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On the track of evaluated programs targeting the social participation of seniors: A typology proposal

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3.1 Cadre théorique et conceptuel

Le cadre ontologique et épistémologique de notre thèse est de nature constructiviste. Sur le plan ontologique, nous reconnaissons que la réalité est subjective et multiple, et nous

réalité sociale et des phénomènes sociaux à partir d’une vision multiple, « symphonique » (Morin, 2006), de la manière dont les acteurs réfléchissent et agissent, notamment en fonction de leur interprétation de ce qu’il convient de faire dans telle ou telle situation. Afin de soutenir l’efficacité de notre collecte de données et surtout la justesse des analyses que nous avons réalisées, nous avons essayé de diminuer la distance entre le terrain de recherche et nous-même, notamment en passant beaucoup de temps avec les participants et en devenant un membre du groupe (Creswell, 2007)

Par ailleurs, nous nous situons également à la croisée du paradigme critique (Padgett, 2008). Nous avons cherché à questionner le programme participatif dessiné par les politiques contemporaines du vieillissement au Québec, un objectif inscrit dans un horizon d’émancipation relatif aux discours normatifs entourant la participation sociale des aînés. Nous avons en cela pratiqué les principes critiques concernant la circonspection à l’égard des règles de conduite de la vie sociale, le rejet de la prétendue impartialité du paradigme positiviste, ainsi que la volonté de clarifier les tensions et les inégalités sociales contemporaines en s’intéressant à toutes les dimensions du présent (Horkheimer, 1974; Renault & Sintomer, 2003).

La cohérence à maintenir entre le thème choisi, les questions élaborées et nos options épistémologiques, nous a menée à privilégier l’approche critique en gérontologie comme cadre théorique. La gérontologie critique convoque une analyse du vieillissement imprégnée la fois des subjectivités des acteurs et des conditions structurelles dans lesquelles ils s’insèrent (Baars et al., 2005). Nous avons choisi d’utiliser cette approche à l’intersection du vieillissement et des incapacités parce qu’elle recherche et permet la connexion entre les discours sociaux et les expériences des acteurs sociaux (Grenier, 2012a), une perspective qui coïncide avec notre volonté de mettre en relation politiques publiques et représentations des personnes vieillissant avec des incapacités relativement à la participation sociale des aînés. Également, la gérontologie critique agence une identité épistémologique métisse, ajoutant à sa majeure critique des contributions constructivistes (Gubrium & Holstein, 1999; J. A. Holstein & Gubrium, 2000). En d’autres mots, si les

compréhension des conditions et des expériences du vieillissement, le sont tout autant les significations que construisent et véhiculent à leur sujet les aînés eux-mêmes (Estes, 1979).

Le courant de la gérontologie critique a commencé à s’élaborer formellement à la fin des années 1970 (Katz, 2003; Ray, 2003). L’objectif premier de ses fondateurs13 était de questionner et de transformer la gérontologie sociale telle que pensée et pratiquée depuis son apparition dans la foulée de la fin de la Deuxième guerre mondiale (Biggs, Hendricks, & Lowenstein, 2003). À cette époque, la discipline était articulée à partir d’une vision structuro-fonctionnaliste et envisageait le vieillissement sous l’angle d’un problème social majeur dans une société urbaine et industrielle où les aînés représentaient un groupe vulnérable (Atchley, 1987; Fennell, Phillipson, & Evers, 1988; Hick, 2005). On cherchait alors à déterminer la meilleure manière, pour les individus, de s’ajuster aux diverses conditions de la vieillesse, données pour naturelles (Lynott & Lynott, 1996; Phillipson & Walker, 1987). Cette perspective configurait des transitions et des rôles préétablis pour les aînés, engendrant d’une part une normativité asphyxiante pour les trajectoires individuelles, et négligeant d’autre part l’influence cruciale des structures et des relations de pouvoir dans l’expérience du vieillissement (Grenier, 2012a).

Pour leur part, les gérontologues critiques ont montré que les situations de dépendance vécues par beaucoup d’aînés n’étaient ni le résultat de difficultés d’adaptation, ni un phénomène inévitable, mais plutôt l’aboutissement d’un mécanisme largement structuré par les politiques sociales, notamment le bas niveau des pensions publiques et la mise en œuvre des services de santé en fonction d’une clientèle passive (Townsend, 1981;

2000), comme par exemple la valorisation outrancière de l’activité comme symbole d’une stratégie de vieillissement adéquate, la gérontologie critique articule une double identité épistémologique en prétendant non seulement mieux comprendre, mais également transformer les situations d’inégalités et d’exclusions vécues par les aînés (Phillipson, 2006; Phillipson & Walker, 1987). On affirme parfois que c’est l’engagement de la gérontologie critique à travailler à l’émancipation des aînés qui constitue son signe le plus distinctif (Moody, 1993; Ray, 2003). Cette perspective est tout à fait congruente avec la perspective épistémologique de la présente thèse, qui propose la connexion des politiques et des expériences en matière de participation sociale des aînés ayant des incapacités, et ce, en vue de mener à des changements sociaux concernant l’inclusion sociale de ce groupe.

En trente années d’existence, la perspective critique en gérontologie a embrassé un large éventail de questions, notamment le marché économique crée autour du vieillissement (ou plutôt de l’anti-vieillissement) (Estes, 1979, 1993), ainsi que les modèles d’un vieillissement optimal qui ont commencé à déferler à la fin des années 1990 (Biggs, 2004; M. B. Holstein & Minkler, 2007; Katz, 2000; Tulle-Winton, 1999). Tandis que le principal but analytique de la gérontologie critique restait d’examiner les phénomènes humains comme des construits sociaux (Phillipson & Walker, 1987; Walker, 1999), une attention croissante a été portée à la pluralité des cultures et des parcours de vieillissement, ainsi qu’au croisement des positions sociale ou intersectionalité (Calasanti & King, 2007; C. Gilleard & Higgs, 2000). Conséquemment, l’approche s’est diversifiée sur le plan épistémologique et méthodologique en intégrant des apports d’autres courants de la théorie critique (Biggs et al., 2003; Katz, 2003), du constructivisme (Gubrium & Holstein, 1999; J. A. Holstein & Gubrium, 2000) et des méthodes biographiques et narratives (Phillipson, 1998, 2008; Randall, 2008). Par ailleurs, il faut souligner que la question transversale du poids accordé aux éléments dit structuraux, versus celui consenti aux éléments relatifs à la capacité d’action des sujets (« agency »), constitue un débat persistant dans la discipline (Walker, 2006), comme dans les sciences sociales en général (Ryan, 2005).

Concernant le regard constructiviste en gérontologie critique, il partage avec l’économie politique le fait de contester les « vérités » du vieillissement; cependant, ses outils d’analyse sont les processus d’interaction et de négociation qui mènent à la construction et à l’objectivation des réalités du vieillir (Lynott & Lynott, 1996). Les analyses découlant d’une telle posture ont montré comment les catégories sociales pénètrent la vie quotidienne, comment elles sont reçues et gérées, ainsi que comment elles sont organisées socialement (Gubrium & Holstein, 1999). Ce type de démarche n’entend donc pas développer des explications causales concernant le monde social, mais bien travailler à partir des significations dérivées de la vie quotidienne des sujets. Les questions fondamentales sont alors : quelles significations les aînés élaborent-ils face à l’expérience du vieillissement et comment les conventions culturelles modulent-elles cette élaboration (M. B. Holstein & Minkler, 2007)? Perméable aux significations accordées par les acteurs à leurs choix et à leurs comportements, capable de s’ancrer dans la réalité telle que perçue et vécue par les sujets, le regard constructiviste posé sur le vieillissement par la gérontologie critique véhicule une visée émancipatrice, opposant aux stéréotypes associés aux aînés une exploration sensible et plurielle de leurs réalités (Moody, 1989, 1993).

Cette posture théorique a inspiré le développement de notre méthodologie qui, au lieu d’étudier séparément les politiques sociales et les expériences des acteurs, cherche à comprendre ce qui se passe à l’intersection de ces sites (Grenier, 2012a). Une telle méthodologie, innovatrice dans le champ de la gérontologie critique, permet d’être simultanément attentif aux processus quotidiens d’interaction et de négociation composant les expériences de participation (Gubrium & Holstein, 1999; J. A. Holstein &

qu’elle génère ou facilite. Participer socialement permet aux aînés de : « voir du monde » et développer des relations significatives; vivre des activités plaisantes en groupe; s’impliquer dans un projet collectif; aider et s’entraider; partager des savoirs; augmenter leur pouvoir dans les décisions qui les concernent (Raymond et al., 2011).

Conception : Acte de concevoir, acte de l’intelligence, de la pensée, s’appliquant à un

objet. Résultat de cette activité intellectuelle, façon de concevoir, ensemble de concepts. Idée, vue, opinion (Robert, 1989: 356).

Pratique: Activités volontaires visant des résultats concrets. Manière concrète d’exercer

une activité. Expérience (Robert, 1989 : 1506-1596).

Politique publique: Un ensemble complexe de choix collectifs interdépendants, incluant

la décision de ne pas agir, faits par des agences ou des fonctionnaires du gouvernement. Ces choix sont agencés en fonction de thèmes : la défense, l’énergie, la santé, l’éducation, le bien-être, et le crime. Pour chacun de ces thèmes, de nombreux points de vue et enjeux interagissent dans le cadre d’actions gouvernementales qui impliquent des conflits entre différents groupes de la population. Une politique publique est généralement le résultat de définitions conflictuelles d’un problème social14 (Dunn, 1994).