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On the track of evaluated programs targeting the social participation of seniors: A typology proposal

Cercle 2 La lecture et la rédaction de mémos

La deuxième étape de l’analyse, appelée aussi une lecture flottante, consiste à faire un « premier tour » du corpus de données afin d’en avoir une vue d’ensemble, et ce, avant d’entreprendre des opérations de réduction du matériel. Il s’agit de lire la totalité des transcriptions soumises à l’analyse, de s’immerger dans les détails, de commencer à percevoir les diverses pistes de significations les traversant. Au gré de cette exploration initiale, il s’avère utile de rédiger des notes, ou mémos, rendant compte d’idées, de concepts émergents. C’est à cette étape, en effet, que risque de surgir une version préliminaire des catégories qui permettront d’identifier les thèmes centraux des résultats de la recherche. Bien sûr, ces catégories pourront être radicalement modifiées au cours des cercles analytiques subséquents. Néanmoins, il est indispensable de profiter de notre « premier tour », ou « lecture flottante », des données pour entamer un rapport en quelque sorte dialogique avec notre corpus.

En ce qui concerne notre étude, ce « premier tour » s’est déroulé en deux phases. La première s’est déroulée dès le début de la collecte de données, alors qu’après chacun des entrevues, nous écoutions l’intégralité de l’enregistrement afin d’enclencher le travail de pré-analyse et de guider les entrevue suivantes en fonction des catégories ou des concepts émergents. Les réflexions, intuitions et interrogations surgies d’une écoute à l’autre ont façonné notre rapport aux données collectées, et donc aux discours et expériences des participants de l’étude. Mentionnons qu’on peut considérer l’analyse comme le moteur de la collecte de données, et que ces deux processus se modèlent réciproquement (Strauss & Corbin, 2004). Au cours de la recherche, analyse et collecte alternent, tandis que les

À la fin de la collecte des données, nous avons effectué un deuxième « grand tour » du corpus de données en relisant l’ensemble du matériel écrit, gardant en tête les quatre grands aspects touchés par notre recherche (le vieillissement, le handicap, la participation sociale et les politiques sociales), et en « testant » la pertinence des concepts-clé identifiés en début de recherche (le corps, l’identité, la voix, l’espace et le pouvoir).

Cercle 3 : La description, la classification et l’interprétation des données

Le troisième cercle d’analyse constitue le cœur du processus permettant de donner un sens aux données collectées. Il mène à organiser le matériel en fonction de thèmes ou de dimensions permettant de comprendre en profondeur et en nuances le cas étudié. On peut avoir une vision tripartite de cette étape (Creswell, 2007; Strauss & Corbin, 2004). Bien que présentées de façon successive, les trois grandes opérations qui la composent se réalisent dans les faits de façon simultanée : décrire, classifier et interpréter.

Figure 2 Le traitement des données (Strauss & Corbin, 2004)

Décrire

La description occupe une place centrale dans l’analyse d’une étude de cas. Il s’agit de décrire in situ les détails associés au cas, aux personnes qui l’animent, aux lieux et espaces qu’il occupe, au contexte socioéconomique et politique qui est le sien. Afin de

(Padgett, 2008; Stake, 2008) pour raconter la « biographie participative »15 de chacun des participants du Projet Photoroman. Nous avons aussi veillé à décrire de façon minutieuse la manière dont la participation des membres du groupe était concrétisée, discutée, projetée dans le cadre du projet.

Classifier

À la description analytique préservant l’unité du matériel, se superposent des opérations de réduction et de combinaison des données menant à l’identification des quelques catégories (de 5 à 7 grands familles thématiques en général) qui exposent les dimensions essentielles du phénomène social à l’étude. On peut désigner cette opération comme une agrégation catégorielle, c’est-à-dire une collection d’exemples ou de faits tirés des données dont l’accumulation permet l’émergence d’interprétations significatives, pertinentes à la compréhension du cas (Stake, 1995, 2008). En ce qui nous concerne néanmoins, nous avons enrichi cette démarche de stratégies de codification et de catégorisation proposées par des penseurs de la théorisation ancrée (Corbin & Strauss, 2008; Strauss & Corbin, 2004).

Ces auteurs définissent la codification des données (qu’on pourrait aussi appeler classification ou catégorisation) comme un processus analytique au cours duquel les données sont fractionnées, conceptualisées, puis intégrées pour produire une théorie. En d’autres mots, il s’agit d’identifier, de développer et de relier les concepts qui constitueront le système théorique expliquant le phénomène étudié. Les propositions de la théorisation ancrée nous ont été utile en ce qu’elles ont guidé la procédure de codification

- être à la fois systématique (utiliser la triangulation, penser "comparativement" porter attention aux faits comme à la manière dont ils sont négociés, prendre du recul et maintenir une attitude de doute) et créatif (privilégier des modes non linéaires de réflexion, explorer plusieurs alternatives avant de choisir une piste analytique et utiliser différentes voies d’expression);

- alterner collecte et analyse des données : ces deux opérations sont pas des projets séquentiels, elles se succèdent et se superposent; le chercheur est en constante interaction avec ses données, au cours d’une entreprise de « modelage réciproque »;

- équilibrer l’objectivité et la sensibilité en retenant de ce que l’on connaît du phénomène à l’étude pour donner place à de nouvelles interprétations, tout en reconnaissant que notre compréhension repose sur un « bagage » personnel; être à la fois objectif et sensible permet d’utiliser nos connaissances comme un outil d’analyse, de comparer ce que l’on pense à ce que l’on voit, de tirer profit de nos expériences sans les inscrire dans les données.

Nous illustrerons la manière dont ces principes se sont concrétisés dans notre étude. Dès le prélude de notre collecte de données, nous avons commencé à rédiger des mémos analytiques et ajusté nos opérations d’observation et d’entrevues en fonction de ces réflexions préliminaires (alterner collecte et analyse des données). Lors de notre toute première entrevue, la personne en fauteuil roulant que nous interviewions a mentionné que parfois, une expérience collective permet que son handicap devienne en quelque sorte invisible, imperceptible, qu’il ne médiatise plus ses relations avec les autres comme c’est le cas habituellement. Lors des entrevues subséquentes, j’ai demandé aux gens s’il leur arrivait de se sentir que leur handicap était socialement invisible, une question qui s’est révélée fort judicieuse. Évidemment, les idées qui émergent au gré de cette trajectoire hybride de collecte et d’analyse de données doivent faire l’objet d’une validation serrée et peuvent être abandonnés, révisés et modifiés. Pour sa part, la catégorie de sens

suspendre notre expérience personnelle par rapport aux différences corporelles, afin de traiter de la manière dont les participants voyaient et vivaient la mince ligne entre la visibilité et l’invisibilité de leurs incapacités (équilibrer l’objectivité et la sensibilité). Par ailleurs, notre expérience nous a aidée à percevoir la charge émotive d’un tel sujet, et nous l’avons utilisée comme « ressort analytique ». Suivre la piste de l’invisibilité momentanée des incapacités dans une situation optimale de participation sociale nous a amenés à étudier de façon méthodique les processus de négociation déplaçant les frontières des sphères de visibilité et d’invisibilité, tout en en leur superposant l’idée de miroir pour explorer non seulement le jeu des regards entre personnes avec et sans incapacités, mais aussi des personnes ayant des incapacités face à elles-mêmes (être à la

fois systématique et créatif).

Sur le plan des procédures, nous avons réalisé deux types de processus de codification pour construire un ordonnancement conceptuel ou théorique. Nous avons d’abord réalisé une codification ouverte, qui consiste à regrouper dans une catégorie les données qui capturent des significations apparentées sur le plan thématique (Strauss & Corbin, 2004). À cette étape, il est important de chercher à ce que les catégories traduisent les idées analytiques présentes dans le corpus. Différentes tactiques peuvent être employées pour identifier les informations pertinentes, c’est-à-dire les informations qui permettront de décrire le cas et de répondre aux questions de recherche. Nous avons utilisé celle qui consiste à se placer dans une position de déconstruction, d’où il est possible de tenter de démanteler des dichotomies, d’examiner le rôle des silences, de relever les disruptions et les contradictions, les éléments plus étranges ou particuliers, ainsi que d’interpréter les métaphores comme une source de significations multiples (Creswell, 2007).

demander quels sont les acteurs impliqués dans un tel événement, que signifie cet événement pour eux et pourquoi ils ont agi de telle ou telle manière. Au fur et à mesure, les questions deviennent plus précises, raffinées; on questionne la capacité de telle catégorie à traiter ou informer telle donnée, jusqu’à poser des questions théoriques permettant de percevoir les relations et les variations entre les catégories.

Finalement, nous avons utilisé la stratégie de l’établissement de comparaisons (Ibid.). Certaines ont été réalisées à l’intérieur des limites des données recueillies en les comparant entre elles en fonction de similitudes et de différences, ce qui a mené à la formation d’ensembles prenant la forme de catégories ou de sous-catégories. Nous avons aussi fait des comparaisons théoriques, c’est-à-dire que nous avons employé des faits, des objets ou des actions extérieurs au corpus, issus de la littérature scientifique ou de notre expérience, pour stimuler l’examen de nos informations. Il ne s’agissait pas de traiter ces éléments externes comme des données, mais bien d’utiliser leurs propriétés et leurs dimensions pour faire des comparaisons avec nos données, dans le souci de définir ces dernières de façon plus spécifiques. En provoquant des réflexions, en ouvrant les portes de l’imagination analytique, cette approche permet en outre de percevoir des aspects qui auraient pu passer inaperçus autrement.

Suite aux procédures de codification ouverte, nous avons organisé les catégories selon un schème classificatoire, une opération appelée la codification axiale. Les propriétés et les dimensions de chaque catégorie ont été raffinées. Nous avons aussi établi les rapports « intra-catégories », c’est-à-dire entre les catégories et leurs sous-catégories respectives, ainsi que les rapports inter-catégories. Il s’agissait ultimement de voir comment les catégories s’entrecroisaient et se liaient afin d’intégrer l’ensemble des réflexions en une formulation théorique cohérente. On peut parler de cette élaboration théorique dans les termes de « patrons » permettant de voir les correspondances entre au moins deux catégories (Creswell, 2007).

Désignée comme la construction de la théorie en théorisation ancrée, cette dernière étape du troisième cercle d’analyse invite à mettre en perspective les leçons apprises grâce au processus analytique (Creswell, 2007). L’exercice vise à répondre à la question : que veulent dire ces « leçons »? Il combine les vues et expériences personnelles du chercheur et la littérature scientifiques sur le sujet traité. Selon notre posture épistémologique, l’exercice intègre également le regard des participants de la recherche, permettant un regard d’autant plus unique et circonstancié sur le sujet étudié (Guba & Lincoln, 1994). Par ailleurs, l’héritage postmoderniste nous rappelle que même si les lignes interprétatives dégagées apparaissent pertinentes et cohérentes avec l’ensemble du processus analytique, elles n’en demeurent pas moins temporaires et susceptibles d’être questionnées.