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Comprendre les (non) interventions militaires de la France en Afrique subsaharienne à l'aide de la théorie cohabitationniste

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Comprendre les (non) interventions militaires de la

France en Afrique subsaharienne à l'aide de la théorie

cohabitationniste

Thèse

Fiacre Zoungni

Doctorat en science politique

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

Comprendre les (non) interventions militaires de la France en Afrique subsaharienne à l’aide de la théorie cohabitationniste

Thèse

Fiacre Thibaut U. ZOUNGNI

Sous la direction de :

Anessa L. Kimball, codirectrice de recherche Jonathan Paquin, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

Malgré la fin de la colonisation dans les années 1960 en Afrique, la France est demeurée présente sur le continent par le biais de plusieurs accords et conventions signés avec ses anciennes colonies afin d’établir des coopérations dans plusieurs domaines (économique, monétaire, politique, culturel, défense). Grâce à une politique militaire particulière, la France intervient militairement dans plusieurs conflits civils en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, elle se refuse parfois à intervenir dans d’autres. La problématique de cette recherche est d’expliquer les raisons pour lesquelles la France intervient militairement dans certains conflits civils en Afrique subsaharienne et pourquoi elle se refuse à intervenir dans d’autres. Pour résoudre cette énigme, cette thèse développe la théorie de la cohabitation ou la théorie cohabitationniste basée sur le principe transactionnel de la délégation du pouvoir développé par les néo-institutionnalistes du choix rationnel qui vise à évaluer la performance démocratique des régimes politiques. Cette théorie, composée de deux modèles, affirme qu’à cause des contraintes institutionnelles et politiques qui naissent durant les périodes de cohabitation, il est difficile pour un gouvernement français d’initier une intervention militaire en Afrique subsaharienne. Cette situation, propre aux régimes semi-présidentiels, explique certains refus de la France à intervenir militairement dans certains conflits civils. Par contre, en période de gouvernement unifié, il est plus aisé de déclencher une intervention militaire puisqu’il y a une cohérence et une concordance des politiques gouvernementale et présidentielle. De façon empirique, nous avons démontré que le refus de la France à intervenir en Côte d’Ivoire en 1999 après le coup d’État militaire, en République Centrafricaine après les mutineries de 1998 et 2001, était en substance lié au conflit institutionnel engendré par la troisième cohabitation (1997 – 2002). Durant cette période, nous avons noté qu’en dépit du fait que plusieurs questions écrites aient été envoyées au gouvernement par des parlementaires français pour connaitre l’attitude de la France par rapport à ces instabilités politiques, l’option d’une intervention militaire n’a pas été retenue. En revanche, après les élections présidentielles des 21 avril et 5 mai 2002 et les élections législatives des 9 et 16 juin 2002, la France a amorcé une nouvelle ère de gouvernement unifié. C’est durant cette période que le gouvernement français a pu initier l’Opération Licorne en envoyant des troupes armées en Côte d’Ivoire en 2002 et l’Opération Boali en 2003 en République Centrafricaine.

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Abstract

Despite the end of colonization in the 1960s in Africa, France remained present on the continent through several agreements and conventions signed with its former colonies in order to establish cooperation in several fields (economic, monetary, political, cultural, defense). Thanks to a particular military policy, France intervenes militarily in several civil conflicts in sub-Saharan Africa. At the same time, it sometimes refuses to intervene in others. The problematic of this research is to explain the reasons why France intervenes militarily in certain civil conflicts in sub-Saharan Africa and why it refuses to intervene in others. To solve this enigma, this thesis develops the theory of cohabitation or cohabitationist theory based on the transactional principle of the delegation of power developed by the neo-institutionalist rational choice that aims to assess the democratic performance of political regimes. This theory, composed of two models, states that because of the institutional and political constraints that arise during periods of cohabitation, it is difficult for a French government to initiate a military intervention in sub-Saharan Africa. This situation, peculiar to the semi-presidential regimes, explains France's refusal to intervene militarily in certain civil conflicts. On the other hand, in times of unified government, it is easier to trigger a military intervention since there is a coherence and a concordance of government and presidential policies. Empirically, we have shown that the refusal of France to intervene in Côte d'Ivoire in 1999 after the military coup and in the Central African Republic after the mutinies of 1998 and 2001, was in essence linked to the institutional conflict engendered by the third cohabitation (1997 - 2002). During this period, we noted that despite the fact that several written questions were sent to the government by French parliamentarians to know the attitude of France with regard to these political instabilities, the option of a military intervention was not selected. On the other hand, after the presidential elections of 21 April and 5 May 2002 and the legislative elections of 9 and 16 June 2002, France has entered a new era of unified government. It was during this period that the French government was able to initiate Operation Licorne by sending armed troops to Côte d'Ivoire in 2002 and Operation Boali in 2003 to the Central African Republic.

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Tables des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Tables des matières ... v

Listes des tableaux ... viii

Listes des schémas ... ix

Liste des figures ... x

Listes des sigles et acronymes ... xi

Dédicace ... iii

Remerciements ... iv

Introduction Générale ... 1

1. Problématique de recherche ... 1

2. Contexte général : La fin de la colonisation et la politique militaire de la France en Afrique ... 5

2.1. La nécessité du maintien des liens au lendemain des indépendances ... 5

2.2. La politique militaire de la France en Afrique ... 13

3. Délimitation du sujet ... 18

3.1. Conflits armés internes ou conflits civils ... 18

3.2. Les Interventions internationales ... 20

4. Organisation de la thèse ... 23

Chapitre 1 : Revue de littérature sur les interventions militaires de la France en Afrique ... 26

1. Les interventions militaires de la France en Afrique : facteurs explicatifs et modèles décisionnels ... 26

1.1. Les facteurs explicatifs des interventions militaires de la France en Afrique ... 26

1.2. Les facteurs explicatifs internes des interventions militaires ... 37

1.3. Les modèles décisionnels français pour les interventions militaires ... 51

1.4. Quelques modèles de prise de décision en politique étrangère ... 52

2. L’impact du type de régime sur la décision d’intervenir militairement dans un conflit civil 58 2.1. Les régimes politiques et la propension des États à intervenir militairement ... 58

2.2. La théorie poliheuristique comme modèle décisionnel qui tient compte de la politique intérieure des États ... 67

Conclusion ... 83

Chapitre 2 : La théorie cohabitationniste ... 84

1. La performance des régimes démocratiques ... 84

1.1. Les fondements théoriques de la théorie cohabitationniste : la performance des régimes démocratiques ... 84 1.2. Le semi-présidentialisme et la performance démocratique en matière de processus politique et législatif 94

(6)

2. Les attentes théoriques selon la théorie cohabitationniste ... 98

2.1. Le postulat théorique ... 98

2.2. Les variables explicatives ... 113

Conclusion ... 117

Chapitre 3 : Cadre méthodologique ... 119

1. Le Process Tracing ... 119

2. Technique de collecte de données et sélection des cas ... 124

2.2. Technique de collecte des données ... 124

2.3. Sélection des cas ... 127

3. Présentation des études de cas : la Côte d’Ivoire et la République Centrafricaine .... 129

3.2. La Côte d’Ivoire ... 129

3.3. La République Centrafricaine ... 133

Conclusion ... 138

Chapitre 4 : Comprendre le refus de la France à intervenir militairement en Côte d’Ivoire en 1999 et en RCA en 2002 ... 139

1. Le coup d’État ivoirien de 1999 et les mutineries en RCA ... 139

1.1. La crise politico-militaire de 1999 en Côte d’Ivoire ... 139

1.2. Les différentes mutineries et guerres civiles en RCA de 1996 à 2001 ... 142

2. Les facteurs explicatifs du refus de la France à intervenir dans ces deux États ... 146

2.1. La flexibilité du leadership politique du Président de la République ... 146

2.2. La localisation des pouvoirs de contrôle de l’ordre du jour législatif ... 164

2.3. La portée des pouvoirs présidentiels sur l’ordre du jour législatif ... 173

2.4. La cohabitation comme raccourci cognitif ? ... 184

Conclusion ... 195

Chapitre 5 : Comprendre les interventions militaires de la France en Côte d’Ivoire en 2002 et en RCA en 2003 ... 196

1. Les guerres civiles ivoirienne de 2002 et centrafricaine de 2002 ... 196

1.1. La guerre civile ivoirienne de 2002 et l’Opération Licorne ... 196

1.2. La guerre civile centrafricaine de 2002 et l’Opération Boali ... 198

2. Les facteurs explicatifs des interventions militaires françaises en Côte d’Ivoire en 2002 et en RCA en 2002 ... 202

2.1. La flexibilité du leadership du Président de la République ... 202

2.2. La localisation des pouvoirs de contrôle de l’ordre du jour législatif ... 209

2.3. La portée des pouvoirs présidentiels sur l’ordre du jour législatif ... 216

2.4. L’importance d’un gouvernement unifié dans un processus décisionnel ... 222

Conclusion ... 225

Conclusion générale ... 226

Nos résultats et contributions ... 227

Implications politiques et recommandations ... 230

(7)
(8)

Listes des tableaux

Tableau 1: Réactions de la France par rapport aux conflits civils en Afrique subsaharienne

de 1960 à 2016 ... 1

Tableau 2: Types de décisions étudiées par la théorie poliheuristique ... 71

Tableau 3: Le calcul de la décision poliheuristique dans la politique étrangère américaine 73 Tableau 4: Étude de cas poliheuristique portant sur les décisions des dirigeants au Moyen-Orient ... 75

Tableau 5: Les deux dimensions de la relation entre l'Exécutif et l'Assemblée Nationale .. 88

Tableau 6 : Sélection des cas ... 127

Tableau 7 : Les cas retenus ... 128

Tableau 8: Loi de Programmation militaire 1997-2002 (en milliards d'euros 2002) ... 169

Tableau 9: Exécution de la Loi de Programmation Militaire (crédits d'équipement) ... 170

Tableau 10: Exécution de la Loi de Programmation Militaire (Équipement en crédit de paiements) ... 170

Tableau 11: Comparatif de l'adhésion des Français à différentes interventions militaires à l'étranger ... 187

Tableau 12: Quelques déclarations publiques du Président Chirac contre le gouvernement ... 192

Tableau 13: Loi de programmation militaire 2003-2008 (en milliards d'euros 2008) ... 213

(9)

Listes des schémas

Schéma 1: Les relations hiérarchiques et transactionnelles entre l'Exécutif et le législatif dans les formes « pures » de régimes démocratiques ... 89 Schéma 2: Les relations hiérarchiques et transactionnelles dans les deux principales formes de régimes semi-présidentiels. ... 94 Schéma 3 : Premier modèle de la théorie cohabitationniste ... 109 Schéma 4 : Deuxième modèle de la théorie cohabitationniste ... 112 Schéma 5: Graphe acyclique sur la flexibilité du leadership politique du Président de la République dans un gouvernement de cohabitation ... 163 Schéma 6: Graphe acyclique sur la localisation des pouvoirs de contrôle de l'ordre du jour législatif dans un gouvernement de cohabitation ... 172 Schéma 7: Graphe acyclique sur la portée des pouvoirs étendus présidentiels sur l'ordre du jour législatif dans un gouvernement de cohabitation ... 183 Schéma 8: Les attentes en matière de politique de Défense nationale ... 188 Schéma 9: Les pistes de réformes de la politique de Défense nationale ... 189 Schéma 10: Graphe acyclique sur la flexibilité du leadership politique du Président de la République dans un gouvernement unifié ... 209 Schéma 11: Graphe acyclique sur la localisation des pouvoirs de contrôle de l'ordre du jour législatif dans un gouvernement unifié ... 216 Schéma 12: Graphe acyclique sur la portée des pouvoirs étendus présidentiels sur l'ordre du jour législatif dans un gouvernement unifié ... 222

(10)

Liste des figures

Figure 1: Nombre de conflits civils par région de 1946-2014 ... 20

Figure 2: Répartition du nombre de conflits civils et du nombre des interventions militaires par région de 1946-2014 ... 22

Figure 3: Les interventions de la France en Afrique de 1960-2003 ... 22

Figure 4 : Graphe causal ... 120

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Listes des sigles et acronymes AEF : Afrique Équatoriale Française

AGNU: Assemblée Générale des Nations Unies AMT : Assistance Militaire Technique

APD : Aide Publique au Développement APÉ : Analyse de la Politique Étrangère

APSA : Association Américaine de Science Politique BIMa : Bataillon d’Infanterie de Marine

BINUCA : Bureau de Consolidation de la paix de l’ONU BM : Banque Mondiale

CDSN : Conseil de Défense et de Sécurité Nationale

CEDEAO : Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest CEN-SAD : Communauté des États sahéliens du Sahel

CFAO : Compagnie Française de l'Afrique Occidentale CI : Côte d’Ivoire

CIMEAC : Comité Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale CMRN : Comité Militaire de Redressement National

CNSP : Comité National du Salut Public COW : Correlates-of-War

CPJP : Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix CSI : Conseil de Sécurité Intérieure

CSNU : Conseil de Sécurité des Nations Unies

DDR : Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration DPG : Déclaration de Politique Générale

(12)

FANCI : Forces Armée Nationales de la Côte d’Ivoire FDAC : Front Démocratique d’Afrique Centrale FMI : Fonds Monétaire International

FN : Forces Nouvelles

FOMUC : Force multinationale de la CEMAC FPI : Front Populaire Ivoirien

GEE : Generalized Estimating Equations IDE : Investissements Directs Étrangers IIG : International Interaction Game JP : Jeunes Patriotes

LFI : Loi de Finances Initiale

LOLF : Loi Organique de la Loi des Finances LPM : Loi de Programmation Militaire

MCIGO : Mouvement de la Côte d’Ivoire du Grand Ouest MCO : Maintien en Condition Opérationnelle

MESAN : Mouvement pour l’Évolution Sociale de l’Afrique Noire MINURCA : Mission de Maintien de la Paix en RCA

MINUSCA : Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour le Stabilisation en Centrafrique

MISAB : Mission Interafricaine pour la Surveillance la mise en œuvre des Accords de Bangui

MJP : Mouvement pour la Justice et la Paix MLC : Mouvement pour la libération du Congo

MLCJ : Mouvement des Libérateurs Centrafricains pour la Justice MNEF : Mutuelle Nationale des Étudiants de France

(13)

ONU : Organisation des Nations Unies

ONUCI Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire OPEX : Opération Extérieure

OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord PAS : Programmes d’Ajustement Structurel

PDCI : Parti Démocratique de Côte d’Ivoire PIB : Produit Intérieur Brut

PRIO : Peace Research Institute Oslo RCA : République Centrafricaine RDR : Rassemblement des Républicains RPR : Rassemblement Pour la République SCOA : Société Commerciale de l'Ouest Africain UDF : Union pour la Démocratie Française UMP : Union pour la Majorité Présidentielle

(14)

Dédicace

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Remerciements

Tous mes remerciements à tous les professeurs du Département de science politique de l’Université Laval particulièrement à la professeure Anessa Kimball qui a accepté de m’encadrer dès le début de ce projet de thèse et au professeur Jonathan Paquin pour sa compréhension d’avoir accepté en cours de route d’être mon co-directeur. Grâce à vos commentaires, observations et questionnements, j’ai pu continuellement améliorer la qualité de cette thèse. Nos discussions ont été l’occasion pour moi de mieux cerner la problématique de ce travail et je vous en suis très reconnaissant. Un remerciement spécial au professeur Jean- Frédéric Morin qui a accepté de faire une pré-lecture de ce document avant son dépôt. Vos commentaires et remarques m’ont été d’une grande aide pour sa qualité finale. Également, je remercie les autres membres de mon jury à savoir les professeurs Francesco Cavatorta du Département de science politique de l’Université Laval et Christian Lequesne de Sciences Po Paris pour leurs disponibilités.

Au-delà de mon jury, j’aimerais remercier les personnes qui m’ont soutenu dans la réalisation de ce travail. Ma première pensée va à mon épouse Diane-Aurore qui n’a ménagé aucun effort pour m’épauler durant ces six dernières années malgré la distance. À mes parents et mes beaux-parents qui m’ont accompagné dans ce processus qu’ils ont parfois trouvé long, c’est le moment de vous dire merci pour tous vos sacrifices et surtout pour votre soutien indéfectible.

Je n’aurais jamais pu continuer ce projet de thèse sans un appui financier. À cet égard, je tiens à remercier madame Marie Brossier pour la confiance placée en ma personne en acceptant de me prendre comme son auxiliaire d’enseignement pour plusieurs de ses cours. Aussi, je ne saurai finir sans dire un grand merci au Centre Interdisciplinaire de Recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient (CIRAM) pour m’avoir accordé une bourse de soutien à la rédaction à un moment décisif de la rédaction ; au Département de science politique pour ses diverses bourses, à la Faculté des Sciences Sociales pour sa bourse de soutien à la réussite. À tous mes amis que j’ai connus à Québec, je vous dire un grand merci pour le soutien et la solidarité.

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Introduction Générale

1. Problématique de recherche

Malgré la fin de la colonisation dans les années 1960 en Afrique, la France est demeurée présente sur le continent par le biais de plusieurs accords et conventions signés avec ses anciennes colonies afin d’établir des coopérations dans plusieurs domaines (économique, monétaire, politique, culturel, défense). Au titre de ces coopérations, se trouve la coopération militaire qui a permis et permet toujours à la France d’intervenir militairement dans plusieurs conflits civils qui ont éclaté dans ces États. Toutefois, selon les données du Peace Research Institute Oslo (PRIO), compilées dans le Tableau n°1, nous avons remarqué qu’à ces séries d’interventions militaires s’intercalent des périodes de refus d’intervention militaire, et ce, peu importe l’intensité du conflit civil en cours.

Tableau 1: Réactions de la France par rapport aux conflits civils en Afrique subsaharienne de 1960 à 2016 Conflits civils Anné e Type de réaction de la France Burkina Faso 1987 0 Cameroun 1960 1 Cameroun 1961 0 Cameroun 1984 0 Cameroun 2015 0 Cameroun 2015 0 République Centrafricain e 2001 0 République Centrafricain e 2002 0 République Centrafricain e 2003 1 République Centrafricain e 2006 1 République Centrafricain e 2009 0 République Centrafricain e 2010 0 République Centrafricain e 2011 0 République Centrafricain e 2012 0 République Centrafricain e 2013 0 Tchad 1966 0 Tchad 1967 0 Tchad 1968 0 Tchad 1969 1 Tchad 1970 1 Tchad 1971 1 Tchad 1972 1 Tchad 1976 0 Tchad 1977 0 Tchad 1978 1 Tchad 1979 0

(17)

Tchad 1980 0 Tchad 1981 0 Tchad 1982 0 Tchad 1983 1 Tchad 1984 1 Tchad 1986 1 Tchad 1987 1 Tchad 1989 0 Tchad 1990 0 Tchad 1991 0 Tchad 1992 0 Tchad 1993 0 Tchad 1994 0 Tchad 1997 0 Tchad 1998 0 Tchad 1999 0 Tchad 2000 0 Tchad 2001 0 Tchad 2002 0 Tchad 2003 0 Tchad 2005 0 Tchad 2006 0 Tchad 2007 0 Tchad 2008 0 Tchad 2009 0 Tchad 2010 0 Tchad 2015 0 Congo 1993 0 Congo 1997 0 Congo 1998 0 Congo 1999 0 Congo 2002 0 Djibouti 1991 0 Djibouti 1992 0 Djibouti 1993 0 Djibouti 1994 0 Djibouti 1999 0 Gabon 1964 1 Guinée 2000 0 Guinée 2001 0 Côte d’Ivoire 1999 0 Côte d’Ivoire 2002 1 Côte d’Ivoire 2003 1 Côte d’Ivoire 2004 1 Côte d’Ivoire 2011 1 Madagascar 1971 0 Mali 1990 0 Mali 1994 0 Mali 2007 0 Mali 2008 0 Mali 2009 0 Mali 2012 0 Mali 2014 0 Mali 2015 1 Mali 2009 0 Mali 2012 0 Mali 2013 1 Mali 2014 1 Mali 2015 1 Mali 2015 0 Mauritanie 1975 0 Mauritanie 1976 0 Mauritanie 1977 0 Mauritanie 1978 0 Mauritanie 2010 1 Mauritanie 2011 0 Niger 1994 0 Niger 1995 0 Niger 1991 0 Niger 1992 0 Niger 1997 0 Niger 2007 0 Niger 2008 0 Niger 2015 0 Sénégal 1990 0 Sénégal 1992 0 Sénégal 1993 0 Sénégal 1995 0

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Sénégal 1997 0 Sénégal 1998 0 Sénégal 2000 0 Sénégal 2001 0 Sénégal 2003 0 Sénégal 2011 0 Togo 1986 0

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset Légende :

Type de réaction

1 : Intervention militaire

0 : Refus d'intervention militaire

Ce constat statistique se révèle beaucoup plus significatif lorsqu’on s’intéresse à des États comme la Côte d’Ivoire (CI) ou la République Centrafricaine (RCA). En effet, le 24 décembre 1999, en Côte d’Ivoire, un coup d’état militaire renversait le président Henri Konan Bédié qui avait succédé six ans plus tôt à Félix Houphouët-Boigny1. À la suite de ce coup d’état qui a vu le général Robert Guéï devenir président de la Côte d’Ivoire, « la France n’a réagi que mollement, suspendant une partie de sa coopération militaire » (Marshall, 2005, p. 29). En dépit de solides soutiens dont bénéficiait le président Bédié à l’Élysée en la personne de Michel Dupuch qui, six ans auparavant, avait quitté Abidjan où il avait été ambassadeur quinze ans durant, la France refusa toute intervention militaire. En effet, comme nous l’explique Smith, l’Ambassadeur Dupuch s’activait pour « faire intervenir la France en prenant pour prétexte la sécurité des Français à Abidjan » (Smith, 2002), allant jusqu’à tenter de convaincre la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de couvrir une action française. Malheureusement, « ce petit bras de fer entre Matignon et l’Élysée est resté sans effet » (Marshall, 2005, p. 28).

Le 19 septembre 2002, à la suite d’une tentative de coup d’état à Abidjan qui a dégénéré en soulèvement armé dans le nord de la Côte d’Ivoire, le président français Jacques Chirac, décida de l’envoi de renforts militaires pour « assurer la sécurité des ressortissants français

1 Pour plus de détails sur cette période, veuillez suivre le lien suivant :

https://www.herodote.net/24_decembre_1999-evenement-19991224.php. (Consultée le 09 novembre 2016).

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et étrangers ». Cette opération militaire connue sous le nom d’Opération Licorne « s’est mue en une force d’interposition entre les belligérants » (Adjagbe, 2009, p. 161) afin d’éviter une guerre civile et de nombreux massacres. Ce qui est pourtant arrivé quelques années plus tard. Cette réaction ambivalente de la France à l’égard de la Côte d’Ivoire, s’observe également à l’échelle d’autres conflits civils en Afrique subsaharienne. C’est le cas par exemple de la République Centrafricaine (RCA). Cet État de l’Afrique centrale a connu une période très tumultueuse, faite de coups d’État et de guerres civiles de 1996 jusqu’à nos jours et la réaction de la France a aussi été faite d’interventions militaires et de refus d’intervention militaire. En effet, en 1996, suite à des revendications salariales, trois mutineries ont éclaté et ont conduit à des affrontements entre les forces gouvernementales centrafricaines et les mutins. À chaque fois, la France est intervenue militairement pour protéger les étrangers à Bangui mais aussi pour prêter main forte aux forces armées gouvernementales pour ramener de l’ordre dans les rangs des mutins. Sous l’initiative de la France, la Mission Interafricaine pour la Surveillance la mise en œuvre des Accords de Bangui (MISAB) a été mise sur place dotée de 750 soldats à Bangui. En dépit de cette présence militaire, d'autres mutineries ont eu lieu à Bangui en mai et juin 1997, faisant plus de 100 victimes. Durant ce nouveau conflit, la France a préféré « multilatéraliser » son implication en passant par une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) pour la mise en place d’une Mission de Maintien de la Paix en RCA la MINURCA. En 1999, elle se retire complètement de la RCA en rapatriant son dernier contingent qui se trouvait à Bangui en février de la même année. Durant le mois de mai 2001, des officiers et soldats ont attaqué la résidence présidentielle. Cette attaque qui a été repoussée in extremis a fait plus de 200 morts. Pour une fois encore, lors de ce conflit civil, la France n’est pas intervenue militairement puisque c’est grâce à l’appui des troupes libyennes et tchadiennes ainsi que celles du groupe rebelle rwandais Intemhamwe et des membres du groupe rebelle de Jean-Pierre Bemba, le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) que le Président a pu conserver son pouvoir. Paradoxalement, en octobre 2002, lors du coup d’État du général Bozizé au Président Patassé, la France a envoyé 300 soldats à Bangui pour protéger les étrangers. C’est l’opération Boali. Cette force française est restée dans le pays jusqu’en 2013 pour se transformer plus tard en Opération Sangaris afin de gérer la guerre civile qui a opposé les Séléka et les anti-balaka.

(20)

Au regard de ce qui précède, on se demande ce qui explique cette variation du comportement de la France dans la gestion des conflits civils qui ont lieu en Afrique subsaharienne. En d’autres termes, qu’est-ce qui justifie les interventions militaires et les refus d’interventions militaires de la France lors des conflits civils dans cette partie du monde? Pourquoi la France intervient-elle militairement dans certains conflits civils et pourquoi pas dans d’autres ?

2. Contexte général : La fin de la colonisation et la politique militaire de la France en Afrique

2.1. La nécessité du maintien des liens au lendemain des indépendances

Depuis plusieurs siècles, l’Afrique a toujours représenté pour la France un continent très important d’un point de vue économique, commercial et stratégique. Cet intérêt qui avait conduit à la traite négrière puis à la colonisation, s’est poursuivi jusqu’après les indépendances. De prime abord, la question perpétuelle de l'accès sécurisé aux matières premières stratégiques place l'Afrique directement au centre des conceptions géopolitiques françaises.

Comme le démontrent Adda et Smouts (1989), l'Europe en général et la France en particulier dépendent fortement de l'importation de certains minéraux essentiels au fonctionnement de leurs industries de haute technologie. Ainsi, au début des années 1980, le taux de dépendance de la France sur les importations de minéraux en provenance d'Afrique variait de 100% pour l'uranium (Gabon, Niger) à 90% pour la bauxite (Guinée) ; 76% pour le manganèse (Gabon, Afrique du Sud) ; 59% pour le cobalt (Zaïre, Zambie) ; 57% pour le cuivre (Zaïre, Zambie) ; 56% pour le chrome (Madagascar, Afrique du Sud) ; 55% pour le phosphate (Maroc, Togo) ; et 31% pour le minerai de fer (Libéria, Mauritanie). Plus généralement, la dépendance énergétique de la France est passée de 30% en 1950 à 80% en 1988-89. En effet, près de 70% du pétrole extrait dans le monde entier par la société publique Elf-Aquitaine provient de dépôts africains (Angola, Cameroun, Congo et Gabon) (Adda & Smouts, 1989, p. 98). En outre, les accords de coopération et de défense après l'indépendance conclus avec les États francophones contiennent des dispositions spéciales concernant l'accès exclusif français à des matières premières stratégiques telles que le pétrole, le gaz naturel, l'uranium, le thorium, le lithium, le béryllium et l'hélium. Ceux-ci doivent être vendus en France sur une base

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prioritaire - et se limiter aux pays tiers, comme l'exigent les « intérêts de la défense commune » (Martin, 1995, p. 10).

Selon un rapport produit en 1994 sur les entreprises françaises et l’Afrique par Jean-Pierre Prouteau, président du Conseil des investisseurs français en Afrique, la part de l'Union européenne dans le commerce total de l'Afrique francophone s'élève à 45%, alors que la part de la France a atteint environ 32% (21,4% du commerce total de l'Afrique). La plupart des échanges, du marketing et les activités d’exportation dans ces États sont encore monopolisées par les anciennes sociétés commerciales implantées depuis l’époque coloniale - notamment la Compagnie Française de l'Afrique Occidentale (CFAO) et la Société Commerciale de l'Ouest Africain (SCOA) - qui ont récemment été diversifiées dans les activités d'importation et d'exportation, et qui opèrent dans le vaste marché protégé circonscrit par la zone Franc. Pour Martin (1995), plus de trois décennies après l'indépendance, le commerce extérieur des États africains francophones fonctionne encore en grande partie selon les règles de l'économie de traite, ce qui signifie que l'Afrique est limitée à la fonction de producteur de produits de base, tandis que les métropoles européennes conservent un contrôle exclusif sur l’exportation de produits manufacturés (Martin, 1995, p. 10). Selon une étude réalisée par Assidon (1989), 20% des importations en provenance d'Afrique en 1991 étaient constituées de produits agricoles et alimentaires, et 45% des produits énergétiques et combustibles (Assidon, 1989).

Selon la formule utilisée par Martin (1995), les principaux partenaires commerciaux de la France restent les « quelques-uns choisis » qui constituent encore le noyau de la « famille » franco-africaine, à savoir le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Niger et le Sénégal. En 1992, ces six États représentaient ensemble 22% des importations en provenance d'Afrique et 26% de ses exportations vers le continent. Il est à noter que la balance commerciale française, toujours en déficit chronique avec le reste du monde, a toujours été positive avec l'Afrique. Ainsi, en dépit d'un déclin progressif du commerce franco-africain depuis 1986, les exportations françaises vers l'Afrique (en particulier depuis 1988) se sont stabilisées ou même augmentées. L’Afrique étant le troisième marché d'exportation de France derrière l'Europe et Amérique du Nord (Martin, 1995, pp. 10-11).

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Compte tenu de cette importance, est née dans les cercles politiques français quelques années avant la décolonisation en Afrique, une volonté politique de la France de se maintenir sur le continent africain même après les indépendances. Selon plusieurs spécialistes de la politique africaine de la France (Chafer, 2005; Chafer, 2002a; Chafer, 2002b; Martin, 1995; Médard, 1997), au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, les décideurs politiques français ont initié un processus de décolonisation d'en haut en Afrique, car ils ont compris que la fin du contrôle officiel ne devait pas nécessairement s'accompagner d'une perte de pouvoir réel et d'influence sur le continent. Peu de temps après avoir pris le pouvoir en juin 1958 comme premier Président de la Ve République française, le général Charles de Gaulle, qui tentait de relancer la grandeur française, entretenait une relation spéciale avec certains dirigeants nationalistes africains francophones qui pensaient que s'ils pouvaient participer à la création d’une nouvelle France, ils auraient aussi un rôle dans son succès. La conception personnelle de France-Afrique de De Gaulle a été traduite dans son projet de Communauté franco-africaine accordant l'autonomie internationale et l'autonomie gouvernementale aux colonies africaines, tandis que la France conserverait le contrôle sur les questions essentielles comme la défense et les affaires étrangères, la politique économique, monétaire, stratégique et minière (Martin, 1995, p. 3).

Cette proposition gaulliste a été présentée aux peuples africains lors du référendum de septembre 1958 qui, bien qu'offrant formellement l'option de l'indépendance immédiate, l'a fortement découragée. En effet, tous les territoires français africains ont voté majoritairement en faveur de la Communauté franco-africaine, à l'exception de la Guinée, où Sékou Touré avait indiqué à de Gaulle que ses habitants préféraient « la pauvreté en liberté à la richesse en esclavage » (McNamara, 1989 cité par Martin, 1995, p. 4). D’après Martin (1995), l'idéologie de la France-Afrique qui avait servi à justifier le colonialisme français, ainsi que la Communauté franco-africaine nouvellement née, est devenue applicable aux relations post-indépendantistes, bien que commodément renommées Coopération. La transition a été atténuée avant l'octroi officiel de l'indépendance par la négociation d'accords bilatéraux globaux couvrant la défense et la sécurité ; la politique étrangère et la consultation diplomatique ; la politique économique, financière, commerciale et monétaire ; et l'assistance technique. Grâce à la liaison établie entre l'accession à la souveraineté internationale ; la signature de modèles de coopération et l'adoption massive du modèle constitutionnel de la

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Ve République, la France a réussi à institutionnaliser sa prééminence politique, économique, monétaire et culturelle sur ses anciennes colonies africaines, qui en sont restées trop dépendantes d’elle (Martin, 1995, p. 4).

Cette vision est partagée par Chafer (2002a ; 2005) qui explique que la transition politique en douceur en Afrique noire a été facilitée par le fait qu'après la Seconde Guerre mondiale, une élite francophone avait émergé dont le statut et la position d'influence dépendaient de la France. Cette condition devenait essentielle pour la poursuite des relations étroites entre l'ancienne métropole et ses ex-colonies puisque c'est à cette élite fidèle que la France a pu, pour la plupart, transférer le pouvoir à l'indépendance (Chafer, 2002a). L’auteur renchérit sa position en rajoutant qu’en tant que chefs de petits États, faibles, fragmentés, multiethniques, avec peu de ressources naturelles à exploiter, pas d'armée formée et une petite police locale ; les nouveaux dirigeants politiques africains n'avaient aucun intérêt à rompre les relations avec l'ancienne puissance coloniale. De plus, l'intérêt personnel était soutenu par des affinités culturelles et émotionnelles. Instruits dans les écoles françaises, les nouveaux dirigeants africains avaient débuté leurs expériences politiques à l'Assemblée Nationale de la IVe République, où beaucoup d'entre eux étaient assis en tant que député et dans certains cas même ont servi de ministres. Pendant ce temps, ils ont également formé des amitiés avec les dirigeants politiques français et les fonctionnaires et n'ont aucun intérêt ou désir de retirer leur collaboration à l'indépendance. Les deux exemples les plus connus de cette position étaient Léopold Sédar Senghor et Felix Houphouët-Boigny, respectivement les premiers présidents du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Pour sa part, la France sous le général de Gaulle n'avait aucun désir de rompre ses liens avec l'Afrique. Certes, n’étant pas très enthousiaste pour la domination coloniale, de Gaulle voyait néanmoins le maintien d'une sphère d'influence en Afrique, cruciale pour la grandeur française, à sa vision de la France comme puissance mondiale dans le monde postcolonial (Chafer, 2005, p. 8).

Aussi, durant cette période, le contexte géopolitique fut très propice à l’expression de la domination française dans cette partie du monde car l'attitude des États-Unis d’Amérique était d'une importance cruciale. En effet, dans le contexte de la guerre froide, Washington a vu la présence continue de la France, dans cette partie du monde qu'elle ne connaissait pas bien, comme souhaitable pour s'assurer que la région ne tombe pas dans les griffes de

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Moscou. Ainsi, alors que les États-Unis considéraient le maintien d'une sphère d'influence française comme étant essentielle au confinement du communisme en Afrique, la France voyait dans son pré carré un moyen de contenir « l'anglo-saxon ». En ce qui concerne l'influence britannique, la France n'a pas eu à s'inquiéter du fait que les gouvernements britanniques avaient décidé que l'Afrique occidentale était périphérique à leurs priorités stratégiques dans le monde postcolonial, laissant la France comme seule grande puissance dans la région. Il en résulte une répartition des responsabilités qui convient à la fois à la France et aux États-Unis pendant la guerre froide, mais qui commence à se dégrader une fois la guerre froide terminée (Chafer, 2005, pp. 8-9).

Mieux encore, si un contexte international favorable était la condition sine qua non à la bonne conduite de la politique française africaine, cela ne nous aiderait pas à comprendre pourquoi elle a été couronnée de succès depuis si longtemps. Comme le rappelle Médard (1997), le point essentiel ici est l'approche à plusieurs niveaux, qui combine une impressionnante gamme d'instruments politiques « officiels » avec une gamme complexe de relations non officielles, familiales et souvent dissimulées (Médard, 1997, pp. 22-24). Dans la même veine, Chafer (2002) affirme que le lien étroit entre ces caractéristiques et leur soutien au sommet de l'État français a été la clé de leur succès. Les chaînes officielles des relations franco-africaines comprenaient la Zone Franc, qui liait le franc français aux devises de plus d'une douzaine de pays africains à un taux fixe; l'existence d'un Ministère indépendant de la Coopération, doté d'un siège au Conseil des ministres, signe à la fois de l'engagement continu de la France envers l'Afrique et d'un canal important de l'aide française au développement (dont les deux tiers étaient destinés aux anciennes colonies françaises Afrique noire); les accords de coopération culturelle, technique et militaire que la plupart des ex-colonies ont signés avec la France en matière d'indépendance et qui ont permis aux enseignants et aux spécialistes français, comme les conseillers militaires, de travailler pour les gouvernements africains et de fixer le cadre des interventions militaires françaises; enfin, le fait qu'avec l'établissement de la Ve République, la politique africaine devint effectivement le domaine de la préservation du président (Chafer, 2002b). Ces liens officiels s'accompagnent d'une série de liens familiaux semi-officiels et non officiels qui sont incarnés par les sommets franco-africains, institués en 1973, qui rassemblent le président français avec les dirigeants politiques africains et français dans une célébration annuelle de leur ‘’relation spéciale’’.

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Leurs réunions ont traditionnellement été plus comme une réunion de famille qu'un sommet officiel, car il n'y a pas d'agenda publié et ils ne publient aucun communiqué final (Chafer, 2005, p. 9).

Plusieurs chercheurs (Chafer, 2005 ; Brüne, 1994 ; Médard, 1997 ; Martin, 1995) se rejoignent pour dire que trois autres caractéristiques ont été essentielles pour le succès de la politique africaine de la France durant cette période. Premièrement, une volonté politique existait à travers l'establishment politique, à gauche comme à droite, de poursuivre une politique active et interventionniste en Afrique, débarrassée des sentiments de culpabilité coloniale qui, pendant de nombreuses années, avait empêché la Grande-Bretagne de jouer un rôle plus important sur le continent. Pour comprendre la motivation politique qui sous-tend la détermination de créer une sphère d'influence en Afrique après l'indépendance, il importe de revenir à la crise de Suez de 1956. En effet, le retrait américain du soutien à l'opération militaire franco-britannique à Suez a servi à convaincre l’élite dirigeante française que, si la France devait rester une puissance mondiale, elle aurait besoin d'une plus grande autonomie d'action vis-à-vis des États-Unis. Ainsi, contrairement à la Grande-Bretagne qui a décidé d’être une puissance mondiale grâce à l’appui de Washington, les décisions françaises de développer une force de frappe nucléaire indépendante, de bâtir une Europe forte sur la base de la coopération franco-allemande et de maintenir une sphère d'influence privilégiée en Afrique, ont été les pierres angulaires de la politique de de Gaulle pour maintenir le statut mondial de la France - sa grandeur - dans l'ère postcoloniale. L'Afrique noire était donc l'un des piliers de sa stratégie de grandeur et il a mobilisé un éventail impressionnant d'instruments politiques pour assurer sa mise en œuvre (Chafer, 2005, pp. 9-10).

Pour Brüne (1994), la stratégie de la grandeur était le produit d'un concept de pouvoir centré sur un État-nation actif et interventionniste et lié au contrôle territorial et à la force militaire. Les racines de ce concept de pouvoir se trouvaient à l'époque coloniale, mais elles continuaient à se manifester dans l'Afrique noire francophone bien avant l'ère postcoloniale. En effet, la fréquence des interventions militaires françaises, en moyenne une fois par an de 1960 jusqu’au milieu des années 1990 a montré que la France continuait à se considérer comme « la garante de la stabilité et d'un pouvoir hégémonique » dans la région (Brüne, 1994, p. 56). C'est cette vision activiste et interventionniste de l'État français qui a servi de

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base au « consensus gaulliste » sur la politique africaine, qui s'étendait à l'ensemble des partis politiques français gouvernants de la droite à la gauche (Chafer, 2005, p. 10).

Deuxièmement, les gouvernements français au cours de cette période ont développé un discours distinctif sur l'Afrique pour justifier leur politique à l'opinion publique tant à l’interne qu'à l'étranger. Celle-ci était centrée sur le concept de ‘’coopération’’ nouvellement inventé. Tout d'abord, il est lié à la diffusion de l'influence française à travers le monde. Comme le disait le premier ministre Georges Pompidou en 1964 : « la politique de coopération est la suite de la politique d'expansion de l'Europe au XIXe siècle » (cité dans Michel, 1993, p. 221). À cet égard, c'est un moyen de promouvoir la langue et la culture françaises, de sécuriser les marchés des produits français et, surtout, de projeter la grandeur française. Ensuite, il y avait, dans la notion de coopération, une reconnaissance que cela ne pouvait plus être réalisé dans un contexte colonial. La France, comme de Gaulle lui-même l'avait reconnu, avait besoin de s'éloigner du système colonial désuet vers une « coopération féconde et amicale » (de Gaulle, 1970, p. 263). Enfin, implicite dans la notion de coopération, se trouve la responsabilité historique de la France de promouvoir le développement de son ancienne « famille » coloniale, mais reposant désormais sur l'idée d'un partenariat entre États souverains pour leur bénéfice mutuel. En tant que discours, il a simultanément fait appel à des notions de grandeur, au caractère pragmatique, au sens de la responsabilité historique de la France et aux impératifs moraux de solidarité avec ses semblables dans les pays pauvres et étayait la notion d'une relation « familiale » particulière avec l'Afrique (Chafer, 2005, p. 10).

Troisièmement, le rapprochement étroit entre les intérêts de l'État, les intérêts des partis politiques et les intérêts personnels, voire souvent le brouillage des frontières entre eux, était crucial pour le succès de cette relation, soutenue par une série de réseaux personnels. Sa caractéristique était que, bien qu'elle fût centrée sur l'État, dans la mesure où elle dépendait des relations d'État à État, elle était soutenue par un tissu dense de relations familiales et personnalisées. Les réseaux furent principalement initiés par Jacques Foccart, qui combinait son rôle d’homme de main du Général de Gaulle dans le mouvement gaulliste, puis le parti gaulliste, avec ses positions de conseiller spécial du président sur les Affaires Africaines et sa responsabilité de liaison avec les services secrets. Jusqu'à son retrait par le président

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Giscard d'Estaing, il était ainsi au centre d'une série de réseaux informels et formels qui lui permettaient « d'utiliser à la fois des contacts politiques et des relations d'affaires pour renforcer son influence dans les cercles français, tandis que ses responsabilités officielles lui permettaient de cultiver systématiquement l'amitié des dirigeants africains » (Médard, 1997, p.25). À en croire Bossuat (2003), le point de convergence de ces réseaux était au sommet même de l'État français, dans le palais de l'Élysée lui-même, ce qui signifiait que Foccart jouissait d'une position de puissance exceptionnelle. Il a pu mobiliser, si nécessaire, les ressources économiques, diplomatiques et militaires considérables de l'État français à l'appui de ses initiatives, alors que sa position politique a permis de couvrir et de légitimer ses diverses activités, légales et illicites. Les fonds destinés à soutenir ces réseaux et leurs activités proviennent en grande partie du budget de la coopération, qui n'a été soumis ni au contrôle parlementaire ni au débat public, mais qui a été déposé par l'Assemblée Nationale (Bossuat, 2003, p. 433). Ce manque de responsabilité, un autre trait de la relation « familiale », a conduit à la corruption, avec des politiciens et des fonctionnaires s'impliquant dans des activités commerciales qui ont souvent pris « la forme de racket d'État », souligne Chafer (2005, p. 11).

En définitive, il s'agissait d'un type particulier de relation qui n'était pas du tout conforme aux vrais idéaux républicains français, où l'interconnexion des intérêts de l'État, des partis politiques et des intérêts personnels permettaient de présenter un ensemble de politiques et d'interventions au service de l'intérêt national qui, dans la pratique a apporté des avantages majeurs à des groupes d'intérêt particuliers et une petite portion de la population tant en France qu’en Afrique. Mais ces liens qui ont été créés et entretenus ont servi de terreau pour la politique africaine de la France dans l’ère postcoloniale. Comme le rappelle Chafer (2005), le prestige international de l'État gaulliste a été renforcé par un groupe d'alliés fidèles en Afrique qui a cherché à soutenir et supporter la France, tandis que le parti gaulliste a reçu une grande partie de son financement à travers le recyclage d'une partie du budget de la Coopération via des rétro-commissions. Un certain nombre d'entreprises françaises, notamment la compagnie publique pétrolière Elf établie sous le gouvernement de Gaulle, ont atteint l'objectif stratégique fixé en Afrique et ont également apporté de beaux rendements à ses administrateurs. Pour les dirigeants africains, d'autre part, l'appartenance à la « famille » franco-africaine fournissait un soutien économique, politique et, si nécessaire, militaire, dont

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ils (les dirigeants africains) et une petite élite francophone à laquelle ils appartenaient étaient les principaux bénéficiaires. Cette interconnexion des intérêts de l'État, des partis et des intérêts personnels dans la politique française africaine a dépassé le cadre et la période du Général de Gaulle et a permis à un large éventail d'acteurs politiques et économiques de s'intéresser au maintien du pré-carré français en Afrique (Chafer, 2005, p. 12).

Quoi qu’on dise, compte tenu de l’importance que l’Afrique revêt pour la France et de l’existence de cette volonté politique de la France de se maintenir en Afrique après les indépendances, plusieurs accords de coopération dans divers domaines (économique, monétaire, culturel et militaire) ont été signés. Ainsi, la France se donnait tous les moyens d’intervenir militairement dans n’importe quel État africain afin de sauvegarder et/ou de promouvoir ses intérêts nationaux. Comme nous venons de le voir plus haut, c'est une spécificité de la décolonisation française en Afrique noire qui a constitué à maintenir la plupart de ses agences responsables de la politique coloniale vers la région dans la période postcoloniale et ce, à travers une série d'accords, tels que les accords d'aide militaire et de défense. Pour mieux comprendre l’interventionnisme militaire de la France en Afrique subsaharienne, il est important de revenir sur ces différents accords et conventions militaires afin de mieux saisir leurs implications et portées.

2.2. La politique militaire de la France en Afrique

Selon Charbonneau (2008), le symbolisme de la France-Afrique a soutenu durablement l'image de la relation « spéciale » franco-africaine. Relation au nom de laquelle des accords bilatéraux ont été signés entre les dirigeants français et africains qui, à bien des égards, ont garanti l'influence et la présence française en Afrique. Au cœur des plus récents arrangements figuraient les accords de coopération militaire et de défense qui permettaient une présence et une influence militaires françaises continues. L'importance cruciale de la politique française de sécurité/militaire explique en grande partie l'endurance de l'hégémonie française en Afrique subsaharienne (Charbonneau, 2008, p. 282).

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À en croire Martin (1995), les dirigeants français ont tendance à lier les concepts de sécurité et de développement en faisant valoir que leur aide militaire a contribué à la stabilité et donc à l'avantage économique de tous les intéressés. En fait, leur objectif en créant des armées nationales africaines au moment de l'indépendance était de veiller à ce que celles-ci fonctionneraient en étroite collaboration avec les unités françaises et serviraient effectivement de branches de l'armée française à l'étranger. Le ministère de la Coopération continue de subordonner des demandes africaines particulières dans ce secteur à la stratégie générale de la France pour l'Afrique. La politique de coopération militaire de la France lui permet de contrôler la taille et les capacités de la plupart des armées francophones - et donc les systèmes de défense de leurs États - et contribue à exacerber leur dépendance déjà aiguë envers Paris (Martin, 1995, pp. 13-14).

Comme le souligne Domergue (1998) et illustrée sur la carte suivante, la coopération France-Afrique dans le domaine militaire repose sur un arsenal juridico-diplomatique, sur des infrastructures et sur la possibilité qu'a la France en cas de difficultés d'intervenir militairement sur le terrain à savoir des accords et/ou convenions de défense, l’installation de bases militaires permanentes, la présence de forces pré-positionnées.

Selon les données du ministère de la défense de la France, des accords de défense, des conventions d'assistance ou de coopération militaires ont été signés au moment des indépendances au cours des années 1960-1961 par 12 États sur les 15 qui formaient l'Union française. Les trois États qui avaient refusé furent la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) qui avait néanmoins accordé des facilites d'escale et de transit en raison de son appartenance au Conseil de l'Entente ; le Mali et la Guinée. Plus tard, le Djibouti (1977) et les Comores (1978) se sont joints aux autres États. Toutefois, il convient de mentionner que tous les accords n'ont pas été publiés. Outre les accords et/ou conventions de défense, on retrouve à la même enseigne les accords d'Assistance Militaire Technique (AMT) et de soutien logistique. Ces accords ont pour matière l’instruction et l'équipement des armées nationales. Toutefois, il existe une différence majeure entre eux. Celle-ci concerne la position de la France qui a soit une position d'exclusivité, soit une position de priorité. Les différents protocoles se rapportent au statut des forces armées françaises, aux juridictions, aux polices militaires.

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Comme nous pouvons le remarquer sur la carte, la France compte cinq bases militaires en Afrique. Grâce à une révision des accords, les bases ont été réduites mais n'ont pas totalement disparu. Cette révision a aussi donné lieu à une diminution des effectifs rendant la présence de la France plus discrète. En 2006 l’effectif total est passé de 8 125 à 6 000 (Granvaud, 2014, p. 210). Ces effectifs peuvent stationner dans un État à titre permanent (Dakar, Abidjan) ou à titre temporaire (comme à N'Djamena). L'intérêt de ces 6 bases (en comptant Bangui et N'Djamena) est très variable. Celle de Dakar est considérée comme un excellent relais aérien et maritime vers l'Afrique du Sud, le golfe de Guinée, l’Amérique latine. Celle de Port-Bouet (Abidjan) et de Libreville sur le golfe de Guinée « relèvent plus d'intérêts politiques, économiques que véritablement stratégiques bien qu'ils aient servi dans l’affaire du Biafra ». En revanche, celle de Djibouti a « un intérêt majoritairement stratégique à la charnière de l’Afrique noire et du Moyen-Orient avec un mouillage fort intéressant, à la porte sud du canal de Suez, permettant le contrôle du détroit de Bal el Mandeb ». Quant à la suppression de la base de Bangui en 1998 pour des raisons politiques, elle a été « compensée en partie par le stationnement permanent au Tchad qui consacrait une situation de fait » (Domergue, 1998, p.122). Grace à ces éléments, la France dispose sur le continent africain d'hommes pré-positionnés capables d’intervenir assez rapidement en cas de besoin.

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Carte : La présence militaire de la France en Afrique

Source : Ministère de la défense

Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons affirmer que la France a toutes les raisons et les moyens militaires, économiques et diplomatiques pour intervenir militairement en Afrique subsaharienne dès qu’un conflit civil éclate afin de sauvegarder et/ou de promouvoir ses intérêts nationaux.

Comme l’ont démontrées plusieurs chercheurs (Chafer 2002; Cumming 2005 ; Châtaignier, 2006 ; Gouttebrune, 2002 ; Verschave, 2003 ; Hugon, 2010), les principales caractéristiques de la politique française en Afrique au lendemain des indépendances peuvent être résumées

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en quelques points : la création d'un Pré-carré français qui regroupe les anciennes colonies d'Afrique occidentale et centrale ; le maintien de la zone franc, permettant à la monnaie commune de ces pays d’être indexée sur le franc français en les obligeant à détenir la majorité de leurs réserves de devises à la Banque de France ; la signature d’accords de défense et militaire, d’accords de coopération technique et culturels signés après l'indépendance ; la concentration des deux tiers de l’aide étrangère française au développement dans la région ; une forte fréquence des interventions militaires (environ un par an en Afrique francophone de 1960 à 1990) (Charbonneau, 2008, 68-69) ; la présence des troupes stationnées en permanence (jamais moins de 10 000) ; l’organisation biannuelle de sommets franco-africains.

Comme le souligne Chafer, cette « relation spéciale » entre la France et l'Afrique qui est le produit de cette politique a été facilitée par le fait que la politique africaine faisait partie du domaine « réservé » du président et elle n’était pas soumise aux procédés habituels de contrôle parlementaire. Il faut noter aussi la création d’une « cellule Afrique » à l'Élysée, composée de conseillers présidentiels spéciaux qui mène en parallèle une politique étrangère pour l'Afrique. Ce dispositif a permis de contourner efficacement les processus d'élaboration des politiques normales du ministère des Affaires étrangères.

À l’aune de tous ces développements, il devient évident que la France intervienne dans ses anciennes colonies pour promouvoir et/ou pour sauvegarder ses intérêts économiques et stratégiques. Par contre, ce qui est pour le moins intriguant est son refus à intervenir militairement dans un État tel que la Côte d’Ivoire pourtant considérée comme « la vitrine de la françafrique ». En considérant les analyses des universitaires présentées plus haut, nous sommes actuellement dans l’incapacité d’expliquer les refus d’intervention militaire de la France dans ses anciennes colonies en Afrique subsaharienne. Or, comprendre les raisons pour lesquelles la France refuse parfois d’intervenir militairement dans certains conflits civils, aiderait aussi bien les praticiens, universitaires que les politiques à proposer des solutions novatrices pour une bonne gestion et résolution de ces conflits civils. D’où notre principale question de recherche à savoir quelles sont les raisons pour lesquelles la France intervient militairement dans certains conflits civils en Afrique subsaharienne et pourquoi elle se refuse à intervenir dans d’autres ?

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3. Délimitation du sujet

Pour mieux répondre à notre question de recherche, il serait important de délimiter notre champ de recherche en précisant certains termes et concepts qui nous serviront de cadrage tout au long de notre travail.

3.1. Conflits armés internes ou conflits civils

Vers la fin des années 1990, un des plus importants débats chez les chercheurs qui travaillaient sur les guerres civiles, était la définition et la catégorisation de celles-ci. Cette question de définition devenait de plus en plus importante à cause de la pléthore de synonymes qui était utilisée pour désigner pratiquement un même phénomène. Cela se reflétait dans les débats scientifiques des années 1990, dans lesquels des concepts tels que « les guerres nouvelles et anciennes », « le troisième type de guerre », « les guerres inciviles » , « les guerres intra-étatiques », « les conflits de ressources », « les variantes de la guerre ethnique », « les guerres internes », « les guerres civiles idéologiques », « les guerres communales », « les conflits de basse intensité », « les petites guerres » , « les urgences complexes », « la guerre post-moderne », et beaucoup d'autres étaient présents (Angstrom, 2001, p. 93).

Pour certains chercheurs, le terme « conflit », à proprement parler, fait référence à une situation sociale où deux ou plusieurs acteurs veulent utiliser simultanément les mêmes ressources rares, alors que le terme « conflit armé » implique que les acteurs ont été contraints de résoudre le conflit. De plus, en insérant le terme « interne », cela signifie simplement que le conflit armé se déroule au sein d'un État plutôt qu'entre des États. Cependant, cette définition ne dit rien sur la nature des parties combattantes. Le conflit armé interne doit donc être compris comme un concept général, couvrant des classes de guerres civiles ainsi que des conflits armés mineurs.

Selon Angstrom (2001), la guerre, quant à elle, a traditionnellement fait référence au conflit organisé à grande échelle et violent entre les forces armées de deux ou plusieurs États souverains. En particulier, la dernière partie de cette définition a conduit les chercheurs à distinguer entre la guerre à l'intérieur des États, c'est-à-dire la guerre interne ou civile et la

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guerre entre États, appelée guerre interétatique ou de façon exagérée guerre internationale. Cette classification traditionnelle de la guerre en a fait un phénomène général. Conscients que les conflits armés n’expérimentent pas le même degré de violence, les chercheurs ont utilisé différents critères opérationnels pour mesurer la violence dans les conflits armés internes, séparant ainsi les formes de violence civile les unes des autres en fonction de leur niveau de violence.

Le plus célèbre est le projet Correlates-of-War (COW) de l'Université du Michigan qui utilise quatre critères pour distinguer les guerres des autres formes de violence civile. Pour être considérée comme guerre, il faut les violences (a) impliquent au moins 1 000 morts par an ; (b) se produisent principalement dans les limites établies (c) impliquent le gouvernement comme l’un des principaux acteurs, et (d) la lutte est à peu près tout aussi intense du côté du gouvernement que des rebelles. Le projet COW a cependant été critiqué pour son opérationnalisation plutôt sévère de la violence, c'est-à-dire 1 000 morts au combat par an. Le problème est que les violences civiles de courte durée et les tentatives de génocide (à cause du critère final) ne sont pas incluses dans la définition du projet COW. Pour y remédier, Wallensteen et Sollenberg (2000) ont développé ce critère en utilisant un seuil inférieur aux 1000 morts liés au combat par an pour englober les conflits armés de courte durée. Ils classent donc trois types différents de conflits armés internes. Un conflit armé mineur implique au moins 25 morts liés à des combats par an et moins de 1 000 morts liés à des combats au cours de tout le conflit. Entre-temps, les conflits armés intermédiaires impliquent de 25 à 999 morts liés au combat et un total d'au moins 1 000 morts au cours du conflit. Leur opérationnalisation de la guerre suit le projet COW en ce sens qu'ils utilisent les 1 000 morts liés au combat par an.

Ainsi, dans le cadre de cette thèse, nous avons utilisé la définition proposée par l'UCDP/PRIO qui reprend les critères proposés par Wallensteen et Sollenberg (2000). Un conflit armé interne est défini comme une incompatibilité contestée qui concerne le gouvernement et / ou le territoire où l'utilisation de la force armée entre deux parties, dont au moins une est le gouvernement d'un État et qui entraîne au moins 25 morts liés au combat. Cette définition nous permet d’avoir une répartition par région du nombre de conflits civils de 1946 à 2014 comme présentée dans la Figure 1. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, l’Afrique

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n’est pas le continent sur lequel où il y a plus de conflits civils. Avec 42% des conflits civils, le continent asiatique est le premier continent à expérimenter ce type de violence politique.

Figure 1: Nombre de conflits civils par région de 1946-2014

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset 3.2. Les Interventions internationales

Regan (2000) définit une intervention internationale dans un conflit civil comme des activités économiques et/ou militaires de « rupture de convention » dans les affaires internes d'un État étranger visant les structures d'autorité du gouvernement dans le but d'affecter l'équilibre du pouvoir entre les forces gouvernementales et de l'opposition (Regan, 2000). Cette définition qui rejoint, à bien des égards, celles proposées par Feste (1992) et Rosenau (1968), sera reprise par Sousa (2015) pour lui donner une portée plus englobante. Il définit alors une intervention étrangère comme des actions politiques, économiques ou militaires (y compris les missions onusiennes et non-onusiennes) de « rupture de convention » dans un État ciblant les structures de l'autorité du pays (à l'appui du gouvernement, de l'opposition, ou neutre) afin d'influencer l'équilibre du pouvoir entre les parties au conflit ou le processus du conflit. L'intervention est réalisée par une tierce partie étrangère au conflit, et cette tierce partie peut être un État ou un acteur non étatique (Sousa, 2015, p. 629). L’élément le plus important dans

124 6% 186 9% 288 13% 645 30% 913 42% Europe Amérique Moyen-Orient Afrique Asie

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cette définition, est la rupture de Convention (convention-breaking). Celle-ci peut se comprendre comme un changement important et temporaire dans le cours normal des relations entre les États. Son caractère exceptionnel et sa qualification en tant que telle, sont les critères d’une intervention et le fait qu’elle se produise lors d’un conflit civil. Cet élément est d’autant plus crucial puisqu’il permet de distinguer une intervention d’une influence (Reus-Smit, 2013 ; Rosenau, 1968; Regan, 2000). À partir de cette définition générale de l’intervention, les chercheurs vont identifier trois formes d’intervention que connaissent les conflits civils de façon générale. Il s’agit des interventions diplomatique, économique et militaire.

En 2006, Regan et Aydin dans un article, pour opérationnaliser leurs variables explicatives, définissent une intervention diplomatique comme une tentative de la part des parties extérieures à un conflit civil dans le but de transformer ce dernier par des moyens liés à la communication de l’information sur ce conflit qui peut aider à générer un mouvement vers de potentielles positions de négociation. Ces tierces parties peuvent transmettre des informations sur les coûts, les perspectives de victoire, les avantages d’un accord, ou les estimations subjectives détenues par chaque adversaire. De façon plus concrète, les interventions diplomatiques peuvent prendre la forme (1) d’une médiation, (2) de forums internationaux (3), de rappels d’ambassadeurs, et (4) des offres explicites à la médiation par des tiers qui ne sont pas acceptées par les deux côtés.

Quant aux interventions militaires et économiques, Sousa (2015) les définit respectivement de la façon suivante : sont considérées comme interventions économiques, tout type d’activité de la part d’une tierce partie liée à des subventions, des prêts, de matériels ou d’expertise non militaires, de crédits, d’allègement d’obligations passées ou de sanctions économiques. Pour ce qui est des interventions militaires, ce sont toutes activités de la part d’une tierce partie étrangère à un conflit civil qui implique le déploiement de troupes militaires, de forces navales, d’équipements ou aides militaires, de conseillers de renseignement, du soutien aérien et/ou de sanctions militaires (Sousa, 2015, p. 633). C’est cette définition d’intervention militaire qui nous servira de base tout au long de ce travail.

Comme nous pouvons le remarquer sur la Figure 2, malgré le fait que l’Asie enregistre plus de conflits civils, c’est en Afrique qu’il y a plus d’interventions militaires. De 1946 à 2014,

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pour un total de 645 conflits civils, il y a eu 115 interventions militaires en Afrique tandis qu’il n’y a eu « que » 67 sur 913 conflits civils en Asie. D’après les données du Peace Research Institute Oslo, la France fait partir des pays qui interviennent militairement de façon individuelle dans les conflits civils en Afrique et celle qui intervient le plus souvent. La Figure 3 nous renseigne que pour un total de 28 interventions françaises en Afrique, 23 ont été des interventions militaires.

Figure 2: Répartition du nombre de conflits civils et du nombre des interventions militaires par région de 1946-2014

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset Figure 3: Les interventions de la France en Afrique de 1960-2003

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset 0 200 400 600 800 1000 Asie Afrique Moye n orientAméri que Europe 913 645 288 186 124 67 115 39 15 19 Nombre de conflits civils Nombre d'interventions militaires par région

23 3 2

Interventions militaires Interventions diplomatiques Interventions économiques

Figure

Tableau  1:  Réactions  de  la  France  par  rapport  aux  conflits  civils  en  Afrique  subsaharienne de 1960 à 2016  Conflits  civils  Année  Type de  réaction de la  France  Burkina Faso  1987  0  Cameroun  1960  1  Cameroun  1961  0  Cameroun  1984  0
Figure 1: Nombre de conflits civils par région de 1946-2014
Figure 2: Répartition du nombre de conflits civils et du nombre des interventions  militaires par région de 1946-2014
Tableau 2: Types de décisions étudiées par la théorie poliheuristique
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