• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Méthodologie

3.2 La population ciblée et les critères de sélection des participants

La population visée se compose d’étudiants universitaires québécois qui ont vécu un épisode d’intimidation, à titre de victimes, à l’école secondaire. Ce choix de population a permis de s’intéresser à un groupe auquel peu d’études se sont intéressées jusqu’à maintenant, soit les gens qui ont vécu un épisode d’intimidation, mais qui parviennent à poursuivre des études universitaires. Alors que plusieurs études mettent en évidence que les élèves victimes d’intimidation sont plus sujets à être confrontés à des contrecoups négatifs sur leurs parcours scolaire tels que la chute des résultats scolaires ou le décrochage, les résultats de l’étude de Roberge (2008) sont tout autres. Cette chercheure a mis en lumière que la plupart de ses participants (huit des 10 participants rencontrés) avaient poursuivi leur cheminement scolaire jusqu’à l’obtention d’un diplôme post-secondaire. S’intéresser à la population universitaire semble donc être pertinent pour développer l’avenue de recherche mise en lumière par Roberge (2008). De plus, les étudiants universitaires disposent d’un recul plus grand que les adolescents qui sont directement confrontés à l’intimidation, ce qui leur permet d’avoir une meilleure vision d’ensemble de leur parcours scolaire et de la place que l’intimidation y a occupée. Par ailleurs, bien que les cégépiens aient également pu faire partie de cette population, le choix a été de privilégier les universitaires dans un souci d’homogénéisation (Pires, 1997).

À partir de cette population cible, un échantillon non-probabiliste par choix raisonné a été constitué (Deslauriers & Kérisit, 1997a; Pires, 1997). L’échantillon non-probabiliste se base sur des caractéristiques précises de l’objet d’étude afin d’établir des critères pour la sélection des participants (Deslauriers & Kérisit, 1997a). Dans le cadre de cette recherche, le premier critère est d’avoir subi un épisode d’intimidation à l’école secondaire. Pour bien définir le concept d’intimidation sur les plans méthodologiques et théoriques, il faut s’intéresser à la fréquence à partir de laquelle les élèves qui ont subi des manifestations de ce phénomène sont considérés comme des victimes. L’étude de Solberg et Olweus (2003) est éclairante à ce sujet. Ces auteurs ont mené une étude auprès de 5 171 étudiants provenant de 37 écoles norvégiennes afin de comparer trois points décisionnels qui peuvent servir à délimiter l’intimidation à partir de la fréquence des actions commises. Les élèves

42

interrogés avaient entre 11 et 15 ans. Ces âges concordent avec les jeunes de l’école secondaire au Québec. En se basant sur des analyses empiriques et des arguments conceptuels, il en est ressorti que le point décisionnel le plus approprié et le plus significatif serait « de deux à trois fois par mois », au cours des mois précédents. Ainsi, les auteurs soutiennent que cette fréquence serait « un seuil raisonnable et utile pour classifier les filles et les garçons âgés entre 10 et 16 ans comme étant des victimes et/ou des intimidateurs dans le but d’estimer un taux de prévalence » (traduction libre, p.263). Ici, le seuil « de deux à trois fois par mois » sur une période ayant duré plus d’un mois sera utilisé comme critère afin de s’assurer que les participants aient subi de l’intimidation à une fréquence reconnue corroborée par le corpus scientifique.

Par ailleurs, pour contrer la polysémie du concept d’intimidation, Smith et coll. (2002) suggèrent de recueillir de l’information à propos de gestes ou de situations en particulier au lieu d’utiliser le terme « intimidation » de façon globale. À partir de cette proposition, des critères pour définir l’intimidation scolaire ont été établis, plutôt que de se contenter d’utiliser le terme dans sa globalité. Ces critères ont été intégrés aux outils de recrutement et vérifiés au tout début de l’entretien.

À la lumière de ces nuances et du chapitre théorique qui précède, les critères utilisés dans le cadre de cette étude pour définir l’intimidation scolaire sont :

1/ Que l’intimidation ait été vécue en milieu scolaire : en classe, à l’école ou sur le chemin de l’école (Institut de la statistique du Québec, 2012);

2/ Que les gestes d’intimidation aient été posés de façon répétitive et à une fréquence minimale de deux à trois fois par mois pendant une période ayant duré plus d’un mois (Solberg & Olweus, 2003);

3/ Qu’une inégalité ait existé dans le rapport de force ou de pouvoir entre la victime et l’agresseur, sur le plan physique, psychologique ou en raison du statut de l’une ou l’autre des personnes impliquées (Smith & Sharp, 2006);

43

4/ Que les comportements d’intimidation aient eu pour effet d'engendrer des sentiments de détresse chez la victime (Éditeur officiel du Québec, 2013).

Les critères d’inclusion sont donc « d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire », en concordance avec les aspects nommés ci-haut, et « d’étudier à l’université ». Les critères d’exclusion sont « de ne pas répondre à cette définition de l’intimidation » ou « de ne pas poursuivre des études universitaires au moment de la collecte de données ». Le sexe des participants a également été consigné afin de tenter de représenter l’ensemble de la population universitaire, mais ne constitue pas un critère en soi.

Le nombre de participants a été défini en fonction d’une règle intermédiaire (Savoie-Zjac, 2009). Un nombre initial de participants a été proposé au départ, mais il a été confirmé en cours de route en fonction de la saturation empirique des données. Selon Pires (1997), « [la] saturation empirique désigne […] le phénomène par lequel le chercheur juge que les derniers documents, entrevues ou observations n’apportent plus d’informations suffisamment nouvelles ou différentes pour justifier une augmentation du matériel empirique » (p. 67). Cette façon de faire permet d’assurer un corpus de données suffisant et satisfaisant au point de vue de l’analyse.

Dans ce cas-ci, le nombre initial de participants a été établi à 15. En effet, pour ce type de recherche, Kvale (1996)suggère un échantillon de 10 à 15 personnes, ce qui correspond à l’ordre de grandeur généralement observé au sein de la communauté scientifique.