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Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats

4.4 Les répercussions sur la construction identitaire

4.5.1 Les facteurs de protection

Dans l’étude de Roberge (2008), les cinq facteurs de protection mesurés étaient 1/ le soutien reçu et la capacité à prendre soin de soi-même, 2/ des attentes élevées de succès, notamment au niveau de la carrière, 3/ des possibilités de participer à des activités parascolaires ou à des groupes communautaires, où les participants avaient le sentiment d’y contribuer positivement, 4/ les relations positives avec des personnes de l’entourage professionnel, social et familial et 5/ la conscience de ses forces et ses limites personnelles. Dans la présente recherche, plusieurs facteurs de protection ont été notés dans les récits des participants et rejoignent ceux mesurés par Roberge (2008).

4.5.1.1 Du soutien

Huit des 18 participants ont abordé le fait d’avoir reçu un certain soutien comme étant un facteur de protection. Ce soutien est souvent venu de la famille, qu’elle soit au courant ou non de la situation d’intimidation qui était vécue :

« Mes deux parents m’ont toujours soutenue, en fait ça a été les premières personnes à qui j’ai raconté mon histoire, de ce que je vivais à l’école. Fac c’était…ils m’ont soutenue, ils sont même allés plusieurs fois rencontrer la directrice. »

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« Heureusement, ma mère était vraiment là pour moi. J’arrivais le soir, je sortais de l’école j’étais tout le temps super triste, et on faisait des scénarios. »

« Je pense que même si mes parents n’étaient pas au courant de ce que je vivais, tsé j’avais quand même de l’amour à la maison. Pis une stabilité à la maison aussi, une sécurité. Je savais que quand j’étais là, il n’allait rien m’arriver, fait que, tsé j’avais ce centre-là. Je pouvais m’accrocher, mon chez nous, je savais que j’avais ça même si mes parents ne savaient pas ce que je vivais. »

Le soutien est aussi parfois venu de l’école ou d’une intervention externe :

« D’ailleurs, il y a une de mes professeurs qui était venu m’en parler, elle s’en était rendue compte. Elle m’avait dit : Qu’est-ce qui se passe? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi? »

« Pendant quatre des cinq années du secondaire, j’ai vu une… à l’époque il y avait deux psychologues pour la commission scolaire au complet, fac j’ai vu une travailleuse sociale. C’était une intervenante que j’ai vue pendant cinq ans. Heureusement qu’elle était là, parce que sinon…je la voyais une fois par semaine. » Dans les deux cas, le soutien reçu était perçu de façon positive par les participants, dans le sens où ils considèrent que ce soutien a joué un rôle important dans leur capacité à rebondir de l’expérience d’intimidation vécue.

4.5.1.2 Des attentes personnelles élevées de succès

Certains participants ont également mentionné avoir des attentes élevées de succès, surtout concernant leurs études et leur future profession :

« Je voulais toujours me surpasser, tsé voir jusqu’où j’étais capable d’aller. Tsé c’est pour ça que je suis au bacc., que je vise la maitrise, si je suis capable je veux faire un doctorat tsé […] »

Ce facteur de protection a été presque exclusivement abordé par les participants qui ont poursuivi un parcours axé sur la réussite. Par ailleurs, les effets positifs et probables des environnements social et familial pourraient être mis en lien avec ce facteur.

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4.5.1.3 Des activités intéressantes et valorisantes

L’un des facteurs de protection qui a le plus souvent émergé des récits de parcours est l’accès à des activités valorisantes et qui suscitaient un intérêt (n=14). À la différence des observations de Roberge (2008), le type d’activité (par exemple, la musique, le sport, le théâtre, etc.) importait peu pour les participants, à la condition qu’elle permette aux élèves de s’investir dans une passion, ou simplement de se changer les idées. Certaines activités étaient donc parascolaires ou permettaient une implication dans un groupe social ou communautaire, alors que d’autres pouvaient prendre la forme d’un passe-temps, ou d’une passion dans laquelle l’élève s’était investi :

« J’ai fait du Taekwondo pendant longtemps, ça je pense c’est quelque chose qui m’a aidé beaucoup, parce que j’avais un milieu à l’extérieur du primaire ou du secondaire où est-ce que j’avais des amis pis où est-ce que j’excellais. Je réussissais, et ça m’a donné des projets. »

« Le fait d’avoir des cours de musique, ça m’a, ça m’a valorisé. On a fait des spectacles, j’étais comme le meilleur élève avec le meilleur solo, tout le monde m’applaudissait, je n’avais jamais vécu ça avant. Pis mon prof était ben fin, j’aimais ben ça aller à son cours pis toute, c’était comme… ça a aidé. »

« C’est surtout au secondaire que j’écrivais, j’écrivais vraiment. Ça me rejoignait, et à quelque part je pense que c’était une forme de thérapie. Je me sentais bien là-dedans pi, je veux dire, j’exprimais vraiment mes idées à travers quelque chose que j’aime. » « Moi c’était la musique, définitivement. M’impliquer. M’impliquer, faire…c’était aller chercher je pense…peut-être pas un sens à sa vie, mais une valorisation que je n’avais pas. Tsé de pouvoir dire que je fais des choses pis ça permet de mettre en lumière, de façon peut-être pas…tsé ils n’applaudissaient pas à chaque fois que je faisais mes affaires là, mais juste le fait de me dire je suis capable de faire ça même si on me dit que je ne suis pas capable. Tsé c’est ça, les journaux étudiants, la radio étudiante, des affaires de même, tsé j’ai toute fait ça. Tsé l’implication. »

Un point commun demeure toutefois : l’activité permettait à ces étudiants de s’investir de façon positive dans quelque chose. Ils y retrouvaient également une valorisation qu’ils n’arrivaient pas à obtenir par les rétroactions sociales de leurs pairs à l’école.

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4.5.1.4 Des relations familiales et amicales positives

À l’instar de Roberge, les relations positives sur les plans familial et social ont aussi été observées comme étant des facteurs de protection importants dans le parcours des participants. En outre, il s’agit du facteur qui a été le plus souvent abordé dans les entretiens (n=16) :

« Ouais, pis tsé, j’aimais mes parents, j’aimais mon frère, pis tsé sans ça je ne sais pas pour vrai… »

« Mais au moins, à la maison, l’ambiance familiale était en général bonne. […] Avec ma mère, ça allait très bien. Je ne me suis jamais vraiment chicané avec mes sœurs à la maison, l’environnement était bon. »

« […] j’avais quand même des amis pareil, même si je me faisais beaucoup intimider sur ce que j’avais de l’air, sur ce que j’étais et sur ce que je portais. Mais j’ai toujours eu des amis quand même, fait que je pense que je me rattachais à ça, à quelque part. Tsé ça me…je restais accrocher à l’école parce que j’avais hâte d’aller voir mes amis. »

« […] donc en secondaire 2, quand j’ai trouvé qu’il y avait des gens qui étaient un peu comme moi, [qui avaient] les mêmes intérêts que moi, que, c’est ça, la force de la gang pouvait protéger d’une certaine façon, qu’ils pouvaient faire une forteresse et qu’ils allaient me soutenir pis que, se développer ensemble finalement des intérêts et ne plus être finalement avec ces autres personnes-là, c’est sûr que ça, ça m’a propulsé et renforcer mon estime. »

« J’ai vécu admettons dans le brouillard durant la fin de mon secondaire. Le brouillard était dense. Mais c’était vraiment, oui ma famille, mes amis à l’extérieur de l’école, qui m’ont vraiment…qui étaient mes piliers. »

Toutefois, les participants n’ont pas abordé les relations positives sur le plan professionnel comme étant un facteur ayant eu de l’importance. Le fait que les entrevues étaient davantage axées sur l’épisode d’intimidation vécu au secondaire et les facteurs de protection présents dans l’environnement de la personne à ce moment pourrait expliquer la variance avec ce qui avait été observé par Roberge (2008).

4.5.1.5 Une conscience de ses forces et limites personnelles

Ce facteur n’a pas été abordé directement par les étudiants lors des entrevues de recherche. Cependant, certains d’entre eux ont été en mesure d’identifier les caractéristiques

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personnelles qui leur ont permis de poursuivre leur parcours scolaire en dépit des épisodes d’intimidation vécus. Ces facteurs sont la détermination (n=6), la capacité à faire preuve d’humour (n=2), l’optimisme (n=2) et la capacité à s’affirmer (n=1). Ces caractéristiques pourraient s’avérer être des éléments personnels favorisant le développement de la résilience chez les participants ayant subi de l’intimidation par leurs pairs à l’école.