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Pour mieux répondre à notre question de recherche, il serait important de délimiter notre champ de recherche en précisant certains termes et concepts qui nous serviront de cadrage tout au long de notre travail.

3.1. Conflits armés internes ou conflits civils

Vers la fin des années 1990, un des plus importants débats chez les chercheurs qui travaillaient sur les guerres civiles, était la définition et la catégorisation de celles-ci. Cette question de définition devenait de plus en plus importante à cause de la pléthore de synonymes qui était utilisée pour désigner pratiquement un même phénomène. Cela se reflétait dans les débats scientifiques des années 1990, dans lesquels des concepts tels que « les guerres nouvelles et anciennes », « le troisième type de guerre », « les guerres inciviles » , « les guerres intra-étatiques », « les conflits de ressources », « les variantes de la guerre ethnique », « les guerres internes », « les guerres civiles idéologiques », « les guerres communales », « les conflits de basse intensité », « les petites guerres » , « les urgences complexes », « la guerre post-moderne », et beaucoup d'autres étaient présents (Angstrom, 2001, p. 93).

Pour certains chercheurs, le terme « conflit », à proprement parler, fait référence à une situation sociale où deux ou plusieurs acteurs veulent utiliser simultanément les mêmes ressources rares, alors que le terme « conflit armé » implique que les acteurs ont été contraints de résoudre le conflit. De plus, en insérant le terme « interne », cela signifie simplement que le conflit armé se déroule au sein d'un État plutôt qu'entre des États. Cependant, cette définition ne dit rien sur la nature des parties combattantes. Le conflit armé interne doit donc être compris comme un concept général, couvrant des classes de guerres civiles ainsi que des conflits armés mineurs.

Selon Angstrom (2001), la guerre, quant à elle, a traditionnellement fait référence au conflit organisé à grande échelle et violent entre les forces armées de deux ou plusieurs États souverains. En particulier, la dernière partie de cette définition a conduit les chercheurs à distinguer entre la guerre à l'intérieur des États, c'est-à-dire la guerre interne ou civile et la

guerre entre États, appelée guerre interétatique ou de façon exagérée guerre internationale. Cette classification traditionnelle de la guerre en a fait un phénomène général. Conscients que les conflits armés n’expérimentent pas le même degré de violence, les chercheurs ont utilisé différents critères opérationnels pour mesurer la violence dans les conflits armés internes, séparant ainsi les formes de violence civile les unes des autres en fonction de leur niveau de violence.

Le plus célèbre est le projet Correlates-of-War (COW) de l'Université du Michigan qui utilise quatre critères pour distinguer les guerres des autres formes de violence civile. Pour être considérée comme guerre, il faut les violences (a) impliquent au moins 1 000 morts par an ; (b) se produisent principalement dans les limites établies (c) impliquent le gouvernement comme l’un des principaux acteurs, et (d) la lutte est à peu près tout aussi intense du côté du gouvernement que des rebelles. Le projet COW a cependant été critiqué pour son opérationnalisation plutôt sévère de la violence, c'est-à-dire 1 000 morts au combat par an. Le problème est que les violences civiles de courte durée et les tentatives de génocide (à cause du critère final) ne sont pas incluses dans la définition du projet COW. Pour y remédier, Wallensteen et Sollenberg (2000) ont développé ce critère en utilisant un seuil inférieur aux 1000 morts liés au combat par an pour englober les conflits armés de courte durée. Ils classent donc trois types différents de conflits armés internes. Un conflit armé mineur implique au moins 25 morts liés à des combats par an et moins de 1 000 morts liés à des combats au cours de tout le conflit. Entre-temps, les conflits armés intermédiaires impliquent de 25 à 999 morts liés au combat et un total d'au moins 1 000 morts au cours du conflit. Leur opérationnalisation de la guerre suit le projet COW en ce sens qu'ils utilisent les 1 000 morts liés au combat par an.

Ainsi, dans le cadre de cette thèse, nous avons utilisé la définition proposée par l'UCDP/PRIO qui reprend les critères proposés par Wallensteen et Sollenberg (2000). Un conflit armé interne est défini comme une incompatibilité contestée qui concerne le gouvernement et / ou le territoire où l'utilisation de la force armée entre deux parties, dont au moins une est le gouvernement d'un État et qui entraîne au moins 25 morts liés au combat. Cette définition nous permet d’avoir une répartition par région du nombre de conflits civils de 1946 à 2014 comme présentée dans la Figure 1. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, l’Afrique

n’est pas le continent sur lequel où il y a plus de conflits civils. Avec 42% des conflits civils, le continent asiatique est le premier continent à expérimenter ce type de violence politique.

Figure 1: Nombre de conflits civils par région de 1946-2014

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset 3.2. Les Interventions internationales

Regan (2000) définit une intervention internationale dans un conflit civil comme des activités économiques et/ou militaires de « rupture de convention » dans les affaires internes d'un État étranger visant les structures d'autorité du gouvernement dans le but d'affecter l'équilibre du pouvoir entre les forces gouvernementales et de l'opposition (Regan, 2000). Cette définition qui rejoint, à bien des égards, celles proposées par Feste (1992) et Rosenau (1968), sera reprise par Sousa (2015) pour lui donner une portée plus englobante. Il définit alors une intervention étrangère comme des actions politiques, économiques ou militaires (y compris les missions onusiennes et non-onusiennes) de « rupture de convention » dans un État ciblant les structures de l'autorité du pays (à l'appui du gouvernement, de l'opposition, ou neutre) afin d'influencer l'équilibre du pouvoir entre les parties au conflit ou le processus du conflit. L'intervention est réalisée par une tierce partie étrangère au conflit, et cette tierce partie peut être un État ou un acteur non étatique (Sousa, 2015, p. 629). L’élément le plus important dans

124 6% 186 9% 288 13% 645 30% 913 42% Europe Amérique Moyen-Orient Afrique Asie

cette définition, est la rupture de Convention (convention-breaking). Celle-ci peut se comprendre comme un changement important et temporaire dans le cours normal des relations entre les États. Son caractère exceptionnel et sa qualification en tant que telle, sont les critères d’une intervention et le fait qu’elle se produise lors d’un conflit civil. Cet élément est d’autant plus crucial puisqu’il permet de distinguer une intervention d’une influence (Reus-Smit, 2013 ; Rosenau, 1968; Regan, 2000). À partir de cette définition générale de l’intervention, les chercheurs vont identifier trois formes d’intervention que connaissent les conflits civils de façon générale. Il s’agit des interventions diplomatique, économique et militaire.

En 2006, Regan et Aydin dans un article, pour opérationnaliser leurs variables explicatives, définissent une intervention diplomatique comme une tentative de la part des parties extérieures à un conflit civil dans le but de transformer ce dernier par des moyens liés à la communication de l’information sur ce conflit qui peut aider à générer un mouvement vers de potentielles positions de négociation. Ces tierces parties peuvent transmettre des informations sur les coûts, les perspectives de victoire, les avantages d’un accord, ou les estimations subjectives détenues par chaque adversaire. De façon plus concrète, les interventions diplomatiques peuvent prendre la forme (1) d’une médiation, (2) de forums internationaux (3), de rappels d’ambassadeurs, et (4) des offres explicites à la médiation par des tiers qui ne sont pas acceptées par les deux côtés.

Quant aux interventions militaires et économiques, Sousa (2015) les définit respectivement de la façon suivante : sont considérées comme interventions économiques, tout type d’activité de la part d’une tierce partie liée à des subventions, des prêts, de matériels ou d’expertise non militaires, de crédits, d’allègement d’obligations passées ou de sanctions économiques. Pour ce qui est des interventions militaires, ce sont toutes activités de la part d’une tierce partie étrangère à un conflit civil qui implique le déploiement de troupes militaires, de forces navales, d’équipements ou aides militaires, de conseillers de renseignement, du soutien aérien et/ou de sanctions militaires (Sousa, 2015, p. 633). C’est cette définition d’intervention militaire qui nous servira de base tout au long de ce travail.

Comme nous pouvons le remarquer sur la Figure 2, malgré le fait que l’Asie enregistre plus de conflits civils, c’est en Afrique qu’il y a plus d’interventions militaires. De 1946 à 2014,

pour un total de 645 conflits civils, il y a eu 115 interventions militaires en Afrique tandis qu’il n’y a eu « que » 67 sur 913 conflits civils en Asie. D’après les données du Peace Research Institute Oslo, la France fait partir des pays qui interviennent militairement de façon individuelle dans les conflits civils en Afrique et celle qui intervient le plus souvent. La Figure 3 nous renseigne que pour un total de 28 interventions françaises en Afrique, 23 ont été des interventions militaires.

Figure 2: Répartition du nombre de conflits civils et du nombre des interventions militaires par région de 1946-2014

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset Figure 3: Les interventions de la France en Afrique de 1960-2003

Source : réalisé à partir de UCDP/PRIO Armed Conflict Dataset 0 200 400 600 800 1000 Asie Afrique Moye n orientAméri que Europe 913 645 288 186 124 67 115 39 15 19 Nombre de conflits civils Nombre d'interventions militaires par région

23 3 2

Interventions militaires Interventions diplomatiques Interventions économiques