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Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats

4.1 Une typologie descriptive

Dans le cadre des entretiens de recherche, chacun des participants était invité à raconter son parcours scolaire dans son ensemble. La question d’amorce des entrevues était la suivante : Est-ce que tu peux me raconter ton parcours scolaire, depuis le primaire jusqu’à

aujourd’hui? Par la suite, trois blocs de questions permettaient d’approfondir les aspects

traitant des liens entre l’intimidation et le parcours scolaire, l’identité et la résilience. Cette façon de procéder a permis de recueillir une vision d’ensemble du parcours scolaire de la personne, tout en abordant les aspects de son cheminement personnel et professionnel qui étaient complémentaires et significatifs à la façon dont son parcours s’est modulé à la suite de son vécu d’intimidation. Trois types de parcours ont pu être dégagés afin de bâtir une typologie, soit : les parcours où la persévérance scolaire a été compromise, les parcours axés sur la transition et les parcours axés sur la réussite. Il importe de mentionner que tous les étudiants rencontrés ont fait preuve de résilience en accédant à des études universitaires après avoir vécu cette expérience. Par ailleurs, le type d’intimidation, sa durée et le sexe des participants ont été considérés dans notre analyse. Aucune tendance ne s’est dégagée à cet égard. Par exemple, le fait de subir de l’intimidation sur une plus longue période

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n’amenait pas nécessairement la personne à en subir les contrecoups à long terme sur son parcours. Inversement, le fait de subir de l’intimidation sur une plus courte période n’a pas toujours permis à la personne de se servir de cette expérience comme moteur pour aller plus loin dans son cheminement scolaire.

4.1.1 Les parcours où la persévérance scolaire a été compromise

Dans les cinq parcours qui composent cette première catégorie, on remarque que l’intimidation a agi comme un frein à la poursuite du parcours scolaire des étudiants rencontrés. L’intimidation a ainsi eu des répercussions importantes et à long terme sur la persévérance scolaire et le choix de carrière des participants. Ces obstacles ne les ont toutefois pas empêchés d’accéder à des études post-secondaires, mais leur parcours comportait plus de défis :

« […] d’essayer de se rendre à l’université quand tu as vécu ça…de pouvoir suivre un chemin, c’est difficile, parce que tu as souvent…tu as des étapes à surmonter, tu as des fois des embûches, tu as des marches qui sont plus dures à monter, tu as des beaux bouts, tu as des bons bouts, mais tu en as des mauvais, des moins bons. Pis des fois ce qui arrive ben tu as beaucoup de découragement. Des fois c’est dur, mais un moment donné tu te dis bon, regarde, je vais continuer. […] Mais on est tellement atteignables négativement… »

Pour reprendre l’analogie de l’un des participants:

« Au lieu de prendre l’autoroute, ben on va peut-être prendre notre chemin de campagne, le rang et le chemin de bouette, mais on va y arriver pareille. »

Ces parcours mettent toutefois en lumière des répercussions liées à l’intimidation qui sont encore présentes à ce jour, tant sur le plan scolaire que professionnel :

« Je suis encore jeune, j’ai juste XX ans, mais je veux dire, j’ai pas envie que ça me bouffe ma vie encore longtemps, je sais pas, je devrais, je veux dire, je devrais avoir plus confiance en moi, je devrais avoir plein de projets ».

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« Oui ça joue encore souvent. Il y a des choses que je m’arrête encore de faire parce que je sens que je ne serais pas capable ».

En somme, les répercussions de l’intimidation sont importantes et rendent plus difficile la poursuite d’un parcours scolaire et professionnel sain et positif, sans toutefois empêcher la réalisation de celui-ci.

4.1.2 Les parcours axés sur la transition

Cette deuxième catégorie regroupe six des dix-huit entrevues. Ces récits laissent également entrevoir que l’intimidation a pu avoir une incidence négative sur la persévérance scolaire et le choix de carrière des élèves, tout comme pour la catégorie précédente. Cependant, dans ce cas-ci, les répercussions n’ont pas perduré à long terme. Pour la plupart, les manifestations ont cessé lorsque les élèves ont quitté le secondaire et qu’ils sont entrés au cégep :

« Mais moi je l’ai vraiment vu comme un nouveau, ma nouvelle vie, tsé, Il y a tellement de points positifs que j’associe à [la ville où se situe le cégep], parce que, je suis arrivée au cégep […]. C’était vraiment, ça mettait un décalage […]. [C’était] plus l’idée de détachement, que je suis correcte avec ça maintenant. »

« […] pis c’est la minute ou je suis rentrée au cégep que là j’ai changé d’environnement vraiment, complètement, pis là j’ai comme appris que j’avais une voix, que j’étais une personne, que je pouvais avoir des vrais amis, que j’avais le droit d’être moi-même et qu’il y avait des gens pour m’accepter pis y’en avait d’autres qui peuvent ne pas m’accepter, mais tsé c’est pas grave. Fait que, à partir du cégep, ça a mieux été. »

Pour d’autres, ces manifestations ont cessé lorsque le contexte scolaire a changé, comme lors d’un changement de parcours de formation ou d’un changement d’école :

« Ben en fait j’avais vraiment envie de tout arrêter, et c’est uniquement quand j’ai changé de parcours et que j’ai eu d’excellents professeurs, c’est eux qui m’ont donné envie de continuer. [C’est] ce qui m’a fait comprendre que je n’étais peut-être pas rien sur terre et c’est à partir de là que tout a changé. »

« Ben juste le fait d’avoir changé d’école justement je me faisais pu écœurer et le désir d’avoir des bonnes notes justement, d’avoir un futur […]. Avoir été dans un

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autre domaine, dans une autre école, mais avec du monde où j’étais acceptée […]. J’avais des bonnes notes pis justement, ça m’a donné envie d’aller au cégep pis d’intervenir auprès des gens plus démunis. »

Il est possible de postuler qu’il s’agit de manifestations liés au contexte, car une fois que ces étudiants ont changé d’environnement, les manifestations se sont estompées ou ont disparues. Bref, on peut parler d’une transition dans leur parcours, qui leur a permis de tourner la page, d’aller de l’avant et de se bâtir une vision d’avenir et de nouveaux projets.

4.1.3 Les parcours axés sur la réussite

Les sept derniers parcours ont en commun que l’intimidation a en quelque sorte agi à titre de déclencheur pour la poursuite d’un parcours scolaire positif. Certaines manifestations plus négatives ont tout de même été relatées par les participants, mais ils se sont servis de cette expérience pour pousser leur parcours scolaire plus loin et montrer ce qu’ils valaient réellement :

« Ben c’est certain que si j’ai persévéré c’est parce que j’ai, j’ai toujours, tsé je te disais je voulais être meilleure que les autres […] je voulais toujours me surpasser, tsé voir jusqu’où j’étais capable d’aller. Tsé c’est pour ça que je suis au bacc., je vise la maitrise, si je suis capable je veux faire un doctorat tsé, fait que j’ai toujours voulu aller plus loin pour me monter que j’étais capable. »

« Mon parcours d’intimidation et d’autres évènements personnels ont fait en sorte que je me suis sentie vraiment responsable pis de moi, mais aussi de vouloir le bien des autres, de vouloir l’avancement, de vouloir quelque chose de meilleur, la performance évidemment au plan académique, comme pour, probablement pour compenser en fait le manque d’estime de moi que j’avais, plus intérieur. Donc d’avoir des bonnes notes c’est sûr que ça renforce. »

« Je suis assez têtue, donc le fait de, justement me faire rabaisser, [de] me faire dire que tu n’es vraiment pas fine pis t’es conne, ça m’a donné encore plus le goût de m’impliquer partout pis de…regarde, tout le monde autour trouve que je suis super impliquée, pis je fais ce que j’ai à faire, je suis bonne à l’école. »

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Par ailleurs, ces étudiants voyaient l’intimidation comme une période difficile, mais temporaire. Ils savaient qu’il y aurait une fin, et cela n’a pas remis en question leur valeur en tant qu’individu :

« Je dirais aussi ben tsé, au niveau personnalité, au niveau prédisposition entre guillemets, que je suis quand même quelqu’un qui est curieuse, qui est brillante, tsé qui aiment les gens veut veut pas, ça m’a amené dans des contextes justement ou j’ai pu rester avec une meilleure estime de moi dans ces moments-là fait que quand je vivais de l’intimidation, je savais que j’avais un dur temps à passer, mais qu’ailleurs ça allait bien. »

« […] pis dire, je sais que fondamentalement je vaux quelque chose et je sais que c’est juste un bout qui est plus difficile pour moi. »

Ils ont aussi eu tendance à se positionner de façon à ce que l’intimidation ne les empêche pas de poursuivre leur cheminement, tant sur le plan scolaire que personnel :

« Tsé oui moi je sais que j’ai vécu quelque chose de difficile, mais, je [ne] voulais pas que ça m’empêche de vivre, d’avancer. »

« Je le sais pas, tsé j’ai l’impression que je ne réagis pas comme les autres victimes, j’ai l’impression qu’il y en a beaucoup qui vont rester enfermé là-dedans, [… ], mais on dirait que je ne me suis jamais considéré comme une victime en tant que tel […]. J’ai comme pas voulu vivre en fonction de ça non plus. »

Dans les parcours de ces étudiants, subir de l’intimidation a donc favorisé une plus grande implication sur le plan scolaire, et cette problématique était vue par les étudiants comme une période délimitée dans le temps, qui ne les empêcherait pas d’atteindre leurs buts et de poursuivre leur cheminement.

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Tableau 2: Les types de parcours recensés

Types de parcours Brève description Nombre de

participants

Parcours où la persévérance scolaire a

été compromise

L’intimidation a agi à titre de frein pour la poursuite d’un parcours scolaire positif.

5

Parcours axé sur la transition

Les répercussions de l’intimidation sont demeurées contextuelles, et une transition a permis à la personne de recommencer à neuf et d’en minimiser les conséquences pour la suite du parcours.

6

Parcours axé sur la réussite

L’intimidation a agi à titre de déclencheur pour que la personne s’investisse davantage sur les plans scolaire et professionnel et poursuive un parcours positif.

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4.2 Les répercussions sur la persévérance scolaire et l’aspiration aux