théorie de contrôle au développement identitaire, afin de construire leur théorie de contrôle identitaire. À la base, la théorie de contrôle renvoie au processus d’autorégulation. Il s’agit d’une approche qui est souvent comparée au fonctionnement d’un thermostat (Anderson & Mounts, 2012; Burke, 1991; Kerpelman et coll., 1997). Le thermostat vise à réguler la température d’une pièce, et se met à fonctionner lorsqu’un écart significatif est observé entre la température ambiante et la température demandée. Il vise donc à annuler cette discordance, par exemple en ajoutant de l’air chaud ou froid à la pièce, afin de restaurer la congruence entre la température ambiante et la température demandée. Appliquée au développement identitaire, cette théorie propose que l’autorégulation de soi permette d’arriver à maintenir une congruence entre une idée de référence de soi et l’information externe qui nous est renvoyée (input). Plus précisément, la théorie de contrôle identitaire repose sur un système de contrôle

identitaire (identity control system) qui gère les incongruences potentielles entre les

rétroactions sociales externes, comme celles des amis et de la famille, et les définitions personnelles de l’identité que la personne s’est elle-même créées. L’identité est vue comme « un regroupement de significations qui définissent qui est la personne en termes de groupe ou de classification (comme être un Américain ou une femme), en termes de rôle (par exemple, être un courtier ou un camionneur), ou en termes d’attributs personnels (comme être amical ou honnête) » (Stets & Burke, 2005, p. 2).

En se basant sur ces définitions personnelles de l’identité, le modèle de Kerpelman et ses collaborateurs se centrent sur « les interactions successives entre l’adolescent et son environnement social, ainsi que les conséquences intrapsychiques de telles interactions » (Cohen-Scali & Guichard, 2008, p. 11). Plus précisément, la théorie de contrôle identitaire s’intéresse aux microprocessus qui entrent en jeu dans l’exploration et la construction identitaire des jeunes, en passant par les interactions sociales qu’ils entretiennent ainsi que leurs conséquences « intrapsychiques » (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Elle s’intéresse principalement aux incongruences entre les rétroactions externes de l’environnement social

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et la définition que se fait la personne de son identité. La rétroaction de la part de l’environnement social est ainsi considérée comme étant une perception de soi. Autrement dit, la perception qu’une personne a d’elle-même sera en partie dérivée des rétroactions venant de son environnement social. Il apparait donc important de considérer le phénomène de l’intimidation, qui renvoie une image négative de soi-même à la personne qui en est victime sur une période plus ou moins prolongée de l’adolescence.

La théorie de contrôle identitaire est composée de cinq composantes, illustrées dans la Figure 3:

Figure 3: Les cinq composantes de la théorie de contrôle identitaire (adaptée à partir de Kerpelman et coll., 1997)

Lorsqu’une rétroaction externe de la part de l’environnement social est reçue, elle est interprétée afin de former une perception de soi. Cette perception de soi est comparée avec un standard identitaire. Quand le standard identitaire n’est pas congruent avec la rétroaction reçue, le comportement de la personne visera à restaurer ce standard identitaire en passant soit par la perception de soi, soit en tentant d’aller chercher de nouvelles rétroactions de l’environnement social plus positives en changeant ses comportements. Si cette stratégie

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ne fonctionne pas, le standard identitaire pourra alors être ajusté lui aussi. Par exemple, si un élève souhaite devenir médecin et qu’il reçoit des rétroactions sociales qui vont dans ce sens, l’identité demeurera stable, car il n’y a pas d’incongruence. Dans cet exemple, les rétroactions sociales permettent ainsi d’assurer une stabilité à l’identité et ne la remettent pas en question (voir la Figure 4).

Figure 4: Processus de contrôle non-activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997)

Cependant, si le même élève souhaite devenir médecin, mais qu’il a constamment des rétroactions sociales négatives, donc incongruentes, à propos de ce type d’identité auquel il désire s’associer, le processus de contrôle sera activé. L’élève mettra donc des comportements en place afin de restaurer ou d’ajuster son identité (voir la Figure 5).

Figure 5: Processus de contrôle activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997)

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Tel que l’illustrent les exemples ci-haut, la théorie de contrôle identitaire s’intéresse principalement aux rétroactions sociales externes qui touchent à la sphère de l’identité professionnelle. Cette théorie a également été appliquée aux conséquences de rétroactions non congruentes sur l’identité, lorsque la rétroaction venait de la part d’un partenaire amoureux sérieux (Kerpelman & Lamke, 1997). Il a été découvert que la certitude qu’entretenait la personne à propos de son standard identitaire sur le plan professionnel ainsi que les rétroactions congruentes du partenaire amoureux prédisait la possibilité d’un changement identitaire chez le sujet. Plus précisément, les femmes interrogées qui ne démontraient pas déjà un niveau élevé de certitude à propos de leur identité professionnelle étaient enclines à changer leurs comportements pour qu’ils soient concordants avec les rétroactions reçues de la part du partenaire amoureux. Ces rétroactions prédisaient donc une importante partie de la variance dans le changement du standard identitaire qui pouvait se produire chez la personne. Cette étude a contribué à mettre en lumière que la théorie de contrôle identitaire permettait de mettre l’accent sur l’influence des relations interpersonnelles ayant une importante influence sur le développement identitaire. Plus récemment, Anderson et Mounts (2012) ont appliqué la théorie de contrôle identitaire à une étude s’intéressant à trois processus de développement identitaires, soit la défense de l’identité (identity defense), le changement identitaire (identity change) et l’exploration identitaire (identity exploration). La défense de l’identité réfère aux comportements visant à défendre la perception qu’a la personne de son identité (standard identitaire), soit en discréditant la rétroaction de l’environnement, soit en allant chercher de nouvelles sources de rétroactions plus cohérentes. Le changement identitaire, quant à lui, est un comportement qui vise à modifier le standard identitaire de la personne pour qu’il soit cohérent avec les rétroactions sociales reçues. Finalement, l’exploration identitaire est le comportement qui s’enclenche lorsqu’il y a une discordance qui empêche la consolidation du standard identitaire, permettant ainsi à la personne d’apprendre sur elle-même et de recevoir de nouvelles rétroactions de la part de l’environnement. Dans la théorie initiale de Kerpelman et ses collaborateurs (1997), ces processus sont tous regroupés sous le vocable « processus de contrôle ». L’étude d’Anderson et Mounts (2012) avait deux objectifs principaux. Le premier était de vérifier si l’exploration identitaire était bel et bien

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déclenchée par le fait que l’identité soit affectée par une incongruence. Le deuxième objectif était de vérifier si la certitude et l’importance qu’accorde la personne à son standard identitaire pouvaient jouer un rôle modérateur entre l’incongruence identitaire et la façon dont le système de contrôle répondait. L’étude a démontré qu’une personne ayant une certitude élevée à propos de ses standards identitaires était plus encline à défendre son identité, tandis qu’une personne ayant une certitude moins élevée était plus encline à apporter des modifications à son identité. Autrement dit, une personne ayant une certitude moins élevée envers son identité pourrait plus facilement modifier son standard identitaire pour qu’il soit cohérent avec les rétroactions de son environnement sur le plan professionnel. Par exemple, si cette personne se fait souvent dire qu’elle serait une bonne enseignante alors qu’au départ, elle se voyait en médecine, elle pourra peu à peu changer sa perception afin de se définir davantage comme enseignante. Inversement, une personne ayant une certitude élevée à propos de son standard identitaire de médecin aura davantage tendance à défendre cette perception, soit en allant chercher d’autres types de rétroactions sociales qui lui confirmeraient cette idée d’elle-même ou soit en tentant de discréditer le commentaire incohérent.

À la lumière de ces récentes études sur la question, la théorie de contrôle identitaire est toujours d’actualité et gagnerait à être utilisée dans de nouvelles études s’intéressant au lien qui existe entre les processus qui sous-tendent la construction identitaire ainsi que les rétroactions fournies par l’environnement social. La théorie de contrôle identitaire, à travers ses orientations théoriques, permet de comprendre comment l’expérience sociale d’un individu affecte la nature même de son identité (Kerpelman et coll., 1997). Il s’agit donc d’un tout nouvel éclairage quant au développement identitaire, car les théories s’intéressant à ce phénomène visent surtout à conceptualiser ce qui se développe et à quel moment, tandis que la théorie de contrôle identitaire vise à répondre à la question du « comment » ce développement s’articule (Kerpelman et coll., 1997). En ce sens, la théorie de contrôle identitaire propose un cadre d’interprétation permettant d’expliciter le processus psychosocial qui se joue lors du développement identitaire et les liens qui existent entre les relations interpersonnelles et ce développement (Kerpelman et coll., 1997).

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Par ailleurs, à la suite de leur étude à propos des partenaires amoureux, Kerpelman et Lamke (1997) proposent d’appliquer cette théorie à divers types d’interactions sociales tels que les amis. Étant donné que l’intimidation se compose de rétroactions sociales négatives, l’application de la théorie de contrôle identitaire semble appropriée. Plus récemment, Anderson et Mounts (2012) ont aussi souligné que les résultats de leur recherche permettaient de s’attendre à ce que la théorie de contrôle identitaire s’applique tout aussi bien à d’autres domaines de l’identité tels que les relations interpersonnelles et les rôles sexués.

La théorie de contrôle identitaire de Kerpelman et coll. (1997) apparait donc tout à fait pertinente pour explorer les processus qui sous-tendent la construction identitaire d’un élève victime d’intimidation. Dans le cadre de la présente étude, les incongruences potentielles entre l’environnement social de la personne et sa perception d’elle-même se situeraient alors au niveau de la valeur de l’identité. Dans le cas d’un élève qui subit de l’intimidation, l’environnement social renvoie des rétroactions sociales négatives par rapport à l’identité de l’élève. Lorsque cet élève reçoit de manière répétée des rétroactions sociales négatives incongruentes avec la perception positive qu’il avait de son identité, le processus de contrôle serait activé. Une fois ce processus activé, deux options peuvent alors être envisagées. Premièrement, la vision positive que l’élève avait de lui-même (identité positive) pourrait « s’ajuster » en une identité négative qui serait davantage en concordance avec les rétroactions sociales auxquelles il est confronté. Or, une deuxième hypothèse se pose. Selon Kerpelman et coll. (1987), un individu peut modifier ses comportements afin d’aller chercher des rétroactions environnementales congruentes avec son standard identitaire avant de le modifier. Donc, avant de travailler à modifier la perception de soi ou le standard identitaire, l’élève pourrait mettre de l’avant une modification de ses comportements dans le but d’obtenir des rétroactions sociales positives et congruentes avec sa perception identitaire. Dans le cas de l’intimidation, la modification de comportement pourrait notamment être de changer de groupe social ou de s’inscrire à une activité hors du milieu scolaire où il vit des réussites. Il pourrait alors s’agir d’une source de revalorisation de l’identité et d’un endroit où la personne aurait l’occasion de développer des facteurs de résilience pour l’aider à poursuivre son parcours. Cet aspect pourrait expliquer pourquoi

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l’identité peut demeurer positive, même si elle est confrontée à des rétroactions qui la menacent.

Toujours en s’appuyant sur la théorie de contrôle identitaire de Kerpelman et ses collaborateurs. (2008), il est possible d’avancer qu’il existe un risque réel sur le plan identitaire pour l’élève qui subit de l’intimidation à l’école. Les rétroactions sociales non congruentes et répétées à propos de son identité peuvent activer le processus de contrôle. L’identité pourrait alors être restaurée ou ajustée en une perception négative de soi, ce qui pourrait entraîner d’importantes répercussions sur le parcours scolaire, et ce, autant au niveau de la persévérance scolaire que du choix de carrière, comme illustré dans la Figure 4 ci-dessous. Notons cependant que la personne pourrait également modifier ses comportements afin de modifier les rétroactions qu’elle reçoit de la part de son environnement.

Figure 6: La théorie de contrôle appliquée au phénomène de l’intimidation en milieu scolaire

En somme, la théorie de contrôle identitaire fournit un éclairage théorique à propos du lien possible entre les rétroactions sociales sur le développement de l’identité. À la base, on y retrouve le système de contrôle identitaire, un processus d’autorégulation qui permet à l’individu de maintenir une congruence entre une idée de référence de soi et l’information externe reçue. Des études récentes se sont basées sur cette théorie et proposent notamment de l’appliquer aux rétroactions sociales des pairs, ce qui justifie la pertinence de s’en servir

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