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Chapitre 3 : Méthodologie

3.5 La méthode de collecte de données

La méthode de collecte de données utilisée a été les entrevues individuelles semi-dirigées en face à face, d’une durée approximative de 90 minutes. Ce type d’entrevue s’appuie sur la définition de Savoie-Zajc (2009), qui la décrit comme étant : « [u]ne interaction verbale animée de façon souple par le chercheur. Celui-ci se laissera guider par le rythme et le contenu unique de l’échange dans le but d’aborder, sur un mode qui ressemble à celui de la conversation, les thèmes généraux qu’il souhaite explorer avec le participant à la recherche » (p. 340). Dans la conception de Savoie-Zajc (2009), qui a été adoptée pour cette étude, l’entrevue de recherche sous-entend que chacun des acteurs détient un savoir d’expertise particulier. Le chercheur détient une expertise quant au processus de recherche, tandis que le participant détient une expertise quant aux expériences de vie pertinentes au sujet de recherche. L’entrevue a donc été réalisée de façon à mettre au premier plan le savoir d’expérience du participant ou de la participante, de façon à atteindre les objectifs visés.

Un autre aspect qui a fait pencher le choix vers l’entrevue semi-dirigée est que l’un de ses buts est « de rendre explicite le monde de l’autre » (Savoie-Zajc, 2009, p. 343). Comme cette recherche s’intéresse à rendre explicite les liens qui peuvent exister entre le parcours scolaire et le fait d’être victime d’intimidation, il s’agit d’une méthode tout à fait appropriée. L’étude vise également à identifier des « liens entre des comportements antérieurs et le présent » (Savoie-Zajc, 2009, p. 343), c’est-à-dire de comprendre comment la personne a pu moduler son expérience antérieure d’intimidation afin d’en arriver à entreprendre des études universitaires aujourd’hui.

En accord avec cette visée, l’entrevue s’est composée de questions ouvertes afin de « faire ressortir les points de vue des participants et d’avoir une idée plus précise de ce qui

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constitue leur expérience » (Fortin et coll., 2006, p. 241). De plus, elle s’est inspirée de l’approche biographique du récit de vie en orientation de Francequin (2004). L’approche biographique peut se définir comme « un dialogue, un partage dans la production de la connaissance entre le sujet-acteur producteur de sens et un accompagnateur », dans ce cas- ci la chercheure (Mercier & Rhéaume, 2007, p. 92). Dans cette optique, le récit de vie peut être décrit comme une démarche « pour tenter de découvrir la réalité sociale et comprendre la personne qui accepte de raconter des tranches de sa vie » (Francequin, 2004, p. 21). À propos des parcours de résilience étudiés sous cet angle (Gayet, 2007)affirme que :

« Si nous suivons de plus près la trajectoire d’un sujet dit résilient, par exemple au travers d’un récit de vie, sa réussite nous apparait déjà moins mystérieuse. Nous découvrons ou soupçonnons des facteurs et des événements qui contrebalancent les éléments négatifs que nous aurions pu recenser. Et c’est ainsi que rétrospectivement la réussite ne nous parait plus aussi étrange dès lors que nous progressons dans la découverte des circonstances ayant aidé le sujet à surmonter son adversité » (p. 43).

Le récit de vie nous permettra de mieux saisir les facteurs de protection qui ont permis aux participants de poursuivre leur parcours scolaire en dépit de leur vécu d’intimidation. Ainsi, il sera possible de mieux comprendre leur réussite, en ayant accès aux facteurs et aux évènements qui ont pu contrebalancer les répercussions négatives de leur vécu d’intimidé. D’abord utilisée dans le champ de la sociologie, l’approche biographique s’applique maintenant à plusieurs disciplines, dont la psychologie de l’orientation. La méthode du récit de vie a notamment été appliquée dans le domaine de l’intervention en orientation auprès des élèves du secondaire et avec les jeunes en difficulté (Francequin, 2004). Cette méthode semble particulièrement adaptée afin d’étudier la compréhension qu’a la personne de son propre parcours scolaire au regard de l’intimidation.

Trois éléments distinctifs peuvent caractériser l’approche biographique, soit une narration, une temporalité biographique et une recherche de mise de sens (Mercier & Rhéaume, 2007, p. 93). La narration réfère à la capacité du participant de se raconter dans le cadre de l’entrevue de recherche. Dans ce cas-ci, il s’est raconté à l’oral, guidé par les questions de

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la chercheure. La temporalité biographique se caractérise par les repères temporels qui encadrent le vécu de la personne, sur les plans individuel et sociétal. Finalement, l’entrevue de recherche qui s’inscrit dans l’approche biographique favorise une recherche de mise de sens de son expérience chez le participant.

En se basant sur les principes d’une entrevue semi-dirigée s’inscrivant dans l’approche biographique du récit de vie, un guide d’entrevue (annexe F) a été rédigé. Ce guide s’appuie sur les trois moments-clés proposés par Savoie-Zajc (2009), soit « l’ouverture, l’entrevue proprement dite et la clôture » (p.351). Les entrevues ont débuté par l’accueil du participant ou de la participante. Ce premier contact était le moment de faire connaissance et de mettre la personne à l’aise, en plus de la situer au regard de la recherche et des objectifs de l’entrevue. Les éléments relatifs à la confidentialité et le formulaire de consentement étaient également présentés. Puis, le participant ou la participante était invité à remplir le formulaire « Profil du participant » (annexe E). Ensuite, l’entrevue proprement dite s’ouvrait sur une question de départ inspirée de l’approche du récit de vie, soit « Est-ce que tu peux me raconter ton parcours scolaire, depuis le primaire jusqu’à aujourd’hui? ». Le fait d’amorcer l’entrevue par une question d’ordre descriptif a permis d’introduire les questions de clarification de manière plus naturelle, dans le prolongement de la question de départ. Ce choix méthodologique permet également au sujet de se remettre en tête « un ensemble de facteurs lui permettant de faire des liens, des critiques, des synthèses au regard d’une expérience de vie […] particulière » (Savoie-Zajc, 2009, p. 354). Ensuite, le corps de l’entrevue a été construit à partir de trois grands thèmes, soit 1/ la description de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire, 2/ la description de l’incidence de l’intimidation sur l’identité et 3/ la résilience. Les questions relatives à chacun de ces grands thèmes se retrouvent dans le guide d’entrevue en annexe, et permettaient d’orienter la discussion vers l’objet d’étude. De plus, les questions étaient, dans la mesure du possible, « ouvertes, courtes, neutres et pertinentes » (Savoie-Zjac, 2009, p. 352). Une période de clôture était également prévue. Cette étape permettait de voir ce que le participant a retenu de l’entrevue et comment s’est déroulé son expérience. Les coordonnées d’une ressource de soutien psychologique appropriée, au cas où les participants auraient revécu des

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souvenirs douloureux ou des émotions négatives laissées par l'intimidation, étaient également remises.

Selon les recommandations de Deslauriers et Kérisit (1997), deux critères assuraient la validité du guide d’entrevue. Le premier visait à établir si l’instrument, dans ce cas-ci le guide d’entrevue, permettait d’aller chercher les informations voulues. Ce critère a été validé en prétestant le guide d’entrevue (Aktouf, 1992) auprès de trois étudiants universitaires. Le prétest s’intéressait aux informations que les questions du guide permettaient d’aller recueillir chez les participants, en plus de valider la compréhension des questions chez ces derniers. Le guide d’entrevue a ensuite été révisé pour en arriver à sa forme actuelle. Le deuxième critère, quant à lui, réfère à l’efficacité de l’instrument en question, notamment sur les plans du coût, de l’accessibilité et du temps qu’il demande (Deslauriers & Kérisit, 1997a, p. 97). Dans le cadre de la présente étude, tous ces critères sont satisfaits au regard des moyens et du temps disponibles.