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Les discours et les pratiques de participation sociale d'aînés handicapés : exploration critique d'un carrefour peu fréquenté

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Academic year: 2021

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Les discours et les pratiques de participation sociale d’aînés

handicapés : Exploration critique d’un carrefour peu

fréquenté

Émilie Raymond

School of Social Work

McGill University, Montreal

December 2013

A thesis submitted in partial fulfillment of the requirements of the degree of Ph. D in Social Work

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Table des matières

Résumé p. 5 Abstract p. 6 Remerciements p. 7 Préface p. 9 1. Introduction p. 10

1.1 Fondements et objectifs de la thèse de doctorat p. 10

1.2 Portrait du terrain de recherche p. 15

1.3 Feuille de route p. 18

2. Revue de la littérature p. 21

2.1 Évolution de l’État-providence et du mouvement des personnes en

situation de handicap au Québec : la participation comme point pivot p. 21

2.1.1 Éléments de contexte et de méthode p. 21

2.1.2 Synthèse du contenu p. 23

2.1.3 Pertinence pour la thèse p. 35

2.2 Les programmes sociaux visant à favoriser la participation sociale des

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Article A p. 40 Raymond, É., Sévigny, A., Tourigny, A., Vézina, A., Verreault, A., & C.

Guilbert, A. (2013). On the track of evaluated programmes targeting the social participation of seniors: a typology proposal. Ageing and Society,

33(2), 267-296.

2.1.3 Pertinence pour la thèse p. 80

3. Méthodologie p. 82

3.1 Cadre théorique et conceptuel p. 82

3.2 Méthodes de collectes de données p. 87

3.2.1 L’étude de cas p. 88

3.2.1.1 Techniques utilisées p. 89

3.2.1.2 Analyse et interprétation des données p. 93

3.2.2 L’analyse critique de contenu p. 104

3.2.2.1 Description des procédures p. 104

3..2.2.2 Analyse et interprétation des données p. 107 3.3 Stratégies pour soutenir la crédibilité et la rigueur des résultats p. 108

4. Ainés ayant des incapacités : Conceptions et pratiques de participation

sociale p. 112

4.1 Les participants de la recherche : caractéristiques et rapport au vieillissement p. 112

4.2 Instantanés participatifs p. 124

(4)

Article B p. 137 Raymond, É., Grenier, A., et Hanley, J. (2014). Community participation

of older adults with disabilities. Journal of Community and Applied

Social Psychology (sous presse).

4.4 Le photoroman, de la prise de parole au changement social p. 156

5. Intersection des politiques sociales et des conceptions et pratiques

d’aînés ayant des incapacités en matière de participation sociale p. 165

Article C p. 167

Raymond, É., & Grenier, A. (2012). Vieillissement actif et aînés handicapés au Québec : Duo du possible ou mirage? Les politiques

sociales, 1-2, 113-125.

Article D p. 181

Raymond, É., et Grenier, A. (2013). The rhetoric of participation in policy discourse: Toward a new form of exclusion for seniors with a disability? The Canadian Journal of Aging, 32 (2).

5.1 Des tensions entre politiques et expériences p. 212

6. Discussion et conclusions : faire en sorte que ça change p. 216

6.1 Des constats dont tenir compte p. 218

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Résumé

La thèse de doctorat aborde le thème de la participation sociale des aînés vieillissant avec des incapacités physiques. Trois objectifs étaient visés par la recherche : premièrement, comprendre comment des personnes vieillissant avec des incapacités voient leur participation à la société; deuxièmement, explorer leurs pratiques de participation sociale; troisièmement, comparer ces conceptions et pratiques à la vision de la participation telle que promue dans les politiques sociales adoptées par le Gouvernement du Québec dans le domaine du vieillissement. Le concept central de la recherche est la participation sociale, telle qu’interprétée par les participants de la recherche et par les politiques sociales étudiées. Une double méthodologie de recherche a été développée. D’une part, une étude de cas a permis d’étudier comment des aînés ayant des incapacités physiques perçoivent et vivent leur participation à la société. D’autre part, une analyse critique de contenu a conduit à mieux comprendre comment des politiques québécoises sur le vieillissement utilisent la notion de participation sociale. La mise en relation des résultats de ces deux volets de recherche, respectivement ancrés dans les expériences du groupe d’aînés concernés et les discours d’un agenda politique contemporain, a mené à combler un espace vacant dans la littérature scientifique, à questionner les stéréotypes associés au lien entre participation sociale et incapacités, ainsi qu’à nourrir des réflexions et des approches d’intervention en service social plus sensibles à la diversité des vieillissements.

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Abstract

This doctoral thesis explores the theme of social participation among seniors aging with disabilities. The research had three objectives: first, understanding how people aging with disabilities see their participation in society; second, exploring their practices of social participation, and; third, comparing the notions and experiences of seniors aging with disabilities with the vision of participation that is adopted by the government of Quebec in the field of aging. A dual research methodology was developed. A case study of a group of seniors engaged in a photonovel project about aging with disabilities allowed the study of how they perceived and lived their participation in society. And a critical content analysis permitted a better understanding of how the concept of social participation is used in Quebec aging policy. The relationship between the results of these two sets of data, one anchored in the experience of a group of seniors, and the other in the discourse of a contemporary political agenda, addresses a gap in the scientific literature by problematizing the stereotypical understanding of the connection between social participation and disability. The conclusions of the thesis nourish reflections and suggest new intervention approaches in social work that are more sensitive to the diversity of aging experiences.

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Remerciements

La présente thèse s’est élaborée dans un terreau fertile, celui de la création collective du Projet Photoroman. Je salue d’entrée de jeu l’engagement de chacun des douze participants : « les deux André », Christian, Claude Francine, Gilles, Lise, Muriel, Normand Rachel, Réal, Thérèse. Merci de m’avoir fait confiance, de m’avoir ouvert les portes de vos histoires, de vos préoccupations, et parfois même de votre maison. Vous êtes des personnes inspirantes, que je me sens privilégiée de connaître. Après trois années de collaboration, je suis riche de l’amitié et de la solidarité qui se sont tranquillement construites dans le groupe. Mes hommages, également, aux travailleuses du Carrefour familial des personnes handicapées, organisme promoteur du Projet Photoroman, qui m’ont fait une place dans l’organisme et ont travaillé d’arrache-pied pour développer un photoroman à la fois « beau » et représentatif des expériences des participants. Andrée Pomerleau, Marie-Michèle Thériault, Suzanne Vertay, Sylvie Nicholas et Anne Théberge, j’ai beaucoup appris (et ri!) en travaillant avec vous.

Mes prochains remerciements vont aux trois membres de mon comité de doctorat qui, chacune à sa façon, ont joué un rôle crucial dans mon cheminement. Merci Dr. Amanda Grenier, professeure au Department of Health, Aging & Society de McMaster University et titulaire de la Gilbrea Chair in Aging & Mental Health, de m’avoir introduite au champ de la gérontologie critique, initiée aux possibilités de l’intersection expériences individuelles/discours sociaux, et appuyée dans la rédaction d’articles scientifiques à la fois pertinents et solides. Merci Dr. Jill Hanley, professeure à la School of Social Work de McGill University, d’avoir posé de bonnes questions sur la cohérence ma recherche, nourri mes réflexions politiques et éthiques, et contribué à la valorisation de l’utopie tissant mes travaux. Merci Dr. Andrée Sévigny, chercheure au Centre d’excellence sur le vieillissement, de m’avoir offert un soutien de proximité à maintes reprises et d’avoir été la gardienne de la rigueur méthodologique de mon projet. Ensemble, mesdames, vous avez formé un comité idéal et convivial pour guider

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J’aimerais aussi remercier le Dr. André Tourigny (Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec, Institut national de santé publique du Québec), qui, avec Dr. Andrée Sévigny, est à l’origine de ma thèse. Un jour, ces deux personnes m’ont suggéré l’aventure doctorale, présument que je m’y plairais. Je leur en suis extrêmement reconnaissante, tout comme des nombreuses formes d’aide qu’ils m’ont offertes depuis que nous avons commencé à travailler en collaboration.

Merci aux organisations qui m’ont soutenue économiquement par le biais d’une bourse d’étude : la Fondation Pierre Elliot Trudeau, le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture, l’Université McGill et le Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale. Réaliser un doctorat en ayant les coudées franches sur le plan financier est un privilège dont j’ai tenté d’être digne.

Et puis, grand merci à ma petite tribu, mi compañero Alfredo, mis tres soles Luz, Eva et Manolo. Notre famille a grandi et s’est élargie au gré de ce travail, un jardin dans un jardin, coloré de nos périples, joies, défis. Merci également aux membres de mon comité de super bénévoles, Danielle, Jean-Jacques, Louise, Catherine, qui font chanter le quotidien, ainsi qu’à tous ces amis et amies avec lesquels je fais route.

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Préface

Le présent document présente une thèse par articles. Il contient quatre articles scientifiques publiés dans des revues avec comité de pairs. La candidate au doctorat, Émilie Raymond, est la principale auteure de chacun de ces articles. Dans tous les cas, la contribution des coauteurs a consisté à relire, commenter et enrichir le manuscrit rédigé par Émilie Raymond.

Les quatre articles contenus dans la thèse sont une contribution originale à la littérature scientifique.

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1. Introduction

Notre thèse de doctorat aborde le thème de la participation sociale des aînés vieillissant avec des incapacités physiques. Ce premier chapitre introduit les fondements et les objectifs de la thèse, esquisse le portrait du terrain de recherche et propose un plan des différentes sections du présent document.

1.1 Fondements et objectifs

Trois objectifs étaient visés par notre recherche doctorale : comprendre comment des personnes vieillissant avec des incapacités physiques conçoivent leur participation à la société; explorer leurs pratiques de participation sociale; et comparer ces conceptions et pratiques à la vision de la participation telle que promue dans les politiques sociales adoptées par le Gouvernement du Québec dans le domaine du vieillissement. Le concept central de la recherche est la participation sociale, telle qu’interprétée par les participants de la recherche et par les politiques sociales étudiées1.

Ces objectifs s’inscrivaient dans une situation que nous jugeons problématique relativement à l’utilisation de la notion de participation dans les politiques sociales et les modèles du vieillissement utilisés au Québec (Gouvernement du Québec, 2005b, 2007b, 2008, 2009b, 2012) comme sur la scène internationale (Organisation des Nations Unies, 2002, 2008; Organisation for Economic Co-operation and Development, 1998, 2006, 2009; Organisation mondiale de la santé, 2002, 2007). Ces discours font la promotion de la participation sociale en tant que déterminant ou

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Si cette visée d’inclusion sociale des aînés semble louable, elle se double cependant d’un risque d’exclusion. En effet, les discours publics sur la participation sociale des aînés ont une tendance à la généralisation et à l’homogénéisation (Bytheway, Ward, Holland, & Peace, 2007) qui peut freiner la reconnaissance de la diversité des situations de vieillissement (Baars, Dannefer, Phillipson, & Walker, 2005). Lorsque la participation est conçue comme une métaphore de l’activité et de l’indépendance (Biggs, 2001, 2004; Minkler & Holstein, 2008), plusieurs questions critiques peuvent être formulées : tous les aînés souhaitent-ils participer tel qu’il est suggéré de le faire? L’invitation qui leur est lancée est-elle limitée par des conditions de l’environnement physique, socioéconomiques, culturelles? Des aînés pourraient-ils avoir envie ou besoin de façonner des modes participatifs « différents » des normes suggérées, mieux adaptés à leurs réalités?

Il apparaissait judicieux d’examiner, d’un côté, comment des aînés dont la participation sociale est susceptible de ne pas correspondre aux images idéalisées du vieillissement2

sont représentés dans les politiques sociales du vieillissement, et, d’un autre côté, comment ces derniers se représentent leur participation à la société. Dans le cadre de la présente recherche, nous nous sommes intéressés au groupe des personnes vieillissant avec des incapacités physiques. Avec cette dernière expression, nous distinguons les personnes qui ont passé la majeure partie de leur vie avec des incapacités qui peuvent découler de conditions génétiques, de maladies ou de blessures (Gerry Zarb & Oliver, 1993), des aînés qui développent des incapacités émanant du processus de vieillissement (arthrite, démence, perte d’audition, etc.) . Règle générale, la littérature scientifique, les politiques sociales et les personnes handicapées elles-mêmes différencient ces deux trajectoires expérientielles (Bigby & Balandin, 2005).

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Dans ce qui suit, il sera question, donc, des aînés qui vivent et vieillissent avec une incapacité3. Par ailleurs, si nous savons que 57% des personnes de 65 ans ou plus au Québec vivent avec une ou plusieurs incapacités4 et que 26,1% ont une incapacité modérée ou grave (Institut de la statistique du Québec, 2013), les statistiques ne nous permettent pas de déterminer avec précision la durée de la période d’incapacité, et donc de connaître le nombre de personnes considérées comme « vieillissant avec des incapacités physiques ».

L’intersection entre participation, vieillissement et incapacités physiques à long terme est peu traitée dans la littérature scientifique, bien que la notion de participation soit parmi les principales préoccupations tant de la gérontologie que des études sur les handicaps. À quelques exceptions près (voir Gasior & Zaidi, 2010; Jönson & Taghizadeh Larsson, 2009; National council on ageing and older people & National disability authority, 2006), la gérontologie est plutôt réservée sur la question des difficultés et des exclusions expérimentées par les aînés handicapés. Déjà écartés des théories traditionnelles gouvernées par l’étude d’un vieillissement individuel « normal » (Putnam, 2002), les aînés handicapés sont également marginalisés des approches du vieillissement dit « réussi » (Kennedy & Minkler, 1998; Minkler & Fadem, 2002).

3Quelques précisions s’imposent quant à la terminologie utilisée pour désigner le groupe étudié dans la

recherche. Sur le plan de l’âge des personnes, nous avons choisi de ne pas fixer de limite inférieure ou supérieure d’âge pour la dimension « vieillissement ». Cette posture semblait moins arbitraire et plus respectueuse de la diversité des trajectoires de vieillissement qu’un critère établi à 55, 60 ou 65 ans. Des personnes se reconnaissant d’emblée comme « vieillissantes » ou « aînées » ont pris part à l’étude.

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Premièrement, on y postule que les problèmes de santé des aînés sont fortement liés à leurs habitudes de vie et à leurs efforts personnels (Polivka & Longino, 2006), engendrant une perception culpabilisante à la fois des incapacités physiques de longue date et de celles qui sont liées au vieillissement biologique. Deuxièmement, on considère un haut rendement physio-psychologique comme une composante nécessaire d’un vieillissement idéal, renforçant les peurs et les images négatives affiliées au fait de vieillir avec un handicap, déjà largement véhiculées (Cohen, 1988; Minkler & Fadem, 2002). Troisièmement, on y formule une vision de « l’engagement » fondé sur une implication proactive et autonome des individus dans divers réseaux sociaux et activités. Cette approche est peu compatible avec les besoins de soutien des personnes ayant des incapacités (Jeppsson Grassman, Holme, Taghizadeh Larsson, & Whitaker, 2012; Gerry Zarb & Oliver, 1993). En somme, ces considérations peuvent mener à sous-estimer le potentiel de participation des aînés handicapés, ce qui est contradictoire avec l’attachement de la gérontologie contemporaine à l’égard de la valorisation des compétences et du rôle social des aînés (Kennedy & Minkler, 1998).

Dans les études sur les handicaps, par ailleurs, il s’avère que les aînés sont peu représentés (Jeppsson Grassman & Whitaker, 2013; Priestley, 2003). La situation est paradoxale, puisque qu’ils forment la majorité des personnes ayant des incapacités (Kennedy & Minkler, 1998; Priestley & Rabiee, 2002). Au Québec, 60% des personnes avec incapacité ont 50 ans ou plus (Institut de la statistique du Québec, 2013). Il semble qu’une des raisons de cette relative invisibilité relève de la lutte prioritaire des associations de personnes handicapées (Priestley, 2003) : l’accès à un mode de vie intégrant activités professionnelles et choix de consommation, dans la ligne du mouvement pour une vie autonome (« independent living »). Ce thème s’avère être le principal pôle de recherche dans le champ scientifique des incapacités, laissant en périphérie les intérêts spécifiques des aînés handicapés retraités ou en situation de chômage prolongé (Jönson & Taghizadeh Larsson, 2009; Priestley & Rabiee, 2002; Verbrugge & Yang, 2002). Dans le même sens, d’autres moyens de soutenir l’autonomie valorisés par le mouvement des personnes ayant des incapacités, peuvent

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Priestley & Rabiee, 2002; Gerry Zarb & Oliver, 1993), comme par exemple l’élaboration d’une identité culturelle forte liée à un niveau élevé d’activité sociale et professionnelle.

En conséquence, on en sait peu sur ce que pensent, vivent ou font les aînés vieillissant avec des incapacités en matière de participation à la vie sociale (Jeppsson Grassman et al., 2012; Kennedy, 2000; Minkler & Fadem, 2002; Priestley, 2003; Putnam, 2002). Dans le contexte où le nombre d’aînés vieillissant avec des incapacités augmente (Institut de la statistique du Québec, 2013), les lacunes de la littérature scientifique sur les situations et les besoins des aînés concernés ont amené les signataires de la Toronto Declaration on Bridging Knowledge, Policy and Practice in Aging and Disability (Bickenbach et al., 2012) à marquer l’urgence d’accroître les liens entre les champs scientifiques de la gérontologie et des études sur les handicaps.

Dans ce contexte social et scientifique, la visée de la présente thèse de doctorat était d’éliciter les voix et les expériences d’aînés handicapés en termes de participation, tout en observant les dynamiques et les circonstances de cette participation, particulièrement en examinant des politiques sociales qui s’y adressent. Trois questions de recherche ont été abordées:

1. Comment des personnes aînées handicapées conçoivent-elles leur participation à la société?

2. Quelles pratiques développent-elles pour vivre cette participation? 3. Ces conceptions et pratiques correspondent-elles aux politiques sociales

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comment des aînés ayant des incapacités physiques perçoivent et vivent leur participation à la société. D’autre part, une analyse critique de contenu a conduit à mieux comprendre comment des politiques québécoises sur le vieillissement utilisent la notion de participation sociale. La mise en relation des résultats de ces deux volets de recherche, respectivement ancrés dans les expériences du groupe d’aînés concernés et les discours d’un agenda politique contemporain, a permis de commencer à combler un espace vacant dans la littérature scientifique, de questionner les stéréotypes associés au lien entre participation sociale et incapacités, ainsi que de nourrir des réflexions et des approches d’intervention en service social plus sensibles à la diversité des vieillissements.

1.2 Portrait du terrain de recherche

L’histoire de cette thèse est enracinée dans le mouvement social des personnes handicapées et son « paradigme émancipatoire orienté vers l’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées » (Boucher, 2003: 147). Plus précisément, notre recherche doctorale est née dans la foulée d’une expérience de terrain partagée avec des personnes aînées handicapées souhaitant entreprendre une démarche collective sur le thème de leur participation à la société.

Nous avons noté plus haut que la question du vieillissement a été négligée dans le champ du handicap, autant en matière de recherche scientifique (Gasior & Zaidi, 2010; Jeppsson Grassman et al., 2012; Priestley, 2003) que sur les plans associatif (Jönson & Taghizadeh Larsson, 2009; Priestley & Rabiee, 2002) et institutionnel (Bigby & Balandin, 2005; National council on ageing and older people & National disability authority, 2006). Depuis quelques années pourtant, ce thème émerge sur la scène internationale (Bickenbach et al., 2012; Jeppsson Grassman & Witaker, 2013) comme sur la scène provinciale. Par exemple, la politique « À part entière » reconnaît « que la question des aînés handicapés mérite une attention particulière, que leur incapacité soit due au vieillissement ou, encore, qu’elle soit apparue tôt dans la vie des personnes »

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Dans la région de la Capitale-Nationale, l’intersection incapacité/vieillissement a commencé à mobiliser des acteurs associatifs à la fin de la première décennie des années 2000 (Pomerleau, 2011). En 2009, des membres aînés de l’Association des malentendants québécois (AMQ), du Carrefour familial des personnes handicapées (CFPH), du Club de l’âge d’or des sourds et du Regroupement des personnes handicapées visuelles de la région 03-12 (RPHV 03-12) ont participé à une recherche menée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et ses partenaires sur le thème de la participation sociale des aînés (Raymond, Sévigny, & Tourigny, 2012). Nous avons joué le rôle de coordonnatrice de cette recherche.

Par le biais de groupes de discussion, cette étude souhaitait documenter les visions et les aspirations d’ainés et de personnes travaillant avec eux quant à la participation sociale. Deux des groupes de discussion ont réuni des personnes ayant des incapacités physiques ou intellectuelles. Non prévus au départ, ces groupes ont été formés suite à une revendication formulée par des représentants de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), du Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région 03 (ROP-03) et du CFPH (Raymond, Sévigny, & Tourigny, 2011). Ces personnes trouvaient que l’étude de l’INSPQ serait alors plus respectueuse et représentative de la diversité des situations de vie des aînés.

Nous avons animé le groupe réunissant des aînés ayant des incapacités dites physiques, dont la rencontre s’est tenue le 30 avril 2009. Issus de différentes organisations et ayant divers types d’incapacités physiques, les participants ont apprécié avoir l’occasion de

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Dans ma vie, comme j’ai travaillé longtemps parmi les personnes handicapées, les personnes handicapées, que ce soit des personnes sourdes, aveugles, physiques. Il y avait deux courants de pensée. Un disait : tenez-vous pas ensemble, c’est un ghetto. On a essayé de nous séparer, de nous diviser. On a réussi avec les associations. Alors, on ne se voyait plus les uns les autres. On a cru ça longtemps. Moi, quand j’étais jeune, je pouvais faire trois rues pour ne pas rencontrer une personne handicapée parce que moi je ne l’étais pas. Je l’étais, mais je ne l’étais pas. Avec le temps, j’ai compris. Le temps et l’expérience. À un moment donné, on aime ça se retrouver ensemble. Et ce n’est pas en ghetto. Ce n’est pas pire qu’une association de médecins qui se rencontrent, parce qu’ils se comprennent.

En collaboration avec l’AMQ et le RPHV 03-12, le CFPH a organisé un forum en mai 2010 pour présenter les résultats de l’étude de l’INSPQ et approfondir la discussion sur les défis de la participation sociale des aînés ayant des incapacités (Raymond & Pomerleau, 2011). Nous avons fait l’exposé scientifique et animé les échanges entre les participants. Le forum a réuni une soixantaine d’aînés ayant des incapacités, ainsi que des représentants d’organisations gouvernementales et communautaires. C’est lors du lancement des actes de cet événement, en janvier 2011, que des aînés ayant des incapacités physiques ont décidé de joindre le geste à la parole et de s’engager dans un projet visant à mieux faire connaître leurs besoins de reconnaissance et de soutien quant à leur participation sociale. Développé par le CFPH, ce projet a pris la forme de la création collective d’un photoroman5 racontant les expériences et les aspirations des participants en matière de participation à la société (Carrefour familial des personnes handicapées, 2013b). Le projet a été réalisé entre avril 2011 et juin 2013, et le photoroman a été lancé lors d’un événement public tenu au Musée de la Civilisation de Québec le 4 juin 20136.

Il est nécessaire de préciser que la présente thèse de doctorat n’aborde ni le processus, ni les retombées du Projet Photoroman. Toutefois, nous avons étroitement travaillé avec ses participants. En effet, les douze participants de la recherche sont aussi les

5 Bien que le Grand dictionnaire terminologique de la langue français de l’Office de la langue française

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douze participants du photoroman. Également, les photoromans tels que publiés ont été utilisés comme source documentaire de données.

Par ailleurs, il est nécessaire de préciser que nous avons assumé un rôle bénévole de soutien dans le cadre du Projet Photoroman. Nous avons animé plusieurs rencontres de groupe, soutenu les participants lors des ateliers de création des scénarios, et participé aux événements entourant la publication, le lancement et la diffusion du photoroman. Décrite dans notre certificat de conformité aux normes éthiques en recherche, l’autonomie réciproque de nos deux statuts a été clarifiée et maintenue tout au long de notre thèse.

1.3 Feuille de route

Nous avons choisi de présenter le processus et les résultats de notre recherche doctorale par le biais d’une thèse par articles. Considérée comme une alternative aux thèses dites traditionnelles, ce type de thèse prend la forme d’une série d’articles scientifiques documentant la recherche effectuée. Selon les normes de l’Université McGill7, ces articles doivent être prêts pour publication, avoir été soumis à une revue

scientifique, ou encore avoir été publiés dans une telle revue. Ils doivent aussi montrer une cohésion et une unité caractéristiques d’un seul projet de recherche. Enfin, la thèse doit répondre aux mêmes exigences académiques qu’une thèse traditionnelle.

Notre thèse est composée de quatre articles scientifiques. Ces articles avaient tous été publiés dans des revues avec comité de lecture au moment du dépôt de la thèse. Un de

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En plus de l’introduction, la thèse est composée de cinq chapitres. Le chapitre 2 présente notre revue de la littérature. Cette revue est divisée en deux parties afin de considérer le grand thème de la participation sociale à partir de l’un et l’autre des champs disciplinaires convoqués, les études sur les handicaps et la gérontologie. La première partie s’intéresse à l’évolution historique de l’usage du concept de participation dans le mouvement social des personnes handicapées et dans la gouvernance publique. La deuxième partie aborde la question de l’intervention sur la participation sociale des aînés en gérontologie et recense des programmes sociaux ayant été évalués dans le cadre d’un article dont voici la référence complète.

ARTICLE A

Raymond, É., Sévigny, A., Tourigny, A., Vézina, A., Verreault, A., & C. Guilbert, A. (2013). On the track of evaluated programmes targeting the social participation of seniors: a typology proposal. Ageing and Society, 33(2), 267-296.

Le chapitre 3 expose le cadre théorique et méthodologique de la thèse. Nous expliquons d’abord pourquoi nous avons choisi la gérontologie critique comme cadre théorique et nous montrons la manière dont nous avons articulé les éléments de ce dernier. Nous élucidons ensuite l’approche méthodologique hybride développée pour répondre à nos trois questions de recherche. D’une part, nous avons réalisé une étude de cas pour examiner les conceptions et les pratiques de participation sociale d’aînés vieillissant avec des incapacités. D’autre part, nous avons utilisé l’analyse critique de discours pour étudier les politiques sociales du vieillissement. Pour chacune de ces deux méthodes, nous justifions notre choix, détaillons nos procédures de cueillette de données, et précisons nos démarches d’analyse. Ce troisième chapitre se termine avec la considération des moyens employés pour assurer la rigueur et la crédibilité de notre recherche.

Les chapitres 4 et 5 contiennent les résultats de la thèse. Dans le chapitre 4, nous traitons des conceptions et des pratiques des participants en matière de participation

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Article B

Raymond, É., Grenier, A., et Hanley, J. (2014). Disabled seniors and participation in community: A matter of choice, access and identity. Journal of

Community and Applied Social Psychology (sous presse).

Le chapitre 5 s’intéresse au traitement de la participation sociale dans les politiques québécoises du vieillissement. L’article C propose une comparaison entre, d’un côté, les expériences participatives d’aînés ayant des incapacités physiques, et, de l’autre côté, les discours participatifs du référentiel de vieillissement actif.

Article C

Raymond, É., & Grenier, A. (2012). Vieillissement actif et aînés handicapés au Québec : Duo du possible ou mirage? Les politiques sociales, 1-2, 113-125. Pour sa part, l’article D examine les orientations de politiques sociales québécoises en matière de participation sociale en se demandant si ces orientations sont favorables à la participation sociale des aînés ayant des incapacités.

Article D

Raymond, É., et Grenier, A. (2013). The rhetoric of participation in policy discourse: Toward a new form of exclusion for seniors with a disability? The

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Notre recherche se situe à la jonction de deux champs disciplinaires, les études sur les handicaps et la gérontologie sociale. Il a donc semblé pertinent d’explorer l’un et l’autre dans le cadre de la revue de la littérature. En premier lieu, comme notre travail est enraciné dans des organismes de personnes handicapées et qu’il problématise la participation sociale de ces dernières, nous avons jugé important de situer l’évolution historique du concept de participation sociale à la rencontre du mouvement social et de la gouvernance publique. En deuxième lieu, puisque la thèse est réalisée en service social et que nous souhaitons nourrir des pratiques et des politiques sociales plus respectueuses des diversités du vieillissement, nous avons considéré utile d’explorer la manière dont des programmes sociaux évalués articulent l’intervention sur la participation sociale des aînés, notamment quant à l’inclusion d’aînés en situation de handicap.

2.1. Évolution de l’État-providence et du mouvement des personnes en situation de handicap au Québec : la participation comme point pivot

Cette première partie de la revue de la littérature compte trois sections. Tout d’abord, nous expliquons la manière dont nous avons fait la recension des écrits utilisés. Ensuite, nous proposons une synthèse thématique et chronologique du contenu des écrits révisés. Enfin, nous montrons en quoi cette synthèse est pertinente pour notre thèse.

2.1.1 Éléments de contexte et de méthode

Le thème de la participation sociale n’est pas inédit au sein du mouvement associatif des personnes handicapées, loin de là. Au Québec, la participation sociale et citoyenne des personnes handicapées est au cœur de la mission des organismes de défenses des droits des personnes handicapées et de leurs regroupements, notamment l’Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées (AQRIPH) et la Confédération des organismes de personnes handicapées (COPHAN).

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handicap (PPH) (Fougeyrollas, 1986), un modèle conçu par des chercheurs et des militants du mouvement de promotion des droits des personnes ayant des incapacités, dans l’objectif de transformer la manière de voir la question du handicap. Enfin, favoriser la participation sociale des personnes ayant des incapacités est également la mission de l’Office des personnes handicapées depuis sa création en 1984, ainsi que des décisions politiques et législatives prises dans le champ des incapacités par le gouvernement du Québec depuis la fin des années 1970 (Gouvernement du Québec, 1978, 2005a; Office des personnes handicapées du Québec, 1984, 2006). Ces mesures peuvent d’ailleurs être largement attribuées au travail de revendication du mouvement des personnes handicapées (Fougeyrollas & Gaucher, 2013).

D’une certaine façon, la participation sociale est à la fois le moyen et l’objectif des mouvements sociaux luttant pour le respect des droits sociaux (Freeman & Johnson, 1999). Dans le champ québécois du handicap, la conceptualisation et l’opérationnalisation de cette participation ont connu des métamorphoses révélatrices de l’évolution parallèle du traitement socio-institutionnel des personnes handicapées et de l’activité sociopolitique des milieux associatifs les regroupant. Nous proposons dans la section qui suit un survol de cette évolution afin d’avoir une vision ample et consistante du thème à l’étude.

La méthode utilisée pour élaborer cette section de la revue de la littérature s’est construite par le biais d’un double processus de recherche dans les banques de données et de recherche dite « boule de neige ». Nous avons d’abord exploré les principales banques de données en sciences sociales (Social Services Abstracts, Social Work

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bibliographiques des quelques publications identifiées. Nous avons consulté les textes qui semblaient pertinents, en avons sélectionné quelques-uns, puis avons continué ce travail d’agrégation jusqu’à obtenir les informations nécessaires à une compréhension historiquement et politiquement contextualisée du sujet de la participation sociale des personnes vieillissant avec des incapacités.

2.2.2 Synthèse du contenu

Pour la présentation de l’évolution de la participation dans les sphères associative et gouvernementale, nous avons opté pour une approche chronologique organisée en fonction de grandes périodes. Précisons que ces dernières ont une fonction de repère et ne constituent pas un exercice formel de découpage historique.

L’absence ou l’invisibilité de la participation (jusqu’au tournant du 20ème siècle8)

L’émergence de la question du handicap est étroitement liée à la « grande mise en ordre de l’ère moderne occidentale liée à l’urbanisation et à l’industrialisation » (Fougeyrollas & Gaucher, 2013: 82). À partir de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème, « la déficience ou l’incapacité est "problématisée", objectivée, socialisée, sous la forme de la différence corporelle » (Boucher, 2003: 148). Les personnes handicapées sont vues comme des êtres fragiles, pitoyables, anormaux, tragiques, incapables de contribuer à la société (Vaughn Switzer, 2003; Zames Fleischer & Zames, 2001). Elles sont enfermées dans des asiles, subissent parfois une stérilisation forcée, sont l’objet d’une ségrégation constante d’autant plus étouffante qu’elle manie des arguments de protection bienfaisante (Fougeyrollas & Gaucher, 2013). Ces pratiques et tentatives d’effacement ont cependant eu un effet paradoxal, puisqu’elles contribuent dans les faits à l’élaboration d’un « régime du handicap » (Stiker, 2003). Nous référons ici à la construction sociale d’une problématique relative aux personnes ayant des incapacités, conformée par des représentations sociales, des dispositifs législatifs et des réponses de

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la société civile. Pendant des décennies, la distinction du normal et du pathologique (Fougeyrollas, 1986), ainsi que le marquage de l’anomalie (Goffman, 1963), maintiennent donc les personnes avec des incapacités dans la marge, dans un statut de hors normes les privant du contrôle sur leur vie et les excluant des sphères de participation citoyenne (Boucher, 2003; Fougeyrollas & Gaucher, 2013).

La participation-socialisation comme cible de l’action charitable et institutionnelle (1945-1970)

Au milieu du 20ème siècle, la situation des personnes handicapées acquiert une légitimité nouvelles avec la présence et la visibilité dans la société de nombreux vétérans de guerre blessés durant la Deuxième Guerre mondiale et vivant désormais avec des incapacités permanentes. Au Québec, la croissance du nombre de personnes ayant des incapacités est aussi due à une épidémie de poliomyélite ayant frappé la province durant les années 1940 et 1950, ainsi qu’au fait que les personnes handicapées peuvent espérer vivre plus longtemps en raison de l’amélioration des connaissances et des technologiques biomédicales (Boucher, 2002). Mentionnons au passage que la bio-médicalisation des incapacités et des déficiences n’est pas neutre et qu’elle peut être problématisée dans des termes éthiques et politiques (Foucault, 1972, 1975).

Durant cette période de reconstruction d’après-guerre et dans la foulée de la « découverte » et de la conceptualisation des risques sociaux (dont l’invalidité) avec la publication en Angleterre du rapport Beveridge (1943) (Guest, 1993), un État-providence keynésien commence à se bâtir dans plusieurs pays occidentaux. Le Canada

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croissance économique solide, mais aussi sur la participation des individus par le biais de leur travail salarié et de l’organisation rationnelle de leur mode de vie (Boucher, 2002).

Dans le cas des personnes ayant des incapacités, une telle participation est jugée problématique; deux voies de prise en charge et d’entretien institutionnels sont alors possibles9 (Boucher, 2002, 2003; Fougeyrollas, 1986; Lord & Hutchison, 1998). Si elles sont jugées « aptes » au travail, les personnes peuvent recevoir des services de réadaptation visant à favoriser leur intégration ou leur réintégration en emploi. Si elles sont jugées « inaptes », les personnes ayant des incapacités sont dirigées vers des structures parallèles aux systèmes réguliers d’éducation et de travail salarié. Écoles spéciales, ateliers de travail protégé, institutions d’hébergement, autant de milieux fermés qu’on dénoncera quelques années plus tard pour leur rôle central dans la ségrégation des personnes handicapées. Historiquement ce genre de classification binaire est très important dans la construction sociale du « problème » associé aux personnes handicapés et de la réponse institutionnelle développée pour y faire face (voir Grenier & Hanley, 2007).

À la même époque, entre l’après-guerre et la fin des années 1960, « les personnes handicapées, devenues une réalité démographique et sociale incontournable, se regroupent pour faire entendre leur voix dans plusieurs pays occidentaux » (Boucher, 2003: 148). Parfois, ce sont les professionnels et les familles qui font alliance pour dénoncer les conditions de vie offertes aux personnes vivant en institution (Fougeyrollas & Gaucher, 2013). En général, cette forme initiale d’associativité est basée sur des valeurs de charité et d’entraide (Boucher, 2003). Par exemple, la Société du bien-être des infirmes, l’ancêtre du Carrefour familial des personnes handicapées fondée en 1949, organise une première clinique de réadaptation à Québec à partir

9 Avant le milieu du 20ème siècle, les mesures de sécurité sociale reposent avant tout sur la prévoyance

individuelle, le soutien familial et l’activité des organismes de charité. Quelques mesures dirigées vers les personnes ayant des incapacités sont mises en place au Canada, comme les allocations aux aveugles

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d’efforts discrétionnaires de membres du corps médical (médecins, infirmières), de congrégations religieuses et de clubs sociaux. Par le biais de l’organisation de pèlerinages et d’activités de loisirs, la « Société multiplie les efforts afin de briser l’isolement dans lequel vivent les personnes handicapées et de favoriser leur intégration au milieu » (Pomerleau, 2008). Participer socialement implique pour les personnes handicapées de se consacrer à leur réhabilitation et de s’insérer dans des lieux de socialisation réservés aux gens « comme eux ».

La participation comme levier de changement social (1970-milieu des années 1980)

À partir des années 1970 s’accélère, dans la province de Québec, la construction du dispositif providentialiste, dans le contexte d’une reconfiguration des interactions entre les acteurs sociaux. Suivant une approche keynésienne et fordiste, l’État est le principal architecte de la planification, de la régulation, du financement et de l’administration des programmes sociaux (Vaillancourt, 2002). Dans ce modèle où prédominent les producteurs de services, la participation des usagers est perçue avec méfiance et scepticisme. En périphérie du déploiement institutionnel, l’essor du secteur communautaire permet cependant la mise en place d’un dialogue social entre État et citoyens (Bélanger & Lévesque, 1992). En concordance avec les vagues de protestation qui traversent de nombreux pays, dont les États-Unis et la France, plusieurs sphères de la vie en société au Québec sont investies par des actions de nature citoyenne (Comeau, 2007). Les affiliations se font sur différentes bases : défense collective des droits (des jeunes, des femmes, des consommateurs, des personnes assistées sociales, etc.), luttes syndicales des travailleurs, appartenance territoriales (résistances villageoises,

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En regard des politiques et des programmes dirigés vers les personnes handicapées, il s’avère que le mouvement associatif joue un rôle incontournable, notamment en ce qui a trait à l’abandon d’une approche de protection en faveur d’une approche fondée sur les droits des personnes handicapées (Boucher, 2002; Fougeyrollas, 1986, 2002). Inspiré par différentes vagues de mouvements sociaux des années 1960 et 1970, notamment les mouvements pour les droits sociaux des Noirs américains, des femmes et des gays et lesbiennes, le mouvement des personnes handicapées devient large et efficace au cours de cette période (Fougeyrollas & Gaucher, 2013; Johnson, 1999). Des alliances sont établies entre les différents types d’incapacités et la compréhension de ce qui produit le handicap est radicalement transformée. L’idée est que les personnes handicapées unissent leurs voix pour revendiquer le respect de leurs droits sociaux (Fougeyrollas, 1986).

Au Québec, cette mutation s’effectue en parallèle avec le déploiement d’un État providentialiste et la « découverte des personnes handicapées » dans le cadre du rapport de la Commission Castonguay-Nepveu sur la sécurité du revenu, déposé 1971 (Fougeyrollas, 2002). Globalement, l’État commence à assumer les services directs aux personnes handicapées, tandis que les milieux associatifs se concentrent sur la défense des droits (Boucher, 2002). Le gouvernement est vu comme le garant de l’égalité entre citoyens par le biais de la prestation de services permettant aux personnes handicapées de participer aux activités ordinaires de la société, ce qu’on appelle la normalisation. Au milieu des années 1970, les propositions législatives du gouvernement libéral en matière de personnes handicapées sont rejetées par les milieux associatifs parce que jugées trop paternalistes. C’est l’occasion pour le mouvement de cultiver son unité, sa force et sa visibilité en faisant front commun (Fougeyrollas, 2002). Il obtient gain de cause et la perspective des droits sera retenue pour l’effort législatif ultérieur, celui du Parti Québécois en 1978, avec l’adoption de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées et la création de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) (Fougeyrollas, 1986).

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Le mouvement québécois des personnes handicapées continue de se développer. Le nombre d’organismes de promotion des droits s’accroît. La plupart d’entre eux reçoit du financement dans le cadre du « Programme de soutien aux organismes de promotion » de l’OPHQ, ce qui rompt avec « la pratique historique de la charité comme source de financement » (Boucher, 2002: 105). Les activités intersectorielles s’intensifient et déboucheront en 1985 sur la création de la Confédération des organismes nationaux des personnes handicapées (Fougeyrollas, 1986). Le milieu associatif est très actif dans les processus consultatifs publics (Boucher, 2002), notamment ceux entourant les activités de l’OPHQ.

En 1985, la politique gouvernementale « À part… égale » est adoptée (Office des personnes handicapées du Québec, 1984). Cette politique comporte des orientations et un plan d’action articulés à partir d’une interprétation du handicap comme une situation de désavantage social limitant la possibilité, pour les individus concernés, de jouer leurs rôles sociaux. Phénomènes sociaux, les entraves à la participation sociale des personnes handicapées doivent être transformées grâce à une mobilisation collective pilotée par l’État.

(…) cette politique favorise une intégration sociale « sans discrimination ni privilège ». Elle commande la mise sur pied de programmes et services qui sont adaptés aux caractéristiques des personnes ayant des incapacités, ou qui visent à compenser les coûts supplémentaires assumés par celles-ci et leurs familles, et à éliminer les obstacles environnementaux, sociaux et physiques dans une perspective d’égalité des chances (Fougeyrollas, Beauregard, Gaucher, & Boucher, 2008: 100).

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La participation comme outil de reconfiguration des responsabilités sociales (1985-tournant des années 2000)

La décennie 1980 est celle de la redéfinition des États-providence occidentaux dans un contexte de crises économiques répétitives. Au Canada, comme ailleurs, la diminution des dépenses sociales et l’appel à la responsabilité des individus, des familles et du tiers secteurs pour compenser ces coupures remplacent la croissance providentialiste (Hick, 2005; Maioni, 1998). D’abord conçue comme un désir d’implication et d’influence dans les décisions publiques, la participation citoyenne prend les airs d’un effort d’auto-prise en charge, ou encore de solution de rechange à la privatisation des services gouvernementaux (Cruikshank, 1999). Pour réguler les liens entes les quatre grands groupes jugés co-responsables du bien-être de la population – État, entreprise privée, tiers secteur et familles/individus (Evers, Pilj, & Ungerson, 1994; Jenson & Saint-Martin, 2003), le partenariat est utilisé comme « "nouveau" principe structurant du développement social » (Boucher, 2002: 99). Il semble d’ailleurs qu’il existe une approche partenariale spécifique à la province de Québec (Bourque, 2000; Panet-Raymond, 1994; Panet-Raymond & Bourque, 1991), un modèle de régulation dite solidaire ou sociale-démocrate renouvelée.

Héritière de la Commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux mise sur pied en 1985 et communément appelée Commission Rochon, la Réforme Côté, entreprise au Québec en 1991 pour transformer le réseau des services de santé et sociaux, incarne bien le renouvellement des discours quant à la participation. Le citoyen est placé au centre du système en tant que consommateur, décideur et payeur, ce qui introduit un discours plus individualisé des politiques sociales. Des espaces de participation sont aménagés dans chacun des établissements du réseau avec l’ouverture ou la création des conseils d’administration et des comités d’usagers. On dira cependant de cette forme de participation qu’elle est formelle, canalisée par les institutions en place, en quelque sorte périphérique aux prises de décisions (Godbout, 1989). Par ailleurs, la réforme octroie un statut officiel aux organismes

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échange d’une perspective de complémentarité et de partenariat par rapport aux services offerts par l’État. Ce nouveau cadre collaboratif ne manque pas de créer des ambivalences pour les groupes et associations désignés comme communautaires (Caillouette, 1992; Deslauriers, 1991).

Ainsi, l’évolution des enjeux relatifs à la reconnaissance et au financement par l’État des organismes communautaires suscite des questionnements dans les différents mouvements sociaux (Lamoureux, 1994; Lamoureux & Lamoureux, 2009). Des tensions existent par exemple entre les pratiques de promotion et de défense des droits sociaux et la prestation de services dans un rapport de sous-traitance avec l’État. Dans les milieux associatifs des personnes handicapées, les inquiétudes autour des discours de décentralisation et de régionalisation en provenance du Ministère de la santé et des services sociaux amènent, en 1990, la création d’une coalition des regroupements régionaux, l’AQRIPH (Boucher, 2002).

Le thème prioritaire des milieux associatifs de personnes handicapées durant cette période est le travail en tant que source d’identité et d’accomplissement personnel. La participation au marché du travail régulier apparaît comme une revendication historique non réalisée (Ibid.). La primauté de cet enjeu concorde avec les politiques étatiques sur l’employabilité et l’intégration au travail de groupes marginalisés (Barbier, 2009; Jenson & Saint-Martin, 2003), intensifiées au Québec dans les années 1990 avec la création d’Emploi Québec en 1997 (St-Martin, 2001). En dépit de cette unité thématique, les approches privilégiées pour favoriser l’intégration professionnelle des personnes handicapées varient des milieux associatifs aux milieux institutionnels

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notamment par rapport au rôle de l’État comme principal responsable de cette intégration dans une période de décroissance providentialiste (Boucher, 2002). Une plus grande difficulté à mobiliser des ressources (notamment en raison d’une baisse des investissements en provenance du gouvernement fédéral), la réorganisation des services dans un contexte de « virage ambulatoire », la priorisation de clientèles vulnérables et un réalignement des visées quant à l’intégration sociale de ces personnes (contourner les obstacles plutôt que les éliminer) influencent l’orientation et la portée des politiques et des programmes sociaux. En même temps, on peut affirmer qu’en termes de services, le Québec dispose d’une expertise riche et novatrice (Vaillancourt & Dumais, 2002). Au début des années 2000, on répertoriait 359 mesures destinées aux personnes ayant des incapacités; 75% étaient offertes par le Gouvernement du Québec et représentaient des investissements de cinq milliards de dollars par année. On retrouve trois grandes catégories de programmes (Fougeyrollas et al., 2008; Fougeyrollas et al., 1999):

- les programmes visant à compenser les coûts supplémentaires liés aux besoins particuliers relatifs à l’existence d’une déficience, d’une incapacité ou d’une situation de handicap (tels que les services d’interprète ou d’accompagnateur, l’adaptation du domicile, etc.);

- les programmes cherchant à éliminer les obstacles à la participation sociale des personnes ayant des incapacités (comme les subventions d’aide au transport scolaire et au transport public adapté);

- les programmes ayant pour objectif le remplacement du revenu.

Le problème n’est pas tant le nombre et la diversité de ces services et compensations que leur capacité réelle à soutenir la participation sociale des personnes aînées telles que définie par le modèle du processus de production du handicap (Fougeyrollas, Cloutier, Bergeron, Côté, & Saint-Michel, 1998). Dans ce modèle, la participation désigne la possibilité, pour les personnes, de réaliser leurs activités courantes et leurs rôles sociaux sans entrave. Il s’avère en effet que les personnes ayant des incapacités

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inadéquate de leur incapacité, notamment en raison de la détérioration du système public dans un contexte de rationalisation des dépenses (Fougeyrollas et al., 2008). Ces expériences peuvent avoir des conséquences négatives très importantes pour les personnes, comme accentuer les incapacités, générer des sentiments de colère, d’impuissance et de découragement, ainsi que marquer leurs rapports à leur réseau social (en augmentant les besoins de recours aux proches) et à eux-mêmes (en diminuant leur contrôle sur leur vie et leurs interdépendances). Elles peuvent aussi créer des impasses : comme plusieurs personnes ayant des incapacités font le choix d’essayer de se débrouiller sans recourir aux services parce que ces derniers leur semblent inefficaces, cela peut mener à sous-estimer les besoins réels des personnes, et, ultimement, à justifier les diminutions de services (Ibid.). On est alors en présence d’un système public ne répondant pas aux discours d’égalité, d’accessibilité et d’universalité maintenus depuis la création de l’OPHQ et considérés comme le fondement d’une vie autonome pour les personnes handicapées.

La participation : entre consultation et contestation (depuis le début des années 2000)

À la suite de leur crise identitaire majeure des années 1980 et au gré de divers moments de métamorphose, les États-providence se réinventent dans les années 1990 et 2000 sous la forme de la nouvelle gouvernance publique, une approche prévalant au Québec à partir de l’élection du gouvernement libéral de Jean Charest en 2003 (Brunelle, Harvey, & Bédard, 2005). D’inspiration néolibérale, cette philosophie d’administration publique part du principe que le marché est mieux placé que l’État pour produire et

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des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, 2003). Au Québec, la plus récente réforme du réseau de la santé et des services sociaux, en 2004, a d’ailleurs transformé en obligation légale la consultation des citoyens sur l’organisation des services (Langlois, 2006).

De plus en plus structurés, reconnus comme exerçant une mission de service public et recevant un financement public, les organismes communautaires sont au cœur du déploiement d’une stratégie de développement des communautés qui mise sur la participation et la concertation de multiples acteurs partageant un même territoire pour améliorer les conditions de vie et de santé des résidents (Lavoie & Panet-Raymond, 2011). Se situant à l’intersection des interventions en santé publique et du travail des organisateurs communautaires en établissement public (Bourque & Favreau, 2003), cette approche fait intervenir des logiques paradoxales (programmes publics vs. mobilisation citoyenne) tout en multipliant les joueurs, les lieux et les exigences du partenariat intersectoriel (Bourque, 2008). Les difficultés liées à la superposition des intérêts étatiques et communautaires sont exacerbées par l’arrivée des grandes fondations privées désireuses de financer des initiatives de développement à partir de leurs propres priorités, souvent inspirées d’une lecture scientifique des problèmes sociaux et d’une perspective contractuelle (Lavoie & Panet-Raymond, 2011).

Les mouvements sociaux ne sont pas disparus pour autant. On remarque, depuis le début des années 2000, une certaine recrudescence de la participation à des actions collectives contestataires (Lamoureux & Lamoureux, 2009). Mouvement altermondialiste, mouvement des femmes, crise étudiante et « printemps érable » en 2012, trois exemples parmi d’autres renouvelant les thèmes et les méthodes des mouvements sociaux (Hanley, Kruzynski, & Shragge, 2013). Également, des coalitions s’organisent pour défendre les acquis sociaux dans trois grands domaines - ceux de l’aide sociale, de l’assurance-chômage et du logement social – où les politiques sociales sont transformées et deviennent plus restrictives ou punitives (Lavoie & Panet-Raymond, 2011).

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Tranchant avec cette tendance à l’affaiblissement des politiques publiques, le Québec se dote en 2005 de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. Ce geste législatif bonifie la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées de 1978 (Fougeyrollas, 2010). La nouvelle loi cherche à prendre « un virage fondamental » (Gouvernement du Québec, 2009a: 11) : réaliser dans les faits, et non seulement dans les discours, l’inclusion sociale des personnes handicapées. Elle sera suivie par l’adoption, en 2009, de la politique gouvernementale «À part entière : Pour un véritable exercice du droit à l’égalité » (Gouvernement du Québec, 2009a), une actualisation de la politique « À part… égale ».

L’un des principaux enjeux de cette politique d’ensemble est d’arriver, à partir d’une approche transversale, à

« (…) arrimer deux dynamiques pour assurer l’exercice des droits humains et la participation sociale des personnes ayant des incapacités persistantes et significatives : la réduction des obstacles environnementaux collectifs à la participation sociale, d’une part, et le processus individualisé par lequel chaque personne peut exercer ses choix et donner un sens à son projet de vie, d’autre part » (Fougeyrollas, 2010: 145).

L’inclusion sociale dessinée par la loi de 1978 n’est en effet pas encore réalisée, notamment en raison du cloisonnement des problématiques, d’une organisation fragmentée des services, et d’alliances insuffisantes avec d’autres mouvements

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des événements spéciaux (par exemple la Décennie des personnes handicapées de 1982 à 1992) et la publication de documents-cadre (comme le Plan d’action mondial des personnes handicapées en 1983) (Fougeyrollas & Gaucher, 2013). La participation des personnes handicapées est à la fois le processus et l’objet de la construction de cet édifice politique visant la reconnaissance et le respect de leurs droits. D’une part, des personnes handicapées sont partie prenante des actions onusiennes en tant que leaders d’organisations internationales ou expertes des délégations gouvernementales. D’autre part, ces jalons « [modulent] un nouveau partenariat démocratique pour débattre et mener à l’adoption de législations et au développement de politiques et de programmes visant l’intégration sociale, scolaire, professionnelle des personnes handicapées » (Ibid : 84). En termes de recherche, ce troisième moment de changements sociaux et politiques interpelle un paradigme émancipatoire conjuguant le contrôle des différentes étapes de la recherche par des personnes handicapées, l’interdisciplinarité et la défense des droits des personnes ayant des incapacités (Boucher, 2003).

2.1.3 Pertinence pour la thèse

Cet exercice historique présente quatre apports distinctifs pour notre thèse. Tout d’abord, il permet de comprendre que des personnes handicapées vieillissantes impliquées dans des associations de personnes handicapées – comme c’est le cas des participants de notre recherche – sont porteuses d’une histoire de participation et de mobilisation sociale qui dépasse le cadre d’une implication circonscrite et ponctuelle dans des activités dites sociales. Nous sommes en présence d’une participation qui a transformé la société québécoise depuis les années 1970 et qui a élargi le respect des droits des personnes ayant des incapacités. Nous verrons si cet engagement se reflète dans les conceptions et les expériences actuelles des participants de l’étude quant à leur participation à la société.

En lien avec ce qui précède, les informations issues de cette partie de la revue de la littérature montrent aussi que les politiques gouvernementales peuvent avoir un impact majeur par rapport aux possibilités de participation et d’inclusion sociale de groupes de

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conditions de vie et la participation à la société des personnes handicapées s’améliorent considérablement, démontrant qu’une action institutionnelle peut « faire la différence » et mener à des changements sociaux en profondeur et durables.

Également, les écrits nous rappellent de considérer avec circonspection l’institutionnalisation du concept de participation et le niveau de concordance entre les discours et les pratiques. En d’autres mots, l’inscription légale ne signifie pas l’effectivité. Plus qu’un objectif ou une cible, la participation est un processus, une dynamique dont les conditions de réalisation vont amplement au-delà d’un texte de loi, aussi évocateur soit-il.

Le quatrième apport de la revue de la littérature concerne les revendications historiques du mouvement des personnes handicapées quant à la participation sociale et à la « vie ordinaire ». Puisque le vieillissement démographique rejoint aussi les personnes ayant des incapacités, qui sont maintenant plus nombreuses à vivre plus longtemps en raison, notamment, des développements médico-technologiques, il importe que des défis et des contextes participatifs soient conformés en aval des luttes pour l’intégration aux institutions scolaires et au monde du travail. Désormais, il faut également se préoccuper de la participation au moment de la vieillesse en prenant en considération des facteurs individuels (comme une « usure », un vieillissement biologique accéléré), organisationnels (comme le degré d’acceptation à l’égard d’aînés « différents » dans les milieux associatifs d’aîné), ainsi que sociaux (comme le retard scientifique et politique à étudier les réalités des personnes vieillissant avec des incapacités).

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réaliser la revue de la littérature. Ensuite, nous proposons notre premier article scientifique, qui analyse les publications incluses dans la revue et modélise les résultats obtenus. Enfin, nous identifions les apports de l’article pour notre thèse.

2.2.1 Éléments de contexte et de méthode

La notion de participation sociale est au cœur des discours sociaux sur le vieillissement de la population et les personnes aînées. À l’échelle internationale, la participation des aînés est à la fois le moyen de réaliser le plan d’action issu de la Deuxième assemblée mondiale sur le vieillissement, et son principal objectif (Organisation des Nations Unies, 2002, 2005, 2008). En d’autres mots, on considère non seulement que la participation des aînés devrait être la visée des politiques et programmes sociaux, mais aussi que les aînés devraient activement participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures mises en place pour atteindre cette fin.

Aux côtés de la santé et la sécurité, la participation est également l’un des trois piliers du modèle de vieillissement actif proposé par l’Organisation mondiale de la santé (2002). Elle fait partie du libellé de deux des huit thèmes du Guide mondial des villes-amies des aînés (Organisation mondiale de la santé, 2007). Au Québec, la participation est au cœur des politiques sociales dirigées vers les aînés depuis 2005 (Gouvernement du Québec, 2005b, 2006, 2007a, 2007b, 2008, 2009b, 2012). La section des résultats présentera notre analyse de la façon dont la participation est définie et opérationnalisée dans ces documents.

Dans le domaine de la recherche scientifique, le sujet de la participation sociale des aînés est l’objet d’un intérêt soutenu depuis une quinzaine d’années. Le principal thème abordé par les recherches est la relation entre diverses formes de participation sociale (Dahan-Oliel, Gelinas, & Mazer, 2008), notamment le bénévolat et la prolongation du travail salarié, et des variables relatives à la santé des aînés (Corporation for National and Community Service, 2007; Zedlewski & Butrica, 2007).

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soutenir la participation sociale des aînés dans le cadre de programmes sociaux. Puisque notre thèse est inscrite dans la discipline du service social et qu’elle s’intéresse aux perceptions et aux pratiques des aînés handicapés en matière de participation sociale, il nous a paru crucial d’explorer la littérature scientifique à la recherche d’interventions visant la participation sociale des aînés. Nous voulions à la fois connaître l’éventail de ces programmes sociaux dirigés vers la participation sociale des aînés et voir s’ils étaient adaptés aux aînés ayant des incapacités. Nous avons donc réalisé une revue de la littérature de ces programmes, dont les résultats ont été publiés dans la revue Ageing and Society (Raymond et al., 2013).

L’objectif de la revue de la littérature était de recenser des articles scientifiques présentant les résultats de l’évaluation de programmes sociaux. En effet, nous étions intéressés non seulement à la description des intentions et du déroulement de programmes d’intervention, mais aussi aux résultats obtenus au terme de ceux-ci. En d’autres mots, les programmes ont-ils réussi à encourager la participation sociale des aînés? Si oui, de quelle manière? Peut-on tirer des leçons par rapport à la mise en place de programmes plus inclusifs et efficaces par rapport à la participation sociale des aînés ayant des incapacités?

Les détails de la méthode utilisée pour réaliser la revue de la littérature sont donnés dans l’article. Mentionnons que la revue a exploré plus de 40 banques de données et couvert 40 ans (1970-2011). Trente-deux programmes d’intervention évalués ont été recensés. Les articles retenus ont été étudiés à partir d’une analyse qualitative de contenu abordant, pour chaque programme retenu, les items suivants: la définition

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activités) pour atteindre cette cible. La typologie des approches d’intervention comporte cinq catégories : les interactions sociales en contexte individuel; les interactions sociales en contexte de groupe; les activités et les démarches collectives; le bénévolat et l’aide informelle; ainsi que l’engagement citoyen et la militance.

2.2.2 Synthèse du contenu

Figure

Table 1. Databases explored by the literature review
Figure 1. Typology of social programs promoting the social participation of seniors
Table 2. Review of the included studies
Figure 1   L’analyse en forme de spirale (Creswell, 2007)
+7

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