• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats

4.3 Les manifestations sur le choix de carrière

4.3.1 Un intérêt nouveau ou renouvelé pour la relation d’aide

Pour la majorité des participants, la répercussion qui a été abordée le plus fréquemment est que l’intimidation a renforcé ou fait naître un intérêt pour la relation d’aide. En fait, la

65

moitié des participants (n=9) ont mentionné cet aspect lors des entretiens, bien qu’ils n’exercent pas tous dans des domaines directement axés sur la relation d’aide. Cet intérêt a été pris en considération au moment de leur choix de carrière, en se manifestant de différentes façons. Par exemple, l’une des participantes rencontrées souhaitait aider les autres en travaillant sur des recherches qui pourront améliorer leur qualité de vie. Bien qu’il ne s’agisse pas directement de relation d’aide, le désir d’aider les autres a tout de même été mis de l’avant dans son choix de carrière. Ce constat va de pair avec ce qui avait été observé dans l’étude de Roberge (2008), où la plupart des participants avaient fait leur choix de carrière en se basant sur un intérêt pour aider les autres, plutôt que de faire un choix pour des raisons financières ou familiales. Pour les participants de cette étude, trois différentes raisons se sont manifestées pour expliquer cet intérêt. Premièrement, certains participants étaient déjà sensibles aux autres avant même qu’ils ne vivent de l’intimidation, et cette expérience n’a fait que renforcer leurs aptitudes à cet égard :

« Déjà j’étais une personne sensible, j’étais très empathique. Ma mère me montrait beaucoup ce chemin-là d’indulgence et d’amabilité, de partage, de générosité tout ça. […] Fait qu’elle m’a appris cette sensibilité-là, d’être à l’écoute des besoins, des sentiments des autres. Pis tsé de l’avoir vécu moi-même, c’est sûr que ça m’a rendu beaucoup plus sensible évidemment aux autres personnes qui avaient des difficultés, [à ce qu’ils] pouvaient ressentir. Tsé j’imagine [que] veut, veut pas, ça a eu une influence nette sur mon choix de carrière. »

« Interviewée : Pis tsé c’était sûr que je m’en allais en relation d’aide parce que depuis que j’étais toute petite, tout le monde me…tsé, me valorisaient là-dedans, tsé le tempérament que j’avais, c’était comme naturel là. Ça allait de soi que j’allais m’en aller dans…j’avais le tempérament. Tsé à deux ans je consolais tous les amis à la garderie, tsé on voit un peu le genre. Je protégeais tout le monde, pis tsé je préparais les napperons, j’aidais les amis…Rires.

Chercheur : Fac c’était vraiment des aptitudes que tu avais là…

Interviewée : Ouais, ouais. Rires. J’étais de même toute petite, fac c’était comme…c’est ça, c’était assez tracé comme carrière.

Chercheur : Pis le fait d’avoir vécu de l’intimidation au secondaire, est-ce que ça l’a eu une influence à un certain moment sur ce choix-là?

66

Pour d’autres, entreprendre des études axées sur la relation d’aide leur permettrait de mieux se comprendre, ou de développer de nouvelles stratégies :

« Pis je suis contente justement d’avoir étudié dans un domaine lié à la psychologie parce que ça m’aide justement à gérer cette situation-là aujourd’hui et voir comment ça fonctionne. Ça m’aide à me protéger, et je pense que je l’ai peut-être fait pour ça aussi, étudier là-dedans. Pour me protéger, [pour] apprendre à développer des stratégies. »

« Pour le parcours, moi j’ai toujours voulu aller en psychologie parce que j’ai compris que c’était pour comprendre mes problèmes et peut-être me guérir… »

Mais, pour la majorité d’entre eux, il s’agissait de se donner les moyens de faire une différence concrète et altruiste dans la vie des gens. Dans une certaine mesure, ils aimeraient éviter que d’autres personnes aient à vivre une souffrance comme ils ont vécu, ou du moins de pouvoir les aider :

« J’ai envie d’intervenir avec les gens, pis d’aider ceux qui en ont de besoin. Parce que j’étais une personne qui en avait besoin, pis je ne m’en rendais pas compte. Pis j’ai envie d’aller vers ces gens-là, pis les aider à…à améliorer…peu importe qui, mais les gens qui ont besoin d’aide […], de sauver des gens qui en ont besoin. »

« Mais c’est sûr que quand tu vis des choses de même, tu te dis…ben en tout cas, pour ma part à moi, il faut dire que j’ai des aptitudes au niveau social et tout là, à ce niveau-là, mais je me disais il faut que je permette aux gens…il faut que je trouve une carrière ou quelque chose qui me permette de pouvoir dire aux gens ce que j’ai vécu, mais de dire aux gens aussi que ce n’est pas parce que tu vis ça que tu n’es pas capable d’être quelqu’un, d’avoir une profession, de t’épanouir, de pouvoir avoir une vie personnelle, amoureuse, professionnelle qui te convient. »

« […] pis en gros ils disaient qu’on sait c’est quoi la souffrance, qu’on veut éviter aux gens de vivre les mêmes choses que nous. Et c’est en plein pour ça que je suis dans le domaine de la relation d’aide. »

Ces derniers témoignages mènent à un autre constat : le désir de ces étudiants à vouloir aider les autres semble lié, dans certains cas, au fait qu’ils n’ont pas eu la chance de recevoir une aide adéquate lorsqu’ils ont vécu de l’intimidation, et qu’ils aimeraient éviter que d’autres aient à vivre une telle situation. En effet, dans la moitié des entretiens de recherche (n=9), les participants ont mentionné que leur situation d’intimidation n’avait pas été reconnue, voire

67

même banalisée, que ce soit par le personnel enseignant, par la direction de l’école, ou par leur famille. Ce manque de reconnaissance de la problématique semble les avoir menés à vouloir s’impliquer afin d’éviter la banalisation. Ces projets prennent tantôt la forme d’un projet de carrière, comme mentionné ci-haut, tantôt la forme d’un projet personnel ou d’actions concrètes pour réagir à un comportement d’intimidation:

« Ben c’est ça, j’ai pensé faire des conférences sur l’intimidation, ou je sais pas encore exactement dans quelle optique, ou peut-être partir une affaire.. »

« Tsé un moment donné ils s’en sont pris justement à un autre garçon de ma classe et il y un des gars de la gang des méchants qui le tabassait dans les coins de l’école pis, il allait le tabasser et criait des noms au gars, fait que moi j’ai dénoncé ça, je trouvais ça horrible, fait que tous les autres riaient et embarquaient là-dedans, j’en ai parlé à ma mère et finalement on a décidé de dénoncer le geste. »

« […], et j’étais devenu comme l’exemple [positif]. Et c’est pour ça que j’aimerais, si possible, faire la même chose en ce qui concerne l’intimidation. On est capable d’en sortir en fait. Et je n’ai jamais vu ce genre d’exemple jusqu’à maintenant. »

4.3.2 Un manque de confiance envers sa capacité à réaliser son choix de