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Burnout chez les conseillers d'orientation : modèle prédictif appuyé sur la souffrance identitaire de métier et les conditions de pratique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Burnout chez les conseillers d’orientation :

modèle

prédictif appuyé sur la souffrance identitaire de métier

et les conditions de pratique.

Mémoire

Gabriella Hamelin

Maîtrise en sciences de l'orientation - recherche et intervention - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Burnout chez les conseillers d’orientation :

Modèle prédictif appuyé sur la souffrance identitaire de métier et

les conditions de pratique

Mémoire

Gabriella Hamelin

Sous la direction de :

Simon Viviers, directeur de recherche

David Litalien, codirecteur de recherche

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Résumé

Depuis ses débuts, la profession de conseiller d’orientation (c.o.) est caractérisée par l’hétérogénéité des pratiques, l’évolution multidirectionnelle découlant des changements sociétaux rapides et la difficulté à se voir attribuer des rôles précis dans les organisations de travail. Conséquemment, le développement d’une identité propre au métier est menacé. L’organisation de travail dans le milieu scolaire a pour effet d’instaurer un environnement susceptible d’entretenir ces difficultés identitaires, voire de générer de la souffrance identitaire de métier (SIM) ; les c.o. seraient alors empêchés d’effectuer le cœur de métier et d’acquérir un sentiment d’accomplissement professionnel (Viviers, 2016). Plusieurs études soulèvent que les c.o. sont également vulnérables à vivre différentes manifestations de burnout (p. ex., Butler & Constantine, 2005; Wilkerson & Bellini, 2006). L’assignation à des tâches administratives par la direction d’école peut engendrer ce syndrome (p. ex., Bardhoshi, Schweinle, & Duncan, 2014). Ce projet de mémoire vise à valider un modèle théorique du burnout chez les c.o. en milieu scolaire au Québec. Le modèle proposé soutient que la SIM serait négativement prédite par la réalisation d’intervention auprès des jeunes et le nombre d’années d’expérience ainsi que positivement prédite par l’accomplissement de tâches administratives. La SIM prédirait, à son tour, positivement le burnout. Les résultats du modèle d’équations structurelles révèlent que la SIM est négativement prédite par la perception de faire de l’intervention auprès des élèves quotidiennement et positivement prédite par une pratique quotidienne caractérisée de tâches administratives. De plus, le facteur global du burnout et sa dimension épuisement émotionnel sont prédits directement par la SIM et indirectement par l’intervention auprès des élèves. Les tâches administratives prédisent quant à elles indirectement le facteur global du burnout. Afin de favoriser un environnement de travail propice à la santé mentale des c.o., il est crucial d’investiguer cette problématique d’identité et de burnout.

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Abstract

Professional counselors are struggling to establish a collective identity ever since the origins of the profession. More specifically, their occupational identity is impeded by the heterogeneity of common practices, the rapid and multidirectional evolution of societal needs and due to the difficulty of being prescribed specific roles in the work organization. Furthermore, school counselors are particularly vulnerable to identity difficulties as these struggles can be nurtured by their work environment and the latter may even contribute to occupational identity suffering (OIS). OIS can arise when school counselors’ work experience would prevent them to perform desired practices and to acquire a sense of professional accomplishment (Viviers, 2016). In addition to these problems, several studies indicated that school counselors are also inclined to experience burnout (e.g., Butler & Constantine, 2005; Wilkerson & Bellini, 2006). This propensity is associated to the execution of administrative tasks (e.g., Bardhoshi, Schweinle, & Duncan, 2014), usually prescribed by school principals. The purpose of the current study was to elaborate and validate a predictive model of school counselors’ burnout in Quebec. Our model posits that the perception of daily performed tasks at work –guidance and counseling activities and administrative tasks – as well as years of experience would influence the experience of OIS which would in turn predict counselor’s burnout. Results from structural equation modeling revealed that burnout and the emotional exhaustion dimension are positively predicted by OIS and the latter is negatively predicted by guidance and counselling activities, and positively predicted by administrative tasks. In addition, guidance and counseling activities indirectly and negatively predicts burnout and emotional exhaustion. Burnout is also indirectly and positively predicted by administrative work. Hence, it seems crucial to investigate counselors’ identity and burnout struggles in order to promote a more favorable work environment that can foster a good mental health.

Keywords: school counselors, burnout, occupational identity suffering, administrative work, guidance and

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Table des matières

Résumé ...ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... x

Avant-propos ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique... 4

1.1. Identité professionnelle des conseillers d’orientation ... 5

1.1.1. Contexte d’évolution de la profession au Québec : source de difficultés identitaires ... 6

1.1.2. Rôles attribués : source de difficultés identitaires ... 8

1.1.3. Synthèse sur l’identité professionnelle des conseillers d’orientation ... 10

1.2. Modèle conceptuel de la souffrance identitaire de métier ... 11

1.2.1. Souffrance au travail ... 11

1.2.2. Pratiques professionnelles ... 13

1.2.3. Souffrance identitaire de métier en milieu scolaire ... 18

1.2.4. Synthèse sur le modèle conceptuel de la souffrance identitaire de métier ... 21

1.3. Santé mentale des conseillers d’orientation ... 21

1.3.1. Identité professionnelle et santé mentale ... 22

1.3.2. Souffrance identitaire de métier et burnout ... 25

Chapitre 2 : Présentation de l’étude ... 27

2.1. Modèle théorique de la santé mentale des c.o. en milieu scolaire ... 28

2.2. Objectifs de recherche ... 31

2.3. Aspects méthodologiques ... 31

(6)

2.3.2. Échelle de mesure souffrance identitaire de métier ... 33

Chapitre 3 : Bringing light to school counselors’ burnout: The role of occupational identity suffering ... 36

Résumé ... 37

Abstract ... 37

Burnout among school counselors ... 39

Predictors of burnout ... 40

Conceptual framework of the current study ... 42

Purpose of the study ... 44

Methods ... 44

Participants and procedure ... 44

Measures 44 Analyses 45 Results 46 Discussion ... 49

Implications for school counselors ... 51

Limitations, future research ... 53

Conclusion ... 53

References... 54

Chapitre 4 : Discussion Générale ... 59

4.1. Mise en discussion du modèle séquentiel ... 60

4.1.1. Les conditions de pratique en milieu scolaire source de souffrance identitaire de métier ... 61

4.1.2. Sources de burnout chez les conseillers d’orientation au Québec... 63

4.2. Implications théoriques ... 66

4.3. Implications méthodologiques... 67

4.4. Implications pratiques... 68

4.5. Limites et pistes de recherches futures ... 70

Conclusion ... 72

Bibliographie ... 74

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Annexe B Courriel envoyé à la population cible ... 116 Annexe C Formulaire de consentement ... 118 Annexe D Analyse factorielle de la souffrance identitaire de métier ... 121

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Liste des tableaux

Tableau 1. Matrice factorielle finale de la souffrance identitaire de métier ... 121

Article

Table 1. Burnout profiles of American school counselors ... 39 Table 2. Correlations between all variables ... 47

(9)

Liste des figures

Figure 1. Modèle conceptuel de Viviers (2014): La dynamique de souffrance identitaire de métier des c.o. en

milieu scolaire... 14

Figure 2. Modèle théorique de la santé mentale des conseillers d’orientation en milieu scolaire. ... 28

Article

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Liste des abréviations

c.o. : conseiller et/ou conseillère d’orientation SIM : souffrance identitaire de métier

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques PDT : psychodynamique du travail

OCCOQ : Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec MBI: Maslach Burnout Inventory

CFI: comparative fit index TLI: Tucker-Lewis fit index

OIS: occupational identity suffering

ASCA: American School Counselor Association SEM: structural equation modeling

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Remerciements

Je suis très reconnaissante envers mon directeur de recherche, Simon Viviers, et mon codirecteur de recherche, David Litalien, m’ayant tous les deux encouragée et accompagnée à travers plusieurs projets de recherche et, bien sûr, à travers mon mémoire. Grâce à leur soutien et leur enseignement, j’ai acquis et amélioré plusieurs compétences liées à la recherche et à la rédaction. Celles-ci ont sans doute contribué à la qualité de ce mémoire et elles me seront utiles pour mes futurs projets. Je souhaite également souligner leur aide, qui m’a permis de surmonter mes difficultés et mes frustrations, spécifiquement avec Mplus et les parties ardues de mon mémoire. Bien qu’à certains moments, j’aurais préféré tourner la page, votre soutien m’a permis de me surpasser. Merci pour les nombreuses heures consacrées à mon mémoire, pour les commentaires et pour les rencontres qui ont été grandement appréciés et bénéfiques. Un grand merci à vous deux !

Je souhaite également remercier mes parents pour leur soutien (émotionnel, physique et financier) et leurs encouragements inébranlables à travers les années. Ils m’ont constamment aidé à persévérer et à formuler des objectifs que je n’aurais jamais cru réussir. Je serai toujours reconnaissante envers mes parents et mes sœurs, Adriana et Alessandra, pour avoir toujours cru en moi, pour leurs efforts et leur amour, ces éléments ont été indispensables. Je vous dois ma plus grande gratitude. Ma mère mérite une mention spéciale, toi qui n’a jamais cessé de m’écouter et de me soutenir dans mes projets et mes difficultés, toi qui se dit avoir conséquemment obtenu un baccalauréat en psychologie et bientôt une maitrise en sciences de l’orientation. Merci à Daniel, qui a été un pilier lors de moments cruciaux et qui a su m’appuyer à travers les joies et les impasses. Il a démontré des plus grandes volontés à m’aider et à favoriser mon progrès journalier. Son appui a été admirable.

Merci à mes amies autant celles à Montréal qu’à Québec, vos encouragements m’ont touché. Vous avez su me conseiller et me changer les idées lorsqu’il était nécessaire. Merci à mes anciens colocs qui ont contribué à rendre ma transition à Québec des plus agréables. Un remerciement particulier à Johannie, qui m’a tout d’abord accueilli et guidé dans ce monde de recherche universitaire et qui est devenue une amie précieuse.

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Avant-propos

Ce mémoire contient un article scientifique destiné à la publication. L’auteure du mémoire est également l’auteure principale de l’article scientifique ayant rédigé l’entièreté de l’ouvrage. Simon Viviers, le directeur du mémoire, est le deuxième auteur de l’article scientifique. Les données quantitatives proviennent notamment de son projet. Étant le co-directeur, David Litalien est le troisième auteur de l’ouvrage. L’article scientifique, rédigé en anglais, sera soumis à la revue Journal of Counseling and Development.

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Introduction

Le travail est à la fois source de plaisir et de souffrance (Dejours, 2000). Ainsi, l’exploration du rapport entre le travail et la santé mentale est indispensable afin de cibler les éléments qui permettent de prévenir les problèmes de santé mentale ou, mieux, la préserver. Molinier et Flottes (2012) rapportent que la dégradation de la santé est liée à un travail qui conduit l’individu à ne plus reconnaître ses valeurs, à la difficulté de donner un sens à son travail, à l’incapacité de produire un travail de qualité et à l’absence de reconnaissance. De ce point de vue, la santé mentale des conseillers et des conseillères d’orientation (c.o.) au Québec pourrait être particulièrement menacée. Le travail des c.o. en milieu scolaire consiste à accompagner les élèves dans leurs choix scolaires et vocationnels, ainsi qu’à les aider à travers leur cheminement scolaire tout en encourageant la persévérance, l’investissement scolaire et la réalisation d’un projet professionnel (Office des professions du Québec, 2013). Or, plusieurs d’entre eux vivent des difficultés en milieu de travail qui peuvent empêcher, par exemple, la réalisation des tâches centrales et l’obtention de reconnaissance professionnelle (Viviers, 2016). Dans un tel cas, le rapport au travail des c.o. serait source de souffrance et de dégradation de la santé mentale.

Ces professionnels semblent souffrir d’un déficit de reconnaissance ; non seulement leur expertise n’est-elle pas sollicitée à sa pleine valeur, mais ils seraient aussi amenés à effectuer des tâches dévalorisantes. Selon une étude menée aux États-Unis auprès de c.o. en milieu scolaire1, ces professionnels réalisent des tâches non liées au métier aussi fréquemment que les activités centrales associées à leur rôle (Goodman-Scott, 2015). Dans de telles situations, le travail réalisé est nuisible à la capacité de donner un sens à ce que l’on fait. Au Québec, Viviers (2016) soulève que l’organisation de travail des c.o. en milieu scolaire limite la possibilité d’effectuer un travail à la hauteur de leurs compétences et des concessions doivent ainsi être faites quant à la qualité du travail, générant un travail qui s’éloigne des règles de métier. Le désir de métier (Osty, 2002) serait menacé, car la production d’un travail de moindre qualité nuit à l’accomplissement du soi professionnel. En d’autres mots, les pratiques réalisées en milieu de travail s’écarteraient des pratiques désirées qui constituent le désir de métier. Ces expériences de travail sont sources de souffrance. Elles sont également défavorables à la construction de l’identité professionnelle des c.o. L’identité professionnelle se construit à travers l’expérience de travail (Alves & Gazzola, 2011) et elle est liée au plaisir vécu à travers l’activité de travail (Dejours, 2008). À la lumière de ces constats, Viviers (2016) illustre que les c.o. sont susceptibles de vivre de la souffrance identitaire de métier (SIM). Cette dernière est définie par « un espace de lutte psychique entre un désir de métier ou d’accomplissement du soi professionnel, et le réel du travail qui fait obstacle » (Viviers, 2014, p. 136). Au

1 Les rôles et les responsabilités de ces professionnels varient entre les divers pays. Nonobstant les différences, les c.o.

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Québec, le cœur du métier de c.o. en milieu scolaire serait caractérisé par « 1) la relation d’aide et l’accompagnement personnalisé; 2) le travail direct avec les élèves; et 3) le développement vocationnel des jeunes. » (Viviers, 2014, p. 316).

Par ailleurs, des études empiriques démontrent que ces conditions de travail contribuent également à la présence du burnout2, c’est-à-dire un vécu provoqué par des facteurs de stress chroniques portant sur le travail (Maslach, 1998), chez les c.o. Par exemple, la nécessité d’exécuter des tâches administratives est positivement liée au burnout (Bardhoshi, Schweinle, & Duncan, 2014; Moyer, 2011) tandis que l’exercice du counseling et le temps dédié au travail direct auprès des étudiants sont négativement associés à ce syndrome (Mullun & Gutierrez, 2016). Comme la santé psychologique des c.o. influence à son tour la qualité et la quantité des services offerts aux élèves (Michie & William, 2003), il semble nécessaire de diriger notre attention vers les aspects qui entretiennent ce cercle vicieux. La santé mentale des c.o. est ébranlée, particulièrement en ce qui a trait au burnout (Butler & Constantine, 2005; Lambie, 2007; Stephan, 2005; Wilkerson & Bellini, 2006). Bien que certains facteurs menant au burnout chez les c.o. aient été soulevés (p. ex., les conflits de rôles et l’estime de soi collectif, Butler & Constantine, 2005; Wilkerson & Bellini, 2006), l’identité professionnelle est peu prise en compte dans cette dynamique. Ainsi, la santé mentale des c.o. au Québec serait-elle influencée par des difficultés identitaires, notamment la SIM ? Plus spécifiquement, comment la réalisation de tâches liées au cœur du métier et celles non liées à la profession participent à cette dynamique de souffrance identitaire et de santé mentale ?

Comme plusieurs indices suggèrent que la santé mentale des c.o. est menacée, il est nécessaire d’accroitre les connaissances sur ce sujet afin d’améliorer notre compréhension des problèmes vécus par les c.o. dans le cadre de leur travail. Cette recherche s’intéresse donc à comprendre et à valider le processus (c.-à-d., le modèle théorique) qui mène les c.o. en milieu scolaire à vivre des problèmes de santé mentale, plus particulièrement des niveaux élevés de burnout. Elle vise à explorer deux types de tâches accomplies en milieu de travail qui génèrent (les tâches administratives) ou préviennent (l’intervention auprès des élèves) la SIM. De plus, la présente étude investigue l’association entre le burnout et la SIM qui est liée aux conflits de valeurs et à la difficulté de réaliser le cœur, un travail de qualité et d’obtenir de la reconnaissance. De manière spécifique, le modèle séquentiel proposé émet l’hypothèse que le burnout est positivement prédit par la SIM, qui est, à son tour, prédite positivement par la réalisation de tâches administratives dans la pratique quotidienne des c.o., et

2 Bien que le terme burnout soit anglophone, cette forme sera conservée dans le cadre de ce mémoire. Selon

l’auteur, cette terminologie traduit mieux le phénomène d’être « burnt-out », c’est-à-dire brûler à l’interne, que le terme épuisement professionnel. De plus, les écrits scientifiques francophones utilisent de manière interchangeable ces deux termes.

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négativement par le nombre d’années d’expérience et par la réalisation d’intervention auprès des jeunes dans le cadre de leur travail au quotidien. En d’autres mots, la santé mentale serait atteinte lorsque les pratiques réalisées en milieu de travail conduisent à l’expérience de SIM ayant pour effet de prédire le burnout.

Ce mémoire par article comporte quatre chapitres. Le premier, qui vise à cerner la problématique de recherche, se divise en trois sections. La première section consiste à une mise en contexte de la profession, des difficultés identitaires et des tensions vécues par les c.o. Elle est suivie par un exposé, dans la deuxième section, des fondements théoriques qui sous-tendent le concept de souffrance identitaire de métier, du modèle conceptuel de cette souffrance et des dimensions qui la caractérisent selon une étude réalisée auprès de c.o. en milieu scolaire. Par la suite, les écrits scientifiques présentés dans la troisième section permettront de mieux comprendre l’expérience du burnout chez les c.o. et d’appuyer le lien entre la SIM et le burnout. Le modèle hypothétique sera présenté au deuxième chapitre, ainsi qu’un aperçu de la méthodologie favorisée. Le troisième chapitre sera consacré à l’article scientifique dans lequel le modèle théorique de la santé mentale des c.o. sera mis à l’épreuve auprès d’un échantillon de 269 participants travaillant dans le milieu scolaire au Québec. Il sera suivi par une discussion générale du mémoire au quatrième chapitre.

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1.1.

Identité professionnelle des conseillers d’orientation

L’orientation professionnelle est, pour divers pays comme l’Australie, la Corée, l’Irlande, et les États-Unis, un service offert à la population en ce qui a trait à l’emploi et à l’éducation (Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], 2004). Selon l’OCDE (2004), l’activité est faiblement professionnalisée considérant que les personnes exerçant l’orientation professionnelle sont peu spécialisées. À cet égard, les exigences établies pour obtenir un emploi y étant associé sont parfois minimales. Par exemple, dans certains pays comme l’Autriche ou le Danemark, aucune formation spécifique n’est requise (OCDE, 2004). La faible professionnalisation de l’orientation est également influencée par le peu de procédures développées en ce qui a trait à la vérification et au contrôle de l’entrée dans la profession. Parmi les rares exceptions, le Québec est la seule région dans le monde à notre connaissance, qui a établi des régulations sévères pour l’obtention de licence en exigeant une scolarité de niveau maîtrise. Les régulations associées à la profession ne sont toutefois pas uniformes à travers les provinces et les états d’un même pays (p. ex., Australie et Canada, OCDE, 2004). Cette absence d’uniformité est notamment présente au Canada où chaque province se réfère à des standards différents. Par exemple, certains territoires n’exigent aucune spécialisation, alors que la majorité des provinces requièrent que les professionnels aient un diplôme en enseignement avec ou sans spécialisation (Canadian Counselling and Psychotherapy Association, 2012).

Une certaine homogénéité est toutefois requise pour constituer une profession de manière à circonscrire le champ de pratique et de savoirs communs. En effet, selon Dubar, Tripier et Boussard (2015), une profession est reconnue par les compétences partagées d’un groupe de personnes exerçant des activités de travail semblables. Une cohérence à ce niveau favorise un sentiment d’appartenance au groupe professionnel. Elle serait également propice à la construction d’une identité collective. Selon ces mêmes auteurs, chaque profession lutte pour assurer et maintenir un monopole sur ses activités, sa clientèle et son expertise. L’obtention d’une identité propre à la profession est inhérente à cette lutte. Il semble donc qu’une uniformité en ce qui a trait aux fondements, aux pratiques, aux champs et aux secteurs de pratique caractérisant la profession serait bénéfique pour cette quête de reconnaissance et d’exclusivité ainsi que pour le développement d’une identité professionnelle.

Les aspects qui composent la profession (p. ex., les activités professionnelles et l’expertise) sont également à la source du processus qui influence la construction de l’identité professionnelle. Par exemple, lors de la formation, l’identité est sensible à l’image du soi professionnel qui inclut ses valeurs, la conception de son rôle et son sentiment de compétence. Elle est également affectée par les apprentissages liés aux tâches et aux rôles professionnels attendus du métier (Beckers, 2007). Par la suite, en cours d’emploi, l’identité professionnelle se développe selon l’engagement et l’intégration de ces tâches et de ces rôles. L’identité dépend

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également de la possibilité d’exercer son autonomie professionnelle et de partager son expertise avec ses collègues (Beckers, 2007). Ainsi, les activités professionnelles, dont les tâches et les rôles exercés qui sont primordiaux pour définir la profession et distinguer l’expertise professionnelle, influencent également l’identité. Il semble donc que la capacité de la profession et de ses membres à obtenir une reconnaissance et une pertinence sociale favorise le développement optimal de l’identité professionnelle. L’identité est non seulement liée à la singularité de l’individu, mais également à son sentiment d’appartenance à un groupe social. Pour cette raison, l’identité professionnelle dépend de l’expérience collective du travail (Osty, 2002). Cette expérience se détermine en fonction du désir de métier, c’est-à-dire selon l’histoire, les savoirs, les pratiques et la manière d’être associés à la profession.

En appui à ces constats, Alves et Gazzola (2011) ont documenté auprès de c.o. canadiens leur expérience de crise identitaire, c’est-à-dire « un sentiment de ne plus se reconnaitre professionnellement et une perte de sens quant aux activités professionnelles déployées » [traduction libre] (Alves & Gazzola, 2011, p. 199). À cet égard, cette étude démontre l’importance des activités déployées au travail pour l’identité des c.o. Par ailleurs, Bacon (2007) soulève que la profession au Québec est caractérisée par des difficultés identitaires. Ces dernières ont été soulevées dès les années 1940, soit lors de la création de la première association professionnelle des c.o. et elles semblent encore persister aujourd’hui. Cette section vise à documenter les difficultés qu’éprouvent les c.o. à définir et à faire reconnaitre leur profession et les facteurs qui contribuent à leur persistance.

1.1.1.

Contexte d’évolution de la profession au Québec : source de difficultés

identitaires

Selon Beckers (2007), l’identité collective se construit à travers le contexte social, économique et politique dans lequel s’inscrit l’évolution d’un métier. Les changements influencent notamment la capacité d’un groupe professionnel à définir, redéfinir et préserver les frontières de son territoire professionnel. À cet égard, examiner l’évolution de la profession semble pertinent pour mieux comprendre la problématique de l’identité professionnelle des c.o. au Québec.

Le premier jalon marquant la quête de reconnaissance professionnelle des c.o. date de 1944 avec la création de leur première association professionnelle, qui avait pour but de délimiter leurs activités professionnelles et de promouvoir les intérêts de leurs membres. Dix-neuf ans après, soit en 1963, la profession obtient une reconnaissance juridique lorsque le gouvernement accepte, avec l’adoption du premier Code des professions, de créer une corporation professionnelle, ancêtre de l’ordre professionnel. Les c.o. se voient donc attribuer, dans la loi, un territoire professionnel défini et deviennent, en contrepartie, responsables de se doter de mécanismes de contrôle interne des membres et de la protection du public. Le Québec fut la première

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province canadienne à établir un Ordre professionnel des c.o. (Martin, Turcotte, Matte, & Shepard, 2013). Cet Ordre permet de réglementer le rôle et les compétences de ses membres ainsi que la qualité des services offerts au public dans l’optique de le protéger (Office des professions du Québec). Ainsi, le développement de la profession et, conséquemment, de l’identité associée sont influencés par les orientations de l’Ordre. Par son rôle de fonctionnaliste, l’Ordre oriente et encadre les pratiques par la prescription « de normes, de valeurs, de comportements, et d’attitudes professionnels » (Cournoyer et Turcotte, 2016, p. 247). Cournoyer et Turcotte (2016) montrent bien, en abordant l’Ordre professionnel comme acteur social dans une perspective interactionniste, que ces prescriptions évoluent et s’adaptent aux contextes sociaux, politiques, culturels et technologiques. Ces transformations sont indispensables au maintien d’une pertinence sociale considérant que le champ de pratique permet de distinguer la profession et sert à faire reconnaître la profession sur le marché du travail. Bien que ce processus soit essentiel pour la reconnaissance de la profession, ses transformations continuelles entrainent des difficultés à l’égard d’une identité professionnelle stable. En ce sens, il semble pertinent d’investiguer l’ampleur de ces changements.

Dans un texte retraçant l’histoire de la profession de c.o. au Québec, Cournoyer (2014) permet d’entrevoir et de soutenir le constat que la profession est caractérisée par un contexte d’évolution et de changements. Pendant plusieurs années, l’activité principale était centrée sur la psychométrie et circonscrite au système éducatif, dans l’optique de guider les personnes dans leurs choix scolaires et professionnels. Au fil du temps, diverses transformations sociétales ont provoqué de nouveaux besoins et de nouvelles populations à servir, favorisant une étendue plus vaste du champ de pratique des c.o., notamment dans les secteurs de l’employabilité et de la santé. La pratique privée s’est également développée. De plus, la centralité des processus ne se limitait plus à la prise de choix scolaire et professionnel des jeunes. En réaction à la crise économique des années 1980 ayant occasionné de nombreuses pertes d’emploi et des difficultés d’insertion sur le marché du travail, les services d’orientation étaient dès lors offerts à tous les groupes d’âge. Les nouvelles populations desservies étaient composées de chômeurs, de victimes d’accident de travail, de bénéficiaires de prestations d’aide sociale, etc. Un intérêt envers la population de jeunes adultes a été observé dans les années 1990. Notamment, cette période est marquée par le développement d’un réseau de carrefours jeunesse-emploi favorisant l’insertion sociale et économique des jeunes de 16 à 35 ans. Les années 2000 sont caractérisées par la nécessité, pour les c.o., de mieux desservir les publics ayant des problèmes sociaux et mentaux. En somme, au cours des années, dans le but de subvenir aux besoins des nouvelles populations et des problématiques sociétales, la profession s’est adaptée à ces changements en concevant des modèles d’interventions favorables à ces enjeux émergents et en élargissant ses secteurs de pratique. À cet égard, les membres sont à ce jour répartis à travers huit secteurs de pratique : l’éducation, l’employabilité, la santé et les services sociaux, les centres de réadaptation, les entreprises, la fonction publique et les organismes publics, les cabinets-conseils et les organismes communautaires autres qu’en employabilité (OCCOQ, 2018). Les missions, les standards et les

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pratiques favorisées divergent sans doute entre ces multiples milieux contribuant ainsi à l’hétérogénéité évoquée ci-dessus. De plus, ces divergences propres à une région ont pour effet d’affecter la capacité des c.o. à développer une identité collective (Gale & Austin, 2003). Cette situation peut brimer l’expérience collective et le sentiment d’appartenance au groupe social, contribuant ainsi tous les deux à la construction de l’identité professionnelle.

Cette section permet de soulever que la profession et le champ d’exercice des conseillers sont constamment en évolution afin de s’adapter aux populations dans le besoin et aux problématiques changeantes, ce qui permet de maintenir une pertinence sociale. La quête de reconnaissance, qui contribue à développer une identité collective, entraine des transformations, qui ont à leur tour des répercussions sur le développement d’une identité professionnelle. En d’autres mots, cette réalité de changement a pour effet d’entraver les efforts de préservation d’une homogénéité suffisante du territoire professionnel pour que tous les c.o. puissent s’y reconnaitre. Bacon (2007) soulève que cet enjeu pourrait persister aussi longtemps qu’une uniformité ne soit pas atteinte en ce qui a trait à la pratique d’orientation. Ainsi, l’instabilité de la profession caractérisée par son développement et son adaptation serait catalyseur d’une faible identité collective des c.o.

1.1.2.

Rôles attribués : source de difficultés identitaires

En plus de l’influence des contextes économiques, sociologiques et politiques sur les rôles des c.o., ces derniers sont également inhérents aux changements de spécificité de la profession, des conduites professionnelles et des écoles de pensée et d’action (Bacon, 2007). Les rôles établis et prescrits pour une profession sont essentiels autant pour concrétiser le statut que pour la construction de l’identité professionnelle (Beckers, 2007). Ils véhiculent l’essence du métier ainsi que les normes, les valeurs et les règles associées à la profession (Beckers, 2007). Ainsi, c’est par la définition du champ de pratique et, plus spécifiquement, des rôles, qu’un groupe professionnel peut établir sa spécificité et obtenir une reconnaissance contribuant toutes les deux au développement d’une identité professionnelle. La définition du champ d’exercice, qui incorpore la marque distinctive de la profession, l’essence de la pratique et sa finalité particulière, a évolué à travers les années. Depuis 2009, les activités réservées à chaque profession dans le domaine des relations humaines ont été déterminées par le projet de loi 21. À cet égard, le champ de pratique des c.o. est redéfini comme suit:

Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement. (Assemblée nationale du Québec, 2009, p.4)

Quoique le regroupement d’une profession sous un Ordre professionnel et l’établissement d’un champ de pratique ont pour but d’établir les rôles et une mission commune favorisant une identité collective, les c.o. luttent

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tout de même dans une quête d’identité. Les avancées institutionnelles s’avèrent insuffisantes pour limiter les difficultés qu’affrontent les c.o. L’absence de cohésion et de stabilité quant à leurs rôles en seraient la cause. Cette situation prévaut particulièrement en milieu scolaire.

En plus des changements évoqués ci-avant, les c.o. en milieu scolaire sont confrontés à des difficultés de rôles, car certaines pressions externes influencent, voire déterminent leurs rôles. Les pressions externes incluant les supérieurs hiérarchiques (p. ex., les directeurs d’école) (Cournoyer & Turcotte, 2016) et les réformes scolaires (Herr, 2002) contribuent donc à l’absence de cohésion et de stabilité des rôles de ces professionnels malgré leur champ de pratique établi. Divers auteurs ont notamment noté que les c.o. en milieu scolaire aux États-Unis sont vulnérables à l’ambiguïté de rôles (rôles imprécis en ce qui a trait aux responsabilités et aux performances attendues) et aux conflits de rôles (la prescription d’attentes et de mandats concurrents) (Lambie & Williamson, 2004; Culbreth, Scarborough, Banks-Johnson, & Solomon, 2005). La présence de ces messages flous et contradictoires serait inévitable en milieu scolaire considérant que de multiples acteurs, qui, de façon générale, ne détiennent pas de formation en orientation et qui ne possèdent peu de connaissances à l’égard de la profession, influencent les pratiques quotidiennes des c.o. en Arabie Saoudite, Al-Ghamdi (2010) a notamment observé que les connaissances des enseignants et des directeurs d’école à l’égard des rôles et des responsabilités associés à la profession des c.o. sont faibles. En appui à ces divers constats, il y a une incohérence entre ce qui est préconisé par la profession et le travail accompli dans les écoles (Lambie & Williamson, 2004). Ainsi, plusieurs sources au Québec et ailleurs dans le monde démontrent que les c.o. en milieu scolaire sont confrontés à la disparité entre les demandes du milieu et leur expertise professionnelle.

L’absence de reconnaissance est sous-jacente à cette problématique perçue en milieu scolaire. Comme il a été évoqué précédemment, l’identité professionnelle dépend également de la possibilité de partager son expertise et, ainsi, d’obtenir de la reconnaissance (Beckers, 2007). L’expertise des c.o. ne serait pas reconnue lorsque ces professionnels sont assignés à des tâches non liées à la profession (p. ex., inscription des élèves, saisie de données et mise à jour des dossiers scolaires, ASCA, 2012). Ainsi, des atteintes à l’identité peuvent être vécues lorsque les activités professionnelles, qui définissent la profession, ne sont pas respectées. Il a notamment été noté que les directions d’école au Québec recourent aux c.o. pour pallier le manque de ressources à l’égard du soutien administratif (Viviers, 2014). Ces derniers sont ainsi amenés à réaliser des tâches non liées à leur profession, ce qui a pour effet de brimer leur expertise et leur identité professionnelle. En somme, la méconnaissance des rôles et l’assignation à des tâches dites inappropriées traduisent une absence de reconnaissance professionnelle. Cette situation aurait un impact néfaste sur la construction de l’identité professionnelle des c.o. en milieu scolaire.

(22)

Bien que les rôles attribués aux c.o. en milieu scolaire dépendent de la perception de leur importance au regard de l’organisation du travail, la conception de leurs rôles est également sujette à changer au cours des années en raison des contextes sociaux, économiques et politiques. Par exemple, ces divers contextes engendrent des modifications quant aux ressources scolaires disponibles ayant par la suite des répercussions sur les rôles prescrits aux c.o. Cette complexité supplémentaire en milieu scolaire contribue à la fragilité de l’identité professionnelle des c.o. considérant que cette dernière est sensible aux activités réalisées en milieu de travail. En d’autres mots, l’instabilité des rôles attribués ainsi que l’absence d’uniformité entre les pratiques préconisées par la profession et celles imposées en milieu scolaire limiterait la capacité d’établir une identité professionnelle bien définie.

1.1.3.

Synthèse sur l’identité professionnelle des conseillers d’orientation

En somme, la profession des c.o. peine à établir une définition claire de son territoire professionnel, ce qui rend difficile la définition d’une identité collective dans laquelle les praticiens peuvent se reconnaitre. La sous-section 1.1.1 (Contexte d’évolution du métier au Québec : Source de difficultés identitaires) a mis en lumière les effets néfastes de l’hétérogénéité de la profession, de la diversité des secteurs de pratique, des changements de besoins, de populations, de philosophies et de modèles théoriques et pratiques. Ce contexte d’évolution a mené à des fluctuations quant aux rôles établis. Or, l’expertise associée à une profession est reconnue par les rôles et les compétences spécifiques qui la caractérisent. Cette reconnaissance semble être difficilement atteinte pour les c.o. menant ainsi à des difficultés identitaires. Les c.o. en milieu scolaire sont particulièrement exposés à cette problématique identitaire en raison des pressions externes qui leur imposent une orientation. Les rôles attribués aux c.o. par les acteurs scolaires traduisent une absence de reconnaissance de leur expertise professionnelle, car ceux-ci s’éloignent des activités professionnelles associées à leur profession. En d’autres mots, l’assignation à des rôles et à des tâches non liées à la profession a pour effet de traduire, aux yeux des c.o., un déni social de leur expertise. Les écrits scientifiques présentés à la prochaine section soulignent que cette situation, qui soutient les difficultés identitaires des c.o., serait source de souffrance. La souffrance peut en effet être générée par le sentiment d’être méprisé et déconsidéré par autrui (Pierson, 2012). Comme il sera exploré à la section suivante, ces éléments mènent à croire que les c.o. en milieu scolaire seraient particulièrement sensibles à la souffrance. Nonobstant le peu d’études qui explorent ce sujet, Viviers (2014) s’est intéressé à cette problématique de souffrance identitaire. Son modèle conceptuel de la souffrance identitaire de métier (SIM) permet de cibler la dynamique associée aux difficultés identitaires des c.o. en milieu scolaire au Québec ainsi qu’identifier les aspects qui entretiennent ce processus de souffrance dans le temps.

(23)

1.2.

Modèle conceptuel de la souffrance identitaire de métier

La section précédente a permis de mettre en contexte l’origine et les aspects globaux associés aux difficultés identitaires des c.o. Il est toutefois nécessaire d’identifier les subtilités émergeant en milieu de travail qui non seulement entretiennent cette problématique, mais qui contribuent également à générer de la souffrance. Viviers (2014) a développé un modèle qui permet de mieux comprendre la dynamique entre les difficultés identitaires des c.o. et la souffrance associée à celles-ci. Ce modèle conceptuel illustre les divers facteurs psychosociaux qui contribuent à l’émergence de la SIM des c.o. en milieu scolaire. En s’appuyant sur les théories de la psychodynamique du travail (Dejours, 2008) et de l’activité dirigée (Clot, 1999), Viviers (2014) définit la SIM comme étant :

un espace de lutte psychique entre un désir de métier ou d’accomplissement du soi professionnel, et le réel du travail qui fait obstacle. Elle est un vécu subjectif partagé traduisant un empêchement d’agir professionnel individuel et collectif, c.-à-d., un empêchement de transformer le monde en continuité avec le cœur de son métier qui fait qu’on ne reconnaît plus sa profession dans ce que l’on fait (Viviers, 2014, p.136).

En d’autres mots, les c.o. seraient enclins à vivre de la souffrance lorsque leur identité professionnelle est atteinte par l’impossibilité d’effectuer les activités professionnelles de leur métier (p. ex., l’orientation professionnelle et la relation d’aide). Dans de telles situations, les c.o. seraient confrontés à des conflits et à des tensions; leur désir professionnel est mis à l’épreuve par le contexte de travail qui le limite, ce qui mènerait à des malaises internes. Avant de présenter le modèle conceptuel, il semble pertinent d’explorer les fondements théoriques de la souffrance au travail sur lesquels la SIM s’appuie. Ces derniers soulèvent que le rapport entretenu par les individus avec leur travail serait source de mal-être.

1.2.1.

Souffrance au travail

L’exploration des sources de souffrance au travail permettra de soutenir la compréhension du modèle conceptuel de la SIM. Selon les théories sur lesquelles le modèle se fonde la clinique du travail incluant la psychodynamique du travail (PDT; Dejours, 2008) et la clinique de l’activité (Clot, 1999), il est crucial de s’attarder à l’activité de travail pour prévenir les atteintes à la santé (Molinier & Flottes, 2012). Pour ce faire, ces théories investiguent et soulèvent les sources communes de souffrance. Tout d’abord, la PDT conçoit la souffrance comme étant un vécu psychique lié à une lutte et à une confrontation au réel qui résiste (Alderson, 2004; Molinier & Flottes, 2012). Pour la clinique de l’activité, l’empêchement du pouvoir d’agir, plus particulièrement le sentiment d’impuissance à agir selon son idéal, caractérise la souffrance (Clot, 1999). La définition de la SIM intègre ces deux perspectives.

(24)

Ces deux perspectives font plus ou moins directement référence à la souffrance comme une impossibilité pour les personnes de construire leur identité à travers leur activité de travail. De fait, selon ces approches, le travail a le potentiel d’être un vecteur très important pour la construction identitaire. Face aux imprévus qui surviennent dans le travail réel, le travailleur doit combler l’écart entre les prescriptions reçues et le travail réel (Dejours, 2001). Un engagement et un investissement sont requis de sa part pour réaliser les tâches imprévues. Pour y parvenir, l’individu doit utiliser son intelligence, sa créativité et son ingéniosité. Tirer profit de ces caractéristiques dans son travail favorise un sentiment d’autonomie et d’accomplissement ainsi que la construction de son identité (Alderson, 2004). À l’inverse, ces aspects sont brimés lorsque l’organisation de travail proscrit l’usage de sa subjectivité par l’encadrement trop contrôlant des tâches à accomplir (Alderson, 2004). Dans de telles situations, les prescriptions organisationnelles rigides empêchent la contribution individuelle et donc l’autonomie professionnelle, ayant par la suite pour effet d’empêcher un travail générateur d’accomplissement de soi. Lorsque le réel fait obstacle à l’investissement personnel, l’obtention de reconnaissance à l’égard de son travail est minime. L’absence de reconnaissance peut en conséquence mener à la souffrance (Dejours, 2008). Considérant que la reconnaissance porte sur la qualité du travail, l’utilisation de son ingéniosité favorise la qualité du travail, qui, à son tour, incite à l’obtention de reconnaissance. Il semble donc que la possibilité de s’investir dans son travail est primordiale pour la construction de l’identité au travail.

La qualité du travail est établie en fonction des règles de métier qui représentent les balises émises par le collectif de travail, c’est-à-dire les membres d’un groupe partageant une histoire, des valeurs ou un vécu de travail communs. Pour cette raison, la reconnaissance, qui porte sur la qualité du travail, peut être obtenue par les membres du collectif de travail. Lorsque les prescriptions organisationnelles entrainent la réalisation de tâches s’éloignant du cadre d’action établi par le collectif de travail, la reconnaissance par ses pairs est mise à mal (Molinier & Flottes, 2012). L’absence de reconnaissance a pour effet d’induire de la souffrance (Dejours, 2008). À l’inverse, lorsque le travail réalisé permet d’obtenir la reconnaissance nécessaire, il en découle un sentiment de satisfaction et de plaisir (Alderson, 2004). En plus de ce bénéfice, la reconnaissance obtenue par le collectif de travail en ce qui a trait à l’originalité du travail réalisé permet de contribuer à l’identité de l’individu en validant son appartenance au métier tout en distinguant sa singularité (Alderson, 2004). L’identité propre à chaque personne se caractérise par ce qu’elle est apte à faire et donc par son unicité (Beckers, 2007). En outre, la reconnaissance reçue par ses supérieurs permet d’acquérir un sentiment d’utilité; l’évaluation émise soulève que le travail effectué est utile. L’absence de considération peut toutefois être nocive pour l’individu, car le sentiment d’être méprisé et déconsidéré par autrui peut générer de la souffrance (Pierson, 2012).

Ainsi, selon les théories de la clinique du travail, la reconnaissance est un élément clé dans le rapport plaisir et souffrance au travail. Comme il a été nommé ci-dessus, les prescriptions organisationnelles peuvent imposer certaines tâches qui contredisent les règles de métier. Ces dernières représentent ce qui est important,

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valide et légitime (Molinier, 2008). Elles sont donc liées au désir de métier, c’est-à-dire les pratiques désirées. Réaliser des tâches associées au désir de métier favorise la construction de l’identité et l’accomplissement du soi (Osty, 2002). Ainsi, les règles de métier contribuent à déterminer un travail qui a du sens. Pour ces raisons, les prescriptions organisationnelles qui incitent l’individu à émettre des actes réprouvés, c’est-à-dire qui compromettent une valeur ou un élément qui est important à ses yeux, occasionnent non seulement une perte de sens mais également de la souffrance (Dejours, 2000). Enfin, une perte de sens, un travail mal fait et un sentiment d’inutilité sociale sont occasionnés par les contraintes organisationnelles qui empêchent et contredisent les tâches associées au cœur de métier (Demailly & Broise, 2009). Lorsque le réel empêche le pouvoir d’agir, et donc l’investissement personnel, l’accomplissement du soi, la reconnaissance et la production d’un travail de qualité sont limités, contribuant tous au vécu de souffrance.

Plusieurs des constats présentés dans cette partie soulèvent qu’une problématique d’écart est à la source de la souffrance, c’est-à-dire les individus sont confrontés à la souffrance en raison des disparités entre leurs désirs et la possibilité de les réaliser dans leur travail. En d’autres mots, la souffrance est liée à la difficulté d’accomplir des tâches désirées en raison des attentes et des contraintes qui les empêchent (Clot, 1999). Il s’agit donc de sources multiples et divergentes qui affectent non seulement le travail réalisé, mais également le pouvoir d’agir du travailleur. Selon la psychodynamique du travail, la souffrance est générée par l’écart entre le travail prescrit et le travail réel (Alderson, 2004). À cet égard, les contraintes du réel font émerger l’écart entre les prescriptions professionnelles et le travail effectif contribuant à la souffrance. En s’appuyant sur ces théories, Viviers (2014) a élaboré un modèle conceptuel qui illustre l’émergence d’une expérience de travail pénible, la SIM, en réaction aux écarts entre les tâches à accomplir selon les prescriptions venant de l’organisation et de la profession (p. ex., l’ordre professionnel), les tâches réalisées ainsi que les tâches liées au désir de métier (Osty, 2002). À la lumière de la théorie présentée sur la souffrance au travail et de la section 1, qui démontre les difficultés de reconnaissance, de rôles et d’identité professionnelle que les c.o. en milieu scolaire affrontent, Viviers (2014) souligne que la dynamique de tensions vécues par les c.o. contribue spécifiquement à une souffrance axée sur l’identité de métier. Ce type de souffrance concorde avec les constats de Osty et Dahan-Seltzer (2006), pour qui la renonciation à l’idéal de métier occasionne de la souffrance identitaire. Ainsi, la SIM résulte de la dynamique entre l’identité professionnelle et les pratiques professionnelles. Quelle est la nature de cette SIM décrite par Viviers (2014)? Comment se développe-t-elle en milieu de travail? Quels écarts présents en milieu scolaire contribuent à la SIM?

1.2.2.

Pratiques professionnelles

Les fondements théoriques sur la souffrance au travail sont des balises pour cibler les aspects communs qui sont pénibles dans l’expérience de travail des personnes. L’absence et l’impossibilité de s’investir

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dans son travail, de recevoir de la reconnaissance, de générer un travail de qualité et de respecter les règles de métier occasionnent de la souffrance. De manière plus spécifique, les théories de la clinique du travail mettent en évidence que la souffrance émerge des écarts entre le travail prescrit et le travail réel. Le modèle conceptuel de la SIM (Figure 1) souligne l’importance de ces écarts dans l’expérience de souffrance. La SIM est également vécue lorsque le cœur de métier est empêché, raison pour laquelle le modèle incorpore, en plus des pratiques prescrites et réelles, les pratiques désirées. Ainsi, le modèle illustre que la dynamique entre les pratiques prescrites, les pratiques désirées et les pratiques réelles influence la présence de SIM. Afin de mieux comprendre comment les écarts entre ces trois types de pratique alimentent la SIM, une exploration des pratiques professionnelles sera d’abord réalisée.

Figure 1. Modèle conceptuel de Viviers (2014): La dynamique de souffrance identitaire de métier des c.o. en

milieu scolaire.

Profession de c.o.

PRATIQUES

PRESCRITES

Contexte social, politique,

économique et culturel

Lois professionnelles

Ordre professionnel

Universités

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1.2.2.1. Pratiques prescrites

Les pratiques des c.o. en milieu scolaire sont encadrées par des prescriptions venant de deux sphères, celles de la profession et celles de l’organisation. D’une part, les prescriptions professionnelles sont composées de régulations provenant du projet de loi n 21, de l’Ordre professionnel des c.o. et de la formation universitaire (Viviers, 2016). Ces trois aspects sont intrinsèquement liés. Une certaine uniformité doit être maintenue afin de respecter les régulations. Dans la première section du mémoire, le champ d’exercice des c.o. a été présenté. Celui-ci décrit l’apport explicite des c.o., en complémentarité avec d’autres catégories professionnelles du champ socioéducatif, en santé mentale et en relations humaines. La description fournie permet d’identifier les activités principales associées à la profession et à la finalité de la pratique (Office des Professions du Québec, 2013). Par exemple, les c.o. doivent évaluer le client et son environnement ainsi qu’établir un plan d’intervention axé sur l’identité, le développement de soi ou les stratégies actives d’adaptation qui servira au client tout au long de son parcours personnel et professionnel. L’accompagnement des clients est l’élément central qui émerge et qui constitue le cœur du métier. Dans le but de protéger le public, l’Ordre professionnel contrôle les activités et la qualité de celles-ci ainsi que les compétences minimales requises pour exercer la profession (Office des Professions du Québec, 2013). La scolarité universitaire doit donc s’inscrire dans ce cadre et fournir une formation qui conduit les étudiants à atteindre ces exigences et ces attentes liées au métier. À travers le parcours universitaire, les aspirants c.o. découvrent les pratiques qui sont préconisées par la profession. De plus, ils obtiennent les balises nécessaires pour analyser et intervenir sur les problématiques des clients de manière concordante avec le champ d’exercice du c.o. Tout au long de leur formation, les c.o. apprennent le métier et, plus spécifiquement, les tâches à privilégier. Par ailleurs, la formation continue, étant une obligation émise par l’Ordre professionnel, influence les tendances et les orientations à explorer et à prendre au cours de sa carrière. Celle-ci vise le maintien d’une pratique conforme ainsi que le développement professionnel. En somme, les prescriptions professionnelles structurent et régulent la profession (Viviers, 2014). Le collectif de travail (Cru, 1988), c’est-à-dire les membres d’un même groupe confronté à une même organisation du travail, contribue à régler la manière dont les c.o. composent avec ces prescriptions dans l’activité quotidienne de travail. Les règles de métier se façonnent à travers le collectif de travail et le genre professionnel (Clot & Faïta, 2000). Ce dernier constitue un patrimoine d’actes appartenant à une collectivité de métier définissant ainsi les gestes (c.-à-d., les règles de métier) acceptables. Les règles de métier sont des balises à respecter afin que l’individu soit reconnu par ses collègues. C’est ainsi que les mécanismes résultant du collectif de travail et du genre professionnel contribuent au développement de l’identité de métier (Viviers, 2016).

D’autre part, les prescriptions organisationnelles en milieu scolaire proviennent du ministère de l’Éducation, des commissions scolaires et de l’établissement scolaire dans lequel œuvre le c.o. À cet égard, les c.o. ont vécu des changements majeurs à l’égard de leurs tâches et de leurs rôles en raison de la réforme

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scolaire de l’an 2000, soit le Renouveau pédagogique (Viviers, 2016). Depuis ce temps, tous les intervenants de l’école (p. ex., les enseignants et autres professionnels) sont responsables de soutenir l’orientation des élèves (Ministère de l’Éducation du Québec, 2002). Les c.o. doivent donc intégrer un rôle-conseil et offrir un soutien à divers acteurs, dont les enseignants, les autres professionnels, les directions d’écoles et les parents, afin qu’ils puissent accompagner adéquatement les élèves dans le développement de leur identité et leur cheminement vocationnel (Ministère de l’Éducation du Québec, 2002). L’orientation des élèves est maintenant soutenue par la collaboration et la polyvalence des acteurs scolaires. Cette nouvelle approche limiterait les interventions directes auprès des élèves considérant que les enseignants sont au premier plan pour soutenir les jeunes dans leurs apprentissages sur le monde du travail et pour fournir des informations liées à l’orientation scolaire et professionnelle. Par ailleurs, les commissions scolaires dirigent les ressources et les services offerts dans leurs écoles. Par exemple, les restrictions budgétaires ont un impact néfaste sur les services d’orientation, principalement en ce qui a trait au faible nombre de c.o. par établissement (Viviers, 2016). Le manque de ressources dans les écoles engendre également une distribution de tâches supplémentaires aux c.o. Celles-ci proviennent, entre autres, des directions d’école qui éprouvent une surcharge de travail et qui délègueraient ainsi certaines tâches administratives à ces professionnels (Viviers, 2014).

1.2.2.2. Pratiques désirées

Comme mentionné auparavant, le modèle conceptuel de la souffrance identitaire de métier défini par Viviers (2014) s’appuie sur les théories de la psychodynamique du travail et de la clinique de l’activité, qui décrivent l’expérience de travail comme étant le résultat de l’écart entre le travail prescrit et réel. Toutefois, elles ne théorisent pas l’influence d’un élément central, celui du désir de métier (c.-à-d., culture de pratique et de savoirs communes qui constitue une voie d’accomplissement de soi) comme étant décrit par Osty (2002). Cet auteur souligne l’importance et la contribution du désir de métier quant à l’activité de travail et au développement de l’identité. L’engagement dans une dynamique de métier, désignant une appropriation de l’idéal de métier, est propice à la construction identitaire (Osty & Bahan-Seltzer, 2006). À cet égard, le désir de métier, qui favorise la réalisation de soi, est intrinsèquement lié à l’identité professionnelle. Pour cette raison, il semble indispensable d’explorer les pratiques qui désignent le désir de métier.

Dans le modèle conceptuel proposé par Viviers (2014), le désir de métier est représenté par les pratiques désirées. Considérant l’importance de ces dernières, les pratiques désirées sont celles que les membres d’une profession veulent privilégier dans le cadre de leur travail. Les pratiques professionnelles des c.o. sont à la fois orientées par les prescriptions de la profession et de l’organisation ainsi que par leur propre conception de ce qu’est un bon et beau travail de c.o. Cette conception se construit à travers un champ de savoirs, de pratiques, de valeurs, de modèles d’intervention, etc. La formation universitaire est une source

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primordiale dans le développement des pratiques désirées. Durant ce stade, les étudiants s’approprient les éléments qui constituent la base des pratiques désirées, notamment les modèles d’intervention et les valeurs intégrées par la profession. Il est sans doute possible de noter un ensemble de pratiques désirées parmi les c.o. considérant l’influence commune qui les façonne. Nonobstant l’aspect collectif, l’aspirant c.o. développe quant à lui son propre idéal de la profession à partir des apprentissages théoriques et pratiques. La singularité des pratiques désirées se forme également à travers l’expérience de travail et en réaction au sentiment d’accomplissement personnel procuré. C’est ainsi que les pratiques désirées peuvent être communes et personnelles. Comme il a été évoqué ci-avant, le désir est lié à l’accomplissement de soi. L’humain s’accomplit par la réalisation de tâches importantes et désirées à ses yeux. Ces tâches doivent donc correspondre au niveau d’expertise de l’individu soulignant l’importance de la complexité des tâches accomplies. Le soi s’accomplit à travers une activité de travail pour laquelle l’individu détient les compétences appropriées. En d’autres mots, les c.o. s’accomplissent à travers la réalisation de tâches pour lesquelles ils sont qualifiés, c’est-à-dire celles qui relèvent de leur profession et de leur spécialité. Dans le but de pratiquer selon leur qualification, une autonomie professionnelle est requise. Elle permet à l’individu de réaliser les activités selon ses préférences. L’autonomie est donc indispensable aux pratiques désirées. Il semble donc que les aspirations professionnelles caractérisées par les pratiques désirées sont atteignables seulement si les tâches sont qualifiées et si les c.o. bénéficient d’une autonomie professionnelle dans leur milieu de travail.

1.2.2.3. Pratiques réelles

C’est dans le travail réel que nous pouvons identifier les gestes professionnels posés en lien avec les activités prescrites ou les situations imprévues (Rhéaume, 2008). Les c.o. doivent combler l’écart entre le travail réel et les tâches prescrites. La construction du collectif de travail facilite ce processus par le fait que les règles de métier servent de références pour réaliser le travail (Cru, 1988). Bien que chaque individu souhaite réaliser les pratiques qu’il désire, les prescriptions professionnelles et organisationnelles ainsi que les contraintes du milieu de travail déterminent également les pratiques réalisées en milieu de travail (c.-à-d., les pratiques réelles). Parmi ces diverses sources d’influence, les pratiques réelles sont principalement affectées par les prescriptions et les contraintes organisationnelles. Les directions d’école, étant les supérieures immédiates, jouent un rôle primordial dans le travail réel des c.o. en milieu scolaire (Viviers, 2014). Explorer le travail réel est sans doute important pour obtenir un portrait de la situation présente des c.o. en milieu scolaire. De plus, l’investigation de ces activités réelles est nécessaire afin de mieux saisir le processus sous-jacent au développement de leur identité professionnelle. Pour appuyer ce point de vue, Osty (2002) rapporte que la définition de soi se forge à travers l’activité de travail. Le soi s’investit et se dévoile dans le travail réel. En ce sens, les tâches réalisées au quotidien influencent la construction de l’identité. De plus, celle-ci se développe selon la reconnaissance obtenue. La reconnaissance à l’égard de son travail ne peut qu’avoir lieu dans le travail réel. Par ailleurs,

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l’expérience de travail des c.o. et les tâches accomplies dépendent de plusieurs facteurs (p. ex., les pratiques prescrites et désirées), qui engendrent à leur tour diverses conséquences comme la SIM. Un aperçu des répercussions subies par les c.o. en milieu scolaire est présenté ci-dessous.

1.2.3.

Souffrance identitaire de métier en milieu scolaire

La recherche qualitative de Viviers (2014) permet de noter la dynamique en milieu de travail qui semble être à la source de la souffrance chez les c.o. Les tensions entre les différents types de pratiques, illustrées dans le modèle conceptuel, provoquent la SIM. Ce chercheur propose que les sources de souffrance, connexes à celles présentées ci-avant, ont un impact sur l’identité professionnelle des c.o. S’appuyant sur des entrevues réalisées auprès de deux groupes de c.o., l’un de 10 c.o. provenant d’une même commission scolaire et l’autre de 11 c.o. provenant de la même région, Viviers (2016) démontre la présence de quatre grandes dimensions, issues des tensions, qui englobent les sources de SIM. Ces dimensions sont la désincarnation du cœur de

métier (les contraintes organisationnelles empêchent l’incarnation et la réalisation des activités professionnelles

liées au cœur de métier), la déprofessionnalisation du travail (déni de reconnaissance quant à la spécificité et l’expertise associée à la profession), la déconsidération professionnelle (l’estime accordée envers une personne est rabaissée ou ruinée), et le déficit de collégialité (absence de collectif marqué par l’isolement et la quête de convivialité). Chaque composante caractérise l’apport unique d’une situation problématique que les c.o. affrontent en milieu scolaire. Ainsi, les données provenant des entretiens ont permis de décrire ces situations et de les décliner en quatre dimensions. Ces dernières sont présentées ci-dessous.

La recherche qualitative de Viviers (2014) auprès des c.o. en milieu scolaire a permis de documenter trois axes de pratiques désirées communes qui caractérisent le cœur du métier: « 1) la relation d’aide et l’accompagnement personnalisé; 2) le travail direct auprès des élèves; et 3) le développement vocationnel des jeunes » (p. 316). La désincarnation réfère aux contraintes organisationnelles qui limitent la possibilité d’effectuer ces pratiques désirées dans son travail quotidien. Par exemple, les services auprès des jeunes, notamment la relation d’aide, sont délaissés en raison du manque de ressources en milieu scolaire. Confrontés à des pressions de temps et de rentabilité, les c.o. sont obligés d’adopter des pratiques qui entrent en contradiction avec les valeurs de la profession. La durée des rencontres individuelles est menacée par les contraintes organisationnelles. Par ailleurs, il est fréquent que le manque de ressources incite les directions d’école à faire recours aux c.o. pour alléger les tâches administratives, ce qui a pour conséquence de limiter l’exercice de pratiques désirées par ces professionnels. Les analyses qualitatives de Viviers (2014) appuient les propos du président de l’Ordre professionnel des c.o., déclarant que le temps alloué à ce type de tâches était inquiétant et que le counseling semblait difficile à intégrer dans la pratique (OCCOQ, 2012). De plus, il a été soulevé qu’un pourcentage important d’élèves n’obtenait pas de services en orientation, et ce, dans 62% des

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commissions scolaires (OCCOQ, 2012). Les ressources limitées entrainent l’assignation de tâches inappropriées par les directions et des ratios du nombre d’élèves par c.o. élevées, diminuant par la suite la durée et la fréquence des services auprès des élèves. Les c.o. rapportent éprouver de la souffrance, entre autres, par le fait qu’ils ne réussissent pas à répondre aux besoins des élèves (Viviers, 2014). En plus des tâches qui menacent les services auprès des jeunes (p. ex., tâches administratives), les résultats de la recherche démontrent que l’accès à la clientèle est réduit en raison de la compétition entre les divers corps de métier à l’intérieur d’une même école. En effet, les autres intervenants (p. ex., psychologues et psychoéducateurs) obtiennent plus fréquemment les mandats stimulants auprès des jeunes (p. ex., projets visant le développement, la motivation et la persévérance scolaire) et les c.o. sont peu sollicités pour leur rôle d’expert-conseil. À la lumière de ces résultats, il est possible de croire que les pratiques réelles sont faiblement caractérisées par le cœur de métier. L’impossibilité de mettre en place des pratiques liées à celui-ci aurait pour conséquence d’engendrer de la SIM, spécifiquement de la désincarnation du cœur de métier.

La déprofessionnalisation, caractérisée par un déni de reconnaissance quant à l’expertise professionnelle des c.o., est perçue par la déqualification du travail et l’absence d’autonomie professionnelle. L’attribution de tâches non liées à la profession (p. ex., les tâches administratives) par les directions d’école abaisse le niveau d’expertise des c.o. Les participants de l’étude de Viviers (2014) notent que les tâches dévalorisantes occupent trop de place dans leur travail quotidien. La déqualification du travail occasionne la souffrance considérant que les pratiques réelles divergent des pratiques désirées et des prescriptions professionnelles en ce qui a trait à un travail spécialisé. L’organisation de travail est donc source de SIM. Par ailleurs, le niveau d’autonomie accordé aux c.o. par la direction influence les pratiques réelles. Viviers (2014) a soulevé que les directions d’école détiennent un niveau de contrôle sur les conditions de pratique des c.o. en leur imposant des contraintes, dont le temps alloué pour les entrevues individuelles avec les élèves. Cette situation laisse croire que l’autonomie professionnelle est importunée. D’autres études appuient le constat que l’absence d’autonomie (Hearne, 2012; Lamontagne, 2006), l’absence de reconnaissances et des prescriptions trop rigides (Dejours, 2008) prédisent la souffrance chez les travailleurs. Les données qualitatives de Viviers (2014) ont permis d’examiner que certaines directions d’école démontreraient également de l’indifférence face au travail des c.o. Dans de telles situations, les c.o. auraient l’impression que leur utilité sociale est déniée, ce qui engendrerait de la souffrance. Les deux types de gestion caractérisés par le contrôle et l’indifférence peuvent entraver la possibilité d’exercer pleinement son expertise et sa créativité professionnelle. Enfin, la déprofessionnalisation illustre que les pratiques réelles en milieu scolaire s’écartent des pratiques désirées des c.o. Ces dernières leur permettraient toutefois d’exercer une autonomie professionnelle et des tâches correspondant à leur qualification.

Figure

Figure 1. Modèle conceptuel de Viviers (2014): La dynamique de souffrance identitaire de métier des c.o
Figure 2. Modèle théorique de la santé mentale des conseillers d’orientation en milieu scolaire
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